M. le président. La parole est à M. Laurent Lafon, pour le groupe Union Centriste.

M. Laurent Lafon. Je veux revenir sur la question de la réouverture progressive des écoles, à compter du 11 mai prochain.

Nous l’avons bien compris, monsieur le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse, une phase de dialogue, de concertation, de quinze jours s’est engagée à compter de l’annonce du Président de la République, durant laquelle vous ne pourrez pas être très précis dans vos réponses. Tout est reporté à l’annonce du Premier ministre à la fin de ce mois.

Je veux toutefois appeler votre attention sur le fait que, entre cette annonce du plan global et la date du 11 mai, il y aura moins de deux semaines ; c’est court pour s’organiser, tant pour les collectivités que pour les familles.

Ainsi, même si, par respect pour cette concertation, vous ne pouvez pas répondre de manière précise, je veux tout de même revenir sur quelques questions ; vos réponses pourraient orienter les collectivités locales, leur indiquer ce qu’elles doivent faire dans l’immédiat.

D’abord, le 11 mai s’enclenchera, nous l’avons compris, une réouverture progressive ; cela dit, l’objectif global est-il une réouverture de toutes les écoles d’ici à la fin de l’année scolaire ?

Ensuite, le téléenseignement se poursuivra-t-il pendant l’augmentation progressive des effectifs d’élèves retournant dans leur établissement scolaire ?

Par ailleurs, les collectivités sont très engagées dans les activités périscolaires – accueil, restauration, transport ; qu’attendez-vous précisément d’elles, à ce sujet, au cours de cette phase ? La réouverture de ces activités sera-t-elle laissée à l’initiative des collectivités – après tout, ce n’est pas une compétence obligatoire – ou souhaitez-vous une décision d’ensemble ?

Enfin, j’ai noté l’idée d’une phase expérimentale, évoquée par le Premier ministre, pour ce qui concerne le matériel. Néanmoins, s’il pouvait y avoir, pour les collectivités, des instructions du comité scientifique relatives aux mesures à prendre, au matériel à acheter ou aux procédures à mettre en œuvre, y compris pour ce qui ne relève pas du temps scolaire comme la cantine, sans attendre une date trop tardive, cela les aiderait grandement à s’organiser.

M. Alain Richard. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de léducation nationale et de la jeunesse. Les questions à traiter sont précises et elles nous amènent à construire une sorte d’arbre de décisions. Monsieur le sénateur Lafon, nous savons donc qu’il y a un spectre de réponses possibles aux questions que vous venez de poser et nous y travaillons avec nos interlocuteurs.

Il y a par conséquent eu une préparation en amont de la phase actuelle, de même qu’il y aura un travail à mener, en aval de ce que nous sommes en train d’accomplir.

C’est exact, après la concertation aura lieu le discours du Premier ministre, puis nous aurons environ deux semaines pour nous préparer. Il y aura, pendant ces deux semaines, une dimension expérimentale ; nous pourrons expérimenter certaines approches en certains endroits ; ce sera intéressant de le faire, avec des collectivités et des personnes volontaires.

Cela dit, voici ce qui est certain : notre objectif est d’arriver à accompagner nos élèves de début mai jusqu’à fin juin, selon des modalités totalement inédites, des modalités que nous sommes en train, en quelque sorte, d’inventer ; ce ne sera pas la classe comme avant. Cela permet de répondre à une bonne partie de vos questions.

D’abord, pour ce qui concerne l’ouverture des écoles, collèges et lycées, oui, notre objectif est d’ouvrir tous les bâtiments ; telle est, en tout cas, notre perspective, et nous en discutons avec tous nos interlocuteurs.

Ensuite, vous demandez si l’ouverture des activités périscolaires est envisagée. Cela fait également partie des points qui se discutent, mais, à mes yeux, il est souhaitable que l’on puisse soulager l’école d’un certain nombre d’élèves pendant la classe, parce que, précisément, nous prévoyons des travaux en petits groupes. J’ai ainsi discuté avec la ministre des sports de la possibilité de proposer des activités sportives respectant les règles sanitaires aux élèves. Cela permettra d’avoir moins d’élèves à la fois à l’école.

