M. Patrick Kanner. Cet amendement tend à s’inscrire dans le même esprit, avec quelques légères différences toutefois.

Nous proposons que les déclarations de candidatures soient déposées le second vendredi qui suit la promulgation de la présente loi, soit le 3 avril à dix-huit heures.

L’objectif n’est pas de reporter, y compris jusqu’au mois de mai, le dépôt des listes. Cette élection municipale est un tout, en un tour ou en deux tours. Il faut donc savoir figer les résultats du premier tour par un dépôt de listes s’inscrivant dans un temps raisonnable.

Je rappelle que nous devions déposer ces listes mardi dernier, notamment en raison des contraintes des imprimeurs pour les professions de foi. Ce n’est plus le cas depuis ce soir.

Gardons un délai pour permettre à chacun de pouvoir négocier dans de bonnes conditions, mais ne l’allongeons pas de manière inutile et artificielle.

M. le président. L’amendement n° 39 n’est pas soutenu.

Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Bas, rapporteur. L’amendement de M. Ravier ne me semble pas réaliste. Le mois de mai, cela me paraît trop tôt, et la commission a par conséquent émis un avis défavorable. (M. Stéphane Ravier manifeste son mécontentement.)

Se pose maintenant la question de la date limite pour le dépôt des candidatures au second tour des élections municipales.

C’est un sujet simple, finalement. Ne nous écartons pas plus qu’il n’est nécessaire du droit commun, qui veut que les listes soient déposées au plus tard le mardi soir suivant le dimanche où a eu lieu le premier tour de scrutin.

Cette disposition était applicable cette semaine, mais, compte tenu des circonstances dans lesquelles nous vivons, monsieur le ministre, vous avez jugé nécessaire d’annoncer aux candidats, avant même que nous ne nous soyons prononcés, qu’il n’était pas nécessaire de respecter le délai légal, puisque vous espériez que le Parlement le repousserait.

En conséquence, une situation assez singulière est née. Certains candidats ont déposé leurs listes en respectant la loi, tandis que d’autres, jugeant que la parole ministérielle primait sur la loi, ont différé leur dépôt. Je dois dire que cette situation ne facilite pas notre travail.

Nous devons chercher ensemble une solution. Il n’est plus possible de s’en tenir à la date de mardi dernier, qui est dépassée, et il faut donc en trouver une autre.

La commission des lois a pensé que le mieux était finalement de respecter le plus possible la règle de droit commun, considérant que rien ne justifiait de différer une démarche qui n’est pas plus difficile, du point de vue de la sécurité sanitaire de celui qui l’effectue, qu’un déplacement à la boulangerie ou au supermarché. En l’occurrence, il s’agit simplement d’aller à la préfecture. Par conséquent, nous avons adopté la date du 24 mars dans le texte de la commission.

Toutefois, le 24 mars, c’est mardi prochain, et, compte tenu de la confusion qui règne, je m’interroge très sincèrement, en mon âme et conscience, sur le point de savoir si cette date est vraiment réaliste. Nous ne sommes pas encore à la veille de cette échéance, mais presque…

Ne faudrait-il pas, ce soir, nous écarter de la position de la commission, que j’ai moi-même défendue ? Nous devrions peut-être nous laisser une petite marge, pour que le droit applicable soit bien connu de tous les candidats, ce qui risque de ne pas être le cas si le dépôt devait avoir lieu avant dix-huit heures mardi soir prochain…

S’agissant des amendements qui viennent d’être proposés, j’en resterai au principe selon lequel il ne faut pas s’écarter de la règle de droit commun si la crise sanitaire ne l’impose pas, ou qu’il faut s’en écarter dans une limite tout à fait raisonnable. Et je proposerai finalement de retenir la date du mardi 31 mars.

Je propose d’inscrire cette date dans notre texte au travers d’un sous-amendement à l’amendement n° 5, présenté par le président Patrick Kanner.

