Mme le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps de l’intervention générale et celui de l’explication de vote.

Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de vingt minutes pour intervenir.

Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Thomas Dossus.

M. Thomas Dossus. Madame la présidente, madame la ministre, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, commençons par nous réjouir, car le budget de la culture est en hausse : 3,2 milliards d’euros, en hausse de 8 % par rapport à 2020, sans compter les 1,6 milliard d’euros alloués à la culture dans le plan de relance. Oui, la culture est une dimension essentielle de la relance, une dimension cruciale du monde d’après.

Mais avant d’envisager le monde d’après, il nous a fallu sauver celui d’aujourd’hui. Le secteur culturel, et principalement le monde de la création, si fragile, aurait pu s’effondrer lorsque la crise a frappé. Les différents dispositifs transversaux, le chômage partiel, les prêts garantis par l’État (PGE), mais aussi l’année blanche pour les intermittents et les différents fonds de soutien ou d’urgence mis en place par les collectivités locales, ont permis de maintenir la majeure partie du monde culturel à flot.

Nos amortisseurs sociaux, combinés aux dispositifs exceptionnels, ont permis que l’exception culturelle française survive au choc terrible de cette pandémie mondiale. Mais lorsqu’on interroge la diversité du monde culturel, nous constatons que la situation est critique : les structures sont en apnée. Placées dans une situation de fragilité extrême en 2020, leurs perspectives pour 2021 sont sombres.

La situation sanitaire, comme la crise sociale qui guette, plonge le monde de la culture dans une incertitude radicale. Chacun retient son souffle, jongle avec les différents dispositifs, pour construire une saison culturelle sans perspectives claires.

Cette crise a été révélatrice de fortes inégalités, mais aussi amplificatrice des atouts et des travers de notre politique culturelle. Nous sommes à la croisée des chemins : 2021 démontrera soit la résilience de notre richesse culturelle, soit la fin d’un modèle. Le budget que vous nous présentez, madame la ministre, s’il est au rendez-vous d’une relance culturelle ambitieuse, amplifie aussi, disais-je, un certain nombre de travers de notre modèle.

Pour ce qui concerne le patrimoine, tout d’abord, le budget est le plus important de cette mission, avec près de 1 milliard d’euros pour 2021. Nous nous réjouissons tout naturellement de cet effort sans précédent envers nos monuments, nos musées, nos cathédrales. La préservation de ce patrimoine maintient et enrichit des savoir-faire uniques et non délocalisables, en matière de conservation et de mise en valeur historique – je pense notamment aux charpentiers, tailleurs de pierre, ébénistes, restaurateurs d’art, qui font vivre notre histoire.

Cependant, lorsqu’on regarde le détail de cet effort financier, on s’aperçoit qu’il bénéficie majoritairement aux grandes institutions et aux monuments franciliens, et que les transferts aux collectivités locales dans le budget de la culture sont en baisse, par rapport à 2020, de 20 millions d’euros hors plan de relance. Il y a ici, en filigrane, une vision trop centralisatrice de la culture patrimoniale, qui n’est pas celle des écologistes.

Pour ce qui est de la création, ensuite, le budget est aussi en hausse, de 3,8 % ; il s’établit à plus de 880 millions d’euros. Il nous faut, là encore, nous en réjouir, ainsi que des dispositifs transversaux qui ont permis, comme je le disais, la survie de milliers de structures.

Mais la relance aurait pu être l’occasion de faire émerger un autre modèle de développement culturel. On se rend compte, en dialoguant avec les structures locales, que cette relance, comme c’est le cas pour le patrimoine, renforce encore davantage notre centralisation. Plus on s’éloigne de Paris ou des grandes métropoles, plus la fragilité des structures s’accentue.

Il faut également noter que cette relance s’appuie sur la vision très labellisée du ministère. Il y a parfois des trous dans la raquette : des petites structures, souvent associatives, sont dans des états de fragilité extrême et risquent de disparaître. Nous défendrons des amendements visant à consolider les réseaux de ces petites structures.