Enfin, vous avez demandé quels équipements étaient nécessaires, quelle doctrine nous définissions en la matière. Ce point aussi est en discussion avec les collectivités locales ; c’est typiquement un sujet sur lequel nous suivons les règles sanitaires. Bien entendu, un nettoyage sera nécessaire avant le 11 mai – nous en parlons avec les collectivités –, de sorte que le personnel et les élèves reviennent dans les établissements dans les meilleures conditions.

Chacun de ces points fait donc l’objet d’une expertise, qui aboutit à des décisions possibles ; nous discutons de ces dernières avec nos interlocuteurs et c’est cela qui nourrira le plan que le Premier ministre présentera.

situation des fonctionnaires dans la crise

M. le président. La parole est à M. Arnaud de Belenet, pour le groupe La République En Marche.

M. Arnaud de Belenet. Ma question s’adresse à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics.

Monsieur le secrétaire d’État, lundi, le Président de la République esquissait des pistes pour le pacte social à établir pour la France d’après, celle de demain. Cela me semble essentiel.

Mais d’ores et déjà, et ils le démontrent dans la crise, nos institutions et nos agents publics sont aujourd’hui en première ligne pour assurer la continuité des services essentiels à notre nation. Au-delà, ils maintiennent l’unité du pays, ils le tiennent debout, ils garantissent l’attention à chacun, la concorde et la paix.

Le Président de la République confiait au Gouvernement des décisions dans des délais rapides, notamment pour soutenir plus avant le secteur privé, particulièrement les libéraux et les indépendants, mais aussi pour accompagner les trois versants de la fonction publique.

Nous pensons à la fonction publique hospitalière, qui bénéficiera de dispositions particulières marquant notre reconnaissance et l’importance collective de ces personnels, aux forces de sécurité civiles et militaires, aux enseignants, qui maintiennent un lien essentiel là où les inégalités sociales sont les plus fortes et les plus criantes en ce moment.

Nous pensons aussi aux très nombreux fonctionnaires, notamment d’État et territoriaux, que l’on cite moins. Ils prennent des risques. Ils ne comptent pas leurs heures. Ils font souvent face à une surcharge de travail importante, notamment les services sociaux, la protection de l’enfance, la justice, les centrales ministérielles, les fonctions support, la collecte d’ordures ménagères, les CCAS (centres communaux d’action sociale), les polices municipales, les services techniques…

Leur engagement et leur dévouement ont été reconnus et pris en compte au travers de plusieurs mesures dans le passé, comme pour le secteur privé. Je pense à la suspension du délai de carence en cas de congé pour maladie ou au placement en autorisation spéciale d’absence pour les agents vulnérables.

Monsieur le secrétaire d’État, une prime exceptionnelle existe pour les salariés du privé. Une prime pour les agents publics des trois versants est annoncée. Elle est légitime. Elle est attendue. Pouvez-vous nous en préciser les critères d’attribution, les modulations et les délais de mise en œuvre ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics.

M. Olivier Dussopt, secrétaire dÉtat auprès du ministre de laction et des comptes publics. Monsieur le sénateur de Belenet, chacun des exemples que vous avez cités témoigne de l’importance de l’action des agents publics titulaires et contractuels dans notre quotidien, pour assurer la continuité de la vie de la Nation.

Votre question est l’occasion pour moi de les en remercier et de leur témoigner la reconnaissance de toutes les Françaises et les Français pour leur travail au quotidien. Vous avez cité en premier lieu les fonctionnaires hospitaliers, ce qui est normal dans cette période, mais aussi tous ceux des deux autres versants de la fonction publique, qui sont particulièrement mobilisés.

Le Président de la République avait indiqué sa volonté de reconnaître l’engagement des agents dans cette période de crise, notamment pour celles et ceux qui font face à un surcroît d’activité. Sous l’autorité du Premier ministre, nous avons travaillé en ce sens. Les fonctionnaires hospitaliers, les personnels soignants et non soignants bénéficieront du paiement rapide et majoré des heures supplémentaires, comme l’a souligné le ministre des solidarités et de la santé. Ils bénéficieront également du versement d’une prime plus forte dans les territoires et les hôpitaux particulièrement confrontés au virus du Covid-19, mais aussi dans l’ensemble des territoires.

