M. le président. Sur les articles du texte élaboré par la commission mixte paritaire, je ne suis saisi d’aucun amendement.

Quelqu’un demande-t-il la parole sur l’un de ces articles ?…

Le vote est réservé.

Vote sur l’ensemble

Article 27
Dossier législatif : projet de loi de finances rectificative pour 2020
Explications de vote sur l'ensemble (fin)

M. le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble du projet de loi dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, je donne la parole à M. Marc Laménie, pour explication de vote.

M. Marc Laménie. Je voudrais m’exprimer en conclusion pour dire l’intérêt suscité par l’examen de ce PLFR 3, qui a donné lieu à une forte participation, avec de nombreux amendements. Je salue le travail de l’ensemble de nos collègues, sans oublier celui de tous les services du Sénat. De même, je salue l’engagement de nos collègues membres de la commission mixte paritaire, ainsi que de leurs homologues de l’Assemblée nationale.

Parmi les quelques chiffres à retenir, il y a malheureusement une diminution des recettes, qui atteint 24,3 milliards d’euros, avec les baisses de 11,7 milliards d’euros du produit de l’impôt sur les sociétés, de 8,1 milliards d’euros de la TVA, de 2,5 milliards d’euros du prélèvement sur les recettes de l’État au profit des collectivités territoriales.

En ce qui concerne les dépenses, la solidarité financière est indispensable pour soutenir le monde économique, mettant en exergue les notions de compromis et de confiance. Je retiens également l’avance de 800 millions d’euros consentie à Île-de-France Mobilités pour faire face aux problèmes de transport, qui sont essentiels, ainsi que les dispositifs permettant de dégager des recettes fiscales et domaniales pour les collectivités territoriales, en métropole comme en outre-mer, avec 2 milliards d’euros d’avance aux collectivités territoriales pour soutenir les départements, dont certains sont particulièrement affectés par des baisses de DMTO.

La mission « Relations avec les collectivités territoriales » reçoit 1 milliard d’euros en autorisations d’engagement au titre de la DSIL et de la DETR, en soutien aux investissements portés par les collectivités territoriales pour aider l’artisanat du bâtiment et l’ensemble du secteur du BTP.

Naturellement, le plan d’urgence face à la crise sanitaire atteint près de 9 milliards d’euros.

On retrouve la solidarité à travers les missions qui concernent l’écologie, le développement durable, l’agriculture, l’économie, la recherche et l’enseignement supérieur ou la sécurité.

Je soutiendrai naturellement le travail de la commission mixte paritaire.

M. le président. Personne ne demande plus la parole ?…

Conformément à l’article 42, alinéa 12, du règlement, je mets aux voix, dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, l’ensemble du projet de loi de finances rectificative pour 2020.

En application de l’article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.

Il va y être procédé dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 146 :

Nombre de votants 339
Nombre de suffrages exprimés 333
Pour l’adoption 241
Contre 92

Le Sénat a adopté.

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : projet de loi de finances rectificative pour 2020
 

7

Débat sur l’orientation des finances publiques

M. le président. L’ordre du jour appelle le débat sur l’orientation des finances publiques.

Dans le débat, la parole est à M. le ministre délégué.

M. Olivier Dussopt, ministre délégué auprès du ministre de léconomie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, messieurs les rapporteurs généraux, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi de vous dire le plaisir qui est le mien de participer avec vous à ce débat sur l’orientation des finances publiques (DOFP). Le contexte de ce débat est très particulier, comme en témoigne le projet de loi de finances rectificative que vous venez d’adopter et que l’Assemblée nationale adoptera certainement – si je peux me permettre de préjuger le résultat – lors de sa séance de fin d’après-midi.

Je souhaite, dans un premier temps, revenir sur l’utilisation de notre budget pendant la période précédant la crise. Je veux ensuite vous présenter, avec vérité, l’état de la situation actuelle de nos finances publiques. Enfin, puisqu’il est question de trajectoire, j’évoquerai nos perspectives pour 2021, qui seront déterminantes à la fois pour tenir les engagements pris et pour assurer la viabilité de nos finances publiques.

