M. le président. Il faut conclure !

M. Fabien Gay. Nous attendons des réponses, madame la ministre.

M. le président. L’amendement n° 71 rectifié, présenté par M. Marie, Mme Lubin, MM. Daudigny, Kanner et Kerrouche, Mmes Féret, Grelet-Certenais et Jasmin, M. Jomier, Mmes Meunier et Rossignol, M. Tourenne, Mme Van Heghe, M. Antiste, Mme Artigalas, MM. Assouline, Bérit-Débat, Jacques Bigot et Joël Bigot, Mmes Blondin et Bonnefoy, MM. Botrel, M. Bourquin, Boutant et Carcenac, Mmes Conconne et Conway-Mouret, MM. Courteau, Dagbert et Daunis, Mme de la Gontrie, MM. Devinaz, Durain, Duran et Éblé, Mme Espagnac, MM. Féraud et Fichet, Mmes M. Filleul et Ghali, M. Gillé, Mmes Guillemot et Harribey, MM. Houllegatte, Jacquin et P. Joly, Mme G. Jourda, MM. Lalande et Leconte, Mme Lepage, MM. Lozach, Lurel, Magner, Manable et Mazuir, Mme Monier, M. Montaugé, Mmes Perol-Dumont et Préville, M. Raynal, Mme S. Robert, MM. Roger, Sueur et Sutour, Mme Taillé-Polian, MM. Temal et Tissot, Mme Tocqueville, MM. Todeschini, Vallini, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Après l’article 1er septdecies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les entreprises du CAC 40 ayant bénéficié des dispositifs de soutien économique exceptionnel de l’État ne peuvent licencier durant toute la période de l’état d’urgence sanitaire excepté si le licenciement est un licenciement disciplinaire.

La parole est à M. Didier Marie.

M. Didier Marie. Souvent, lorsque l’on parle d’interdiction des licenciements, on est pointé du doigt et désigné comme de purs idéologues. Pour autant, quand on regarde autour de nous, depuis le début de cette terrible crise, on constate que des pays tout à fait raisonnables ont mis en œuvre ces dispositions. L’Italie a interdit les licenciements pendant toute la période de crise sanitaire ; l’Espagne a fait de même.

Il ne s’agit pas d’interdire tout licenciement dans toute situation, mais, a minima, de réserver cette mesure aux entreprises du CAC 40, qui distribuent des milliards de dividendes, dès lors qu’elles reçoivent des aides de l’État.

Je vais prendre un exemple dans mon département, mais il concerne en fait toute la France. Renault demande une aide de 5 milliards d’euros au Gouvernement. Je ne sais si le chèque est déjà signé, mais, dans le même temps, la Régie annonce la fermeture d’un certain nombre de sites, notamment celui de Dieppe, dans lequel ont été investies des dizaines de millions d’euros dernièrement avec l’aide des collectivités territoriales. C’est un site qui compte 350 employés, qui ne connaissent pas aujourd’hui leur avenir.

Le ministre de l’économie a été saisi de ces questions. Il a déclaré qu’il demanderait des contreparties, qu’il aurait des exigences. Cependant, aujourd’hui, je le répète, les salariés de Renault à Dieppe ne savent pas ce que sera demain leur situation. C’est valable aussi à Flins et ailleurs.

Nous considérons que, dans ces situations, le Gouvernement doit avoir une attitude très claire en disant : « Aucun licenciement pendant une période donnée, dès lors que vous avez bénéficié des aides de l’État. »

Tel est l’objet de notre amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission des affaires sociales ?

M. René-Paul Savary, rapporteur pour avis. Ces trois amendements, malgré quelques petites différences, visent à interdire les licenciements pendant la période d’état d’urgence sanitaire.

L’amendement n° 208 rectifié bis tend à interdire tout licenciement non seulement pendant la période d’état d’urgence sanitaire, mais aussi au-delà, puisque cette disposition serait applicable tant que des mesures d’accompagnement des entreprises seraient en vigueur.

