Présidence de Mme Pascale Gruny

vice-président

Secrétaires :

M. Jacques Grosperrin,

Mme Victoire Jasmin.

Mme le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à dix heures trente.)

1

Procès-verbal

Mme le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Rappel au règlement

Mme le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet.

Mme Nathalie Goulet. Madame la présidente, je voudrais revenir sur le débat d’hier sur la proposition de résolution portant sur la nécessité de reconnaître la République du Haut-Karabagh. Je regrette que la conférence des présidents n’ait pas accordé d’explications de vote sur un texte aussi important, qui engage notre diplomatie. Certes, la même procédure avait été utilisée en 2014, au moment de l’examen d’une proposition de résolution pour la reconnaissance de la Palestine : il n’y avait pas eu non plus d’explications de vote, mais, à la fin du débat, un certain nombre de rappels au règlement en avaient tenu lieu.

Je regrette également le bug informatique qui n’a pas permis de prendre en compte un certain nombre de votes, dont le mien. J’ai voté contre la proposition de résolution, et suis probablement la seule de mon « espèce » ; même sur mon lit de mort, je voterai contre ce type de résolution !

Je regrette ce bug, et j’espère, madame la présidente, que la conférence des présidents et que l’administration du Sénat – nous ne savons pas qui en est responsable – pourront l’expliciter clairement, de façon que cela ne se reproduise pas. Les instructions du groupe Union Centriste ont été extrêmement claires. Mon vote négatif était extrêmement clair, connu de tous ! Il figurait sur le terminal et, au moment, du vote, n’a pas été inscrit sur le tableau. Voilà qui est extrêmement dommage !

Je le répète, ce type de résolution porte atteinte à nos relations bilatérales. Il est primordial que chaque voix puisse s’exprimer, y compris les opinions divergentes

Mme le président. Acte est donné de votre rappel au règlement. Acte est également donné de votre mise au point, qui sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.

3

Mises au point au sujet de votes

Mme le président. La parole est à M. Martin Lévrier.

M. Martin Lévrier. Un peu pour les mêmes raisons, madame la présidente, le groupe RDPI souhaitait procéder à une mise au point sur le scrutin public n° 34 sur la proposition de résolution portant sur la nécessité de reconnaître la République du Haut-Karabagh. Bernard Buis souhaitait voter pour ; ce vote n’a pas été pris en compte.

Mme le président. La parole est à M. Olivier Henno.

M. Olivier Henno. Madame la présidente, je souhaite à mon tour apporter une rectification de vote sur le scrutin n° 34. Mme Françoise Férat, M. Philippe Bonnecarrère, M. Alain Duffourg, Mme Évelyne Perrot et Mme Nadia Sollogoub ont été comptabilisés comme ayant voté pour, alors qu’ils souhaitaient s’abstenir.

Mme Nathalie Goulet vient de s’exprimer. Elle a été comptabilisée comme ayant voté pour ; elle souhaitait voter contre.

Mme Anne-Catherine Loisier, M. Hervé Maurey et M. Jean-Pierre Moga ont été comptabilisés comme ayant voté pour ; ils souhaitaient ne pas prendre part au vote.

Mme le président. La parole est à M. Daniel Chasseing.

M. Daniel Chasseing. Madame la présidente, au cours du même scrutin n° 34, mon collègue M. Franck Menonville a été considéré comme ne prenant pas part au vote ; il voulait voter pour.

Mme le président. La parole est à M. Serge Babary.

M. Serge Babary. Madame la présidente, toujours sur ce scrutin n° 34, Mme Sylvie Goy-Chavent souhaitait s’abstenir.

Mme le président. Acte est donné de ces mises au point. Elles seront publiées au Journal officiel et figureront dans l’analyse politique du scrutin.