C’est en effet l’amendement qui a retenu la date la plus proche de celle que je propose, et c’est donc pour moi le vecteur le plus favorable… Ce faisant, j’espère pouvoir élargir considérablement le champ de la majorité sénatoriale, en rassemblant également votre groupe, monsieur Kanner. (Sourires.) J’espère sincèrement que tout le monde pourra rejoindre cette position.

Je suis donc défavorable à l’amendement n° 87 du Gouvernement, de même qu’à l’amendement n° 25 rectifié bis de Mme Delattre.

L’adoption de l’amendement n° 83 de Mme Assassi conduirait à un résultat proche de celui que je propose, mais il est rédigé différemment. Je pense qu’il faut indiquer clairement la date, pour ne pas introduire de confusion dans l’esprit de nos concitoyens.

Monsieur le président, je dépose donc un sous-amendement à l’amendement n° 5, afin de mentionner précisément la date du mardi 31 mars 2020.

M. le président. Je suis donc saisi, à l’amendement n° 5, d’un sous-amendement n° 111, présenté par M. Bas, au nom de la commission des lois, et ainsi libellé :

Alinéa 5

Rédiger ainsi cet alinéa :

le mardi 31 mars 2020

Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christophe Castaner, ministre. J’aimerais tenter de vous convaincre, monsieur le président Bas, non seulement que ce délai nous semble trop court, mais aussi que nous voulons, comme vous, respecter le droit.

Deux lectures de la règle coexistent. La première considère en effet qu’il faut déposer les déclarations de candidatures deux jours après le vote du premier tour, soit le mardi suivant le scrutin, qui a lieu le dimanche.

La seconde considère que le dépôt des listes doit intervenir cinq jours avant le second tour. L’article 267 du code électoral, que plusieurs d’entre vous ont évoqué, précise d’ailleurs bien que les déclarations de candidatures pour le second tour doivent être déposées au plus tard à dix-huit heures, douze jours avant le jour du scrutin. La loi en vigueur fait donc clairement référence au second tour comme point de départ du décompte.

Nous appliquerions donc correctement l’esprit du texte en retenant une date de dépôt cinq jours avant le second tour.

Néanmoins, tel n’est pas l’état esprit du Gouvernement. Nos réflexions de cette après-midi l’ont confirmé, il existe une incertitude sur notre capacité à choisir aujourd’hui la date des élections, en raison de la situation sanitaire actuelle.

C’est pourquoi le Gouvernement a proposé que la décision de maintenir ou non le second tour soit éclairée par un rapport du Conseil scientifique, avec une échéance fixée à la fin du mois de juin prochain.

Le Premier ministre a évoqué la date du 21 juin quand il a rencontré les responsables des partis politiques, des groupes politiques et les présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat.

Sur le fondement de ce rapport, nous pensions pouvoir déterminer la date des élections, conformément à l’article 2, qui nous en donne les moyens par ordonnance, et fixer ensuite la date de dépôt des candidatures, qui n’interviendrait pas nécessairement cinq jours avant la date du second tour.

Dans le même esprit, au regard des conclusions du rapport des scientifiques, nous avons choisi tout à l’heure une solution pour l’installation des conseils municipaux.

Le Gouvernement propose de conserver cette analogie pour la tenue du second tour et l’installation des exécutifs : nous déciderons ensemble, sur la base du rapport du Conseil scientifique, si le second tour peut se tenir et si nous pouvons laisser s’installer dans de bonnes conditions sanitaires les exécutifs des conseils municipaux élus la semaine dernière.

Le Gouvernement suggère donc de ne pas se précipiter et de prendre le temps d’analyser la situation sanitaire pour décider de la date de dépôt des candidatures.

J’ajoute un autre élément. Certains parmi vous ont vécu ces moments de négociation. D’aucuns, dont je suis, se souviennent sans doute avec un peu de nostalgie de ces nuits entières de discussions.