On ne lutte pas contre les licenciements en proclamant une interdiction générale, mais en soutenant les entreprises en difficulté afin qu’elles soient en mesure de conserver leurs salariés. Or il peut arriver que ce soutien soit insuffisant et que les entreprises soient tout de même conduites à licencier certains salariés pour en conserver d’autres.

De plus, je note que cet amendement vise tous les motifs de licenciement, y compris les licenciements pour motif personnel, par exemple pour faute. Je vois mal ce qui justifie cette interdiction absolue.

Par ailleurs, je me permets de faire remarquer que l’Espagne n’a pas interdit les licenciements. Un décret prévoit seulement que les difficultés économiques liées au Covid-19 ne peuvent constituer à elles seules un motif de licenciement dans la mesure où un dispositif de chômage partiel existe. C’est différent.

L’amendement n° 209 rectifié bis est un amendement de repli, mais il n’est pas non plus acceptable. (M. Fabien Gay sesclaffe.) Il vise les entreprises qui distribuent des dividendes ou qui ont une filiale dans un territoire non coopératif.

Je note qu’une entreprise peut avoir fait des bénéfices une année, en avoir reversé une partie à ses actionnaires et se trouver aujourd’hui, en raison de la crise, contrainte de licencier pour ne pas disparaître, la crise étant particulièrement brutale. Les dividendes versés peuvent d’ailleurs être sans commune mesure avec les difficultés rencontrées du fait de l’épidémie. Cet amendement a une portée générale et ne semble donc pas pertinent.

S’agissant des paradis fiscaux, le fait d’avoir des filiales à l’étranger n’a pas nécessairement d’impact sur la situation de l’entreprise en France. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe CRCE.)

L’amendement n° 71 rectifié ne vise à interdire que les licenciements économiques et uniquement dans les entreprises du CAC 40 ayant bénéficié d’aides de l’État.

Je note qu’il introduit une rupture d’égalité injustifiée entre les salariés d’une entreprise du CAC 40 et ceux dont l’entreprise n’est pas cotée ou est cotée sur une autre place boursière. Pour reprendre l’exemple cité par ses auteurs, cet amendement protégerait temporairement les salariés de Renault, mais pas ceux de Toyota.

Il pose en outre un problème de sécurité juridique s’il doit s’appliquer rétroactivement depuis le début de l’état d’urgence sanitaire.

Enfin, encore une fois, ce n’est pas parce qu’une entreprise a bénéficié d’une aide publique que sa situation est viable pour autant.

Telles sont les raisons qui ont conduit la commission des affaires sociales à émettre un avis défavorable sur ces trois amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Muriel Pénicaud, ministre. Le Gouvernement est également défavorable à ces amendements. Je ne vais pas reprendre les arguments très bien développés par M. le rapporteur pour avis, je veux simplement revenir de façon un peu plus globale sur le fond du sujet.

Nous avons tous le même objectif : préserver et sauver l’emploi, le plus possible, à un moment où notre pays connaît, à la suite de la crise sanitaire, une crise économique et sociale qui ne fait que commencer et qui va être profonde, dure. Nous en avons eu aujourd’hui les premiers effets avec l’augmentation forte du flux des demandeurs d’emploi, non pas parce qu’il y a de nouvelles inscriptions, mais parce que ceux qui sont à Pôle emploi n’arrivent plus à retrouver un poste, compte tenu de la baisse très forte des recrutements.

Grâce au bouclier social que constitue le chômage partiel depuis deux mois et demi, on ne constate pas du tout de vagues de licenciements en France aujourd’hui. Le problème n’est pas le licenciement ; le problème est que tous ceux qui avaient des contrats précaires – CDD ou intérim – ne se sont pas vu proposer de renouvellement. Comme beaucoup d’entre vous l’ont dit précédemment, ce sont essentiellement des salariés travaillant dans le secteur de la culture ou de l’hôtellerie-restauration qui viennent grossir les rangs de Pôle emploi. Aussi, le défi est non pas pour aujourd’hui, mais pour demain.

L’histoire a prouvé que l’interdiction des licenciements, qui peut paraître satisfaisante, rassurante au moment où l’on en prend la décision, devient vite une arme à double tranchant, pouvant se retourner contre les salariés, et ce pour deux raisons.