Le Premier ministre l’a rappelé après le conseil des ministres de ce matin, nous travaillons également en lien avec les employeurs des agents des Ehpad (établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes), c’est-à-dire les départements et le réseau associatif ou mutualiste, pour faire en sorte que les salariés des Ehpad publics et privés puissent aussi être reconnus dans cet exercice si particulier qu’ils accomplissent auprès de nos aînés.

Concernant la fonction publique d’État et la fonction publique territoriale, nous avons arrêté dans le projet de loi de finances rectificative le principe d’une prime exonérée de cotisations et de fiscalité. Ce sera le cas pour les trois versants. Cette prime d’un montant plafond de 1 000 euros sera attribuée par chacun des ministères aux agents connaissant un surcroît d’activité, quelle que soit leur situation. Elle pourra être versée de manière fractionnée si c’est utile ou pour mieux tenir compte de la réalité et de l’intensité des engagements de chacun des agents publics – titulaire ou contractuel – durant cette période.

Pour ce qui concerne la fonction publique territoriale, à la demande de très nombreuses associations d’élus, nous avons créé la même possibilité : une prime défiscalisée et désocialisée, d’un montant maximal de 1 000 euros, à la main des collectivités qui en fixeront le montant dans la limite de ce plafond et qui décideront du périmètre des agents éligibles. En application du principe de libre administration, les collectivités pourront décider librement de verser cette prime ou non.

C’est une reconnaissance matérielle de l’engagement des agents, qui s’ajoute à la reconnaissance et à l’hommage moral que nous leur rendons les uns et les autres. L’engagement est ainsi tenu ! (M. François Patriat applaudit.)

crise et difficultés rencontrées par les plus fragiles et question des masques

M. le président. La parole est à M. Philippe Mouiller, pour le groupe Les Républicains.

M. Philippe Mouiller. Monsieur le ministre des solidarités et de la santé, j’aborderai trois sujets.

Dans son allocution lundi soir, le Président de la République a reconnu que la pandémie avait révélé « des failles et des insuffisances ». On ne peut malheureusement que souscrire à son propos tant les failles et les insuffisances sont nombreuses. Elles vont bien au-delà de notre système de santé.

La crise s’est comportée comme un révélateur et les difficultés que rencontrent les personnes les plus fragiles nous ont sauté aux yeux. La situation dans les Ehpad a témoigné de notre très grande difficulté à protéger nos aînés.

La crise a montré de façon criante l’écueil que constitue pour la personne handicapée l’accès aux soins. Ce n’est pas simple en temps normal ; c’est devenu presque impossible en temps de crise.

La fermeture des internats pour enfants en situation de handicap a conduit au retour d’enfants au domicile de leurs parents, entraînant pour ces derniers une situation délicate. Là encore, la crise a mis le doigt sur le manque de moyens d’accompagnement que connaissent trop souvent les proches aidants.

Nous pourrions également évoquer les difficultés grandissantes des Français les plus pauvres, des mères isolées, des travailleurs précaires, des mal-logés….

Monsieur le ministre, si le confinement n’est pas toujours facile à vivre pour les Français, il l’est encore moins pour les plus fragiles d’entre eux. De ce point de vue, la pandémie aura joué un rôle de révélateur implacable. Quelles leçons vis-à-vis des plus fragiles comptez-vous tirer de cette situation ?

Dans son allocution, le Président de la République a vanté, ce qui est nouveau, les vertus du port du masque pour tous. Dont acte ! Il a indiqué que les masques seront distribués par les communes, mais il n’a pas été précis sur certains points. D’où viendront ces masques ? Qui les financera ? Les maires se posent déjà des questions.

Certaines communes ont pris les devants et ont commencé à acheter des masques, en priorité pour le personnel médical. Ne pensez-vous pas qu’il serait souhaitable qu’elles bénéficient pour ces achats d’un taux de TVA réduit ?