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Dossier législatif : projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021
Discussion générale (suite)

Financement de la sécurité sociale pour 2021

Rejet en nouvelle lecture d’un projet de loi

Mme le président. L’ordre du jour appelle la discussion en nouvelle lecture du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture, de financement de la sécurité sociale pour 2021 (projet n° 151, rapport n° 155).

Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre déléguée.

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021
Question préalable (début)

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de lautonomie. Madame la présidente, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, ce projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) n’est pas ordinaire, à bien des titres. C’est la preuve que les textes qui sont examinés, débattus et votés par le Parlement font écho à la vie de nos concitoyens, qui, vous en conviendrez, est malheureusement bouleversée depuis plusieurs mois.

Le Gouvernement a fait des choix clairs et ambitieux : protéger nos concitoyens face au virus, soutenir l’hôpital public et les soignants, faire avancer la société en consacrant des droits nouveaux, réarmer notre protection sociale et organiser la prévention et la protection face à un risque croissant, celui de la perte d’autonomie.

Alors que nous arrivons au terme de l’examen de ce PLFSS, avec le dépôt d’une question préalable, qui sera vraisemblablement adoptée dans les prochaines minutes, et au-delà de la création de cette nouvelle branche de la sécurité sociale qui, comme vous le savez, me tient particulièrement à cœur, j’aimerais revenir sur un point majeur de ce texte.

L’objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam) pour 2020, qui était déjà majoré de 10,1 milliards d’euros dans le texte initial, a été rehaussé de 3,2 milliards d’euros supplémentaires au cours de l’examen du texte, pour tenir compte des surcoûts liés à la crise du covid et pour accélérer le calendrier de revalorisation salariale de nos soignants. La promesse du Président de la République de répondre à la situation « quoi qu’il en coûte » n’était donc pas une formule ; nous sommes bien au rendez-vous.

Par ailleurs, un accord a pu être trouvé entre les deux chambres, sur plusieurs articles, et non des moindres : je me satisfais du vote conforme s’agissant du financement de la prime covid pour les salariés des services d’aide et d’accompagnement à domicile (SAAD), ainsi que des revalorisations dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad). Cette revalorisation prévoit 183 euros nets de plus par mois au sein des établissements de santé, Ehpad publics et privés non lucratifs, et de 160 euros nets de plus par mois pour le secteur privé lucratif. Quand nous connaissons l’enjeu que représentent le grand âge et l’autonomie dans notre pays, quand nous connaissons l’engagement de celles et ceux qui sont auprès de nos aînés, il ne se trouvera personne sur ces travées pour estimer que cette augmentation de salaire serait injustifiée. Nous pouvons aussi nous féliciter de l’adoption conforme de l’allongement du congé paternité, voté à la quasi-unanimité dans les deux assemblées.

Au-delà de ces premiers sujets, un vote conforme a d’ores et déjà été obtenu pour une cinquantaine d’articles. Je pense notamment à la création d’une mission d’intérêt général pour lutter contre les violences faites aux femmes, ou encore à la garantie du tiers payant et du secret pour les frais liés à l’interruption volontaire de grossesse (IVG). En nouvelle lecture à l’Assemblée, le rapporteur général et le Gouvernement ont apporté des aménagements sur quelques dispositions pour lesquelles un accord avec la Haute Assemblée était tout proche. Je pense, par exemple, à certaines dispositions relatives à la lutte contre les fraudes. L’Assemblée est en revanche revenue, avec l’assentiment du Gouvernement, sur d’autres dispositions que vous aviez votées lors de l’examen de ce projet en première lecture. Je pense ici à l’augmentation de l’âge de départ à la retraite.