En premier lieu, une telle interdiction incite les employeurs à ne pas recruter et à généraliser l’intérim. Les salariés se trouvent dès lors précarisés, puisque les entreprises n’embauchent plus en CDI, mais n’ont plus recours qu’à des contrats précaires, au terme desquels elles peuvent se séparer des salariés sans devoir les licencier.

En second lieu, si une entreprise connaît de lourdes difficultés et n’est plus en mesure de payer les salaires, l’interdiction des licenciements la conduit à une situation de défaillance.

Dès lors, pour atteindre notre but commun, à savoir préserver l’emploi le plus possible, il nous faut trouver des instruments qui soient à la fois plus efficaces économiquement et tout aussi justes socialement qu’une interdiction qui n’aurait ni utilité ni portée réelle. Vous aurez l’occasion, tout à l’heure, d’y contribuer, en adoptant l’amendement n° 278 du Gouvernement, par lequel nous vous proposerons un mécanisme révisé et plus précis d’activité partielle de longue durée. Ce dispositif permettra aux entreprises qui connaissent des difficultés, mais peuvent raisonnablement émerger de cette période de crise, de bénéficier d’un accompagnement de longue durée par le biais de l’activité partielle, la contrepartie étant évidemment le maintien dans l’emploi. Il me semble qu’il convient d’aller dans cette voie.

Pour les mêmes raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable sur les amendements nos 209 rectifié bis et 71 rectifié.

Concernant la concomitance éventuelle entre versement de dividendes aux actionnaires et licenciements, monsieur Gay, notre conviction est que, de toute façon, le modèle d’entreprise qui s’avérera le plus robuste et le plus durable, c’est celui où il y a un juste partage de la valeur entre les parties prenantes. L’actionnaire a besoin de recevoir un retour sur son investissement ; sinon, demain, il n’y aura plus d’actionnaires, et donc plus d’investissement dans les entreprises. Les clients et les fournisseurs ou sous-traitants doivent également être traités justement : il est important de le rappeler, car les petites entreprises sous-traitantes ne le sont pas toujours dans les relations contractuelles. Enfin, les salariés, dont le travail contribue fortement à la création de valeur, ne doivent évidemment pas être oubliés.

Pour aborder ce sujet, il faut prendre en compte la diversité de la situation des entreprises. La gouvernance doit jouer son rôle, mais il faut privilégier une approche au cas par cas, plutôt que d’édicter des principes généraux : c’est ainsi que nous protégerons l’emploi et que nous le ferons progresser sans mettre à mal l’avenir des entreprises. Pour avoir de l’emploi demain, il faut des entreprises saines, capables de prendre des marchés et de réussir.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.

M. Jean-Yves Leconte. Madame la ministre, je vous ai écoutée avec attention et je pourrais partager certains de vos propos : de façon générale, vous dites des généralités…

Ayant été chef d’entreprise, je peux comprendre cette logique, mais nous sommes dans un moment très particulier. Ce que nous devons surmonter aujourd’hui, ce n’est pas une crise qui dure depuis des années, mais un arrêt volontaire de l’économie. Des moyens énormes sont mis en place et sont encore discutés au niveau européen pour parer le plus possible aux conséquences de cet arrêt.

La question posée au travers de ces amendements est la suivante : les pouvoirs publics sont-ils en mesure d’accompagner les entreprises de manière qu’elles puissent faire face aux effets des décisions politiques liées à la crise sanitaire qui ont arrêté leur activité et reprendre celle-ci comme auparavant ? Il s’agit ici non pas d’entreprises mal gérées, sans perspectives, mais des conséquences d’un arrêt volontaire de l’économie : c’est tout à fait différent !

Les généralités que vous venez d’exposer et que l’on nous sert depuis de nombreuses années pour justifier la dérégulation du marché du travail ne valent donc pas en l’occurrence. Il s’agit de savoir si les moyens que nous donnons aux entreprises pour faire face à cette crise suffiront pour éviter les conséquences sociales que l’on commence à voir apparaître. Il convient d’aider suffisamment les entreprises pour qu’elles n’aient pas à licencier.