Le Gouvernement et sa majorité n’ont pas à rougir de leur action depuis 2017, qui s’est traduite par une nette amélioration des finances publiques jusqu’à l’an dernier. Depuis le début du quinquennat, notre stratégie est fondée sur la diminution des prélèvements obligatoires, la maîtrise de la dépense et de la dette publiques et une application rigoureuse du principe de sincérité budgétaire, qui s’applique autant à nos prévisions qu’à la budgétisation des dépenses.

Il ne faut pas négliger le rôle joué par cette bonne gestion dans notre capacité à gérer la crise. Les efforts conduits depuis trois ans ont permis de sécuriser nos marges de manœuvre pour faire face à des dépenses imprévues et exceptionnelles qui ont été et qui sont encore nécessaires.

Les réformes que nous avons menées ont grandement participé à cet état de fait, d’abord par la baisse inédite des prélèvements obligatoires, qui va se poursuivre, pour redonner du pouvoir d’achat aux Français et de la compétitivité à nos entreprises. J’ai ainsi à l’esprit la suppression de la taxe d’habitation, qui se poursuivra au rythme annoncé, les réductions de cotisations sociales, l’exonération fiscale et sociale des heures supplémentaires, la transformation du CICE (crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi) en allégement pérenne ou encore la baisse de l’impôt sur les sociétés. Ce sont ces réformes qui ont permis de faire passer le taux de prélèvements obligatoires par rapport au PIB de 45,1 % en 2017 à 44,8 % en 2018 et à 43,8 % en 2019, un taux de prélèvements obligatoires que nous voulons a minima préserver.

La progression des dépenses a été maîtrisée, notamment grâce à des réformes structurelles dans le champ de la politique du logement, de l’emploi et de l’audiovisuel public. Les administrations locales, qui, nous le savons, font face à des responsabilités croissantes, se sont également engagées dans cet effort commun de maîtrise des finances publiques. Ainsi, les collectivités et les organismes locaux présentent depuis quelques années un solde excédentaire. Cela a notamment été permis par la mise en place, en 2018, des contrats de Cahors ainsi que par un ciblage renforcé des dépenses, mais aussi par le maintien des dotations de fonctionnement.

Les finances de la sécurité sociale étaient revenues, avant la crise sanitaire, à une situation proche de l’équilibre, puisque le déficit de l’an dernier avait même été réduit à 1,9 milliard d’euros, son niveau le plus faible depuis le début des années 2000.

Enfin, la qualité de la gestion publique a été améliorée grâce au travail de sincérisation des prévisions établies en loi de finances initiale. La sincérité s’est accompagnée d’un plus grand respect des autorisations parlementaires, à l’instar des deux derniers budgets rectificatifs. Nous n’avons ainsi pris aucun décret d’avance au cours des deux derniers exercices, une méthode dont nous souhaitons poursuivre la mise en œuvre.

En matière de gestion des finances publiques, des améliorations sont évidemment toujours possibles. La Cour des comptes a récemment souligné, dans son rapport sur l’évolution des finances publiques, la nécessité de mener une nouvelle réflexion sur les modalités de leur pilotage pour l’avenir, dans un contexte bouleversé par la crise sanitaire et par ses conséquences économiques et financières.

Le recours à trois budgets rectificatifs pour 2020, dont vous venez d’adopter le dernier, montre que nous savons être réactifs et mettre nos objectifs de finances publiques temporairement de côté pour parer à l’urgence. La crise sanitaire nous a en effet conduits à agir vite et à prendre des décisions fortes en faisant passer la santé de nos concitoyens au premier rang des priorités. En 2020, ce sont ainsi 8 milliards d’euros de dépenses de santé supplémentaires qui ont été mobilisés pour financer des commandes massives de médicaments, de respirateurs ou de masques, mais aussi pour le versement de primes, le paiement d’heures supplémentaires ou encore le versement d’indemnités journalières.

L’arrêt de l’activité a bouleversé nos entreprises, notamment les plus petites d’entre elles, ainsi que leurs salariés. Nous les avons aidées, et nous devons redoubler d’efforts pour les accompagner, avec, en particulier, le soutien massif à l’emploi, grâce au financement de l’activité partielle, qui représente aujourd’hui un total de 31 milliards d’euros, et le fonds de solidarité, destiné à venir en aide aux entreprises les plus vulnérables et qui a été étendu dans le PLFR 3 pour représenter plus de 8 milliards d’euros.

