Mme la présidente. La parole est à Mme Monique de Marco. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

Mme Monique de Marco. Madame la présidente, madame la ministre, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, cette année 2020 a été très dure pour les médias et les industries culturelles. Les moyens attribués à ces secteurs sont essentiels pour la démocratie, la citoyenneté et l’expression du pluralisme, d’autant plus à l’ère des fake news, avec les difficultés de la presse et la concentration des médias que nous connaissons.

Nous tenons à saluer l’augmentation du budget de cette mission de 4,8 %, qui risque toutefois d’être très insuffisante face aux enjeux.

La récente création du Centre national de la musique, doté d’importants moyens supplémentaires, va permettre de soutenir fortement le monde de la musique, très impacté par la fermeture des salles de concert.

Cependant, madame la ministre, nous vous demandons de rester vigilante sur la répartition de ces aides, afin de ne pas favoriser certains types de musique plus que d’autres. Je pense particulièrement aux musiques actuelles et électroniques, qui peinent à entrer dans les cases, alors qu’elles représentent près de 18 % du chiffre d’affaires de la musique.

Il est indispensable de soutenir toutes les musiques sans distinction pour conserver la diversité musicale française.

Concernant le programme 180, les efforts budgétaires consentis à la presse et aux médias sont plus que bienvenus. Nous saluons aussi les aides accordées à la presse en ligne.

Une refonte de ces aides apparaît toutefois plus que nécessaire, d’abord pour une meilleure défense du pluralisme, essentiel à notre démocratie, notamment vers la presse ultramarine qui est en voie d’extinction, ensuite pour garantir une meilleure indépendance de la presse, détenue aujourd’hui par quelques grands groupes adeptes de l’évasion fiscale, subventionnés sans contrepartie.

En cette année de confinements successifs, c’est la culture version « numérique » qui a pris le dessus. La Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet (Hadopi) est plus que jamais obsolète et dépassée. L’industrie culturelle s’est adaptée à l’usage des internautes, qui se tournent de plus en plus vers des plateformes de streaming légales, sans avoir besoin d’être menacés de sanctions. Il faut penser à réformer cet outil.

Parallèlement, les radios locales et associatives ont grand besoin de soutien. La crise sanitaire accentue leurs difficultés alors que leurs recettes étaient déjà en baisse constante. Les radios associatives sont pourtant les grandes oubliées du plan de relance. Nous avons déposé un amendement pour y remédier, en fléchant vers ces dernières une partie du budget de la Hadopi.

J’en viens enfin à l’audiovisuel public. C’est là que le bât blesse. Comment réussir à prendre le tournant du numérique avec de fortes contraintes de baisse de budget ? Comment atteindre l’objectif de renforcer l’audience chez les jeunes tout en programmant l’arrêt de France 4 ? Comment proposer une offre diversifiée et de proximité via France 3 ou France Bleu alors que France Télévisions et Radio France sont contraints à une diminution de 20 % de leurs effectifs d’ici à 2023 ?

Nous regrettons également la fermeture des antennes locales de FIP à Bordeaux, Nantes et Strasbourg, alors que l’on connaît leur rôle dans la promotion de la vie culturelle de proximité. À l’instar des maires de ces villes, je vous ai adressé, madame la ministre, un courrier en ce sens. L’urgence est là, car la fermeture est programmée pour le 31 décembre.

Je tiens par ailleurs à saluer tous les employés de France Télévisions et de Radio France, mais aussi d’Arte, qui, malgré de fortes contraintes budgétaires, arrivent encore à proposer des programmes de qualité et à conforter leurs audiences. Ils arrivent à faire plus alors qu’on leur donne toujours moins. Toutefois, si l’on maintient ce rythme de coupes budgétaires, je ne vois pas comment l’audiovisuel public parviendra à maintenir cette qualité de programmes.

Le groupe écologiste dénonce aussi l’arrêt de la diffusion de France Ô. Les habitants des départements et territoires d’outre-mer représentent 3,26 % de la population française. Pourtant, aujourd’hui, ils ne sont plus visibles qu’à 0,4 % sur le service public télévisuel. Le compte n’y est pas ! Le constat est le même pour la représentation des femmes et des minorités. Il est indispensable d’instaurer plus d’obligations légales contre toutes les discriminations et de mener une politique qui va dans ce sens.