De la même manière, s’agissant du financement inédit d’un effort de revalorisation des métiers du domicile, si vitaux pour l’accompagnement des personnes âgées, il nous est apparu indispensable de revenir à un dispositif qui respecte la compétence des départements. Évidemment, nous visons une hausse des salaires sur tout le territoire national ; tel est l’objectif de la démarche que j’ai entreprise. Cependant, ce n’est pas en déresponsabilisant les conseils départementaux que nous aurons une meilleure politique de l’autonomie. Je veux d’ailleurs réaffirmer clairement, car je sais à quel point vous y êtes attachés, que l’objet de cette aide est bien de financer l’augmentation salariale, sans ambiguïté. En agréant l’avenant 44 à la convention collective de la branche de l’aide à domicile, nous venons de faire la preuve de notre volonté d’aller dans ce sens et de manière ambitieuse.

Je me félicite également de la clarification apportée sur l’articulation entre la Mutualité sociale agricole (MSA) et la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA). Cette dernière a vocation à agir, comme elle le fait actuellement pour l’ensemble des personnes âgées et des personnes handicapées, quelle que soit leur affiliation à un régime de sécurité sociale : les salariés et les non-salariés agricoles sont donc couverts, sans ambiguïté. Voilà qui ne remet aucunement en cause le rôle fondamental de la MSA dans les territoires, en faveur de la mise en œuvre des politiques de santé, de prévention et de soutien à l’autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées. La création de la branche autonomie ne dépossède en rien les caisses de la MSA de leurs missions et de leurs actions en soutien à la perte d’autonomie.

Enfin, le rétablissement des dispositions relatives à la reprise des dettes d’hôpitaux permettra d’apporter 13 milliards d’euros de soutien à notre système de santé.

Mesdames, messieurs les sénateurs, les débats ont parfois été vifs, toujours passionnés, mais il faut nous réjouir de voir que l’hôpital public, les soignants, la famille, le grand âge et l’autonomie mobilisent pleinement les représentants de la Nation. Ces débats ne s’achèvent pas, bien sûr, avec ce PLFSS ; le projet de loi sur le grand âge et l’autonomie permettra de continuer à faire avancer, au-delà de la crise que nous traversons, le renforcement de la protection sociale de nos concitoyens tout au long de la vie. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

Mme le président. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, l’Assemblée nationale a adopté en nouvelle lecture ce PLFSS pour 2021 dans la nuit de mardi à mercredi. Comme d’habitude, les délais d’examen sont particulièrement contraints. Je limiterai donc mon propos à l’essentiel.

Tout d’abord, madame la ministre, comme votre collègue Olivier Dussopt nous l’avait annoncé lors de la première lecture, le Gouvernement a déposé à l’Assemblée nationale des amendements pour réviser les prévisions de solde pour la sécurité sociale en 2021.

Celles-ci font apparaître une dégradation très nette, de l’ordre de 8 milliards d’euros par rapport à ce que nous avons voté en première lecture. Vous l’avez dit, il s’agit de prendre en compte les conséquences sur les recettes de la dégradation des hypothèses macroéconomiques. La prévision de croissance du PIB pour 2021 ne serait que de 6 %, contre 8 % prévus auparavant. De même, la croissance de la masse salariale privée en subit le contrecoup. Elle est désormais évaluée à 4,8 %, soit une baisse de 2 points par rapport à la prévision initiale.

Au bout du compte, le déficit des régimes obligatoires de base de la sécurité sociale (ROBSS) et du Fonds de solidarité vieillesse (FSV) s’établirait à 34,9 milliards d’euros, pour 552,4 milliards d’euros de dépenses, et à 35,8 milliards d’euros pour le seul périmètre du régime général et du FSV. Malgré la reprise attendue, ces chiffres se situeraient donc bien au-delà du précédent record de déficit, qui s’élevait à 28 milliards d’euros en 2010.

Madame la ministre, la pente sera difficile à remonter !

S’agissant du sort des amendements adoptés par le Sénat et du bilan que nous pouvons tirer de la nouvelle lecture du texte à l’Assemblée nationale, qui a retenu 55 de nos amendements, dont 5 partiellement, je vous renvoie, mes chers collègues, pour une analyse détaillée, au tableau en annexe du rapport de la commission.

Quelques-unes de nos initiatives ont été conservées par l’Assemblée nationale à l’occasion de la nouvelle lecture.

