Sommaire

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires :

Mme Annie Guillemot, M. Guy-Dominique Kennel.

1. Procès-verbal

2. Hommage au civisme des Français

3. Décès d’un ancien sénateur

4. Hommage à Patrick Devedjian, ancien ministre

5. Questions de contrôle au Gouvernement

RÉTABLISSEMENT DU SERVICE POSTAL EN PÉRIODE DE CONFINEMENT

Mme Jocelyne Guidez ; Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances.

LANCEMENT DE LA PLATEFORME SUR LA RÉSERVE CITOYENNE

M. Martin Lévrier ; M. Gabriel Attal, secrétaire d’État auprès du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.

aide aux entreprises relative aux prêts bancaires et pertes d’exploitation

M. Jean-Marc Gabouty ; Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances ; M. Jean-Marc Gabouty.

stratégie industrielle en matière de matériel médical et de médicaments

Mme Cathy Apourceau-Poly ; Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances ; Mme Cathy Apourceau-Poly.

contribution du secteur des assurances dans la crise sanitaire

M. Didier Marie ; Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances ; M. Didier Marie.

continuité des activités indispensables au pays pendant la période de crise

M. Emmanuel Capus ; Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances ; M. Emmanuel Capus.

MESURES SANITAIRES ET BESOINS DES HÔPITAUX ET DES EHPAD

Mme Catherine Deroche ; M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé.

SITUATION DE LA POSTE ET E-COMMERCE

M. Rémy Pointereau ; Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances.

délai concernant les avortements dans le cadre du confinement

Mme Laurence Rossignol ; M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé ; Mme Laurence Rossignol.

absence de contrôle sanitaire dans les aéroports

M. Michel Laugier ; M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé.

6. Hommage au secrétaire général du Sénat

7. Ordre du jour

compte rendu intégral

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires :

Mme Annie Guillemot,

M. Guy-Dominique Kennel.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu intégral de la séance du mercredi 25 mars 2020 a été publié sur le site internet du Sénat.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté.

2

Hommage au civisme des Français

M. le président. Monsieur le Premier ministre, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, notre pays vit, depuis un peu plus de deux semaines, une période de confinement. Je tiens à saluer le civisme de nos compatriotes, qui savent que cette épreuve permettra à tous nos soignants de sauver des vies. C’est la manifestation de la solidarité au service de tous. L’ensemble des sénateurs, qu’ils soient présents dans l’hémicycle ou qu’ils suivent cette séance devant leur écran, s’associent à cet hommage.

3

Décès d’un ancien sénateur

M. le président. J’ai le regret de vous faire part du décès de notre ancien collègue Paul Natali, qui fut sénateur de la Haute-Corse de 1998 à 2005.

4

Hommage à Patrick Devedjian, ancien ministre

M. le président. (M. le président, Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que M. le Premier ministre et Mme et MM. les ministres, se lèvent.) Monsieur le Premier ministre, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, il n’avait jamais été sénateur, mais il a siégé au banc du Gouvernement dans notre assemblée.

J’ai le souvenir d’avoir accueilli, comme président du Sénat, Patrick Devedjian en novembre 2008, alors qu’il venait d’être nommé ministre chargé de la mise en œuvre du plan de relance après la crise financière.

Nous avions été ensemble au Gouvernement sous l’autorité du président Jacques Chirac.

C’était un gaulliste convaincu, un homme cultivé, ayant son franc-parler, dévoué à son pays, à son département et à la ville qui l’avait élu maire en 1983 – lui aussi était de cette promotion ! Il était très fidèle à ses racines arméniennes et ne supportait pas que l’on pût oublier le drame vécu par le peuple arménien. Je voulais tout simplement rappeler la voix forte qu’il avait eue dans cet hémicycle.

J’ai une pensée pour tous ceux qui se battent pour la vie et pour leur vie en cette période de crise.

Je vous propose d’observer un moment de recueillement. (M. le président, Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que M. le Premier ministre et Mme et MM. les ministres, observent un moment de recueillement.)

5

Questions de contrôle au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions de contrôle au Gouvernement.

Je précise que nous siégeons en effectif restreint, adapté aux contraintes sanitaires, en accord avec les présidents des groupes politiques, que je tiens à remercier de leur présence et de leur engagement. Une conférence des présidents se tiendra la semaine prochaine.

Je rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat, dont je remercie les journalistes et techniciens.

rétablissement du service postal en période de confinement

M. le président. La parole est à Mme Jocelyne Guidez, pour le groupe Union Centriste.

Mme Jocelyne Guidez. Ma question, que je formule au nom du groupe Union Centriste, concerne La Poste.

Le groupe La Poste vient d’annoncer « se recentrer sur ses missions essentielles ». En conséquence, depuis lundi, le courrier n’est plus distribué que trois jours par semaine. De plus, La Poste ne maintient que 6 % de ses bureaux ouverts, en horaires aménagés, au cas par cas. Enfin, de nombreux distributeurs de billets de La Banque postale ne sont pas approvisionnés.

Les conséquences de ce qui ressemble à une démission sont graves. En milieu rural, certaines personnes se retrouvent totalement isolées. La distribution du courrier trois jours sur six fragilisera un peu plus la presse écrite, sans parler du lien social et d’information qu’elle assure auprès des personnes âgées. Une telle situation est bien peu compatible avec l’idée que les Français se faisaient de ce service public et d’une entreprise qui communique sur sa proximité et son lien avec les territoires.

Encore plus grave, cette situation va couper les vivres à certains de nos concitoyens. J’ai été interpellée par une personne âgée ayant pour seule ressource l’argent qu’elle retire au guichet de La Poste. C’est aussi le cas des plus de 1,5 million d’allocataires des minima sociaux, qui viennent chaque mois retirer des espèces.

Pour répondre à cette urgence, La Banque postale permettra les retraits d’espèces aux distributeurs à partir du 4 avril, au lieu du 7, et 250 bureaux de poste supplémentaires seront ouverts pour faciliter les retraits aux guichets.

Comment ces mesures pourront-elles être à la hauteur de l’enjeu ? Le retrait aux distributeurs automatiques de billets (DAB) ne sera d’aucune utilité si ces derniers ne sont pas approvisionnés ! En outre, les nouveaux guichets ouverts ne représentent qu’une fraction des bureaux fermés.

