M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Olivier Dussopt, ministre délégué. Je dirai quelques mots pour répondre aux différents orateurs.

Je tiens d’abord à remercier les intervenants pour leurs propos, leurs propositions, leurs interrogations et même leurs critiques, car c’est aussi le propre du débat démocratique que de les partager.

Comme l’a dit Mme Paoli-Gagin, nous comprenons tous l’attente et le besoin de visibilité des acteurs économiques. De même, nous savons la nécessité de préciser et d’avancer sur le sujet, qu’a notamment abordé M. Canevet, de l’ouverture des commerces.

Tout au long de ces débats, je ne doute pas que la question des conditions d’ouverture des commerces et des équipements publics sera abordée, ce qui est bien légitime de la part de parlementaires, mais je dois par avance vous prévenir que, n’ayant aucune compétence en matière sanitaire (M. Jérôme Bascher sexclame.) et, partant du principe que les meilleures réponses et les meilleures solutions sont apportées par ceux qui savent – et en l’occurrence, je ne sais pas –, je tâcherai de ne pas trop m’avancer sur ces sujets, vous l’imaginez.

Je veux dire à Mme Taillé-Polian que la participation de l’Unédic au financement du chômage partiel est effectivement un choix et une proposition que nous avons faite.

Nous avons peut-être eu un raisonnement basique – vous me le pardonnerez – mais, s’il n’y a pas de chômage partiel, il y a du chômage tout court ; s’il y a du chômage tout court, l’Unédic le finance à 100 %. Notre choix a donc été de mettre en place un système de protection de l’emploi et des compétences par le chômage partiel à un niveau qui n’avait jamais été atteint dans notre pays.

En effet, nous avons gardé en tête le souvenir des conséquences de la crise de 2008-2010, lorsque l’Allemagne avait mis en œuvre un système de chômage partiel particulièrement performant, alors que nous avions maintenu notre propre dispositif de chômage partiel à l’identique. Nous avons également gardé en tête combien cela avait pu être coûteux pour le système économique français par la suite et combien cela avait pesé sur le rebond et la préparation de la période qui a suivi.

Monsieur Rambaud, nous trouvons effectivement des solutions pour les loisirs indoor. Vous avez bien fait de souligner que ce PLFR 4, au-delà des ouvertures de crédits « classiques », prévoit des lignes de crédits particulièrement importantes pour les secteurs de la culture et du sport, y compris en mobilisant des dépenses accidentelles et imprévues.

Je voudrais aussi rassurer le président Requier et, à travers lui, l’ensemble de celles et ceux qui s’inquiéteraient du niveau suffisant ou insuffisant des crédits que nous ouvrons pour faire face à la crise. J’ai déjà eu l’occasion de le dire rapidement dans mon propos liminaire : lorsqu’on observe l’état de la consommation des crédits ouverts, notamment dans le cadre de la LFR 3, on constate qu’un peu plus de 9 milliards d’euros prévus pour le financement de l’activité partielle et un peu plus de 2 milliards d’euros prévus pour le fonds de solidarité n’ont pas été consommés.

Si l’on estime, en se fondant sur une hypothèse haute, que le coût des mesures d’urgence pour un mois de confinement s’élève à 15 milliards d’euros, on peut considérer que, avec les 20 milliards d’euros qui s’ajoutent dans ce texte aux montants que je viens d’évoquer, on a de quoi tenir – si c’était nécessaire – durant les deux mois qui nous séparent de la fin de l’année. (M. Jérôme Bascher sagace.)

Nous avons préféré, pour reprendre les mots utilisés par plusieurs d’entre vous, faire preuve de prudence en la matière. M. le rapporteur général l’a souligné et je l’en remercie, nous préférons avoir de quoi voir venir : si les crédits n’étaient pas consommés, parce que l’activité est plus forte que prévu, ce serait une bonne nouvelle que nous serons les uns et les autres prêts à partager.

Je veux également répondre au président de la commission des finances sur la manière dont le Gouvernement entend tenir compte des évolutions et des hypothèses macroéconomiques. Nous vous proposons tout simplement un travail au fil de l’eau : il s’agit de « sincériser » les textes budgétaires et financiers présentés au Parlement, comme j’ai déjà eu l’occasion de le faire ici même en présentant des amendements pour « sincériser » l’article liminaire du dernier projet de loi de financement de la sécurité sociale. Ces amendements intégraient les nouvelles prévisions macroéconomiques, qui sont aussi celles du présent projet de loi de finances rectificative.