Par ailleurs, l’État s’est placé en situation d’assureur en dernier ressort de l’économie par la garantie des prêts aux entreprises qui en avaient besoin ; nous avons également mis en place un système de report d’échéances de paiement de prélèvements obligatoires, dont certains feront désormais l’objet d’annulations définies par l’article 18 du PLFR que vous venez d’adopter.

Nous avons aussi travaillé à rembourser de manière anticipée les crédits d’impôt et nous avons abondé le compte « Participations financières de l’État » à hauteur de 20 milliards d’euros pour nous permettre de prendre des participations dans des entreprises stratégiques qui auraient besoin de cette intervention pour être pérennisées.

Il faut aussi souligner que le confinement a exacerbé les disparités qui existaient au sein de notre société. Il était donc de notre devoir d’assurer, en complément des actions déjà menées, un soutien pour les plus fragiles. C’est la raison pour laquelle nous avons prolongé les revenus de remplacement, différé de quelques mois l’entrée en vigueur de la réforme de l’assurance chômage, mais aussi distribué une prime exceptionnelle aux foyers les plus fragiles et les plus précaires, octroyé une aide supplémentaire pour les jeunes ou pour les étudiants et mis en place des dispositifs d’aide sociale, de chèques services pour l’alimentation ou pour l’hygiène, afin d’apporter une aide nécessaire à ceux qui en avaient le plus besoin.

L’ensemble de ces mesures sanitaires, économiques et sociales, ainsi que les garanties apportées par l’État représentent au total 470 milliards d’euros, consacrés à lutter contre la crise et ses conséquences. Il était de notre devoir d’être à la hauteur des enjeux de cette crise sanitaire, et la dégradation de nos finances publiques était évidemment inéluctable. Personne, à mon sens, n’aurait pu procéder autrement.

À ce stade, nos prévisions économiques permettent d’estimer un impact de la crise sur les finances publiques. Ainsi, le solde public pourrait s’établir à moins 11,4 % du PIB en 2020, contre moins 2,2 % dans la loi de finances initiale. Le solde structurel serait en revanche stable, à moins 2,2 %, puisque les effets de la crise revêtent un caractère exceptionnel, que nous devons préserver.

La dette, elle aussi, atteindra un niveau record, à 121 % du PIB, mais, malgré cela, nous continuons à jouir de la confiance de nos créanciers, notre crédibilité sur les marchés venant aussi du sérieux de notre gestion. On mesure à quel point cela est essentiel.

Nos finances publiques sont utilisées massivement comme instrument de lutte face à la crise. Nous menons une action forte, à la fois ciblée et contracyclique, et nous continuerons à le faire dans les prochains mois. Pour les deux ans à venir, la priorité sera la relance.

J’en viens aux perspectives de l’année 2021.

Selon nos dernières prévisions, le PIB national rebondira mécaniquement de 8 % en 2021, avant l’intervention du plan de relance, dont l’objectif sera, évidemment, d’aller au-delà de ce chiffre. Ces prévisions sont encourageantes, mais elles restent très incertaines. La reprise de l’activité demeure dépendante de la situation sanitaire, et la crise a aussi pu entraîner des changements structurels dans les entreprises, dont nous ne mesurons sans doute pas encore toutes les conséquences. Le Haut Conseil des finances publiques a qualifié nos prévisions de prudentes. Nous comptons rester prudents en attendant que ces différentes hypothèses soient régulièrement actualisées.

Afin de conforter la croissance, nous devons porter un plan de relance pour notre tissu économique, dont les mesures seront au cœur du projet de loi de finances pour 2021, qui sera présenté dans les prochaines semaines. Elles trouveront leur place dans une mission spéciale de relance et ne seront pas disséminées dans les chapitres des crédits dits « ordinaires ».

Sur la méthode, encore, ce projet de loi de finances sera accompagné – c’est une première – d’une budgétisation verte, qui nous permettra de mesurer l’impact environnemental de notre action. Cette innovation méthodologique offrira une réelle visibilité des effets de l’action publique en matière d’environnement. C’est la première fois qu’un pays se prête à cet exercice à l’échelle de son budget national.