Enfin, monsieur le ministre, nous avons bien compris que le confinement est pour l’instant la seule véritable réponse que nous sommes en mesure d’opposer à la maladie. Cela met en grande difficulté les professionnels du tourisme. Les restaurants et les hôtels sont fermés. Comment, dès lors, accepter que les plateformes en ligne continuent de proposer à la location saisonnière des destinations de vacances ?

M. le président. La parole est à M. le ministre des solidarités et de la santé.

M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé. Monsieur le sénateur, votre question me permet de revenir sur l’annonce faite par le Premier ministre il y a une heure, à la sortie du conseil des ministres.

Vous avez raison de le souligner, la situation est difficile pour tous les Français, mais elle l’est plus encore pour les plus précaires d’entre nous. L’accès à la cantine n’est plus garanti : c’est une perte pour les familles qui ne paient parfois que quelques centimes le repas. L’accès aux supermarchés proposant des prix préférentiels est beaucoup plus complexe et souvent les courses sont réalisées à la supérette de quartier, pratiquant des tarifs qui ne sont pas forcément les mêmes. Les plus précaires perdent aussi les compléments de salaire rendus possibles par l’exercice d’activités complémentaires.

Par ailleurs, les associations et les banques alimentaires, qui réalisent un travail formidable sur tout le territoire national, n’arrivent pas nécessairement à répondre à toutes les demandes.

C’est pourquoi le Gouvernement a décidé d’engager, pour plus de 850 millions d’euros, un dispositif de prime exceptionnelle de solidarité à destination des 4 millions de foyers les plus précaires de notre pays. Sont concernées les familles avec enfants, mais aussi les travailleurs pauvres et les bénéficiaires du RSA.

Tous les bénéficiaires du RSA et de l’ASS percevront 150 euros de prime, qui seront versés dès le 15 mai. Une somme de 100 euros par enfant sera allouée également à tous les bénéficiaires du RSA, de l’ASS et de l’aide personnalisée au logement. Je le répète : 4 millions de ménages sont concernés. Julien Denormandie, Christelle Dubos et moi-même avons mené ce travail en lien avec les associations, qui nous demandaient ce dispositif.

En ce qui concerne les masques grand public, comme le Premier ministre l’a rappelé, nous avons quinze jours pour présenter un plan complet, stratégique et transparent, qui apportera des réponses aux questions légitimes que vous vous posez, que les maires se posent et que tous les Français se posent. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)

fin du déconfinement scolaire

M. le président. La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian, pour le groupe socialiste et républicain.

Mme Sophie Taillé-Polian. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.

L’inquiétude est forte ; mes collègues s’en sont fait l’écho à travers leurs questions. Le sentiment qui domine aujourd’hui est encore celui de l’impréparation du Gouvernement.

Vous renvoyez la définition des conditions précises requises pour préserver la santé des enfants et des personnels à la concertation. Dont acte, monsieur le ministre ! Mais vous avez déjà fait un certain nombre d’annonces, notamment sur le respect de la distanciation. Vous avez également dit que le déconfinement commencerait par les écoles primaires et maternelles. Peut-on demander à des enfants de maternelle de respecter les gestes barrières ? Peut-on demander à un enseignant d’apprendre à écrire à un enfant en restant à un mètre de lui ? Pourquoi envisagez-vous de rouvrir les écoles primaires avant les collèges et les lycées ?

Vous évoquiez également, voilà quelques instants, la concertation à venir et le plan national que le Premier ministre annoncera. Dont acte ! Mais vous avez aussi évoqué la progressivité. Or, si l’ouverture est progressive, comment comptez-vous améliorer l’école à la maison d’ici au 11 mai, puis après cette date pour les élèves qui ne retourneront pas dans leur établissement scolaire, ou pas tout de suite ?

Enfin, qu’avez-vous prévu pour rétablir l’égalité à la rentrée entre ceux qui auront repris le chemin de l’école et ceux qui n’auront pu le faire ?