M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.

M. Fabien Gay. Madame la ministre, nous avons un point d’accord : ce sont les travailleurs qui créent la richesse, et non les actionnaires. Quand les travailleurs se mettent en grève, il n’y a plus de production, et plus de valeur à partager.

Certes, les 800 000 nouveaux chômeurs sont, pour beaucoup d’entre eux, des travailleurs dont les contrats précaires ont pris fin, mais il y a tout de même eu des vagues de licenciements : on a compté 53 plans de sauvegarde de l’emploi entre le 1er mars et le 17 mai, pour 2 853 postes supprimés. Je tiens cette information d’une très bonne source, le Figaro d’avant-hier. (M. Jérôme Bascher sexclame.) Selon ce journal, beaucoup de PSE vont encore être annoncés.

Nous vous faisons une dernière proposition. Vous ne voulez pas interdire les licenciements ; très bien. Raymond Soubie, dont on ne peut pas dire qu’il est proche de notre groupe politique, puisque c’est un ancien conseiller de Nicolas Sarkozy (M. Loïc Hervé sexclame.), a appelé, dans un entretien accordé aux Échos, à « repenser d’urgence les règles des plans sociaux ».

Depuis les décrets Macron de 2017, les plans de licenciement peuvent être activés au regard d’un seul motif. La perte de chiffre d’affaires, même partielle ou artificielle, que connaissent aujourd’hui nombre d’entreprises suffit donc à justifier un plan social, alors qu’il fallait auparavant un faisceau concordant de facteurs. Si vous ne revenez pas d’urgence sur les décrets de 2017, nous connaîtrons une vague de licenciements ! Nous ne sommes pas seuls à le dire ! Est-ce une piste que vous pouvez envisager ?

Enfin, vous ne m’avez pas répondu sur la prime de près de 800 000 euros reçue par Ben Smith. Nous continuerons à vous interroger sur ce point, ainsi que M. Le Maire.

M. le président. La parole est à M. Michel Vaspart, pour explication de vote.

M. Michel Vaspart. Je ne voterai pas ces amendements.

Ayant été chef d’entreprise pendant plus de vingt ans, j’estime que, pendant une crise économique aussi importante que celle que nous allons vivre, il faut à l’évidence que les entreprises qui, malheureusement, n’auront pas suffisamment de commandes pour faire travailler tous leurs salariés puissent éventuellement ajuster leur effectif. Sinon, c’est l’ensemble des emplois qui seront sous la menace d’un dépôt de bilan. Voilà pourquoi je ne soutiendrai pas ces amendements.

En revanche, madame la ministre, ce qui est insupportable, c’est que des entreprises qui reçoivent des aides importantes de l’État distribuent des dividendes. C’est même particulièrement indécent ! Ce faisant, elles affaiblissent leurs fonds propres plutôt que de les consolider, ce qui les aiderait à passer la crise. Je ne comprends donc pas pourquoi le Gouvernement n’a pas conditionné l’octroi des aides publiques à l’absence de distribution de dividendes ! (Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains et UC. – Mme Éliane Assassi et M. Fabien Gay applaudissent également.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 208 rectifié bis.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 209 rectifié bis.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 71 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Article additionnel après l'article 1er septdecies - Amendements n° 208 rectifié bis, n° 209 rectifié bis et n° 71 rectifié
Dossier législatif : projet de loi relatif à diverses dispositions liées à la crise sanitaire, à d'autres mesures urgentes ainsi qu'au retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne
Article 1er octodecies (nouveau)