À l’heure où les gens n’ont plus d’argent, où les commerçants commencent à consentir des ardoises, ne peut-on correctement protéger les agents de La Poste afin que le service soit rendu normalement ? Pourquoi seraient-ils plus exposés dans les bureaux que les commerçants de bouche, qui sont ouverts ? N’est-il pas possible, au moins en zone rurale, de répartir les tournées restantes en les programmant les lundis, mercredis et vendredis, au lieu de les concentrer en fin de semaine ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances.

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire dÉtat auprès du ministre de léconomie et des finances. Madame la sénatrice Guidez, vous avez raison, La Poste fait partie des services qui doivent permettre au pays de fonctionner même en cette période de confinement. Il est de notre devoir d’organiser ce service indispensable à nos concitoyens, tout en protégeant au mieux les salariés de l’entreprise.

Ainsi, dès la semaine prochaine, au-delà des 1 600 bureaux répartis sur l’ensemble du territoire, 250 bureaux supplémentaires assureront le paiement des prestations sociales, afin que tout se passe dans de bonnes conditions. La caisse d’allocations familiales anticipera le versement de ces prestations et les distributeurs devront être approvisionnés pour qu’il intervienne dès ce week-end.

Nous demanderons l’appui, sur la base du volontariat, de postiers aujourd’hui en télétravail, pour venir sur le terrain compléter les équipes.

Vous avez raison, madame la sénatrice, il faut maintenir le lien social. Je pense notamment aux services Veiller sur mes parents, Proxi vigie cohesio, Ardoiz, ainsi qu’aux services de livraison de médicaments et de repas à domicile, en particulier aux plus vulnérables.

Le Gouvernement est particulièrement attentif à la situation. Le Premier ministre m’indiquait à l’instant qu’il ferait le point cette semaine avec les dirigeants de La Poste, pour veiller à ce qu’un service sans faille soit assuré sur les territoires, non seulement pour la distribution du courrier et de la presse écrite, qui doit être renforcée en début de semaine, mais aussi s’agissant de tous les services de mise à disposition d’argent pour les plus vulnérables.

lancement de la plateforme sur la réserve citoyenne

M. le président. La parole est à M. Martin Lévrier, pour le groupe La République En Marche.

M. Martin Lévrier. Ma question s’adresse à M. Gabriel Attal, secrétaire d’État auprès du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.

La pandémie que nous subissons met chaque jour en évidence le travail et l’abnégation de tout le personnel soignant qui est en première ligne, mais aussi l’indispensable travail de toutes les personnes qui agissent au quotidien, souvent dans l’ombre, pour faire fonctionner une grande part de notre économie. À toutes ces femmes et à tous ces hommes, je veux dire merci.

Pour sortir de cette crise, pour protéger les autres, nous demandons à chacun de se confiner. À tous ces Français qui acceptent l’attente, nous devons aussi dire merci.

Nombre de ces citoyens s’unissent et inventent des solutions à des problématiques touchant les plus démunis, les plus vulnérables, ceux qui, sans aide, ne pourraient se relever de cette crise.

Nous ne pouvons les laisser seuls. C’est la raison pour laquelle, comprenant le besoin de les fédérer, vous avez lancé lundi dernier, monsieur le secrétaire d’État, la réserve civique Covid-19, au travers de la plateforme jeveuxaider.gouv.fr. Elle doit permettre à tous ceux qui le peuvent et qui le souhaitent de donner de leur temps. Cet espace d’engagement a été construit en lien avec les associations humanitaires et aux côtés des collectivités publiques et de leurs structures. Il doit leur permettre de faire état de leurs besoins de renforts dans quatre domaines principaux : l’aide alimentaire et l’aide d’urgence, la garde exceptionnelle d’enfants, le lien avec les personnes fragiles isolées et la solidarité de proximité.

Monsieur le secrétaire d’État, combien de nouveaux bénévoles avez-vous enregistrés sur cette plateforme depuis son lancement ? À titre personnel, je connais des jeunes qui souhaitent prêter main-forte, mais ne trouvent pas de missions dans leur commune. Comment peuvent-ils être utiles ? Enfin, quelles missions auront les préfets ? Seront-ils les traits d’union entre l’offre et la demande ? Inciteront-ils les associations à saisir leurs offres de missions ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.

M. Gabriel Attal, secrétaire dÉtat auprès du ministre de léducation nationale et de la jeunesse. Monsieur le sénateur Martin Lévrier, dès le début de la crise sanitaire, le Président de la République nous a appelés, pour relever ce défi, à être solidaires plutôt que solitaires, et à inventer de nouvelles solidarités dans une période d’inquiétude, d’angoisse, de confinement où beaucoup de Français sont isolés.

Nous avons réuni, avec Olivier Véran, Jean-Michel Blanquer et Christelle Dubos, les grandes associations de solidarité de notre pays pour faire le point. Elles nous ont indiqué que de 80 % à 90 % des activités associatives sont suspendues du fait du confinement. Cela est bien normal, mais certaines ne peuvent l’être, car elles sont vitales pour bon nombre de nos concitoyens.

Ainsi, certains Français, faute de moyens, sont malheureusement obligés de s’approvisionner via un libre-service social ou un point de distribution des Restos du Cœur. Or ces structures sont généralement animées par des bénévoles qui, dans leur majorité, ont plus de 70 ans. Faisant preuve d’un grand esprit de responsabilité, les associations ont demandé à ces bénévoles âgés de rester chez eux. Par conséquent, le premier besoin exprimé par les associations concerne les bénévoles, d’où le lancement de la plateforme jeveuxaider.gouv.fr. Après une dizaine de jours, nous observons un élan de solidarité absolument exceptionnel et sans doute inédit dans un temps aussi court. Ainsi, 250 000 Français ont rejoint la réserve civique pour venir en aide sur le terrain aux plus démunis, et 50 000 d’entre eux sont déjà engagés dans des missions.

Concernant les jeunes vivant dans des communes où aucune mission ne serait proposée, tout le monde peut être utile. La première marque de solidarité avec les soignants et nos concitoyens infectés, c’est de rester chez soi.

Par ailleurs, comme l’ont déjà fait 500 000 de nos concitoyens, tout Français peut télécharger, sur la plateforme, un kit réalisé avec l’association Voisins Solidaires, qui permet de s’engager à l’échelle de son immeuble ou de sa rue.

M. le président. Il faut conclure.

M. Gabriel Attal, secrétaire dÉtat. Tous les Français peuvent donc s’engager par ce biais à proximité de chez eux.

aide aux entreprises relative aux prêts bancaires et pertes d’exploitation

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Gabouty, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.