Dans une salle, on négociait le projet d’accord politique sur lequel serait élaboré le programme ; dans l’autre, on discutait, généralement plus âprement, des places sur les listes et des capacités des uns et des autres à exercer des responsabilités de vice-président ou d’adjoint.

Mme Sophie Primas. Voilà qui est un peu « ancien monde », monsieur le ministre…

M. Christophe Castaner, ministre. Ce sont des moments certes chaleureux, mais qui nécessitent un contact physique. Une liste ne peut pas se négocier dans de mauvaises conditions.

M. Antoine Lefèvre. Et la visioconférence ?

M. Christophe Castaner, ministre. Or les conditions sanitaires de notre pays ne se prêtent pas, me semble-t-il, à une réunion précipitée des candidats pour mener de telles négociations. De même, il ne nous semblait pas que les élus pouvaient se réunir en conseil municipal ce week-end.

Éclairés par le rapport que le Conseil scientifique rendra le 10 mai, nous déciderons ensemble de la date de dépôt des candidatures.

Telle est la position du Gouvernement, et la raison pour laquelle nous ne sommes pas favorables, monsieur le président Bas, au sous-amendement que vous proposez, même si j’ai bien noté votre volonté d’aller au bout de ce qui semble raisonnable, c’est-à-dire jusqu’à la fin du mois de mars.

Ce délai nous semble toutefois trop court et ne nous paraît conforme ni à l’esprit du texte, qui calcule la date du dépôt en fonction de la date du vote, ni à l’esprit de la décision que nous avons prise pour la convocation des conseils municipaux, la désignation des exécutifs et le choix de la date du second tour.

Enfin, je précise que le Gouvernement est défavorable à l’amendement de M. Ravier, en ajoutant que cet avis ne porte que sur l’amendement, et non sur les commentaires de son auteur, qui n’avaient strictement rien à voir avec le sujet.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Philippe Bas, rapporteur. Monsieur le ministre, je ne voudrais pas vous faire l’affront de vous rappeler les termes de l’article L. 267 du code électoral, mais celui-ci dispose très clairement que, pour le second tour, les candidatures doivent être déposées le mardi qui suit le premier tour. (M. le ministre le conteste.)

Le sens de cette règle, posée il y a bien longtemps par le législateur et jamais remise en cause, est d’éviter que l’on ne reste trop longtemps dans un état de confusion, la clarté devant s’opérer ensuite devant les électeurs.

Nous sommes vraiment animés par le souci de ne pas déroger à une règle fondamentale de notre code électoral.

À ceux qui craindraient des difficultés de sécurité sanitaire, j’ai omis de dire tout à l’heure que le texte de la commission prévoit, bien entendu, des déclarations dématérialisées de candidatures, pour éviter de déroger trop fortement au confinement.

Je réponds aussi à la présentation de votre propre texte, que je ne partage pas, monsieur le ministre. Le texte que nous sommes en train de discuter prévoit que le second tour des élections municipales aura bien lieu avant le 30 juin.

Il n’aurait pas lieu seulement si nous considérions, vous et nous, que sa tenue est impossible, mais il faudrait alors revenir nous voir. La tenue des élections avant le 30 juin est non pas une hypothèse, mais une décision du législateur, que vous nous avez d’ailleurs demandé de prendre, puisque nous ne nous écartons pas de votre texte sur ce point. Tant que cette loi n’aura pas été modifiée, il y aura donc une obligation légale d’organiser le second tour des élections municipales avant le 30 juin prochain.

Vous ne pouvez donc pas nous dire que vous voulez différer le dépôt des candidatures parce que vous n’êtes pas certain que les élections auront lieu avant le 30 juin, alors que vous nous demandez dans ce texte de voter l’obligation qu’elles se tiennent avant cette date !

Nous devons nous en tenir au dispositif prévu, me semble-t-il : élections municipales avant le 30 juin et, par conséquent, dépôt des candidatures le plus tôt possible après le premier tour.