Dans la discussion qui nous réunira en fin de semaine, j’aurai l’occasion de vous proposer a minima de sincériser l’article liminaire du projet de loi de finances pour intégrer les nouvelles prévisions macroéconomiques de l’année 2020.

Je précise que le Gouvernement travaille évidemment à une prévision de croissance pour 2021. Dans l’hypothèse où cette prévision de croissance serait modifiée – ce sera certainement le cas –, nous saisirions le Haut Conseil des finances publiques (HCFP), ce à quoi nous nous préparons aujourd’hui. Une fois que le HCFP aura rendu son avis, nous serons en mesure d’intégrer formellement cette prévision dans le projet de loi de finances. Ce sera le cas au plus tard pour l’examen du projet de loi de finances en nouvelle lecture. Si cette prévision était prête plus tôt, nous aurions l’occasion de l’intégrer plus rapidement.

Dans la même logique, comme Bruno Le Maire et moi-même l’avons indiqué, et selon les prévisions de croissance et la visibilité que nous aurons fin novembre-début décembre, nous vous proposerons certainement à l’occasion de la nouvelle lecture du projet de loi de finances d’intégrer un certain nombre de mesures d’urgence pour 2021 – pour le moment, le texte n’en comporte pas –, afin d’éviter d’avoir un projet de loi de finances rectificative trop rapidement l’année prochaine.

La manière de travailler que nous vous proposons n’est pas confortable puisque, de texte en texte et d’article liminaire en article liminaire, nous actualisons les trajectoires macroéconomiques en fonction, à la fois de l’évolution de la situation et d’un certain formalisme, qui tient aux dates de saisine et de remise des avis du Haut Conseil des finances publiques.

Cependant, c’est la seule solution que nous avons trouvée pour garantir que, à la fin de l’année 2020, nous soyons en mesure de vous proposer l’adoption d’un projet de loi de finances et d’un projet de loi de financement de la sécurité sociale reposant sur les mêmes hypothèses macroéconomiques, ce qui est un gage de sincérité et de lisibilité des finances publiques.

Monsieur le rapporteur général, je veux vous remercier pour les qualificatifs que vous avez employés à propos de nos prévisions et sur la prudence qui est la nôtre. Nos hypothèses sont peut-être pessimistes : la Banque de France a indiqué, par la voix de son gouverneur, qu’elle estimait que notre hypothèse d’une baisse d’activité de 20 % en novembre était supérieure à sa propre lecture de la situation, puisqu’elle l’évalue à 12 %.

Mais, en la matière, comme depuis le début de cette crise et comme depuis plusieurs années, nous préférons la prudence à l’imprudence, en tout cas le pessimisme à l’optimisme. Nous préférons garder ainsi quelques marges de manœuvre pour pouvoir travailler d’ici à la fin de l’année. S’agissant des prévisions en matière de dépenses comme de recettes, je préfère être – je l’étais comme élu local, je continuerai à l’être comme ministre – trop prudent que l’inverse.

J’ai par ailleurs bien noté les différents points d’attention de votre commission, monsieur le rapporteur général : le fonds de solidarité, les autorités organisatrices de la mobilité ou encore les questions relatives au sport. J’ai la conviction que les débats nous permettront de dégager des pistes de consensus.

Enfin, permettez-moi par avance d’exprimer ma reconnaissance à celles et ceux qui, parmi vous, ont déclaré vouloir soutenir ce projet de loi.

M. Capo-Canellas l’a dit à l’instant : beaucoup d’entre vous voteront ce texte sans donner quitus. En période normale, ne pas voter le projet de loi de finances de fin d’exercice est la suite logique du rejet du projet de loi de finances du début d’année. Cette année, il s’agit d’un exercice particulier : le présent PLFR comporte à la fois le schéma de fin de gestion d’un projet de loi de finances que beaucoup d’entre vous ont certainement rejeté au début de l’année, mais aussi des mesures d’urgence qui peuvent conduire à une appréciation différente de votre part.