M. Jean-Marc Gabouty. Madame la secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances, l’impératif sanitaire est bien évidemment prioritaire, mais le risque d’une grave crise économique est devant nous. Le Gouvernement en est totalement conscient et a réagi très rapidement, avec un premier train de mesures consistantes et pertinentes. Le dispositif mis en place mériterait cependant d’être amplifié, complété et parfois précisé.

Concernant l’enveloppe de 300 milliards d’euros de prêts bancaires aux entreprises garantis par l’État, le Gouvernement communique en utilisant le slogan suivant, audacieux et incitatif : « Prenez dans votre banque le prêt garanti par l’État. » Ce libellé suppose une certaine forme d’automaticité ; pouvez-vous confirmer, madame la secrétaire d’État, que les banques ne peuvent refuser d’octroyer ces prêts, que ce soit directement ou de manière détournée, dès lors que leurs clients répondent aux conditions d’éligibilité ? Avez-vous prévu un encadrement des taux d’intérêt hors rémunération de la garantie ?

Ma seconde question porte sur le fonds de solidarité d’un milliard d’euros, qui sera majoré de 200 millions d’euros par les compagnies d’assurance.

Du fait de la crise sanitaire et des mesures de confinement, qui entraînent un fort ralentissement des activités, tant économiques que des particuliers, les compagnies d’assurance vont économiser – c’est un ordre de grandeur – entre 3 milliards et 5 milliards d’euros sur les 40 milliards à 50 milliards d’euros versés normalement en année pleine au titre de l’indemnisation des dommages. Pensez-vous que leur participation annoncée de 200 millions d’euros soit à la hauteur ? Ne doit-on pas aller vers la mise en place d’un fonds de solidarité beaucoup plus ambitieux, qui pourrait prendre en charge, même de manière très partielle, les pertes d’exploitation des entreprises et les pertes de revenus des indépendants, artisans, commerçants et professions libérales ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances.

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire dÉtat auprès du ministre de léconomie et des finances. Monsieur le sénateur Gabouty, vous avez raison de souligner l’importance du plan qui a été mis en œuvre par l’État pour accompagner les entreprises, en particulier les plus petites d’entre elles. Ce plan repose sur quatre piliers : le chômage partiel, le report des cotisations sociales et fiscales, le fonds de solidarité et la possibilité d’obtenir des financements bancaires garantis par l’État à hauteur de 90 %.

Les 300 milliards d’euros de financements bancaires garantis vont permettre aux banques de prolonger et de garantir de manière quasiment automatique, sur la base d’instructions que nous avons établies et discutées avec elles, les lignes de trésorerie d’entreprises dont la notation Banque de France est supérieure à un certain niveau. Je veux ici préciser que la notation Banque de France a été gelée dans sa situation d’avant-crise, de manière à éviter, sur ce plan, des difficultés liées à l’impact de la crise. Pour toutes les entreprises qui étaient en bonne santé avant la crise, le prêt doit être accordé de manière quasiment automatique ; c’est ce que nous sommes en train d’organiser avec les banques.

Quant à la situation des entreprises qui avaient déjà des difficultés de trésorerie avant la crise sans nécessairement être sous procédure de sauvegarde, elle fera l’objet d’un examen dans lequel la Médiation du crédit interviendra pour trouver des solutions de compromis équilibrées.

Enfin, les entreprises en difficulté doivent répondre aux critères européens ; c’est pourquoi nous travaillons à un plan spécifique qui mobilisera notamment le FDES (Fonds de développement économique et social).

Les compagnies d’assurance abonderont le fonds de solidarité à hauteur de 200 millions d’euros. Moins d’une entreprise sur deux est assurée contre les pertes d’exploitation, et ce sont souvent les plus grosses entreprises qui contractent de telles assurances, d’où une inégalité des situations. Cela étant, nous pensons, comme vous, monsieur le sénateur, que les compagnies d’assurance doivent aller plus loin. C’est pourquoi Bruno Le Maire les incite notamment à prolonger les contrats quand bien même les entreprises auraient du mal à payer leurs primes d’assurance.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Gabouty, pour la réplique.

M. Jean-Marc Gabouty. À court terme, les entreprises auront d’immenses besoins de trésorerie ; vous y avez répondu, même si l’enveloppe de 300 milliards d’euros risque peut-être d’être insuffisante. Mais demain, le rebond économique souhaité dépendra de la santé financière des entreprises, indispensable aux adaptations, aux innovations et à la relance des investissements productifs.

Je précise qu’en évoquant la contribution des compagnies d’assurance à un fonds spécifique, je visais toutes les entreprises, et non pas celles qui disposent déjà d’une assurance contre les pertes d’exploitation.

stratégie industrielle en matière de matériel médical et de médicaments

M. le président. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Mme Cathy Apourceau-Poly. Le Président de la République a annoncé une dotation exceptionnelle de 4 milliards d’euros pour financer les commandes de médicaments, de respirateurs et de masques produits chez nous par nos entreprises. Il était temps ! Masques, blouses et gants arrivent au compte-gouttes, il faut bien le dire, et désormais les médicaments, dont le curare, commencent à manquer. Les mesures tardives annoncées par le Gouvernement ne produiront malheureusement, malgré l’urgence, pas d’effets immédiats.

Madame la secrétaire d’État, il y a beaucoup d’angoisse au sein de notre population, et beaucoup de peur chez celles et ceux qui, chaque jour, courageusement, soignent : les aides-soignants, les infirmiers, les médecins, les pharmaciens. Ils nous lancent de véritables SOS pour que nous les aidions à trouver des solutions.

Les maires, les élus, le secteur associatif se mobilisent pour aider au quotidien. Que dire des hôpitaux et des Ehpad (établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes), qui se démènent dans des conditions difficiles, partout sur nos territoires ? Que dire des salariés qui travaillent pour servir et faire vivre notre pays, et qui ne sont pas protégés ? Que dire de celles et de ceux qui travaillent alors que leur activité n’est pas nécessaire en ce moment ?

Quand allez-vous réquisitionner les entreprises pour qu’elles fabriquent les médicaments nécessaires, tels le curare ou la morphine, et l’oxygène ? Quand allez-vous engager les moyens nécessaires pour produire massivement des tests et les rendre accessibles à l’ensemble de la population, comme le recommande depuis le début l’Organisation mondiale de la santé ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances.