Je souhaite enfin aborder la question des festivals. Il n’y a, en France, qu’une minorité de festivals qui bénéficient du soutien du ministère de la culture : 170 en 2019, sur les 6 000 festivals que compte notre pays. Ce différentiel s’explique principalement par une méconnaissance mutuelle entre deux mondes qui s’ignorent parfois. Ce décalage entre les politiques culturelles et la réalité de pratiques toujours en mouvement et protéiformes, si elle est déjà inquiétante en temps normal, peut prendre une tournure dramatique en temps de crise, avec la fragilisation de centaines de festivals qui font vivre leurs territoires et qui risquent la disparition.

Nous espérons que la deuxième édition des États généraux des festivals, qui se tiendra au Printemps de Bourges, permettra au ministère de prendre conscience de la grande diversité de ce milieu.

Il faut également noter que, depuis plusieurs années, de grands groupes rachètent ou prennent des participations dans un ensemble de festivals, dans une logique d’intégration verticale et de maîtrise de l’ensemble de la chaîne de valeur. Comme le montre l’étude Barofest, les grands groupes représentent 14 % des festivals de musiques actuelles et pèsent 88 % de la billetterie. Cette progression du capital dans un univers créatif jusqu’alors plutôt préservé de ses velléités mercantiles doit nous alerter. La culture doit rester aux mains de ceux qui la font vivre, et c’est le rôle de l’État de s’en assurer.

En conclusion, madame la ministre, si nous saluons l’effort réel consenti dans ce budget de la culture, la vision qui le sous-tend nous semble encore plutôt conservatrice, visant le retour à l’avant-crise davantage qu’une relance culturelle qui aurait pu élargir et diversifier notre modèle. Nous voterons toutefois ce budget, tout en espérant qu’une attention particulière sera prêtée à nos amendements.

Culture (début)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2021
Discussion générale

3

Modification de l’ordre du jour

Mme le président. Mes chers collègues, la conférence des présidents a inscrit l’examen de la mission « Médias, livres et industries culturelles » à la suite de celui de la mission « Culture ». Toutefois, en raison de la séance de questions orales fixée demain matin à neuf heures trente, nous devrons impérativement lever notre séance ce soir à minuit trente au plus tard.

Au regard du temps restant et en accord avec la commission des finances et le Gouvernement, nous pourrions donc reporter l’examen de la mission « Médias, livres et industries culturelles » au mercredi 2 décembre, le soir, à l’issue de l’examen de la mission « Relations avec les collectivités territoriales ».

Y a-t-il des observations ?…

Il en est ainsi décidé

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt heures, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Georges Patient.)

PRÉSIDENCE DE M. Georges Patient

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

4

Culture (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2021
Culture

Loi de finances pour 2021

Suite de la discussion d’un projet de loi

M. le président. Nous reprenons l’examen, au sein de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2021, des crédits de la mission « Culture ».

Culture (suite)

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2021
État B (début)

M. le président. Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Bernard Fialaire.

M. Bernard Fialaire. Monsieur le président, madame la ministre, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, la culture fait partie des secteurs les plus fortement touchés par la crise sanitaire ; tous les orateurs l’ont rappelé.

C’est en effet un véritable « baisser de rideau » qui s’est abattu sur le monde culturel, avec les conséquences économiques que l’on connaît : dès juillet, les pertes de chiffre d’affaires étaient évaluées pour 2020 à 4,2 milliards d’euros pour le spectacle vivant, à 3 milliards d’euros pour les arts visuels et à 640 millions d’euros pour les patrimoines hors architecture.

Malheureusement, ce n’est probablement qu’un début pour un secteur économique important en temps ordinaire : il a représenté 2,3 % de notre PIB en 2019.

Aussi, nous attendons beaucoup de ce budget et de toutes les mesures prises en marge de celui-ci dans le cadre des lois de finances rectificatives. J’ajoute, madame la ministre, que vous défendez vos priorités avec énergie et passion.

Face à ce séisme sans précédent, les moyens doivent être exceptionnels pour sauver la culture, cet « héritage de la noblesse du monde » comme l’avait qualifiée Malraux. Au-delà de ce qui constitue l’empreinte de notre pays, il s’agit, bien entendu, de conserver les milliers d’emplois directs et indirects du secteur.

La seule hausse de 4,65 % des moyens, initialement prévue en 2021 pour la mission « Culture », n’aurait pas suffi à répondre à l’ampleur du défi. On peut se réjouir que ces crédits soient abondés par la mission « Plan de relance », soit d’un peu plus de 1 milliard si l’on agrège toutes les dépenses ministérielles et les dépenses fiscales liées à la culture. C’est un effort sans précédent que nous nous apprêtons à voter.