Je pense, par exemple, à la mise en place de la branche autonomie, comme Mme la ministre l’a rappelé. Ont été maintenues les précisions apportées au rôle de la CNSA en matière de soutien à l’habitat inclusif, les conséquences qu’implique la création d’une nouvelle branche pour la caisse centrale de la MSA, dans une rédaction un peu remaniée par le Gouvernement, et surtout le principe d’une conférence des financeurs du soutien à l’autonomie chargée de formuler des recommandations sur le financement des mesures nouvelles ; les députés ont toutefois aligné son périmètre sur celui du conseil de la CNSA, ce qui est peut-être regrettable ; nous pensions pouvoir l’élargir un peu.

Je pense aussi à plusieurs dispositifs anti-fraude introduits au Sénat : l’annulation automatique des numéros d’inscription au répertoire (NIR) de la sécurité sociale obtenus de manière frauduleuse, mesure sur l’initiative de Mme Goulet ; l’extension à cinq ans de la prescription des indus frauduleux de la sécurité sociale, sur l’initiative de la commission ; l’instauration d’une dérogation au délai maximal de sept jours pour le paiement par l’assurance maladie de professionnels de santé convaincus de fraude à des fins de contrôle, sur l’initiative de la commission ; ou encore le déconventionnement d’office en cas de récidive en matière de fraude par un professionnel de santé, toujours sur l’initiative de la commission.

Il faut toutefois reconnaître que l’Assemblée nationale a surtout supprimé un grand nombre d’apports du Sénat. S’ils peuvent paraître mineurs, ces apports ont une grande importance pour les filières concernées.

Je pense ainsi au refus des députés de pérenniser le dispositif d’exonération pour les travailleurs occasionnels demandeurs d’emploi (TO-DE) propre à l’emploi de saisonniers dans le domaine agricole. Madame la ministre, j’avais dit ici même à M. Olivier Dussopt, il y a deux ans, que nous nous retrouverions certainement fin 2020 pour prolonger ce dispositif. Nous y sommes ! Ce dispositif sera sans doute de nouveau prolongé fin 2022, car il répond à l’équilibre économique des filières concernées. Il serait donc beaucoup plus raisonnable de pérenniser l’exonération TO-DE, afin de donner une véritable visibilité aux filières concernées, plutôt que de leur donner l’impression d’un sursis permanent.

Au-delà de ces sujets sectoriels, nos différends avec l’Assemblée nationale portent aussi sur des questions fondamentales pour l’équilibre des finances sociales.

Je pense à la compensation à la sécurité sociale de l’ensemble des pertes de recettes de ces deux dernières années, qui n’avaient pas été compensées, en application des principes définis dans le rapport dit « Charpy-Dubertret » sur la rénovation des relations financières entre l’État et la sécurité sociale.

Je pense aussi à la révision pour 2020 de la compensation de l’État au titre de la prise en charge de l’Agence nationale de santé publique (ANSP), dite Santé publique France, dont le budget est passé en un an de 150 millions d’euros à 4,8 milliards d’euros.

Je pense également au refus par le Sénat de la prise en charge par la Caisse d’amortissement de la dette sociale (Cades) du financement d’un tiers de la dette des hôpitaux, d’autant que ces remboursements semblent désormais conditionnés à de nouveaux investissements ; voilà qui change de nature cette « défausse » – vous me permettrez cette expression – des dettes de l’hôpital sur la Cades.

Je pense enfin à la mise en place de la conférence de financement des retraites assortie, en cas d’échec, de mesures paramétriques qui auraient été mises en place à compter de 2022. Nous souhaitions – et nous souhaitons toujours ! – que cette conférence sur le financement des retraites puisse reprendre l’année prochaine.

En somme, le désaccord reste entier pour l’ensemble des différends qui ont abouti à l’échec de la commission mixte paritaire. Or, comme vous le savez, il s’agit de sujets qui posent de sérieux problèmes de principe.