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire dÉtat auprès du ministre de léconomie et des finances. Madame la sénatrice Apourceau-Poly, 4 milliards d’euros, c’est effectivement le montant de l’enveloppe, massive, qui est aujourd’hui mise à disposition des hôpitaux pour leur permettre de s’approvisionner en matériels complémentaires. Le ministre de la santé a été très clair sur le plan qui a été anticipé et mis en œuvre depuis le début de cette crise pour réapprovisionner l’ensemble des hôpitaux en une période où les consommations de masques, de gel hydroalcoolique, de médicaments sont multipliées par dix, parfois par cent, voire par mille à l’échelle mondiale.

Le sujet n’est pas de réquisitionner ou de nationaliser des entreprises : ce n’est pas cela qui va permettre de fabriquer plus de masques ou de gel hydroalcoolique.

Mme Éliane Assassi. Il fallait le faire avant !

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire dÉtat. Il s’agit aujourd’hui d’entraîner notre industrie, comme nous sommes en train de le faire en portant la production de masques, en France, de 13,5 millions à plus de 40 millions par mois courant avril, en mobilisant le réseau d’achat, notamment Santé publique France, qui a acheté plus de 1 milliard de masques et est étayé par près de 150 acheteurs privés intervenant en appui pour équiper l’ensemble des Français, en multipliant par dix la production de gel hydroalcoolique et en nous apprêtant à fabriquer, en cinquante jours, autant de respirateurs que la France en a produits en trois ans.

Tels sont les faits ! Ces mesures permettent d’accompagner la montée en puissance de nos soignants, que je veux ici remercier pour leur travail remarquable et leur présence sans faille sur le terrain. La deuxième ligne qui est mobilisée derrière eux doit désormais rendre possibles toutes les réalisations que j’ai évoquées.

Enfin, le ministère du travail élabore des protocoles très précis pour garantir la protection des salariés. En outre, en trois semaines, nous avons conçu de nouveaux masques en R&D ; ils sont aujourd’hui en production et permettront eux aussi de protéger l’ensemble des Français.

M. le président. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour la réplique.

Mme Cathy Apourceau-Poly. Vos propos, madame la secrétaire d’État, ne sont guère rassurants ! Vous n’avez pas fait ce qu’il fallait en temps et en heure. Vous avez pris un retard considérable, mais peut-être serons-nous prêts l’hiver prochain, si survient un nouveau pic…

La situation est dramatique ; demain, il vous faudra rendre des comptes aux soignants, mais aussi à la population tout entière. Il faut changer de logiciel, madame la secrétaire d’État ! L’urgence vitale exige de substituer à vos dérives libérales le choix de l’intérêt général. Les réquisitions et les nationalisations sont la voie du bon sens, la voie du salut ! Vous pouvez d’ores et déjà changer de braquet en rétablissant en urgence l’ISF (impôt de solidarité sur la fortune) par ordonnance ! (Sourires sur des travées du groupe Les Républicains.)

contribution du secteur des assurances dans la crise sanitaire

M. le président. La parole est à M. Didier Marie, pour le groupe socialiste et républicain.

M. Didier Marie. Madame la secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances, notre pays, confronté à la crise du Covid-19, connaît une situation inédite et inquiétante, sur les plans tant sanitaire qu’économique.

Les mesures prises pour freiner puis stopper la propagation du virus sont prioritaires et nécessaires, mais elles frappent aussi très durement nos entreprises et leurs salariés. Qu’elles aient arrêté ou réduit leur activité, celles-ci subissent toutes d’importantes pertes d’exploitation, mettant en question leur survie même.

Le Gouvernement a pris des dispositions exceptionnelles pour endiguer cette catastrophe économique et sociale ; elles sont les bienvenues. Malgré cela, nombre d’entreprises, en particulier parmi les commerces, les artisans, les très petites entreprises (TPE) et les petites et moyennes entreprises (PME), craignent de ne pouvoir réussir à faire face.

Beaucoup se sont tournées vers leurs assureurs, qui leur répondent ne rien pouvoir faire pour les soutenir, car les cas de pandémie sont systématiquement exclus du champ des polices d’assurance. Du reste, si l’état de catastrophe naturelle, tel qu’il existe, était reconnu, les compagnies d’assurance n’indemniseraient pas plus ces entreprises, les polices ne couvrant pas les pertes d’exploitation en l’absence de dommage pour l’appareil productif.

Madame la secrétaire d’État, à situation inédite, réponse inédite. Comptez-vous donc modifier, au nom de l’urgence, le code des assurances et déclarer un état de catastrophe naturelle et sanitaire, en élargissant l’indemnisation aux pertes d’exploitation sans dommage aux biens matériels ? Comptez-vous invoquer un motif d’intérêt général impérieux et saisir le Conseil constitutionnel pour qu’il reconnaisse la validité d’une loi rétroactive au premier jour du confinement ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances.

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire dÉtat auprès du ministre de léconomie et des finances. Monsieur le sénateur Marie, vous demandez, au fond, comment nous allons pouvoir venir au secours des très petites entreprises. Nous répondons à cette question au travers du fonds de solidarité qui vise les très petites entreprises dont le chiffre d’affaires est inférieur à 1 million d’euros, celles qui ont perdu 50 % de leur chiffre d’affaires au mois de mars, qui seront en difficulté au mois d’avril ou qui ont dû fermer pour des motifs réglementaires, par exemple.

En l’occurrence, les assureurs sont au rendez-vous, puisqu’ils abonderont ce fonds à hauteur de 200 millions d’euros. Cet argent ira aux très petites entreprises que j’évoquais. Celles-ci recevront, dès les premiers jours d’avril, 1 500 euros. Cela leur permettra de remédier aux difficultés auxquelles elles sont confrontées, au-delà du report, que nous leur avons déjà accordé, du paiement des cotisations sociales et des charges fiscales.

C’est là une mesure concrète : elle nous paraît plus efficace et plus rapide qu’une disposition supposant un revirement de jurisprudence constitutionnelle sur la non-rétroactivité des lois, qui serait juridiquement très fragile et ne serait pas applicable suffisamment vite alors que la trésorerie des entreprises est en train de souffrir.

Ce choix que nous avons fait est pragmatique et engage les assureurs. Je souhaite, comme vous, que ceux-ci aillent plus loin dans leur effort, notamment en prolongeant les contrats des entreprises qui auraient du mal à acquitter leurs primes d’assurance et en renforçant leur soutien au fonds de solidarité, qui pourrait être maintenu au-delà du mois de mars, comme nous pouvons l’anticiper.