Deux axes me semblent importants : maintenir les capacités du rayonnement culturel de la France par un soutien incontournable à ses opérateurs et impulser une dynamique profitable à tous les territoires.

Préserver le rayonnement culturel de la France, c’est préserver l’attractivité globale de notre pays. Le tourisme est un levier fort, sinon essentiel de l’économie culturelle à travers ses grands événements, ses monuments ou encore ses châteaux. Je ne citerai qu’un seul chiffre : 81 % des visiteurs du château de Versailles étaient des touristes étrangers en 2019.

Dans ces conditions, vous avez identifié des priorités, madame le ministre, et l’on ne peut qu’y souscrire. Oui, il faut soutenir les grands opérateurs qui sont affaiblis, en particulier ceux qui ont un taux élevé de ressources propres. Comme je l’ai rappelé, la culture est indissociable de l’identité de la France, et il serait impensable de laisser nos grands musées fermer leurs portes et licencier, comme c’est le cas aux États-Unis.

Cependant, ce soutien massif ne doit pas reléguer la nécessité de repenser le modèle financier de certains opérateurs pour lesquels la Cour des comptes a émis des observations. Je pense, par exemple, à l’Opéra de Paris qui, dans son modèle de financement, n’est pas soutenu par les collectivités locales de sa région, alors que son public est parisien et francilien aux deux tiers. Cette équation interroge…

Le deuxième axe qui me semble important est la nécessité que l’élan budgétaire profite à tous les territoires. Je pense, bien entendu, madame la ministre, que vous avez ce principe à l’esprit, mais je souhaitais insister.

À l’échelon local, le secteur de la culture irrigue tout un écosystème qui touche de nombreux métiers, allant du commerce à l’artisanat. Nous devons par conséquent être vigilants quant à la répartition équitable des nouveaux moyens.

Dans cette perspective, l’augmentation de la dotation de 10 millions d’euros pour les musées territoriaux, de 3 millions d’euros pour les archives territoriales ou encore l’élargissement de l’avantage fiscal associé au label de la Fondation du patrimoine en faveur des centres-villes et des centres-bourgs sont de bonnes mesures.

La restauration du patrimoine est également encouragée, franchissant pour la première fois le milliard d’euros.

S’agissant de ce volet, nous comptons sur le Gouvernement pour que soit mise en œuvre la promesse d’au moins une opération par département.

Je n’oublie pas non plus la question de la survie des festivals. Les crédits du fonds de soutien aux festivals ont été consommés. La dotation initiale de 10 millions d’euros n’a donc pas suffi. Le plan de relance le réabonde à hauteur de 5 millions. Ces soutiens sont importants, mais ce que veulent les festivaliers, c’est reprendre leurs activités au plus vite, comme ils l’ont exprimé dans une tribune le 27 novembre dernier. Que leur répondez-vous, madame le ministre, ainsi qu’aux élus très attachés à leurs festivals locaux ?

Mes chers collègues, le groupe RDSE soutiendra ce projet de budget, qui reflète une mobilisation exceptionnelle. J’espère cependant que la politique de relance n’entraînera pas une année blanche pour les autres politiques du ministère, en particulier celle de l’élargissement d’une culture accessible à tous, qui fait partie du pacte républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias.

M. Pierre Ouzoulias. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le budget qui nous est proposé comporte d’indéniables mesures financières en faveur de la culture.

De la même façon, il convient de reconnaître que le Gouvernement a consacré, cette année, des moyens budgétaires considérables pour aider les opérateurs, les entreprises et les artistes. À ce titre, l’aide forte apportée aux intermittents du spectacle distingue notre pays de ceux dans lesquels les compagnies sont dissoutes et les musiciens invités à changer de métier.

M. Pierre Ouzoulias. Néanmoins, cette exception culturelle ne constitue pas une garantie absolue de sa préservation, et avec les difficultés reviennent les incertitudes sur l’essentialité de la culture et l’impérieuse nécessité d’accéder aux biens et aux services culturels.