Je sais la difficulté de l’exercice, et je tiens à vous assurer que le Gouvernement, et moi-même en particulier, entend parfaitement celles et ceux qui, parmi vous, disent voter ce texte pour répondre à l’urgence, sans partager les orientations fiscales ou budgétaires du Gouvernement. Nous aurons l’occasion d’en discuter longuement et de manière approfondie à partir de jeudi prochain, ce dont je me félicite par avance, mais je voulais vous dire que j’avais bien entendu la différence d’approche que vous avez sur ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La discussion générale est close.

Organisation des travaux

Discussion générale (suite)
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Article liminaire

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Claude Raynal, président de la commission des finances. Mes chers collègues, avant d’entamer la discussion des articles, je voulais simplement faire un point avec vous sur le temps dont nous disposons.

Il est dix-sept heures quarante-cinq, et 150 amendements ont été déposés sur ce texte. Je précise que, même si j’ai relativement peu sévi au titre de l’article 40 de la Constitution – parfois, on nous le reproche, mais là nous avons été plutôt cléments –, il y aura 135 amendements à examiner.

Je veux aussi vous faire part d’un calcul tout bête, une division que vous êtes tous capables de faire : si nous avançons à un rythme de vingt-cinq amendements par heure, c’est-à-dire un rythme assez soutenu, correspondant à environ deux minutes ou deux minutes trente par amendement, nous aurions a priori six heures de débats devant nous, ce qui nous ferait siéger jusqu’à une heure du matin environ.

M. Philippe Dallier. On n’y arrivera jamais !

M. Claude Raynal, président de la commission des finances. Je vous donne ce chiffre, parce que, si nous ne tenons pas ce rythme, on risque de devoir poursuivre notre discussion tard dans la nuit, à moins de reporter la suite de l’examen du texte à plus tard, mais cela risque d’être compliqué. Je vous signale, mes chers collègues, que les débats se sont achevés à quatre heures cinquante du matin à l’Assemblée nationale ! Je ne voudrais pas que l’on en arrive là.

M. Jérôme Bascher. Surtout pour ne rien adopter !

M. Claude Raynal, président de la commission des finances. Je ne voudrais pas non plus que les équipes du ministre revivent cette expérience. (Sourires.) Pour protéger leur santé et la nôtre, je vous demande de bien avoir ces données en tête.

Le rapporteur général le dira sans doute lors de l’une de ses interventions, de nombreux amendements correspondent exactement à ce que le Gouvernement veut éviter, à savoir des dispositifs fiscaux. Il s’agit donc d’amendements d’appel en vue de l’examen du projet de loi de finances que l’on entamera jeudi plutôt que d’amendements ayant véritablement pour objet de modifier la fiscalité.

Ayons tout cela en tête les uns et les autres, surtout pour ce qui concerne l’examen des premiers amendements, car vous connaissez tous l’histoire : on est long sur les premiers amendements puis, à la fin, on est obligé de faire de l’abattage, ce qui n’est pas souhaitable. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, RDPI, RDSE. – Mme Sophie Taillé-Polian applaudit également.)

M. le président. Nous passons à la discussion des articles du projet de loi de finances rectificative pour 2020.

projet de loi de finances rectificative pour 2020

Organisation des travaux
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Première partie

Article liminaire

La prévision de solde structurel et de solde effectif de l’ensemble des administrations publiques pour 2020 s’établit comme suit :

 

(En points de produit intérieur brut)*

Exécution 2019

Prévision pour 2020

Solde structurel (1)

-2,2

-0,6

Solde conjoncturel (2)

0,2

-7,2

Mesures ponctuelles et temporaires (3)

-1,0

-3,5

Solde effectif (1 + 2 + 3)

-3,0

-11,3

* Les montants figurant dans le présent tableau sont arrondis au dixième de point le plus proche ; il résulte de lapplication de ce principe que le montant arrondi du solde effectif peut ne pas être égal à la somme des montants entrant dans son calcul.

M. le président. Je mets aux voix l’article liminaire.

(Larticle liminaire est adopté.)