J’ai proposé la date du 31 mars. En fixant une règle claire et en s’inspirant de principes permanents du code électoral, on n’encourt aucun reproche. La règle étant la même pour tous, chacun pourra s’y référer.

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Delattre, pour explication de vote.

Mme Nathalie Delattre. Le RDSE maintiendra son amendement, qui vise à un dépôt douze jours avant la date des élections, dès lors que nous connaîtrons celle-ci.

Monsieur le président, la possibilité de candidatures dématérialisées est une subtilité qui m’avait échappé. Vous avez évoqué un simple enregistrement en préfecture. Je prends l’exemple de Bordeaux, où quatre listes se maintiennent. Ce sont quatre fois soixante-cinq candidats qui devront apporter leurs originaux à la préfecture !

Dès lors, la dématérialisation ne concerne-t-elle que la transmission à la préfecture ou bien aussi l’envoi des documents originaux ? Il serait tout de même peu raisonnable d’envoyer sur les routes, le 31 mars prochain, pour apporter une déclaration de candidature, les candidats de quelque 5 000 communes…

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Gabouty, pour explication de vote.

M. Jean-Marc Gabouty. Il me semble que deux logiques s’affrontent, parce que l’on peut interpréter les choses de manière différente.

Le dépôt des listes le mardi suivant le premier tour ne vaut que si l’élection a lieu le dimanche suivant !

J’espère que personne n’a d’arrière-pensées politiques sur cette question de la date du dépôt des candidatures. Je le dis sans aucun soupçon… (Aucun ! sur plusieurs travées.)

Dans un processus électoral, le dépôt des candidatures doit-il être connecté au premier tour, comme l’estime la commission des lois, ou à l’élection elle-même ?

Le premier tour est marqué par un enchaînement logique : date limite de dépôt des candidatures – en l’occurrence, le 27 février –, date de début de la campagne électorale – 2 mars –, puis date limite de dépôt des documents officiels. Cela forme un tout.

Si nous retenons aujourd’hui une date à la fin du mois de mars ou au début du mois d’avril, nous savons que la campagne électorale interviendra plus tard, mais nous ignorons quand.

Il y a, selon moi, un lien entre le dépôt des listes, la campagne électorale et l’élection.

J’ajoute que, sur un plan purement matériel, il peut y avoir, de temps en temps, quelques petits errements de notre administration et de l’État. Je vous signale, au passage, monsieur le ministre, que, lors des dernières élections, la date limite de dépôt des candidatures était le 27 février et la date limite de dépôt des documents officiels le 28 à midi. Pour une profession que je connais bien, il est quelque peu compliqué d’assumer la propagande officielle en douze heures…

Dans le même temps, on multiplie les particularités. Il est nécessaire de gérer les événements périphériques. Par exemple, comment tenir compte d’un éventuel décès si l’on ne peut plus modifier la liste pendant trois mois ?

Nous avons tout intérêt à ce que le dépôt des listes intervienne dans des délais normaux, soit de douze à quinze jours avant le second tour, afin que dépôt de liste, campagne électorale et élection soient liés.

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Tissot, pour explication de vote.

M. Jean-Claude Tissot. Que deviennent les listes qui ont été déposées conformément à la loi mardi dernier ?

Devront-elles de nouveau être déposées ou sont-elles considérées comme ayant été déposées correctement ?

M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote.

M. Bruno Retailleau. Monsieur le ministre, nous avons tous apprécié vos efforts nocturnes pour justifier votre position.

M. Christophe Castaner, ministre. Merci !

M. Bruno Retailleau. Il me semble tout de même qu’ils trahissent une certaine arrière-pensée.

D’abord, je confirme que, dans le code électoral, l’opération administrative de dépôt de liste en vue du second tour est rattachée au premier tour, qui forme un bloc. Cette interprétation est la seule possible. C’est celle de M. le rapporteur. Elle est juridiquement exacte.