Les mesures dédiées à la relance seront donc regroupées dans une nouvelle mission du budget de l’État, qui sera temporaire et se trouvera en dehors du périmètre de la norme de dépenses pilotables, pour faciliter la lecture de notre action. Chaque politique publique portera ainsi les crédits du budget général et du plan de relance.

Le budget pour 2021, hors plan de relance, dont les premiers équilibres vous sont présentés dans le document qu’il est convenu d’appeler le « tiré à part », confirme notre sérieux et notre engagement budgétaire. Avec une progression des dépenses pilotables de l’État de 2,6 %, soit 7,2 milliards d’euros, le Gouvernement a choisi de construire un budget qui reprend la trajectoire triennale comme point de référence, actualisée des priorités nouvelles nées de la crise et des engagements pris par le Gouvernement et le Président de la République.

Ainsi, à titre d’illustration, les armées, qui ont bénéficié d’un renforcement sans précédent de leurs moyens depuis 2017 avec une augmentation de 5,2 milliards d’euros en trois ans, verront leur budget doté de 1,7 milliard d’euros supplémentaires en 2021, notamment en faveur de la défense spatiale. Les moyens de la justice seront augmentés, grâce à une progression de son budget de 6 %.

Notre ambition est aussi de continuer à investir dans les savoirs et les compétences. Notre action doit notamment permettre aux jeunes de construire leur avenir sereinement et de bénéficier d’opportunités professionnelles, tout en participant à la construction de l’avenir de notre pays. C’est la raison pour laquelle le budget de l’éducation nationale progressera de 1,3 milliard d’euros et le budget de l’enseignement supérieur et de la recherche de plus de 300 millions d’euros.

Toujours pour financer nos priorités, les crédits alloués à la transition écologique s’élèveront à plus de 26 milliards d’euros, soit une hausse de 550 millions d’euros, auxquels s’ajoutera une enveloppe majeure du plan de relance, puisque nous avons la volonté que celui-ci soit le plus vert possible.

Nous allons financer d’autres priorités, mais avec des montants de crédits sans comparaison. Le budget de la culture, par exemple, bénéficiera d’une hausse de ses crédits au titre du budget général de plus de 150 millions d’euros, le budget dédié à l’égalité entre les femmes et les hommes augmentera de près de 40 % pour répondre aux priorités et aux engagements pris.

Ces orientations doivent servir de cadre à la discussion qui commence aujourd’hui. Je sais votre engagement en faveur de l’intérêt général et des comptes publics et je connais, d’expérience, la qualité de nos échanges. Je suis convaincu qu’ils nous permettront de construire ensemble un budget susceptible de nous remettre sur le chemin de la croissance et de l’emploi.

J’insiste sur le fait que ce budget général sera complété par une mission relative à la relance. Je m’assigne la tâche, pour les semaines qui viennent, de veiller à ce que les crédits qui y seront inscrits soient ponctuels et participent à une augmentation de la dépense conjoncturelle, sans dégradation du solde structurel, de manière que, lorsque nous aurons atteint le niveau de production de richesses qui était le nôtre avant la crise, nous retrouvions des conditions de poids des prélèvements obligatoires et des dépenses publiques qui ne soient pas dégradées par rapport à la période précédant la crise, mais que nous continuions, au contraire, à bénéficier des efforts faits, en allant plus avant en la matière. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général de la commission des finances.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général de la commission des affaires sociales, mes chers collègues, le débat sur l’orientation des finances publiques intervient cette année dans un contexte particulier. En raison de la crise sanitaire, le rapport préparatoire prévu par l’article 48 de la LOLF, dans lequel le Gouvernement doit normalement présenter les perspectives de l’économie pour les années à venir et préciser sa stratégie de finances publiques, est amputé de sa perspective pluriannuelle. En outre, le débat intervient quelques jours à peine après l’examen du troisième projet de loi de finances rectificative pour 2020, qui a déjà été l’occasion de débattre de ces perspectives et du scénario qui sera retenu pour l’année en cours. Aussi, je concentrerai mon propos sur les premiers éléments d’information concernant l’exercice 2021 contenus dans le rapport préparatoire au DOFP, qui en constituent la seule véritable nouveauté.