Article liminaire
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Article additionnel avant l'article 1er A - Amendement n° 32

PREMIÈRE PARTIE

CONDITIONS GÉNÉRALES DE L’ÉQUILIBRE FINANCIER

TITRE IER

DISPOSITIONS RELATIVES AUX RESSOURCES

I. – RESSOURCES AFFECTÉES

A. – Impositions et autres ressources affectées à des tiers

Première partie
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Article 1er A (nouveau)

Article additionnel avant l’article 1er A

M. le président. L’amendement n° 32, présenté par M. Marseille et les membres du groupe Union Centriste, est ainsi libellé :

Avant l’article 1er A

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Les entreprises ayant bénéficié d’un report de cotisations sociales et d’impôts directs à partir du 15 mars 2020 en raison de l’état d’urgence sanitaire déclaré en application du chapitre Ier bis du titre III du livre premier de la troisième partie du code de la santé publique bénéficient d’une annulation de ces cotisations sociales et impôts directs.

II. – Les entreprises visées par les mesures de fermetures administratives résultant de l’application du décret du 29 octobre 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire bénéficient d’une annulation de leurs cotisations sociales et impôts directs reportés, ou d’un remboursement s’ils ont été payés, pour la période comprise entre le 30 octobre 2020 et la date de leur réouverture au public.

III. – Les entreprises mentionnées au I doivent avoir un chiffre d’affaires inférieur à 50 millions d’euros au dernier exercice clos et avoir subi une perte de chiffre d’affaires d’au moins 50 % durant la période comprise entre le 1er mars 2020 et le 31 mai 2020 ou, si elles sont soumises à une fermeture, entre le 1er mars et la fin du mois de leur date de réouverture, par rapport à la même période de l’année précédente ou, si elles ont été créées après le 1er mars 2019, par rapport au chiffre d’affaires mensuel moyen sur la période comprise entre la date de création de l’entreprise et le 28 février 2019.

IV. – Les entreprises mentionnées au II doivent avoir un chiffre d’affaires inférieur à 50 millions d’euros au dernier exercice clos et avoir subi une perte de chiffre d’affaires d’au moins 50 % durant la période comprise entre le 30 octobre 2020 et le 31 décembre 2020 ou, si elles sont soumises à une fermeture, entre le 30 octobre et la fin du mois de leur date de réouverture, par rapport à la même période de l’année précédente ou, si elles ont été créées après le 30 octobre 2019, par rapport au chiffre d’affaires mensuel moyen sur la période comprise entre la date de création de l’entreprise et le 29 octobre 2019.

V. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

VI. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

VII. – La perte de recettes résultant pour les collectivités territoriales du I est compensée, à due concurrence, par une majoration de la dotation globale de fonctionnement.

VIII. – La perte de recettes résultant pour l’État du paragraphe précédent est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à Mme Nathalie Goulet.

Mme Nathalie Goulet. Le présent amendement vise à transformer le report des échéances sociales et fiscales, nécessaire mais devenu insuffisant compte tenu du maintien prolongé des mesures de restrictions sanitaires, en une annulation totale. Je précise que nous avions déjà présenté une demande similaire durant l’examen du PLFR 2.

Afin, d’une part, de limiter le coût de la mesure pour les finances publiques, et, d’autre part, de réserver le bénéfice de ce dispositif aux entreprises les plus en difficulté, deux conditions devront être cumulativement remplies par les entreprises : subir une perte de chiffre d’affaires d’au moins 50 % ; avoir un chiffre d’affaires inférieur à 50 millions d’euros, soit le seuil maximal retenu pour définir une PME.

J’ajoute que les reports des échéances sociales et fiscales ont été parfaitement bien perçus par les entreprises mais que, à un moment ou à un autre, il faut payer. Or il est inconcevable d’imaginer que les entreprises puissent rembourser leurs dettes du fait du deuxième confinement et de la prolongation de la crise sanitaire. Par conséquent, il vaudrait mieux procéder à un effacement pur et simple de ces échéances.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Si j’en comprends bien entendu l’objet, je vous demande ma chère collègue de bien vouloir retirer votre amendement, faute de quoi j’y serai défavorable.

Par son spectre très large, votre proposition exposerait considérablement les finances publiques et ne prendrait pas en compte la diversité des situations des entreprises répondant aux critères. En effet, l’amendement vise à la fois les cotisations sociales et les impôts directs, dont des impôts locaux, pour un enjeu financier considérable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Olivier Dussopt, ministre délégué. Même avis : nous vous demandons également de bien vouloir retirer votre amendement, madame la sénatrice, eu égard à son coût. Ainsi, l’application d’un tel dispositif aux seules cotisations sociales représenterait un coût d’environ 25 milliards à 26 milliards d’euros, dont 5 milliards d’euros seraient pris en charge par l’État, à la suite du vote du PLFR 3.