Vous avez établi une analogie avec le fameux rapport du 10 mai, sorte d’amulette censée tout régler, qui devrait permettre de déterminer la date du second tour, mais aussi celle du dépôt des listes. Cela n’a absolument rien à voir ! Comme vous le savez parfaitement, ce rapport a été institué pour disposer d’un éclairage scientifique sur notre capacité à mener les opérations de second tour.

Nous avons fait le choix du 24 mars – non par attachement aux ides de mars, jour de fête traditionnel chez les Romains, ou pour célébrer l’anniversaire de l’assassinat de Jules César… Nous pouvons, sans problème, accepter la date du 31 mars.

En matière électorale, quand il y va de la démocratie, il faut toujours essayer de créer un consensus. Or j’observe que, centristes, communistes, socialistes ou membres du groupe Les Républicains, nous convergeons tous, à quelques jours près, vers le 31 mars. Il n’y a que La République En Marche, comme par hasard, qui essaie de pousser l’avantage et de rapprocher l’opération de dépôt des listes du second tour, lequel est, pour l’instant, aléatoire, puisqu’il va dépendre du fameux rapport, qui dépendra lui-même de l’état de la crise sanitaire.

Mes chers collègues, si l’on s’en tient à la nécessité d’un consensus, force est de constater que, aujourd’hui, le barycentre de ce consensus, c’est le 31 mars. Chacun fait un pas vers l’autre en ce sens.

Suivre la proposition de M. le rapporteur me paraît sage. (M. Philippe Mouiller applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Alain Richard, pour explication de vote.

M. Alain Richard. Le dispositif est bien entendu inspiré par une profonde sincérité, mais entraîne tout de même quelques retombées politiques.

M. le rapporteur affirme que le vote de la loi emportera l’obligation d’organiser les élections avant la fin du mois de juin. M. Retailleau, lui, évoque un dispositif doté d’un butoir au 30 juin, par simple application du principe, rappelé par le Conseil d’État, de l’existence d’un lien entre le premier et le second tours. C’est aussi mon interprétation. Après juin, on ne pourrait plus parler de second tour.

De fait, il me semble que nous restons dans une situation d’incertitude. D’après les conversations informelles que nous pouvons avoir, tout le monde se demande si le second tour aura lieu sur la base du premier. Il convient, à cet égard, de réfléchir à l’opportunité de figer le dépôt des listes. On sait ce qu’il en est pour les listes qui ont le droit de se maintenir. Restent les sujets des fusions de listes et de l’incorporation de membres d’autres listes.

Je veux ajouter un autre élément d’incertitude : je ne crois pas, contrairement à M. le rapporteur, que l’on puisse mener cette opération entièrement par voie numérique.

Si une liste est redéposée telle quelle, il n’y a rien à changer à des documents qui peuvent être dupliqués et télétransmis. En revanche, si les listes changent, et nous avons modifié la loi en ce sens pour assurer une meilleure sincérité des opérations, chaque candidat de la nouvelle liste doit attester par écrit qu’il consent à être candidat dans la liste nouvellement constituée. Il me semble que cette démarche ne peut pas se faire par télétransmission.

M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa, pour explication de vote.

Mme Esther Benbassa. Je m’exprime en tant que membre rattaché au groupe CRCE.

Nous, les écologistes, estimons que la proposition du Gouvernement de renvoyer la fixation de cette date à une ordonnance qui sera prise un mois après l’entrée en vigueur de la loi est adéquate, d’autant que les réunions des conseils municipaux pour élire les maires, qui devaient se tenir de vendredi à dimanche, sont reportées. Le mandat des équipes sortantes sera prolongé jusqu’à la mi-mai.

Je ne vois pas pourquoi certaines choses vaudraient pour les uns et pas pour les autres, alors que les raisons sont les mêmes, et je ne comprends pas pourquoi l’on insiste pour que soit retenue la date du 31 mars, qui est très proche dans le temps, surtout compte tenu de la situation actuelle.