Plus que tout autre, le monde de la culture doit justifier en permanence son utilité. Cela le fragilise, mais cela lui donne aussi une grande force, car chacun de ses acteurs sait qu’il défend beaucoup plus qu’une activité. Dans le cadre de leur mission, les parlementaires de la commission de la culture que nous sommes partagent cet engagement militant, mais mesurons aussi pleinement la difficulté de notre sacerdoce.

Tout en saluant les mesures d’aides mises en œuvre par l’État et les collectivités, nous pressentons confusément qu’elles risqueraient in fine d’être insuffisantes si la vie culturelle ne se rétablissait pas rapidement, dans les meilleures conditions sanitaires et économiques.

La crise pandémique a montré l’extrême dépendance de nos institutions et de nos entreprises culturelles aux soutiens de toutes natures. Ce constat nous oblige à poursuivre ces actions au risque de tout perdre. Déjà se pose la question de la possibilité d’organiser les festivals et de pouvoir donner du travail à tous les intermittents, alors que leur année blanche s’achèvera cet été.

D’autres secteurs de la culture ont été tout aussi fortement touchés, mais les pertes de ressources ont peut-être été moins perceptibles. Je pense particulièrement à la filière du patrimoine et de l’architecture, dont le chiffre d’affaires global a sans doute été amputé du tiers.

Je reconnais l’effort budgétaire sans précédent consenti pour les monuments historiques. Toutefois, avec notre rapporteur de la commission de la culture, Philippe Nachbar, dont je salue la qualité de l’analyse, je note la part prépondérante des grands monuments dans la liste des restaurations projetées et, dans celle-ci, le très grand nombre des bâtiments appartenant à l’État.

Les conditions calendaires imposées pour la mise en œuvre du plan de relance imposaient certainement ces choix. Néanmoins, ils accentuent des déséquilibres récurrents que notre commission dénonce régulièrement en faveur d’un patrimoine très parisien, aux dépens d’un petit patrimoine plus rural, moins visible et un peu délaissé. Les moyens drainés par le loto du patrimoine ne suffiront pas à sa préservation.

La mobilisation de ce croît budgétaire pose plus fondamentalement la question récurrente des moyens humains dont disposent encore les directions régionales des affaires culturelles pour préparer les dossiers de restauration et pour aider les collectivités de petite taille à les porter.

La capacité de l’État à assurer sa mission d’aide à la maîtrise d’ouvrage est déterminante, car elle interroge finalement le rôle de l’administration culturelle de l’État en région et son aptitude à soutenir localement un effort décidé nationalement. Il serait très dommageable que la mise en œuvre des moyens budgétaires supplémentaires de l’État soit compromise par l’insuffisance des moyens humains des Drac.

Parmi les édifices qui recevront la manne, certains choix posent question. Je pense, notamment, au château de Villers-Cotterêts. La nécessité de sa restauration est indiscutable, mais les délais de réalisation nous semblent peu réalistes, même si nous avons bien compris que l’achèvement des travaux devait coïncider avec celui de l’actuel quinquennat…

Par ailleurs, comme l’an passé, je m’interroge sur les missions, le programme, le fonctionnement et la pérennité de la Cité internationale de la langue française, que le château de Villers-Cotterêts devrait accueillir.

Je partage totalement l’idée d’une action résolue de la puissance publique en faveur de la défense et de l’illustration de la langue française, mais je suis persuadé qu’une telle politique doit mobiliser un grand nombre de ministères : elle ne peut être seulement portée par celui de la culture.

Comme l’an passé, l’exécution de ce budget devra être suivie avec grande attention par notre commission, non seulement pour s’assurer de son adéquation avec les urgences du moment, mais aussi pour vérifier que le ministère de la culture a encore les moyens humains de ses ambitions. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)

M. le président. La parole est à Mme Sonia de La Provôté. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

Mme Sonia de La Provôté. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, impossible d’aborder ce budget 2021 pour la culture et le patrimoine sans évoquer la crise traversée, qui réduit nos objectifs à la protection sanitaire de nos concitoyens.

Dès lors, les « essentiels » n’ont pas été culturels, la madeleine l’a emporté sur Proust. Plutôt qu’une critique, c’est un constat qui donne à ce budget des obligations spécifiques.

Si la culture et ses acteurs n’ont pas totalement disparu des écrans, au sens propre comme au sens figuré, la dimension humaine de partage, liée à la présence physique de la culture, sort de cette période très amoindrie. S’ajoute à cela le risque de perdre de la diversité culturelle aux dépens des professionnels et des structures les plus fragiles, pourtant fondement de notre exception culturelle.