Ainsi, comment imaginer revenir à l’équilibre des comptes de la sécurité sociale si on la leste de charges qui ne sont pas les siennes, comme celles de Santé publique France, si on multiplie les entorses à la loi Veil et si on se refuse à engager la concertation sur des réformes qui seront, et sont déjà nécessaires ?

Comment éteindre un jour la dette sociale si l’on commence à faire financer n’importe quoi par la Cades ? Avec un tel précédent, il ne faut pas s’étonner d’entendre déjà certains ministres – mezzo voce bien évidemment – se demander si la dette de l’État liée au covid ne devrait pas aussi y être logée.

Dans ces conditions, madame la ministre, la commission a considéré qu’il était préférable d’acter la fin du dialogue utile entre les deux assemblées. C’est pourquoi elle proposera au Sénat d’adopter une motion tendant à opposer la question préalable.

Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales. Bravo !

Mme le président. La parole est à M. Daniel Chasseing.

M. Daniel Chasseing. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous examinons à présent le PLFSS pour 2021. La commission mixte paritaire n’est pas parvenue à un accord ; nous le regrettons. Malgré les dépenses liées au covid, ce PLFSS accorde une augmentation de salaire très importante aux soignants en hôpital et en Ehpad, pour 9 milliards d’euros, ainsi que d’autres avancées significatives.

Nous regrettons le rejet par l’Assemblée nationale de nombreuses mesures adoptées par le Sénat – comme l’a dit le rapporteur général – et le rejet de l’ensemble des amendements que nous avions déposés, notamment sur la suppression de la part salariale s’agissant de la prime de feu pour les sapeurs-pompiers ou le dispositif de téléconsultation en amont des urgences.

Certaines dispositions du Sénat ont été maintenues, notamment les mesures visant à renforcer les dispositifs de lutte contre la fraude, l’annulation du numéro de sécurité sociale obtenu frauduleusement, l’expérimentation d’une carte biométrique et le déconventionnement de praticiens fraudeurs.

La réunion d’une conférence de financeurs de la politique de soutien à l’autonomie a été conservée. Il s’agit de prévoir les financements supplémentaires de la cinquième branche. Les besoins urgents s’élèvent à 2 milliards d’euros en 2021, 6 milliards en 2024 et 10 milliards en 2030, avec un doublement progressif du nombre de soignants, infirmiers, aides-soignants en Ehpad, tout en améliorant l’attractivité des carrières et la formation.

Le renforcement du maintien à domicile est une priorité absolue, nécessitant un grand plan national d’adaptation des logements à la dépendance auprès de tous les occupants, en intégrant la domotique. Ce PLFSS pour 2021 n’inclut malheureusement pas de financements pour créer des emplois de soignants ; j’espère que cela sera fait dans la loi sur le grand âge.

Les points de désaccord portent sur les retraites, la reprise de dette des hôpitaux par la Cades et la contribution exceptionnelle demandée aux organismes complémentaires d’assurance maladie (OCAM).

Pour les retraites, le Sénat avait adopté une mesure visant à réactiver la conférence des financeurs avec les partenaires sociaux, en cas de désaccord seulement. Le texte prévoit la mise en œuvre de mesures paramétriques et l’accélération de la réforme Touraine. Les circonstances actuelles ne sont pas favorables à l’adoption d’une telle réforme, mais, compte tenu du vieillissement de la population et du déficit très important de la branche retraite, qui s’élève à 8 milliards d’euros en 2020 et davantage en 2021, des mesures seront nécessaires pour maintenir le niveau des retraites. Nous étions favorables à la différenciation du taux de contribution exceptionnelle selon le caractère lucratif ou non des OCAM et à la hausse du taux de contribution en 2021, pour porter la contribution à 1 milliard, au lieu de 500 millions d’euros.