Nos efforts doivent, pour l’heure, se concentrer sur les moyens d’endiguer la propagation du coronavirus. Les discussions sur les alliances politiques auront lieu, mais pas maintenant, pas dans la précipitation. Le second tour des élections se tiendra en juin. D’ici là, une fois la crise passée, des circonstances plus propices se présenteront à nous, afin d’étudier les listes qui doivent être déposées avant le scrutin.

M. le président. La parole est à Mme Françoise Gatel, pour explication de vote.

Mme Françoise Gatel. Le groupe centriste était tout à fait favorable à la proposition de M. le rapporteur et de la commission des lois. Nous considérons que, dans une situation difficile à gérer, moins on ajoute de confusion, plus on privilégie la clarté et les points de repère fixes, plus il sera facile de faire comprendre les choses et de les faire accepter par les élus locaux, qui ne savent pas s’il y aura des élections.

On leur a dit jusqu’à hier, voire tout à l’heure, que certains conseils se réuniraient demain. Ce soir, on va leur dire le contraire… Aujourd’hui, on va adapter les règles concernant les dates de dépôt des candidatures de second tour, faute de pouvoir prendre des dispositions pour gérer, notamment, les contraintes de signature, alors même que, ce midi, nous proposions d’adapter les règles pour que les réunions des conseils municipaux puissent respecter les consignes sanitaires.

Chacun avance ses raisons. Tous les discours paraissent logiques et cohérents. Pour ma part, je pense qu’il peut être dangereux de jouer avec les règles de droit et de les bouleverser soudainement, alors que l’on dispose de solutions.

Je vous avoue que la situation me paraît prêter de plus en plus à confusion. Je sais que cette situation extrêmement difficile tend quelque peu à crisper les élus locaux et qu’elle sera également difficile à expliquer à nos concitoyens.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Christophe Castaner, ministre. D’abord, qu’adviendra-t-il des listes qui ont été déposées jusqu’à mardi dix-huit heures ?

Dès lors que ce texte est voté et que la date du scrutin change, ces listes seront écrasées par le fait que le second tour n’aura pas lieu dimanche et disparaîtront. C’est une application du principe suivant lequel l’accessoire suit le principal. Les listes devront donc être redéposées. Je préfère le dire pour éviter que certains ne se retrouvent en difficulté.

Ensuite, je partage l’avis de M. Richard : il n’existe pas aujourd’hui de preuve électronique. Une préfecture ne saurait accepter une nouvelle liste fusionnée par mail, parce que la preuve électronique est insuffisante. Imaginez que le préfet de Vendée s’exécute immédiatement après avoir reçu un courriel signé du nom de Bruno Retailleau…

Comme je l’évoquerai tout à l’heure, dans votre proposition, la preuve juridique du dépôt pose une difficulté. Il nous faudra, de toute façon, une preuve matérielle.

Permettez-moi maintenant une remarque très politique : je crois que, si l’élection n’avait pas lieu compte tenu de la situation sanitaire dans notre pays – nous avons tous en tête cette éventualité –, les petites listes qui auraient fusionné avec une grande liste précédemment à cette décision auraient beaucoup de mal, politiquement, à mener une nouvelle campagne quelques mois plus tard.

Au nom justement de la liberté des plus petites listes, alors qu’il n’y a pas de certitude politique quant à la tenue de l’élection, il ne me paraît pas inopportun que l’on évite un dépôt des listes suivant un calendrier raccourci. Sinon, les fusions annoncées empêcheraient que le débat démocratique puisse avoir lieu dans quelques mois.

Enfin, je veux saluer les vertus juridiques de l’article L. 267 du code électoral. Ce dernier pourrait presque nous mettre d’accord, puisqu’il prévoit, en son deuxième alinéa, un décompte rétroactif par rapport au jour de l’élection et, dans son troisième alinéa, un décompte a posteriori, avec des jours supplémentaires qui conduisent au mardi.