Par ailleurs, je précise à votre attention, madame la sénatrice, que les plans d’étalement de la dette sociale des entreprises leur sont proposés sur une durée qui varie de douze à trente-six mois, que ces plans devaient être présentés cet automne, mais que nous avons demandé qu’ils soient différés pour que les entreprises n’aient pas à commencer à rembourser pendant le confinement.

Enfin, le PLFR prévoit des dispositifs d’exonération pour cet automne.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 32.

(Lamendement nest pas adopté.)

Article additionnel avant l'article 1er A - Amendement n° 32
Dossier législatif : projet de loi de finances rectificative pour 2020
Article additionnel après l'article 1er A - Amendement n° 97 rectifié

Article 1er A (nouveau)

I. – La septième partie du code du travail est complétée par un livre VI ainsi rédigé :

« LIVRE VI

« SPORTIFS PROFESSIONNELS

« Art. L. 7611-1. – N’est pas considérée comme salaire la part de la rémunération versée à un sportif professionnel par une société relevant des catégories mentionnées à l’article 11 de la loi n° 84-610 du 16 juillet 1984 relative à l’organisation et à la promotion des activités physiques et sportives, et qui correspond à la commercialisation par ladite société de l’image collective de l’équipe à laquelle le sportif appartient.

« Pour l’application du présent article, sont seules considérées comme des sportifs professionnels les personnes ayant conclu, avec une société mentionnée au premier alinéa du présent article, un contrat de travail dont l’objet principal est la participation à des épreuves sportives.

« Des conventions collectives conclues, pour chaque discipline sportive, entre les organisations représentatives des sportifs professionnels et les organisations représentatives des sociétés employant des sportifs professionnels déterminent les modalités de fixation de la part de rémunération définie au même premier alinéa, en fonction du niveau des recettes commerciales générées par l’exploitation de l’image collective de l’équipe sportive, et notamment des recettes de parrainage, de publicité et de marchandisage ainsi que de celles provenant de la cession des droits de retransmission audiovisuelle des compétitions.

« Les dispositions du présent article ne s’appliquent pas à la part de rémunération inférieure à un seuil fixé par les conventions collectives et qui ne peut être inférieur à deux fois le plafond fixé par décret pris en application de l’article L. 241-3 du code de la sécurité sociale.

« La part de rémunération définie au premier alinéa du présent article est fixée par convention collective dans chaque discipline. Elle ne peut toutefois pas excéder 30 % de la rémunération brute totale versée par la société au sportif professionnel.

« En l’absence d’une convention collective pour une discipline sportive, un décret peut déterminer les modalités de cette part de rémunération dans ladite discipline, dans le respect des conditions édictées par les alinéas précédents. »

II. – La perte de recettes pour l’État résultant du I est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

III. – La perte de recettes pour les organismes de sécurité sociale résultant du I est compensée à due concurrence par la majoration des droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

M. le président. La parole est à M. Patrick Kanner, sur l’article.

M. Patrick Kanner. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, une fois n’est pas coutume, je vais m’associer à la majorité présidentielle (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.) et défendre l’esprit de l’amendement voté par l’Assemblée nationale sur l’initiative de la députée Aude Amadou, par ailleurs sportive professionnelle et très grande championne de handball.

Vous vous en doutez, en tant qu’ancien ministre des sports, je ne peux que me féliciter de la prise en compte de la problématique du droit à l’image collective (DIC) des sportifs, que vous avez d’ailleurs évoquée, monsieur le ministre, dans votre propos liminaire.

Mes chers collègues, on ne se trompe pas de combat : il ne s’agit pas ici de défendre le droit à l’image des champions de l’équipe de France de football, par exemple, car il n’y a pas que ces professionnels dans le monde du haut niveau. Il est important pour de nombreux et de nombreuses athlètes de haut niveau d’être protégés.

Du reste, le journal LÉquipe s’en est fait l’écho il y a quelques jours, et il faut bien avouer qu’il est rare que ce journal relaie des amendements et des débats parlementaires, ce qui veut bien dire qu’un souci spécifique est à prendre en considération.