En revanche, mon groupe n’était pas opposé à une reprise d’une partie des 13 milliards d’euros de dette hospitalière par la Cades, afin que les hôpitaux retrouvent une capacité d’investissement. En effet, la sous-revalorisation chronique de l’Ondam, depuis longtemps – 2 % entre 2012 et 2017 – a contribué au creusement des déficits hospitaliers, obligeant parfois les hôpitaux à contracter des emprunts, notamment pour couvrir simplement l’achat de matériel nécessaire à leur entretien et leur fonctionnement. Ces dépenses auraient dû être prises en compte dans l’Ondam, c’est-à-dire dans le budget de la sécurité sociale et donc prises en charge par la Cades aujourd’hui. Il en est de même pour une partie des dépenses exceptionnelles de l’Agence nationale de santé publique.

Il nous semble qu’un travail de conciliation aurait pu être réalisé, en particulier en cette période difficile pour le milieu hospitalier dans notre pays, notamment sur les 13 milliards d’euros d’investissements attendus.

Pour toutes ces raisons, le groupe Les Indépendants s’abstiendra sur la motion de rejet. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

Mme le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.

Mme Raymonde Poncet Monge. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, avant toute chose, notre groupe tient à saluer les quelques avancées du PLFSS : le Ségur de la santé, l’allongement du congé paternité, les maisons de naissance ou l’avancement du versement de la prime de naissance.

Hélas, face à ces quelques pas en avant, en cette fin de navette parlementaire, ce texte maintient sa trajectoire austéritaire. Voici quelques exemples : l’hôpital est toujours sommé de réaliser 800 millions d’économies ; la dette des hôpitaux n’est pas reprise par l’État ; la cinquième branche ne dispose pas de financements nouveaux, autres que ceux qui sont prévus par le Ségur de la santé.

Ce projet n’est à la hauteur ni de la crise sanitaire et sociale ni des enjeux de la protection sociale du XXIe siècle.

Notre groupe, après avoir fait adopter quelques mesures lors de l’examen au Sénat, regrette que celles-ci aient été supprimées par nos collègues députés. Parmi ces dispositions figuraient des mesures pour lutter contre le non-recours aux prestations sociales – elles ont été supprimées par l’Assemblée – et le refus du transfert de l’allocation supplémentaire d’invalidité (ASI) vers la sécurité sociale, nouveau désengagement de l’État dénoncé par les acteurs de la solidarité – l’Assemblée l’a rétabli –, sans parler du rétablissement de la surcotisation salariale des sapeurs-pompiers, alors que sa suppression avait été largement soutenue et votée sur l’ensemble de nos travées.

Au-delà de la suppression de nos amendements, nous assistons à un détricotage mécanique et systématique du travail du Sénat exercé par les députés de la majorité présidentielle. Cela fera l’objet de la question préalable.

Le groupe écologiste regrette également le rejet d’autres dispositions que nous avions soutenues, comme la compensation à son coût réel de Santé publique France par l’État et le refus de faire porter à la Cades la reprise du tiers de la dette des hôpitaux, dette qui est le résultat de budgets antérieurs insuffisants et qui relève donc de la responsabilité de l’État – ces mesures ont également été balayées par les députés. Il en va de même pour notre amendement visant à garantir l’équité territoriale du versement des 150 millions d’euros pour les services à domicile, qui récuse le mécanisme calqué sur la prime covid, mécanisme qui établit un dispositif facultatif et subordonné à l’engagement égal des départements, alors que nous constatons que la prime covid a créé des disparités et des injustices.

Sur les rangs de nos deux assemblées, des amendements ont été déposés pour pallier les inégalités et revaloriser les salaires de tous les oubliés du Ségur de la santé, dont les professionnels de l’aide à domicile. À de nombreuses reprises, notre groupe a alerté les ministres face à leur déni des effets délétères de ces inégalités de traitement et du risque d’une crise inédite, alors que la « digue du domicile » permet à l’hôpital – lui-même sinistré – de tenir en période de pandémie.