M. le président. La parole est à M. Didier Marie, pour la réplique.

M. Didier Marie. Votre réponse me déçoit, madame la secrétaire d’État. Nous pensons qu’une loi aurait pu être envisagée pour que les assurances couvrent les pertes d’exploitation en l’absence de dommage pour l’appareil productif.

Cela étant, puisque vous considérez que ce n’est pas possible, peut-être pourriez-vous envisager une contribution spéciale temporaire des compagnies d’assurance, comme en 2017, de telle sorte que celles qui collectent 2,1 milliards d’euros par an au titre de la couverture du risque de perte d’exploitation aillent au-delà des 200 millions d’euros que vous avez évoqués.

continuité des activités indispensables au pays pendant la période de crise

M. le président. La parole est à M. Emmanuel Capus, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires.

M. Emmanuel Capus. Dans cette crise, les soignants sont en première ligne. Je tiens à saluer leur professionnalisme et leur dévouement. Je tiens aussi à saluer, comme vous l’avez fait, monsieur le président, tous nos concitoyens qui respectent les consignes et restent confinés chez eux ; ils contribuent également à endiguer l’épidémie.

Au-delà, je veux saluer les Français qui continuent de remplir leur mission ; je pense aux caissières, aux policiers, aux militaires, aux éboueurs, aux fonctionnaires, aux routiers, aux agriculteurs, à tous ces professionnels qui continuent à travailler malgré les conditions dégradées.

Pour mener la guerre contre le virus, notre pays a besoin que chacun soit à son poste. La continuité des services est indispensable au fonctionnement de notre pays : cela vaut particulièrement pour nos services publics. Je partage à cet égard l’attachement à la continuité du service postal dans nos territoires ruraux qu’a exprimé Mme Guidez. Il n’est pas acceptable que des bureaux de poste ferment ou que le courrier et la presse ne soient plus distribués ; ce sont souvent, aujourd’hui, les seuls liens avec l’extérieur, notamment pour les plus âgés.

L’heure est à la mobilisation générale. La France a besoin, je le répète, que chacun soit à son poste, pour que tout le monde puisse se nourrir, se chauffer, s’éclairer. L’unité nationale est le geste barrière de nos institutions.

Madame la secrétaire d’État, pouvez-vous nous assurer que, dans les semaines qui viennent, la continuité des services indispensables à la population sera assurée ?

J’évoquerai un sujet plus précis, qui tient à cœur à l’Angevin que je suis. Pour assurer la continuité alimentaire, encore faut-il qu’il y ait des producteurs. Or les horticulteurs vont devoir jeter leur production. Pour leur donner de l’air, pourriez-vous les autoriser à commercialiser leurs plants potagers, qui sont les aliments des mois prochains ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances.

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire dÉtat auprès du ministre de léconomie et des finances. Monsieur le sénateur Capus, dans le cadre des arbitrages que nous venons de rendre, il a été décidé que les plants potagers seront considérés comme un achat de première nécessité. (M. Emmanuel Capus applaudit.)

Par ailleurs, nous travaillons évidemment à assurer la continuité des services, en dressant un bilan avec chaque filière, de façon à identifier les grains de sable qui empêchent cette continuité. Ils tiennent à la logistique, à l’approvisionnement, à la capacité des salariés d’exercer leur métier, aux craintes légitimes que ceux-ci éprouvent pour leur sécurité sanitaire.

Dans cette perspective, le ministère des solidarités et de la santé et le ministère du travail s’attachent à préciser très exactement les conditions dans lesquelles les activités doivent être exercées, à rappeler comment les gestes barrières et les mesures de distanciation peuvent être appliqués dans le cadre professionnel, comment on peut équiper les salariés, en installant, par exemple, une plaque de plexiglas afin de séparer, dans un commerce, le client du caissier. Ainsi, nous travaillons, filière par filière, à accompagner ces mesures.

Nous y travaillons également en mettant à disposition, sur une plateforme gérée par la direction générale des entreprises, un certain nombre de matériels de protection pouvant être achetés directement, tels que du gel hydroalcoolique ou des masques. Nous produisons, à cet égard, 480 000 masques textiles réutilisables par jour.

Voilà, très concrètement, toutes les façons d’assurer la continuité des services dans notre pays.

M. le président. La parole est à M. Emmanuel Capus, pour la réplique.

M. Emmanuel Capus. Merci pour les horticulteurs, madame la secrétaire d’État. Quant aux perturbations du service postal, elles touchent malheureusement les territoires ruraux les plus isolés.

mesures sanitaires et besoins des hôpitaux et des ehpad

M. le président. La parole est à Mme Catherine Deroche, pour le groupe Les Républicains.

Mme Catherine Deroche. La tension est forte s’agissant de la fourniture de protections individuelles, de matériels lourds tels que les respirateurs ou de médicaments. Certes, les masques commandés arrivent, mais ils sont pour l’instant réservés par priorité au personnel soignant au contact des malades hospitalisés ; peu sont attribués au personnel des Ehpad ou aux professionnels assurant les soins de ville. En ce qui concerne les matériels, le Président de la République a annoncé hier à Angers que la production maximale serait atteinte à la mi-mai. Or chaque jour qui passe est un jour qui compte.

Pourquoi ne pas envisager un essai clinique pour des médicaments du type de l’hydroxychloroquine, mené par les médecins de ville selon des modalités plus modérées sur des patients plus jeunes, afin d’éviter une hospitalisation ?

Comment seront indemnisés les professionnels de santé – kinésithérapeutes ou dentistes, par exemple – qui ont fermé leur cabinet mais participent à la réserve sanitaire ou à la prise en charge des urgences, et dont les assurances couvrent mal la perte d’exploitation ?

Le déconfinement peut et doit être anticipé et réussi, pour éviter une deuxième vague. Comment l’envisagez-vous et quid des tests ? La mise au point d’un test sérologique rapide a été annoncée à Rennes. Les laboratoires des conseils départementaux sont prêts à prendre toute leur part dans la réalisation des tests, mais ils n’ont toujours pas obtenu l’accord du Gouvernement.

Monsieur le ministre, soyez ferme en ce qui concerne le confinement, car c’est pour l’instant notre meilleur atout en matière de protection. Nous sommes derrière vous. N’accordons pas de dérogations, même pendant les vacances, et soutenons les policiers qui vont faire respecter le confinement dans des quartiers difficiles.