M. le président. L’amendement n° 61 rectifié bis, présenté par MM. Kerrouche et Marie, Mme Lubin, MM. Daudigny et Kanner, Mmes Féret, Grelet-Certenais et Jasmin, M. Jomier, Mmes Meunier et Rossignol, M. Tourenne, Mme Van Heghe, M. Antiste, Mme Artigalas, MM. Assouline, Bérit-Débat, Jacques Bigot et Joël Bigot, Mmes Blondin et Bonnefoy, MM. Botrel, M. Bourquin, Boutant et Carcenac, Mmes Conconne et Conway-Mouret, MM. Courteau, Dagbert et Daunis, Mme de la Gontrie, MM. Devinaz, Durain, Duran et Éblé, Mme Espagnac, MM. Féraud et Fichet, Mmes M. Filleul et Ghali, M. Gillé, Mmes Guillemot et Harribey, MM. Houllegatte, Jacquin et P. Joly, Mme G. Jourda, MM. Lalande et Leconte, Mme Lepage, MM. Lozach, Lurel, Magner, Manable et Mazuir, Mme Monier, M. Montaugé, Mmes Perol-Dumont et Préville, M. Raynal, Mme S. Robert, MM. Roger, Sueur et Sutour, Mme Taillé-Polian, MM. Temal et Tissot, Mme Tocqueville, MM. Todeschini, Vallini, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Après l’article 1er septdecies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le Gouvernement remet au Parlement, le 31 août 2020 au plus tard, un rapport relatif à l’adaptation des règles d’assurance chômage au cours de l’état d’urgence sanitaire prévu par l’article L. 3131-15 du code de la santé publique.

La parole est à M. Éric Kerrouche.

M. Éric Kerrouche. Demander un rapport n’est sûrement pas, madame la ministre, de bonne méthode législative. Pour autant, c’est le seul moyen que nous ayons trouvé pour vous alerter une nouvelle fois sur la nécessité absolue d’abroger la réforme de l’assurance chômage prévue par la loi du 5 septembre 2018, intitulée, dans la novlangue gouvernementale, « pour la liberté de choisir son avenir professionnel ».

Dans le département des Landes, ce mois-ci, le taux de chômage a augmenté de 40 % ! La mise en œuvre de la réforme de l’assurance chômage, qui est seulement suspendue à l’heure actuelle, causerait à l’évidence des difficultés majeures pour toutes les personnes qui tomberaient dans le chômage, car leur indemnisation diminuerait drastiquement. Cela concernerait d’abord les travailleurs les plus fragiles, notamment dans des secteurs d’activité touchés de plein fouet, tel celui du tourisme.

Face à la crise actuelle, vous avez pris la décision de reporter au mois de septembre prochain la réforme de l’indemnisation du chômage, qui devait entrer en vigueur en avril. Néanmoins, l’autre partie de cette réforme est déjà entrée en vigueur en novembre 2019, ce qui a déjà privé de leurs droits beaucoup d’allocataires.

C’est pourquoi nous vous demandons, au travers de cet amendement, de ne pas appliquer cette réforme, au vu des perspectives économiques et des conséquences qu’elle entraînerait pour tous ceux qui, malheureusement, seront amenés à émarger à l’assurance chômage dans les semaines à venir.

M. le président. Quel est l’avis de la commission des affaires sociales ?

M. René-Paul Savary, rapporteur pour avis. Notre commission a pour principe d’émettre un avis défavorable sur les demandes de rapport.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Muriel Pénicaud, ministre. Il est également défavorable. Vous avez reconnu vous-même, monsieur Kerrouche, que la multiplication des rapports n’améliorait pas forcément la qualité du travail législatif.

La réforme de l’assurance chômage a un sens économique et un sens social. Nous sommes dans un contexte particulier. J’en suis à ma dix-huitième réunion téléphonique avec les partenaires sociaux depuis le début de la crise. Nous abordons tous les sujets relatifs à la santé et à l’emploi. Une nouvelle rencontre est prévue au mois de juin. Évidemment, nous discuterons aussi de l’assurance chômage, afin de déterminer quelles adaptations son régime doit recevoir dans le contexte actuel.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 61 rectifié bis.

(Lamendement nest pas adopté.)