Si en juillet le ministère indiquait une baisse d’au moins 25 % du chiffre d’affaires du secteur, la situation s’est depuis aggravée. Les incertitudes demeurent. Nous saluons ici les efforts budgétaires à destination de la culture et du patrimoine. Le ministère accompagne : c’est objectif si l’on regarde les masses financières.

Mon propos se concentrera donc sur les choix et les rééquilibrages souhaités, ainsi que sur les points saillants qui nécessitent de la vigilance pour passer ce cap difficile.

En ce qui concerne le programme 131, « Création », l’augmentation budgétaire est nette. Saluons aussi les efforts conjoints des collectivités. Ce sont 37 millions d’euros de mesures nouvelles, auxquels s’ajoute le renfort du plan de relance.

La crise est sans précédent et frappe tous les secteurs. Nous saluons donc l’attention portée aux intermittents du spectacle, le renforcement du fonds national pour l’emploi pérenne dans le spectacle, le Fonpeps, le soutien à la commande publique, les moyens pour la réforme des aides aux équipes indépendantes, les aides portées par le Centre national de la musique, le CNM, ou encore celles pour la présence artistique dans les territoires et les résidences d’artistes.

Ajoutons aussi le crédit d’impôt, prolongé, bonifié et élargi par le Sénat à toutes les esthétiques du spectacle vivant.

Néanmoins, des points de vigilance sont à noter. D’abord, les mesures citées vont devoir être prolongées, si nécessaire. Ensuite, les arts visuels, une fois encore, ne sont pas la partie du programme « Création » la plus accompagnée. Pourtant, très présents et actifs dans tous les territoires, ils contribuent largement à l’accès à la culture pour tous.

Le ministère doit accélérer leur structuration, comme pour les schémas d’orientation pour le développement des arts visuels, les Sodavi. Aussi, si les états généraux des festivals sont positifs, nous sommes en attente de solutions concrètes. Par ailleurs, si une seconde saison consécutive était annulée, c’est beaucoup du lien avec le public, et singulièrement avec la jeunesse, qui en pâtirait.

Concernant le spectacle vivant, l’impératif est de ne perdre aucun lieu ni aucune structure. À ce titre, l’activité partielle doit pouvoir être accessible à tous.

Enfin, nous ne saurions trop insister sur la nécessité de voir s’installer une véritable gouvernance territoriale de la culture entre le ministère et les collectivités, qui assurent près de 70 % de la dépense de création. L’objectif de maintenir la fertilité de l’écosystème culturel ne peut être garanti qu’à cette condition. Loin des grands-messes, c’est plutôt d’agilité et de confiance qu’il est ici question.

J’en viens au programme 361. Les crédits de la démocratisation culturelle sont en hausse, mais surtout pour le pass culture. Pourtant, c’est l’éducation artistique et culturelle qui est une des clés de sa réussite.

Le confinement n’a pas permis de maintenir nombre de projets d’éducation artistique et culturelle, ou EAC, dans les écoles. En 2021, un effort doit être fait avec l’éducation nationale pour garantir une programmation de rattrapage en 2022.

Les difficultés que rencontrent les acteurs associatifs engagés dans l’EAC sont un écueil supplémentaire. Certains d’entre eux menacent de disparaître.

Il y a donc une certaine amertume à voir le budget du pass culture s’envoler, sans garantie de réussite. Généraliser, alors que les structures ne savent pas où elles vont, alors que le numérique a largement préempté l’offre, est-ce raisonnable ?

Clairement, une part du budget aurait dû se déployer sur l’EAC. Vous avez rappelé l’objectif 100 % EAC. Au-delà du slogan, c’est surtout important pour 100 % des enfants !

Concernant l’enseignement supérieur Culture, l’effort budgétaire porte sur la rénovation et le développement numérique. Le rehaussement des bourses amène plus de moyens contre la précarisation accrue des étudiants.

Néanmoins, la situation des écoles d’architecture interpelle : 20 000 étudiants dans vingt écoles depuis vingt ans. Seuls soixante-quinze postes d’enseignants chercheurs ont été créés sur les cent cinquante prévus. L’architecture occupe une part importante dans la société de demain : il est légitime de permettre enfin aux écoles nationales supérieures d’architecture, les ENSA, de prendre leur essor.