Enfin, il faut assouplir, décloisonner, éviter les procédures administratives tatillonnes qui freinent l’action.

Sachez-le, le Sénat, et notre groupe en particulier, entendent être les porte-voix des territoires, des collectivités et de celles et ceux qui travaillent au contact des patients en risquant parfois leur vie, mais sans aucun esprit polémique !

M. le président. La parole est à M. le ministre des solidarités et de la santé.

M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé. Madame la sénatrice Catherine Deroche, il n’y a pas de vacances pour le virus ; par conséquent, il n’y en aura pas non plus pour le confinement ! (M. Bruno Retailleau approuve.) Je serai extrêmement clair : ce n’est pas parce que les vacances scolaires arrivent que, tout à coup, les Français vont pouvoir quitter leur lieu de confinement et se déplacer sur le territoire. Je comprends les difficultés que cela représente, pour nos concitoyens, d’être confinés depuis plusieurs semaines, mais il y va de leur santé et de leur vie ! Comme je l’ai indiqué hier, une étude anglaise montre que, toutes les dix minutes de confinement, une vie est sauvée dans notre pays, et cela va aller en s’accentuant.

Concernant les tests rapides, ceux, que vous avez évoqués, qui ont été mis au point par une entreprise bretonne font l’objet d’une saisine et d’une commande publique, à hauteur de 500 000 euros. Il s’agit de vérifier que ces tests remplissent bien tous les critères de qualité exigés, en termes de sensibilité et de spécificité du rendu des examens. Nous avons demandé à cette entreprise de se tenir prête à pousser la production au maximum aussitôt que les tests auront été qualifiés, d’ici sans doute à la fin du mois d’avril. Nous sommes maintenant dépendants des chaînes de production. Quoi qu’il en soit, nous achetons des tests partout dans le monde dès lors qu’ils sont fiables, mais c’est encore mieux s’ils sont français, et surtout bretons, diront certains ! (Mme Catherine Deroche sourit.)

Quant aux études cliniques, madame la sénatrice, il y en a au moins trois qui testent différents médicaments en prophylaxie, sur les formes peu sévères, contre placebo ou d’autres traitements. Une étude, qui démarre à Angers, porte sur l’hydroxychloroquine. Une autre a débuté à Montpellier pour tester l’hydroxychloroquine et la bithérapie hydroxychloroquine-azithromycine sur les formes légères, peu symptomatiques. Enfin, une étude en prophylaxie est en cours d’examen par le Comité de protection des personnes, pour vérifier qu’elle répond bien aux critères en vigueur en matière d’éthique. Nous sommes donc à « fond », si vous me permettez cette expression, sur les études dès lors qu’elles peuvent déboucher sur des avancées.

Enfin, j’ai indiqué hier aux principaux syndicats représentant les professionnels libéraux de santé que des négociations étaient ouvertes avec l’assurance maladie pour qu’ils puissent bénéficier d’une compensation de perte de revenus. Ceux qui le souhaitent pourront même bénéficier de dispositifs d’avance. Les conditions opérationnelles pratiques sont à voir avec l’assurance maladie.

situation de la poste et e-commerce

M. le président. La parole est à M. Rémy Pointereau, pour le groupe Les Républicains.

M. Rémy Pointereau. Ma question s’adresse au ministre de l’économie et des finances.

Madame la secrétaire d’État, nous savons tous que la priorité, aujourd’hui, est la sécurité sanitaire et la santé de nos concitoyens. Malgré tout, plusieurs sujets d’ordre économique doivent être rapidement appréhendés.

Le premier concerne le fonctionnement de La Poste. Mme Guidez l’a souligné, la fermeture de nombreux guichets et la distribution du courrier seulement trois jours consécutifs par semaine sont inacceptables, en particulier pour les entreprises ou les personnes isolées vivant en milieu rural. Que comptez-vous faire pour garantir l’application et le respect du principe de continuité du service public, s’agissant notamment de La Poste ?

Le deuxième sujet a trait à la situation économique des petits commerçants. La crise qu’ils traversent les expose de plus en plus au risque de faillite. Alors qu’on leur demande de fermer boutique au motif que leur activité n’est pas jugée prioritaire, les grandes surfaces continuent de vendre des produits qui ne relèvent pas des besoins primaires. Quid des géants du e-commerce, tels qu’Amazon, pour qui la crise constitue une aubaine économique sans égale ? La distorsion de concurrence entre commerce numérique et commerce physique, déjà importante, se trouve renforcée. Madame la secrétaire d’État, envisagez-vous de prendre des mesures pour rééquilibrer la situation, de sorte que le commerce de proximité ne soit pas lésé durant cette période de confinement ?

Enfin, j’évoquerai les pertes d’exploitation des artisans, des commerçants, des TPE et des professions libérales, qui désespèrent de la situation, d’autant que les contrats d’assurance ne couvrent pas ces pertes. L’État a annoncé 300 milliards d’euros de prêts bancaires garantis : c’est une bonne chose. Madame la secrétaire d’État, pourquoi ne pas confier ne serait-ce que 5 % de ce montant aux compagnies d’assurance en leur demandant de couvrir les pertes d’exploitation des nombreux professionnels en détresse, au titre des catastrophes sanitaires ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances.

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire dÉtat auprès du ministre de léconomie et des finances. Monsieur le sénateur Pointereau, j’ai déjà répondu s’agissant du fonctionnement de La Poste et de la continuité du service postal : le Gouvernement va se mobiliser pour assurer la continuité de ce service tous les jours de la semaine. Il importe que la presse soit distribuée, y compris en début de semaine, et que les services de proximité assurés par La Poste, notamment auprès des plus vulnérables et des personnes âgées, continuent également d’être rendus. Cette continuité de service revêt une importance particulière dans les zones rurales.

S’agissant des assurances et des pertes d’exploitation, je le redis, nous apportons à ce problème une réponse immédiate. Les TPE peuvent dès maintenant déposer leur dossier pour bénéficier d’une première tranche de 1 500 euros, qui sera payée dans les prochains jours. Elle contribuera à compenser de manière immédiate les pertes d’exploitation. Une aide additionnelle de 2 000 euros, que nous mettons en place avec l’appui des collectivités locales, pourra s’y ajouter. Je veux à cet égard remercier les régions, qui ont totalement joué le jeu, ainsi que les autres collectivités locales, qui se signalent spontanément pour soutenir le mouvement. Quant aux assureurs, ils apporteront 200 millions d’euros pour accompagner les entreprises.