Article additionnel après l'article 1er septdecies - Amendement n° 61 rectifié bis
Dossier législatif : projet de loi relatif à diverses dispositions liées à la crise sanitaire, à d'autres mesures urgentes ainsi qu'au retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne
Article 1er novodecies (nouveau)

Article 1er octodecies (nouveau)

Par dérogation au deuxième alinéa de l’article L. 612-6 du code de la sécurité sociale, les organisations candidates mentionnées au premier alinéa du même article L. 612-6 déclarent, pour la prochaine mesure de leur audience, le nombre de travailleurs indépendants adhérents à leur organisation au titre de l’année 2019. – (Adopté.)

Article 1er octodecies (nouveau)
Dossier législatif : projet de loi relatif à diverses dispositions liées à la crise sanitaire, à d'autres mesures urgentes ainsi qu'au retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne
Article additionnel après l'article 1er novodecies - Amendement n° 278

Article 1er novodecies (nouveau)

Jusqu’au 31 décembre 2020, les dispositions du titre IV du livre II de la huitième partie du code du travail sont applicables dans les conditions suivantes :

1° La convention mentionnée au 2° de l’article L. 8241-2 peut porter sur la mise à disposition de plusieurs salariés ;

2° L’avenant au contrat de travail mentionné au 3° du même article L. 8241-2 peut ne pas comporter les horaires d’exécution du travail. Il précise dans ce cas le volume hebdomadaire des heures de travail durant lesquelles le salarié est mis à disposition. Les horaires de travail sont fixés par l’entreprise utilisatrice avec l’accord du salarié.

M. le président. L’amendement n° 66, présenté par Mme Lubin, MM. Daudigny, Kanner, Kerrouche et Marie, Mmes Féret, Grelet-Certenais et Jasmin, M. Jomier, Mmes Meunier et Rossignol, M. Tourenne, Mme Van Heghe, M. Antiste, Mme Artigalas, MM. Assouline, Bérit-Débat, Jacques Bigot et Joël Bigot, Mmes Blondin et Bonnefoy, MM. Botrel, M. Bourquin, Boutant et Carcenac, Mmes Conconne et Conway-Mouret, MM. Courteau, Dagbert et Daunis, Mme de la Gontrie, MM. Devinaz, Durain, Duran et Éblé, Mme Espagnac, MM. Féraud et Fichet, Mmes M. Filleul et Ghali, M. Gillé, Mmes Guillemot et Harribey, MM. Houllegatte, Jacquin et P. Joly, Mme G. Jourda, MM. Lalande et Leconte, Mme Lepage, MM. Lozach, Lurel, Magner, Manable et Mazuir, Mme Monier, M. Montaugé, Mmes Perol-Dumont et Préville, M. Raynal, Mme S. Robert, MM. Roger, Sueur et Sutour, Mme Taillé-Polian, MM. Temal et Tissot, Mme Tocqueville, MM. Todeschini, Vallini, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et républicain et apparentés, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Monique Lubin.

Mme Monique Lubin. Combien d’entreprises n’ont pu faire aboutir une convention de prêt de main-d’œuvre à but non lucratif depuis le début de l’état d’urgence sanitaire ? L’étude d’impact est muette sur le sujet.

En quoi un assouplissement du cadre du prêt de main-d’œuvre entre entreprises se justifie-t-il ? Aucun élément ne figure non plus dans l’étude d’impact sur ce point.

Plus globalement, combien d’entreprises et combien de salariés ont été concernés par ce dispositif dans sa forme actuelle, et dans quels secteurs ? Nous ne disposons là encore d’aucun élément nous permettant de répondre à ces questions.

Les organisations syndicales ont-elles été consultées sur l’évolution inscrite dans le texte par le rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales ?

Le prêt de main-d’œuvre à but non lucratif entre entreprises est un dispositif très spécifique, qui place le salarié dans une situation atypique : son contrat de travail n’est ni rompu ni suspendu, mais il doit travailler dans une autre entreprise, hors de son cadre habituel de travail. C’est pourquoi ce dispositif est très encadré par le code du travail. Ce que d’aucuns nomment « formalisme » garantit la protection des travailleurs.

L’article 1er novodecies vise à « assouplir » le dispositif, c’est-à-dire à réduire la protection des salariés concernés. Une même convention de prêt pourrait concerner plusieurs salariés : que vaudrait un refus individuel dans ce cadre collectif ? Serait-il même encore possible, dans le rapport de force entre employeur et salarié ?