Même si je comprends les arguments exposés par le rapporteur général dans l’objet de son amendement de suppression de l’article, notamment la règle désormais appliquée depuis 2017 qui veut que l’on ne puisse pas introduire d’articles de nature fiscale dans un PLFR de fin d’exercice – j’y souscris, j’y reviendrai –, je note que le Gouvernement applique cette règle quand il s’agit de ne pas introduire de mesures fiscales concernant les plus aisés de nos concitoyens – mais c’est un autre sujet…

En tout cas, ce qui est certain, c’est que la version de la protection du droit à l’image collective, défendue à l’époque par mon collègue secrétaire d’État Thierry Braillard dans une loi de mars 2017 qui a été suivie, hélas, de décrets dont la mise en application est difficile, permettait de compenser la décision de Mme Bachelot, alors ministre des sports, de « liquider » – permettez-moi l’expression – le système Lamour mis en place au début des années 2000.

Mes chers collègues, les sportifs de haut niveau sont confrontés à un problème. Aussi, je voudrais poser quelques questions à M. le ministre : quelles solutions, en dehors du groupe de travail que vous avez évoqué, allez-vous proposer spécifiquement sur ce sujet pour améliorer la situation de nos sportifs, et surtout de nos sportives ? Entendez-vous déposer un amendement dans le cadre du projet de loi de finances ?

Une commission de travail, c’est sympathique, mais pour quel résultat ? Malgré le silence assourdissant de la ministre chargée des sports, pouvez-vous vous engager devant le monde sportif, qui a besoin de cette évolution à quatre ans des jeux Olympiques de Paris ? C’est en fonction de vos réponses que nous pourrons déterminer notre vote.

M. le président. La parole est à M. Michel Savin, sur l’article.

M. Michel Savin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’article 1er A a été introduit à l’Assemblée nationale par une députée de la majorité présidentielle. Il vise à rétablir le droit à l’image collective, dispositif qui existait dans les années 2000 et qui avait fait ses preuves, même s’il impactait fortement le budget du sport. Il permettait d’apporter une aide non négligeable aux clubs et avait également pour objet de renforcer l’attractivité sportive de notre pays.

Le rétablissement de ce DIC est une demande unanime de l’ensemble des acteurs du sport professionnel. Quand je parle de sport professionnel, je ne pense pas uniquement au foot masculin, mais je parle également du hockey sur glace, du handball, du rugby, du basket-ball, du volley-ball masculins et surtout féminins. Je tiens à rappeler ici que la situation économique des clubs de sport professionnels est aujourd’hui très compliquée du fait de la situation sanitaire.

Un dispositif, qui devait devenir un nouveau droit à l’image des sportifs, a été adopté en 2017 et les décrets publiés en 2018. Or il est totalement inefficient, comme de nombreux rapports le soulignent, et son absence quasi totale de mise en œuvre le prouve.

J’entends aujourd’hui l’opposition du rapporteur général et du Gouvernement à cet article 1er A, mais nous devons avoir des engagements clairs et précis : une simple opposition de principe pour mieux enterrer le dispositif ne suffira pas.

Monsieur le ministre, à l’issue d’une rencontre que vous avez eue avec le syndicat Première Ligue il y a trois mois, son président a déclaré : « La discussion avec M. le ministre a été constructive. Nous espérons désormais qu’elle se traduira par des actes concrets dans le plan de relance et dans les textes budgétaires à l’automne. » Il était notamment question du dossier du droit à l’image.

J’ajoute que cette question – nous venons de l’apprendre – sera évoquée demain lors de la réunion entre le Président de la République, le Premier ministre et les acteurs du sport. Des engagements y seront certainement pris.

Monsieur le ministre, soit l’amendement de M. le rapporteur général est rejeté et le rétablissement du DIC est confirmé, avec toutes les difficultés d’application que nous connaissons, soit le Gouvernement, par votre voix, s’engage, non pas à proposer, une simple réunion de travail, mais à présenter rapidement devant le Parlement, lors d’un prochain débat budgétaire, un nouveau dispositif sur lequel nous serions prêts à travailler, et qui devra irriguer l’ensemble du sport professionnel.