Je rappelle par ailleurs que ces mêmes petites entreprises bénéficient du report des charges sociales et fiscales et qu’elles peuvent immédiatement demander, si elles rencontrent des difficultés de trésorerie, des dégrèvements d’impôts directs.

Enfin, je souligne que 76 % des sites de e-commerce voient leurs chiffres de ventes baisser – à hauteur de plus de 50 % pour plus de la moitié d’entre eux. La situation de la consommation est donc manifestement la même, qu’il s’agisse du e-commerce ou des petits commerçants.

Je rappelle que les petits commerçants peuvent continuer à vendre via le e-commerce. À cette fin, nous avons mis à leur disposition toute une série d’instruments sur le site du ministère de l’économie et des finances. Il s’agit d’une offre gratuite ou à des tarifs préférentiels développée pour eux par les plateformes de e-commerce. J’invite les commerçants à s’intéresser à ces dispositifs.

délai concernant les avortements dans le cadre du confinement

M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour le groupe socialiste et républicain.

Mme Laurence Rossignol. Monsieur le ministre des solidarités et de la santé, vous avez, j’imagine, pris connaissance de l’appel lancé hier par une centaine de médecins, auquel se sont joints le directoire de l’AP-HP (Assistance publique-Hôpitaux de Paris) et de nombreuses personnalités.

Les signataires de cet appel proposent trois mesures pour garantir l’accès de toutes les femmes à l’IVG (interruption volontaire de grossesse) pendant la crise sanitaire. Ces médecins ont en effet observé que les conséquences cumulées du confinement et des effets désorganisateurs de la crise sanitaire sur les services hospitaliers mettent en cause la garantie, pour toutes les femmes, et notamment les jeunes filles mineures, de pouvoir accéder à une IVG, et ce d’autant plus que le filet de sécurité que constituent les avortements hors délai pratiqués à l’étranger n’existe plus dans les circonstances présentes de circulation.

Aussi vous demandent-ils de débloquer trois verrous pendant la durée de la crise, en allongeant de deux semaines le délai légal pour les IVG par aspiration et pour les IVG médicamenteuses et en levant l’obligation d’un délai de quarante-huit heures entre la première consultation et la pratique de l’IVG pour les mineures.

Monsieur le ministre, que répondez-vous à ces trois propositions ?

M. le président. La parole est à M. le ministre des solidarités et de la santé.

M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé. Madame la sénatrice Laurence Rossignol, à la suite de votre première interpellation, et sans même avoir attendu la parution de la tribune en question, dont j’ai évidemment pris connaissance – je m’en suis entretenu dès hier avec Marlène Schiappa –, j’avais saisi mes services.

Je vous confirme que les remontées des territoires attestent d’une réduction inquiétante du recours à l’IVG pour les raisons très bien exposées dans cette tribune et sur lesquelles vous m’avez déjà interpellé. Mon engagement sur ce sujet est total. Vous me donnez aujourd’hui l’occasion de vous répondre sur le fond.

Je tiens à dire très clairement qu’il est hors de question que l’épidémie de Covid-19 restreigne le droit à l’avortement dans notre pays. Plusieurs dispositions, qui sont encore au stade de l’instruction, vont être prises dans les plus brefs délais.

Durant l’épidémie, les IVG médicamenteuses doivent être encouragées, facilitées, tout en garantissant le libre choix des femmes. J’ai demandé à mes services de travailler sur une plus grande utilisation de la téléconsultation. Il s’agit de faire en sorte que la première consultation et la consultation de suivi après prise de la pilule abortive puissent être réalisées par téléconsultation, et non en présentiel. Les téléconsultations connaissent un essor incroyable, ce qui devrait permettre de répondre à cette problématique des consultations avant et après prise de la pilule abortive.

Reste la question de la consultation au cours de laquelle est délivrée la pilule abortive. J’ai entendu la demande des gynécologues de repousser le délai pour la pratique des IVG médicamenteuses en ville et à domicile de sept à neuf semaines. Il s’agit là de questions techniques : il est essentiel de ne pas briser la chaîne du froid, la pilule abortive étant conservée congelée. Nous regardons ce qu’il est possible de faire sans prendre de risques dans la chaîne du médicament, mais sachez que je n’ai pas d’opposition de principe à cette mesure.

J’ai demandé à toutes les équipes des centres IVG et hospitalières de maintenir le recours à l’IVG instrumentale.

En ce qui concerne les recours tardifs, il existe une cause d’interruption médicale de grossesse pour détresse psycho-sociale qui permet de déroger aux délais. Une fois le confinement levé, il faudra déterminer, de manière collégiale, si une femme n’ayant pu aller en consultation pour bénéficier d’un avortement dans les conditions classiques du fait du confinement peut relever de cette situation de détresse psycho-sociale. Ces propos vous auront fait comprendre quelle est ma position personnelle sur ce point.

Des réponses très claires seront apportées sur l’ensemble de ces sujets en lien avec les gynécologues et ma collègue Marlène Schiappa.

M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour la réplique.

Mme Laurence Rossignol. Je vous remercie, monsieur le ministre, de vos réponses sur l’IVG médicamenteuse. Effectivement, des perspectives s’ouvrent en la matière : la Grande-Bretagne est passée hier à un délai de dix semaines. Même si ce type d’IVG n’est pas aussi simple qu’il y paraît, l’exemple de la Grande-Bretagne montre qu’une telle évolution est possible.

En ce qui concerne l’IVG par aspiration, monsieur le ministre, je ne m’étais pas contentée, voilà deux semaines, de vous interpeller : j’avais déposé un amendement. Si le Gouvernement, par l’intermédiaire de Mme Pénicaud, n’avait pas émis un avis défavorable, le délai légal aurait d’ores et déjà été allongé de deux semaines. Apparemment, il est permis de déroger au code du travail, au code des assurances, à tous les codes, sauf à celui de la santé publique pour allonger les délais en matière d’IVG !

M. le président. Il faut conclure.

Mme Laurence Rossignol. Je le regrette profondément, car si l’interruption médicamenteuse de grossesse peut constituer une solution, ce n’est pas la meilleure pour les femmes, surtout dans la perspective de la fin du confinement.

absence de contrôle sanitaire dans les aéroports

M. le président. La parole est à M. Michel Laugier, pour le groupe Union Centriste.

M. Michel Laugier. La question que je pose au nom du groupe Union Centriste porte sur l’absence de mesures sanitaires pour l’accueil des Français rapatriés dans les aéroports. Elle relaye une question écrite que notre collègue Olivier Cadic, sénateur représentant les Français de l’étranger, vous a adressée la semaine dernière, monsieur le ministre des solidarités et de la santé.