En outre, l’avenant au contrat de travail ne fixerait plus les horaires de travail dans l’entreprise utilisatrice. Dès lors, rien ne garantit que le volume horaire hebdomadaire resterait le même pour le salarié prêté à l’entreprise utilisatrice.

Non seulement la nécessité de cet assouplissement n’est démontrée par aucun élément probant, mais il porte en plus atteinte aux droits des salariés.

Cet amendement s’inscrit dans la lignée de l’amendement n° 65 que j’ai défendu tout à l’heure. Je le répète, les salariés sont tout à fait conscients de la gravité de la situation actuelle. Ils en seront de toute façon les premières victimes et sont donc prêts à faire des efforts, mais pas à n’importe quel prix ! On a vraiment l’impression ici qu’il s’agit de se prêter des salariés comme on se prêterait n’importe quel outil de travail !

M. le président. Quel est l’avis de la commission des affaires sociales ?

M. René-Paul Savary, rapporteur pour avis. Mme Lubin a raison de relever que l’étude d’impact est particulièrement muette sur ce dispositif. En revanche, il est clair que ces prêts de salariés ne peuvent se faire qu’avec l’accord de ceux-ci. On peut comprendre le besoin de souplesse suscité par l’épidémie. C’est pourquoi la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Muriel Pénicaud, ministre. Même avis.

M. le président. La parole est à Mme Monique Lubin, pour explication de vote.

Mme Monique Lubin. Monsieur le rapporteur pour avis, que vaut l’accord du salarié en une telle période ? Pensez-vous réellement qu’un salarié peut se permettre, dans les circonstances actuelles, de ne pas donner son accord ? On ne vit pas dans un monde merveilleux ! J’ai parfois l’impression qu’on a tendance à l’oublier dans cet hémicycle…

M. le président. La parole est à M. Didier Marie, pour explication de vote.

M. Didier Marie. Nous avions expliqué, lors de la discussion générale, que certaines mesures de ce texte pouvant paraître anecdotiques posaient en fait des difficultés majeures. C’est le cas du dispositif de cet article. En effet, petit bout par petit bout, on organise une flexibilité accrue du travail, on remet en cause certains droits des salariés. Pour l’instant, cela ne vaut que pour une période donnée, celle de l’état d’urgence sanitaire, mais on sait très bien que ce qui a ainsi été mis sur la table pourra l’être à nouveau ultérieurement.

Nous sommes donc extrêmement inquiets que toute une série de mesures viennent détricoter, certes partiellement, les droits des salariés.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 66.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 67, présenté par Mme Lubin, MM. Daudigny, Kanner, Kerrouche et Marie, Mmes Féret, Grelet-Certenais et Jasmin, M. Jomier, Mmes Meunier et Rossignol, M. Tourenne, Mme Van Heghe, M. Antiste, Mme Artigalas, MM. Assouline, Bérit-Débat, Jacques Bigot et Joël Bigot, Mmes Blondin et Bonnefoy, MM. Botrel, M. Bourquin, Boutant et Carcenac, Mmes Conconne et Conway-Mouret, MM. Courteau, Dagbert et Daunis, Mme de la Gontrie, MM. Devinaz, Durain, Duran et Éblé, Mme Espagnac, MM. Féraud et Fichet, Mmes M. Filleul et Ghali, M. Gillé, Mmes Guillemot et Harribey, MM. Houllegatte, Jacquin et P. Joly, Mme G. Jourda, MM. Lalande et Leconte, Mme Lepage, MM. Lozach, Lurel, Magner, Manable et Mazuir, Mme Monier, M. Montaugé, Mmes Perol-Dumont et Préville, M. Raynal, Mme S. Robert, MM. Roger, Sueur et Sutour, Mme Taillé-Polian, MM. Temal et Tissot, Mme Tocqueville, MM. Todeschini, Vallini, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et républicain et apparentés, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Supprimer cet alinéa.

La parole est à Mme Monique Lubin.