Concernant les écoles d’art, une solution reste à trouver à la question du statut des enseignants.

Enfin, j’évoquerai les territoires, les collectivités, les crédits déconcentrés, bref les politiques locales. Peu de mots sur la stratégie mise en œuvre pour ce qui est tout simplement l’accès à la culture partout et pour tous. Dans les territoires, coconstruire la culture est rendu plus vital encore par la crise.

Le patrimoine est le deuxième secteur le plus touché. Des grands sites aux plus petits, c’est l’ensemble d’une filière qui est menacé : 2021 et 2022 sont cruciales. L’effort budgétaire est marqué face à cette situation, auxquels s’ajoutent les 614 millions du plan de relance.

Dans les faits, une grande part de l’effort porte sur le soutien aux opérateurs de l’État. Fers de lance de notre attractivité, ils subissent de plein fouet la situation : chute de fréquentation, du mécénat, des touristes étrangers, quasi-arrêt des expositions, des événements, retards de chantiers.

L’État a renforcé son aide, c’est justifié. L’effort devra sûrement être réévalué si la situation sanitaire devait perdurer. À ce titre, les contraintes encadrant le mécénat des grandes entreprises mises en place cette année tombent mal.

Concernant le patrimoine, l’accent s’est porté sur les monuments historiques. Retards de certains chantiers, difficultés financières des propriétaires, installation tardive des équipes municipales et intercommunales : le danger est grand de voir mis en péril certains patrimoines, faute d’entretien, de moyens et de projets.

Dans ce budget et dans le plan de relance, l’essentiel de l’effort porte sur les monuments historiques dont l’État est propriétaire – citons Villers-Cotterêts ou le plan Cathédrales - ou sur les monuments gérés par le centre des monuments nationaux.

Si les besoins sont réels, pour autant ceux de tout le reste du patrimoine le sont aussi. Ce sont des monuments historiques, qu’ils soient propriétés des collectivités ou des personnes privées. Ce sont donc des maillons essentiels, s’il en est, du patrimoine français.

La faible part du plan de relance qui leur est dédiée montre bien que le regard porté n’est pas le même. Pourtant, c’est bien aussi le maillage patrimonial des territoires qui fait de notre pays ce qu’il est. La complémentarité aurait pu et dû se concrétiser davantage dans les budgets.

On comprend que le court délai pour consommer les crédits nécessite de gros projets budgétaires, et que le plus simple était de prioriser les chantiers de l’État. Il eût pourtant été légitime de créer des conditions plus favorables pour accompagner les autres projets, notamment – j’y insiste – en redonnant à l’État son rôle d’assistance à maîtrise d’ouvrage pour pallier parfois les carences en ingénierie sur le terrain.

Enfin, j’évoquerai le patrimoine « diffus » non protégé, oublié de ce budget. Il est pourtant un levier simple et efficace dans les territoires : 90 % des entreprises de restauration sont des entreprises locales, les emplois concernés sont non délocalisables.

À cet effet, nous proposons un amendement pour créer une ligne budgétaire destinée exclusivement à ce patrimoine non classé.

Pour conclure, l’effort budgétaire et la volonté de sauver, de sauvegarder, d’accompagner, sont là. Il faudra surveiller et ajuster l’utilisation des crédits dans un contexte bien incertain.

Que l’on considère la culture ou le patrimoine, l’enjeu est de maintenir au maximum cet écosystème aux cofinancements multiples. Il repose sur la capacité en région à s’adapter pour préserver la diversité des acteurs, des structures, des lieux, des opérateurs et des patrimoines, des plus emblématiques aux plus modestes. Cela signifie une interaction plus grande et structurée entre l’État, les collectivités et les acteurs privés et associatifs.

Le défi, en somme, est autant budgétaire qu’organisationnel : il s’agit de coconstruire les politiques en matières culturelle et patrimoniale. La culture pour tous, c’est la culture par tous. Le groupe Union Centriste émet un avis favorable sur les crédits de la mission « Culture ». (Applaudissements sur les travées des groupes UC et SER. – M. Pierre Ouzoulias applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Decool.