Non seulement, madame la ministre, votre gouvernement ne tire aucun enseignement de cette crise, mais il contribue même à l’approfondir ! Depuis le premier examen de ce texte, vous venez de prier la branche du domicile de retourner à la table des négociations, alors que, après de nombreux rapports et de longues négociations, les partenaires sociaux, employeurs et syndicats, s’étaient mis d’accord sur une réforme ambitieuse qui posait enfin, dès le 1er janvier 2021 étant donné l’urgence, les actes du tournant domiciliaire.

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée. Pas du tout !

Mme Raymonde Poncet Monge. L’inconséquence de cette décision est dramatique. Nous en verrons les effets. Le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires ne regrettera pas, en revanche, que certaines mesures introduites par la majorité sénatoriale, telles que la tentative d’accélérer la contre-réforme des retraites, aient été supprimées.

Les sénatrices et sénateurs écologistes voteront contre ce texte quasiment identique au texte initial.

Mme le président. La parole est à M. Martin Lévrier.

M. Martin Lévrier. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, lors de son passage au Sénat en première lecture, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021 a été profondément modifié.

La clause de sauvegarde et les mécanismes actuels de soutenabilité des dépenses de médicaments face au développement des biothérapies, à l’article 17 quater, ou encore l’expérimentation de l’ouverture de la pratique des IVG instrumentales par les sages-femmes, à l’article 34 quinquies, ont ainsi été supprimés lors de l’examen. Il en va de même pour l’article 27 portant sur la reprise partielle de la dette des établissements de santé assurant le service public hospitalier. Et que dire de l’amendement présenté en fin d’examen du projet de loi et visant à reporter l’âge d’ouverture des droits à la retraite, que la majorité Les Républicains du Sénat a adopté en catimini !

La conclusion allait de soi : les divergences entre les représentants de l’Assemblée nationale et ceux du Sénat étaient bien trop profondes pour que la commission mixte paritaire parvienne à trouver un accord. C’est le quatrième PLFSS que je suis, et c’est la quatrième fois qu’il se termine ainsi.

Pour autant, et bien que vous scandiez le contraire, les députés, en deuxième lecture, ont su faire le jeu du bicamérisme et accepter certaines de vos propositions.

Je pense notamment aux mesures de lutte contre la fraude sociale, comme l’annulation automatique du NIR obtenu frauduleusement, à l’article 43 BB, à la dérogation à l’obligation de paiement sous sept jours de l’assurance maladie en cas de fraude, à l’article 43 G, au déconventionnement d’office des professionnels de santé condamnés pour fraude à plusieurs reprises, à l’article 43 H, ou encore à l’article 17 quinquies visant à étendre aux tiers payeurs le droit d’action directe à l’encontre des assureurs des anciens centres de transfusion sanguine (CTS), qui a été adopté conforme.

Des députés serviles, une administration omnipotente : telles sont, en commission des affaires sociales, les deux raisons qui justifieraient le rejet d’une discussion sur le PLFSS. Dois-je vous rappeler qu’il constitue l’un des exercices les plus singuliers depuis sa création en 1996, tant au vu de la pandémie mondiale qui nous frappe et de son impact sur les finances sociales qu’en raison des transformations structurelles auxquelles il donne une traduction législative concrète ?

En désignant des boucs émissaires, vous vous exonérez de l’examen de ce projet de loi en deuxième lecture.

Mes chers collègues, j’entends vos oppositions de principe, qui, à force, ressemblent à des postures politiciennes. Mais quelle tristesse d’écorner encore, et pour la énième fois, le bicamérisme avec la question préalable !

Ce texte nous donnait pourtant matière à débattre, et c’est bien là l’essence même de notre fonction. Avec une telle posture, vous assumerez de dire aux Français que les grandes transformations structurelles proposées ici, à l’instar de la traduction du Ségur, avec notamment la revalorisation des salaires,…