Monsieur le ministre, le véritable enjeu, c’est la rentrée scolaire. Or les cartes scolaires laissent toujours envisager des fermetures. Nous sommes en attente d’un véritable plan global, général, très ambitieux à la rentrée scolaire pour lutter véritablement contre les inégalités sur le long terme. Ce n’est pas à quelques semaines du mois de juillet que l’on résoudra les problèmes posés par le confinement.

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de léducation nationale et de la jeunesse. En vous écoutant, madame la sénatrice, je pensais au vieil adage : « la critique est aisée, mais l’art est difficile ». Mais après tout, vous êtes dans votre rôle et je suis dans le mien.

Il est essentiel de voir la vision à long terme derrière celle de court terme. C’est la raison pour laquelle je répondrai d’abord à la dernière partie de votre question.

Nous sommes en train de préparer ce qui va se passer pendant les vacances puis à la rentrée prochaine. Bien évidemment, il ne peut en aller comme d’habitude.

Je rejette le terme « impréparation ». C’est tout le contraire : depuis le début de cette crise, nous menons un travail en profondeur. Simplement, nous nous adaptons au fur et à mesure, comme la situation l’exige. Les scénarios sont toujours travaillés. C’est ce que nous avons fait pour le baccalauréat. Si notre solution a recueilli un certain assentiment, c’est parce que nous avons mené une concertation, mais aussi parce que nous avions travaillé ce scénario en amont.

Nous suivons la même méthode aujourd’hui. Jugez de son efficacité dans quinze jours plutôt que maintenant. J’espère que vous pourrez aussi en juger à la rentrée prochaine, quand vous verrez mises en œuvre certaines des choses que nous sommes en train de préparer.

Vous avez parlé, à juste titre, des vacances. Elles doivent être utiles pour lutter contre les inégalités sociales. C’est la raison pour laquelle nous développons, avec d’autres ministères, dont celui de Julien Denormandie, des colonies de vacances avec une dimension éducative encore plus accrue. Il s’agit d’offrir à nos élèves une possibilité d’épanouissement.

Je renforcerai également le dispositif « École ouverte » qui permet de garder les bâtiments ouverts en juillet et en août pour offrir des activités aux enfants. Tout cela, madame la sénatrice, s’inscrit dans une certaine continuité.

Vous avez évoqué la carte scolaire. Après avoir écouté les sénateurs, nous avons pris, voilà deux semaines, grâce à l’arbitrage du Premier ministre, une mesure qu’aucun gouvernement n’avait adoptée avant nous, pas même un gouvernement que vous auriez pu soutenir, à savoir la création de plus de 1 200 postes pour ne pas avoir à fermer de classes en milieu rural et pour améliorer le taux d’encadrement dans chaque commune de France. C’est un engagement que j’ai pris.

Alors oui, madame la sénatrice, notre inspiration est profondément sociale. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)

M. le président. La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian, pour la réplique.

Mme Sophie Taillé-Polian. Notre inquiétude reste vive dans nombre de territoires, notamment urbains, sur les questions de carte scolaire auxquelles les réponses n’ont pas été apportées. L’inquiétude demeure dans le milieu enseignant et dans celui des parents d’élèves.

J’attire également votre attention sur la question des colonies de vacances, bien souvent organisées par les mairies. Faute de places disponibles, ces dernières sont obligées de procéder à des tirages au sort.

Ce plan ambitieux, nous l’attendons donc avec une grande impatience. Nous aussi, nous sommes animés par un souci d’égalité sociale et de justice sociale.

tracking et risque de perte de souveraineté

M. le président. La parole est à M. Loïc Hervé, pour le groupe Union Centriste.

M. Loïc Hervé. Monsieur le secrétaire d’État chargé du numérique, pour que la crise sanitaire ne nous fasse pas passer d’une société de la bienveillance à une société de la surveillance, pour que le recours au numérique dans la sortie de crise soit efficace, il faut créer de la confiance avec les Français.

Pour atteindre cet objectif, la mise en place d’une application, sur mobile, de traçage des contacts sociaux ne peut donc se faire dans notre pays que sur la base de trois éléments cumulatifs.