Pour 2021, vous le savez, c’est dans la presse, notamment dans Le Figaro – vous pouvez d’ailleurs vous abonner à un journal grâce au crédit d’impôt de 30 % sans limitation voté par le Sénat (Sourires.) –, le Gouvernement table sur une croissance de 8 %. À la fin de l’exercice, l’activité resterait ainsi inférieure de 3,9 % au niveau atteint en 2019, soit une perte comparable à celle que le consensus des économistes, la Banque de France et l’OCDE anticipent. Le scénario pour 2021 apparaît donc raisonnable.

Je souhaite néanmoins appeler votre attention sur un point de vigilance qui concerne l’effet de la crise sur le PIB potentiel. En effet, le Gouvernement continue de faire l’hypothèse que la crise n’aura aucun effet sur le PIB potentiel et que la perte d’activité sera intégralement rattrapée. Or il s’agit malheureusement d’une hypothèse optimiste, compte tenu de l’ampleur des défaillances d’entreprises et de la hausse du chômage anticipées, d’une part, et de l’expérience des récessions précédentes, d’autre part.

La plupart des organisations internationales et des instituts de conjoncture ont ainsi retenu une hypothèse plus prudente que le Gouvernement. À titre d’illustration, la Banque de France table sur une perte définitive de PIB potentiel de l’ordre de 1,5 point, mais considère que la croissance potentielle ne serait en revanche pas affectée, tandis que la Commission européenne a d’ores et déjà revu à la baisse sa prévision de croissance potentielle.

Il serait souhaitable à l’avenir de retenir un scénario plus prudent, selon lequel la crise aurait un effet sur le PIB potentiel, sans nécessairement grever la croissance potentielle. Cela permettrait, notamment, de porter une appréciation plus prudente sur la situation structurelle des comptes publics.

Sur le plan budgétaire, le Gouvernement anticipe un recul du déficit public à 5,5 % du PIB en 2021, après le chiffre catastrophique de 11,5 % en 2020. Cette amélioration s’expliquerait par le rebond de la croissance, mais aussi par la mise en extinction des mesures de soutien ayant pesé sur le solde de 2020. Le ratio d’endettement diminuerait légèrement pour atteindre 117,5 % du PIB, après 120,9 % en 2020, du fait de l’effet dénominateur lié au rebond de l’activité. Si le Gouvernement ne nous donne pas d’indication sur le niveau du déficit structurel, il s’agit, là encore, d’un point de vigilance.

Comme je l’ai rappelé maintes fois dans le cadre du débat sur le PLFR 3, les mesures de soutien et de relance de l’économie doivent être immédiates, temporaires et réversibles, afin de ne pas peser sur la situation structurelle des comptes publics. Or j’observe depuis quelques semaines que plusieurs mesures pérennes de baisses d’impôts ou de hausses de dépenses ont été annoncées par le Gouvernement. J’ai notamment à l’esprit les 2,3 milliards d’euros de CSG affectés à la dépendance, les 8,1 milliards d’euros consacrés au Ségur de la santé ou encore la baisse, non financée à ce stade, de 10 milliards d’euros des impôts de production. Si ces mesures étaient toutes appliquées, cela ferait déjà près de 1 point de PIB de déficit structurel en plus. Dès lors qu’il ne s’agit pas de mesures temporaires, se posera inévitablement la question de leur financement, comme en témoigne d’ailleurs la cacophonie gouvernementale quant à l’éventuel report de la suppression complète de la taxe d’habitation.

Si le rapport préalable au DOFP intervient sans doute un peu trop tôt pour que le Gouvernement puisse clarifier ses intentions en la matière, il est impératif que le projet de loi de finances pour 2021 comporte un volet pluriannuel permettant de donner de la visibilité à la stratégie de moyen terme du Gouvernement en matière de finances publiques. Cela pourrait d’ailleurs s’accompagner d’une actualisation de la loi de programmation des finances publiques, aujourd’hui totalement obsolète.

Pour ma part, je considère que cette stratégie doit s’articuler autour de deux piliers.

Premièrement, la poursuite du soutien au tissu productif en 2021, dès lors que celui-ci ne devrait pas se traduire par une hausse de la charge de la dette à court terme et permettrait de préserver le potentiel de l’économie française. Il serait contre-productif de chercher à augmenter les impôts ou à diminuer certaines dépenses tant que le rattrapage du terrain perdu pendant le confinement n’est pas achevé.