M. Jean-Pierre Decool. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, c’est un lieu commun que de le dire, mais l’année qui s’achève a été marquée par de profonds bouleversements.

Le monde entier a été affecté par la pandémie ; la France ne fait pas exception en la matière. Nos compatriotes continuent d’endurer la crise et ses conséquences. De nombreux secteurs ont été affectés par les mesures de lutte contre la covid-19.

Ces derniers mois, cette lutte nous a contraints à connaître quantité de choix cornéliens. Essentielle, mais jugée non vitale, la culture figure à ce titre parmi les secteurs les plus sinistrés. Alors que les professionnels ont fait tout leur possible pour respecter scrupuleusement le protocole sanitaire, les salles de spectacles ont néanmoins dû fermer. Nous devons assumer l’ensemble des mesures prises, car elles l’ont été pour protéger la vie de nos concitoyens.

La culture était déjà, avant la crise, un secteur fragile. Les restrictions l’ont encore davantage affaiblie. Conscients du sacrifice demandé, nous devons impérativement la soutenir autant que possible. À cet égard, je voudrais rappeler que la diversité est au cœur de la richesse culturelle de notre pays, nous gagnerons donc à la préserver en soutenant les acteurs les plus fragiles.

Le Gouvernement a mis en place des mesures de soutien au profit des professionnels concernés, pour tenter d’amortir les conséquences de la crise. Certaines sont appelées à durer.

La réouverture ne se fera pas sans jauge, il semble donc indispensable que le dispositif d’activité partielle et la mesure d’année blanche soient prolongés, comme vous l’avez proposé très justement, madame la ministre.

Tant que la situation ne sera pas redevenue normale, il conviendra de veiller à l’actualisation du dispositif d’aide en fonction de l’évolution des circonstances. Nous saluons, à cet égard, l’augmentation des fonds dédiés à la pérennisation de l’emploi et la prise en compte de la situation particulière des artistes auteurs.

À ces crédits de soutien, s’ajoutent les fonds prévus par le plan de relance. Ils contribueront à maintenir à flot les opérateurs concernés et également à faire repartir l’activité dans notre pays.

La culture n’est pas seulement liée à notre économie, elle est aussi pleinement connectée à nos territoires. J’aime à dire que la culture n’est pas un luxe urbain. Notre pays compte en effet un patrimoine culturel parmi les plus riches au monde.

Nous soutenions pleinement la stratégie menée jusqu’à présent, qui consistait à inciter les différents acteurs à développer des ressources propres, sans compter forcément sur des subventions de l’État.

Parmi ces ressources, figurait en bonne place le mécénat, favorisé en France par une politique fiscale avantageuse. Si les crédits de la mission culture ne pèsent « que » 3 milliards d’euros, le soutien total apporté par l’État à la culture dépasse les 15 milliards d’euros. Ce soutien prend notamment la forme de dépenses fiscales, certes moins visibles, mais qui n’en contribuent pas moins à l’essor du secteur.

La crise économique risque fort de changer la donne en la matière. Il est en effet à craindre que les budgets des grandes entreprises dédiés au mécénat ne soient drastiquement réduits au regard du contexte économique.

Face à ces circonstances exceptionnelles, un soutien de la part de l’État en la matière semble incontournable. Les particuliers comme les collectivités territoriales concernées doivent pouvoir en bénéficier.

Une fois la crise passée et pour renforcer le financement de la culture, il conviendra également de mener une étude afin de déterminer la bonne stratégie en matière de ressources propres pour les opérateurs.

Je veux enfin saluer l’effort consenti pour la restauration des cathédrales de notre pays. Si la plus emblématique d’entre elles a très vite bénéficié de dons privés, qui permettront sa restauration, il existe en France beaucoup de cathédrales qui ont besoin d’être restaurées, mais qui sont bien moins médiatisées.

L’augmentation des crédits du plan Cathédrales traduit cette prise en considération et doit être saluée. C’est un sujet important pour nos territoires, pour leur attractivité et pour notre histoire. Madame la ministre, vous y avez donné une véritable impulsion.

La culture est au centre du rayonnement de notre pays. C’est aussi un secteur en grande difficulté qu’il nous faut protéger. En investissant dans la culture, nous pouvons lui donner un nouvel élan et participer à la relance de notre économie. Le groupe Les Indépendants – République et Territoires votera vos propositions. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et UC.)