Premièrement, la préservation des libertés. En prononçant les mots « volontariat » et « anonymisation », le Président de la République a donc confirmé que cette solution se ferait dans le cadre du respect aussi bien du droit national que du droit européen, notamment du RGPD (règlement général européen sur la protection des données).

Deuxièmement, la recherche de l’universalité. Pour être efficace, cette application ne doit pas concerner uniquement les personnes familières des nouvelles technologies. Il faudra non seulement faire preuve de pédagogie pour rassurer nos concitoyens et les inciter à utiliser cet outil, mais aussi se préoccuper dès maintenant des moyens humains qui devront accompagner le déploiement de ce dernier.

En Corée, pas moins de 20 000 personnes ont mené ce travail. Se reposer uniquement sur le numérique n’aurait pas de sens, notamment parce qu’il faudra aussi alerter des personnes qui n’auront pas recours à cette application ou qui ne pourront y avoir recours.

Troisièmement, la protection de notre souveraineté. Il n’y a pas beaucoup de bonnes nouvelles dans cette crise du Covid-19, mais nous disposons, par exemple avec nos amis allemands et suisses, de toutes les compétences pour que la solution informatique soit française et européenne.

Sur ce dernier point, monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous nous confirmer que l’intégralité de l’infrastructure informatique sera sous notre propre contrôle – l’application elle-même, l’hébergement des données ou le capital des entreprises chargées de sa réalisation ? En d’autres termes, sommes-nous capables et avons-nous la volonté de résister aux assauts des géants du numérique pour offrir aux citoyens français une réponse nationale dans laquelle ils pourront avoir vraiment confiance ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Claude Malhuret applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé du numérique.

M. Cédric O, secrétaire dÉtat auprès du ministre de léconomie et des finances et du ministre de laction et des comptes publics, chargé du numérique. Monsieur le sénateur Hervé, je vous remercie de votre question qui me permet de rappeler que, comme le Président de la République s’y est engagé et comme cela a été précisé ce matin, le Gouvernement aura l’occasion de débattre de cette question avec les deux chambres du Parlement les 28 et 29 avril prochains, avant le déploiement de l’application que vous évoquez. Bien évidemment, je me tiens, d’ici là, à la disposition de l’ensemble des groupes parlementaires pour répondre à toutes les questions.

Sachez que le Gouvernement assume pleinement le fait d’étudier toutes les options sanitaires, techniques, technologiques, organisationnelles qui pourront aider au déconfinement et potentiellement éviter que l’épidémie ne reparte, avec toutes les conséquences terribles que cela pourrait entraîner.

Nous posons deux conditions au déploiement de solutions technologiques. Je crois que nous avons été extrêmement clairs sur ce sujet. La première est que les solutions éventuellement déployées respectent l’ensemble non seulement de nos lois et règlements, mais également de nos valeurs en termes de libertés publiques et de protection de la vie privée. C’est une condition indispensable pour être en accord avec nous-mêmes et pour faciliter l’acceptation d’une telle solution, si tant est qu’elle s’avère utile dans le cadre du combat contre l’épidémie.

En ce qui concerne la seconde condition, il s’agit de faire en sorte, le cas échéant, qu’un maximum de Français puisse profiter de cette solution, y compris ceux qui sont touchés par la fracture numérique, pour ne pas ajouter une fracture technico-sanitaire à d’autres fractures sociales.

Comme j’ai déjà eu l’occasion de le souligner, le projet est piloté par Inria (Institut national de recherche en sciences et technologies du numérique), en lien avec nos partenaires allemands et suisses notamment. Des industriels viennent également nous aider, gratuitement et sur la base du volontariat, car il s’agit d’une solution techniquement compliquée.

Les deux grands géants américains du numérique que vous évoquez ont également fait des déclarations sur ce sujet. Je me réjouis qu’ils s’intéressent à cette question et se montrent désireux d’aider les gouvernements. Toutefois, il me semble absolument essentiel que les conditions de développement d’une telle application d’intérêt général et sanitaire, laquelle revêt un caractère quasiment souverain, ne relèvent justement que de la seule décision des États souverains.

M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.

Les prochaines questions d’actualité au Gouvernement auront lieu mercredi 22 avril à quinze heures.