Deuxièmement, un effort continu de redressement des comptes publics à moyen terme, fondé sur la maîtrise de la dépense publique, afin de retrouver des marges de manœuvre en vue des futures crises et de nous prémunir contre le risque de remontée des taux d’intérêt.

Concernant le budget pour 2021, le « tiré à part » qui nous a été transmis ce matin, à six heures vingt-cinq – le ministre m’a indiqué qu’il avait signé le bon à tirer quelques heures avant, dans la nuit –, contient des informations lacunaires. On n’y trouve aucun élément sur les schémas d’emplois des ministères – à moins que nous ayons manqué une annexe… – et quasiment aucune information sur les évolutions des budgets des différentes missions ou sur la hausse des dépenses pilotables. Vous donnez, certes, quelques éléments sur la mission « Écologie », mais cette hausse de 550 millions d’euros, que vous expliquez par l’augmentation des crédits consacrés à la biodiversité, inclut-elle également la rebudgétisation du Fonds de prévention des risques naturels majeurs, qui compte pour 205 millions d’euros ?

Aure question : qu’en est-il des difficultés à réformer l’État ? Tous les objectifs affichés en début de quinquennat, en termes de transformation de l’action publique, ont-ils été abandonnés ? Ce serait à mon sens dommageable.

Enfin, et surtout, ce document ne dit rien non plus des crédits budgétaires de la future mission consacrée au plan de relance, dont nous avons beaucoup parlé ces derniers jours. Cette nouvelle mission n’est pas définie, seuls ses quatre axes sont précisés. Pouvez-vous nous en dire davantage sur la répartition des différentes enveloppes ? Nous restons sur notre faim !

Je pense, comme bon nombre de nos collègues, que le plan de relance est une nécessité dont la mise en œuvre n’a que trop tardé. Nous attendrons donc, à la fin du mois d’août, la présentation du projet de loi de finances pour 2021. Nous passerons ce court temps de vacances dans l’impatience de prendre connaissance de vos intentions ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Jean-Marc Gabouty et Mme Colette Mélot applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général de la commission des affaires sociales.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général de la commission des finances, mes chers collègues, comme l’ensemble des finances publiques, les finances sociales sont entrées cette année dans une zone incertaine, du fait, évidemment, des multiples conséquences de la crise provoquée par l’épidémie.

Les principaux chiffres sont impressionnants : une forte augmentation des dépenses d’assurance maladie, de l’ordre de 8 milliards d’euros, qui pourrait faire progresser l’Ondam d’environ 6,5 % en 2020 ; une très forte contraction des recettes, sous l’effet à la fois de l’érosion de l’assiette des cotisations et des contributions sociales et des dispositifs de reports massifs utilisés par les employeurs pendant le confinement ; une dernière prévision officielle de déficit consolidé du régime général et du FSV (Fonds de solidarité vieillesse) qui s’établit à 52 milliards d’euros, très au-delà du précédent record, de 28 milliards d’euros, atteint en 2010.

En conséquence, et comme nous l’avons vu hier encore, la dette de la sécurité sociale devrait s’envoler, ce qui nécessitera le transfert à la Cades de quelque 123 milliards d’euros – 31 milliards d’euros au titre des déficits passés, 92 milliards d’euros au titre des déficits à venir –, l’existence de la Caisse étant prolongée jusqu’en 2033.

Au-delà du seul périmètre du projet de loi de financement de la sécurité sociale, l’ensemble des administrations de sécurité sociale subit les conséquences de la crise. À commencer par l’Unédic, touchée par le traditionnel effet de ciseaux sur ses recettes et ses dépenses en cas de crise économique. Ainsi, alors que cet organisme devait renouer avec l’équilibre cette année, son déficit devrait atteindre le niveau record de 25 milliards d’euros ; il en résulterait une augmentation de la dette jusqu’à 63 milliards d’euros à la fin de l’année, ce qui poserait un problème majeur pour son apurement.

Dans un débat sur l’orientation des finances publiques, il me semble que nous devons tirer quelques enseignements de cette situation.