Les deux interprétations pourraient être parfaitement défendues. C’est ce que nous avons tenté de faire.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Philippe Bas, rapporteur. Monsieur le président, je ne reprends pas la parole pour plaider : tous les arguments qui ont été échangés et les points de vue qui ont été exposés sont tout à fait respectables, comme ils le sont heureusement la plupart du temps dans les débats qui ont lieu au Sénat.

Je veux simplement dire que le système adopté par la commission des lois règle le problème des listes déposées avant mardi dernier de manière différente : il permet à ces listes de se maintenir telles quelles, mais il leur ouvre la possibilité d’entrer en négociations avec d’autres listes, pour les mettre à égalité avec toutes les listes. Ces listes ne seraient pas pénalisées par le dépôt : elles bénéficieraient des mêmes droits que les autres listes. Il est important de le souligner.

J’ai confiance dans le fait que le problème de la déclaration électronique pourra être résolu sans difficulté en 2020. En cas de doute, il appartiendra aux services de la préfecture de procéder aux vérifications. Au reste, on sait que les fraudes sur les documents papier sont régulières ; elles font parfois l’objet de contentieux. Je ne crois donc pas que la sécurité soit moins grande en cas de déclaration électronique. En ce qui me concerne, je fais toute confiance à votre administration, monsieur le ministre, pour assurer la sécurité du dépôt des listes.

Enfin, je veux dire que, si ce débat est rendu nécessaire par le report du second tour à une date qui devra être choisie avant le 30 juin prochain, il est secondaire par rapport aux préoccupations actuelles des Français, que nous partageons, sur la lutte contre le fléau du Covid-19.

Je crois que, plus vite nous nous serons débarrassés des tractations entre partis politiques, différentes d’une ville à l’autre – elles ne sont pas toujours le fruit de mots d’ordre nationaux ni pilotées par une main invisible et lointaine –, nous aurons alors rendu service au pays, parce que nous serons en ordre de bataille.

M. Philippe Bas, rapporteur. Nous espérons tous que les conditions seront réunies pour l’organisation du second tour au mois de juin. Si elles devaient ne pas l’être, il serait grand temps que le Parlement se prononce de nouveau, parce que nous serions alors obligés de renoncer aux résultats du premier tour. En effet, il n’est pas question de restreindre la liberté de vote des Français des villes concernées, en considérant que l’option qu’ils ont retenue en mars 2020 serait encore valable en octobre 2020 ou en mars 2021.

La dissociation des deux tours est un exercice délicat, qui suscite des interrogations, que nous devons résoudre. Si nous devions franchir le cap du 30 juin, nous aurions également à traiter le problème des élections sénatoriales de septembre prochain. Tout cela est très compliqué, et ce n’est pas le sujet du jour ! À chaque jour suffit sa peine.

Nous avons une seule question à nous poser : quelle est la solution la plus à même de mettre de côté les controverses politiques et de privilégier l’unité nationale ? À cette question, ma réponse diffère de la vôtre : pour moi, le plus raisonnable est d’en finir le plus vite possible avec le dépôt des listes. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Laurent, pour explication de vote.

M. Pierre Laurent. À ce point de la discussion, je penche pour la date du 31 mars, qui semble faire converger la très grande majorité des membres de l’hémicycle.

Je voudrais cependant que M. le ministre nous donne clairement sa position sur une question que M. le rapporteur vient d’évoquer.

Les discussions se sont engagées sur deux principes : la sécurisation du premier tour et le report du second tour en juin. Or les maires ne seront pas élus et, si nous suivons la position du Gouvernement, aucune décision claire n’aura été prise ici sur le dépôt des listes en vue du second tour.

Monsieur le ministre, vous avez, à l’instant, par une remarque que vous avez qualifiée de « politique », estimé que la fusion de listes pourrait être gênante dans la perspective d’une autre campagne à venir. Le doute sur la sécurisation du premier tour n’est-il pas en train de gagner du terrain ?

Estimez-vous, comme M. le rapporteur, que, si le second tour n’a pas lieu en juin, c’est l’intégralité de l’élection qui sera en jeu ?