Depuis, ses inquiétudes n’ont cessé d’être confirmées par son réseau, qui couvre le monde entier. Si 10 000 de nos compatriotes, selon le ministère de l’Europe et des affaires étrangères, se battent encore pour se faire rapatrier – je leur adresse ici un message de soutien et de solidarité, car ils se trouvent parfois dans des situations très difficiles –, les 120 000 personnes rentrées depuis deux semaines n’ont eu droit à aucune information à leur arrivée en France.

Aussi incroyable que cela puisse paraître, aucune mesure spécifique n’encadre le retour des Français sur le territoire national. Aucune mesure de protection n’a été mise en place. Même s’ils arrivent d’un pays à risque, on ne les met pas en quarantaine, comme on avait pourtant commencé à le faire avec les Français revenant de Wuhan, en Chine. On ne les interroge même pas sur leur parcours…

On ne leur donne pas non plus d’informations – certains ne savent même pas que nous sommes en confinement général ! –, et donc pas d’injonction de se confiner.

À l’évidence, l’« état de guerre sanitaire » n’est pas déclaré dans les aéroports. Cette réalité tranche avec les mesures prises par de nombreux pays, où les voyageurs sont interrogés sur leur état de santé et auxquels on recommande de se confiner.

Monsieur le ministre, comment se fait-il que des mesures de rapatriement si drastiques à l’origine, pour les Français revenant de Wuhan, aient pu laisser place à un tel laisser-aller dans les aéroports ? Comment justifiez-vous que les Français soient confinés, mais qu’aucune mesure sanitaire n’organise l’accueil de nos rapatriés ?

M. le président. La parole est à M. le ministre des solidarités et de la santé.

M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé. Monsieur le sénateur Laugier, si vous demandiez aux quelque 1 000 Français revenus du Maroc à Sète via l’Espagne à bord d’un ferry, et qui sont actuellement confinés dans des caravanes, si la situation que vous décrivez reflète la réalité, je crois qu’ils ne manqueraient pas de vous contredire… Ces personnes ont reçu, individuellement, des consignes. Leur température a été prise, les conditions sanitaires ont été vérifiées. Il a été permis à celles ne présentant aucun symptôme d’aller se confiner chez elles, les autres étant immédiatement adressées au 15.

Telle est la réalité, monsieur le sénateur. Je suis donc très surpris de la teneur de cette question. Je vous suggère d’interroger vos collègues sénateurs de ce magnifique territoire périmontpelliérain. Ils vous confirmeront que le ministre de l’intérieur a tout mis en œuvre pour que les conditions de sécurité sanitaire soient totalement respectées.

Une information par affichage est dispensée dans tous les aéroports de notre pays depuis le 18 janvier. Beaucoup d’aéroports ont fermé, à l’instar d’Orly. Dans ceux qui restent ouverts, des services sanitaires sont présents sur place vingt-quatre heures sur heure pour répondre à toute demande, prendre la température, diriger toute personne suspectée d’être contaminée directement vers les structures de soins.

Les mesures d’hygiène, les gestes barrières sont affichés en grand format dans toutes les stations de métro, aux arrêts de bus, dans les gares et les aéroports qui fonctionnent encore. Quant aux conditions de quarantaine et de confinement chez soi, elles sont rappelées à tout Français rentrant sur le territoire.

M. le président. Nous en avons terminé avec les questions de contrôle au Gouvernement.

6

Hommage au secrétaire général du Sénat

M. le président. Monsieur le Premier ministre, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, je veux, au nom du Sénat et en mon nom personnel, rendre un hommage particulier à Jean-Louis Schroedt-Girard, qui a quitté ses fonctions de secrétaire général du Sénat hier, au terme d’une carrière de trente-huit années au service de notre institution.

Son départ intervient dans les circonstances si particulières de l’urgence sanitaire à laquelle une grande partie de l’humanité est aujourd’hui confrontée.

Je peux témoigner que, jusqu’au bout, Jean-Louis Schroedt-Girard aura été à nos côtés pour piloter l’administration sénatoriale, à laquelle je rends une nouvelle fois hommage pour la réactivité et l’efficacité dont elle a fait preuve pour permettre à notre institution de continuer à tenir toute sa place, au travers de la grave crise que nous traversons, et aux sénateurs d’accomplir leur mission.

Tout au long de votre carrière, cher Jean-Louis Schroedt-Girard, dans les fonctions de chef de secrétariat d’une excellente commission, celle des affaires économiques et du Plan (Sourires.), de directeur de mon cabinet, de 2008 à 2011, puis, pendant deux années et demie, de secrétaire général, vous n’avez jamais cessé, chacun le sait, d’être force de proposition pour adapter notre organisation aux exigences d’un Sénat à l’écoute des territoires et des citoyens. Vous avez été à la fois un vrai réformateur et un « chef de corps » apprécié des sénateurs et de vos collègues.

Ces dernières semaines, vous les avez entièrement passées ici, à votre poste, travaillant inlassablement pour permettre à notre assemblée de poursuivre sa mission constitutionnelle. Je vous en remercie chaleureusement.

L’ensemble des sénateurs, ceux présents dans notre hémicycle et ceux qui suivent la séance devant leur écran, ceux qui sont à pied d’œuvre dans leur territoire pour faire remonter les préoccupations de nos concitoyens, se joignent à moi pour saluer votre action et vous souhaiter bon vent pour votre vie après le Sénat. (Mmes et MM. les sénateurs se lèvent et applaudissent longuement. – M. le Premier ministre, Mme et MM. les ministres applaudissent également.)

Vous recueillez les seuls applaudissements de cette séance, cher Jean-Louis Schroedt-Girard ! (Sourires.)

J’adresse en votre nom à tous, mes chers collègues, nos meilleurs souhaits au nouveau secrétaire général du Sénat, Éric Tavernier, dont je tiens à dire qu’il a toute la confiance du bureau, du Sénat et des sénateurs.

7

Ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mercredi 8 avril 2020 :

À quinze heures :

Questions de contrôle au Gouvernement.

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée à seize heures.)

Pour la Directrice des comptes rendus du Sénat,

ÉTIENNE BOULENGER

Chef de publication