Tout d’abord, constatons ensemble que, toutes proportions gardées, ce n’est pas la trajectoire financière de 2020 qui pose problème, mais surtout l’insuffisant rétablissement des comptes sociaux avant la crise. En effet, il est tout à fait normal que, en période de grande difficulté, la protection sociale joue pleinement son rôle d’amortisseur et qu’il en résulte des déficits. En revanche, au vu de la nature des dépenses de protection sociale, il revient à chaque génération de s’autofinancer en la matière, sans reporter le poids de ses dépenses sur les générations suivantes – on ne cesse de le répéter, mais ce n’est pas aujourd’hui totalement acté…

De fait, l’histoire des finances sociales montre une très grande difficulté des pouvoirs publics, quelle que soit la législature, à parvenir à cet équilibre des comptes, qui implique la réalisation d’excédents certaines années, quand la conjoncture est favorable, soit qu’ils cèdent à la tentation d’utiliser immédiatement de potentiels excédents pour des dépenses nouvelles, soit qu’ils préviennent une telle situation par l’assèchement délibéré des ressources d’une sécurité sociale qu’on ne souhaite pas rendre opulente.

Ce constat correspond tout à fait aux conclusions du rapport du Gouvernement remis au Parlement à la suite de la mission confiée à MM. Charpy et Dubertret, qui s’est concrétisée, dans les projets de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 et 2020, par diverses mesures de non-compensation, qui ont fortement dégradé, dès avant la crise actuelle, la trajectoire financière de la sécurité sociale.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, nous devrons avoir le courage de rompre avec cette logique, une fois sortis de la situation économique actuelle. Nous devons assumer la nécessité d’équilibrer nos comptes sociaux, au risque de rompre la confiance, déjà fragilisée, de nos concitoyens dans la pérennité de notre système social.

C’est la raison pour laquelle le Sénat a proposé, dès l’examen du projet de loi organique relatif à la dette sociale et à l’autonomie, l’instauration d’une règle d’or. Cette règle, qui aurait été applicable à compter du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 – pas tout à fait demain, donc, mais après-demain –, visait à assurer un équilibre des soldes des régimes obligatoires de base et du FSV par périodes de cinq ans, voire dix ans en cas de circonstances exceptionnelles.

Je ne vous cache pas, monsieur le ministre, que nous avons été surpris de l’opposition du Gouvernement à l’instauration d’un tel cadre, alors même que notre proposition, d’une part, rejoignait, certes en la généralisant, celle du Gouvernement lui-même pour le système universel de retraite, adoptée à l’Assemblée nationale voilà quelques mois, et, d’autre part, s’accordait avec la volonté exprimée ici même par le Premier ministre le 16 juillet dernier : faisant observer que, « consolider notre modèle de protection sociale, c’est aussi prendre les mesures nécessaires pour assurer sa pérennité », il a jugé nécessaire de demander aux partenaires sociaux de « se saisir, avec l’État, des questions liées à l’équilibre de l’ensemble des régimes de protection sociale ». Si je comprends bien, cela correspond tout à fait à notre proposition de règle d’or…

Face à ces orientations pour le moins contradictoires, peut-être pourriez-vous, monsieur le ministre, nous préciser la trajectoire financière qu’envisage le Gouvernement pour la sécurité sociale pendant et après la crise actuelle. Vous résignez-vous à la perpétuation indéfinie de la dette sociale ? Si ce n’est pas le cas, ce que je crois, pourquoi vous opposer à l’instauration d’une règle d’or encadrant les finances sociales d’ici à quatre ou cinq ans ?

Je conclurai en relayant deux propositions majeures du président de notre commission, Alain Milon, qui s’excuse de ne pouvoir être présent cet après-midi.

La première tient à notre surprise et à notre forte désapprobation face au refus réitéré du Gouvernement de déposer un projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale, alors que pas moins de trois collectifs budgétaires ont été débattus – le dernier, ici même, pas plus tard que les jours derniers.

Tout pourtant se prêtait au dépôt d’un tel texte : la forte révision des prévisions de recettes, le très fort dépassement de l’Ondam, la très forte révision de l’autorisation de découvert de l’Acoss, les transferts de déficits sociaux à la Cades – excusez du peu… Et, cerise sur le gâteau, des annulations de cotisations et de contributions sociales dont nos collègues de la commission des finances ont débattu dimanche dernier, au sein du projet de loi de finances rectificative, alors que, me semble-t-il, ils n’étaient pas tenus d’en débattre.