Le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires votera le budget de la mission « Médias, livre et industries culturelles », même si nous craignons qu’il reste insuffisant pour permettre de faire face au contrecoup de la crise sanitaire. En revanche, considérant le manque d’ambition pour l’audiovisuel public, il ne votera pas le budget du compte spécial. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

Mme la présidente. La parole est à M. Julien Bargeton.

M. Julien Bargeton. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, ce projet de loi de finances pour 2021 s’inscrit dans la continuité des lois de finances rectificatives qui l’ont précédé, notamment de la troisième, qui a ouvert 170 millions d’euros de crédits pour les marchands de journaux, France messagerie et les médias audiovisuels locaux, et 214 millions pour le livre, la musique et le cinéma.

Le budget pour 2021 augmente pour sa part les crédits de 3,4 % et prévoit plus de 400 millions d’euros au titre de la relance pour le secteur.

J’insiste sur ce point : le plan de relance, massif, ne vient pas se substituer à une baisse des crédits budgétaires « courants ». Ces derniers continuent de progresser, notamment pour la presse et les médias, qui ont beaucoup souffert de cette crise.

La presse, l’un des piliers de notre vie démocratique, a subi deux crises, celle de la covid, qui a contraint un certain nombre de points presse à fermer, et celle de la distribution, avec la faillite de Presstalis.

Les crédits augmentent dans le PLF, mais, surtout, le plan de relance prévoit 70 millions d’euros pour la presse et un programme sur trois ans d’une ampleur inédite, doté de 480 millions d’euros, pour consolider et préparer l’avenir de la filière. Je citerai notamment les aides à la presse en ligne, le fonds de transition écologique et la modernisation des imprimeries de la presse régionale.

Le plan de relance permet d’amorcer cette transition indispensable pour l’avenir de la presse, dont la crise a révélé les fragilités préexistantes.

Le livre, la musique et le cinéma sont aussi trois secteurs qui ont été très affaiblis par la crise sanitaire. Là encore, ils disposeront de crédits budgétaires en hausse dans le PLF et de plus de 380 millions d’euros dans le plan de relance.

Rappelons aussi les aides très importantes qui préexistaient. Je pense aux 50 millions d’euros pour les tournages et au montant à peu près équivalent alloué aux salles de cinéma. Ces mesures ont été saluées par l’ensemble des acteurs.

Nous ne sommes pas en reste non plus sur l’audiovisuel public, qui a donné lieu à beaucoup de discussions. Certes, la trajectoire d’économies prévue se poursuit, mais elle est amoindrie : 70 millions d’euros, contre 80 millions d’euros initialement. Par ailleurs, le plan de relance contient des fonds destinés au redémarrage de la création audiovisuelle.

Le sujet de la réforme de l’audiovisuel public reste néanmoins sur la table, avec surtout cette question de la recherche d’un mode de financement pérenne – redevance ou autres. Notons cette idée intéressante de la plateforme française Salto, qui doit permettre de dynamiser l’audiovisuel public en rassemblant les œuvres de création en un même lieu.

Comme pour la mission « Culture », que nous avons déjà examinée, la combinaison de la hausse des crédits budgétaires et d’un plan de relance massif doit permettre de faire face aux difficultés.

La culture n’est pas un supplément d’âme pour notre pays. Elle est au fondement de tout. L’industrie culturelle est aussi l’un des secteurs les plus créateurs de richesses et d’emplois en France, plus que l’automobile par exemple. Elle participera à la relance économique, ne l’oublions pas.

Avec le budget dont nous disposerons l’an prochain, nous pouvons espérer une sortie de crise à la hauteur de l’attachement profond que les Français ont témoigné à la culture et au modèle de l’exception culturelle française. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Delattre.

Mme Nathalie Delattre. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, depuis plusieurs mois, la crise sanitaire a plongé dans le noir nos cinémas, nos librairies et presque toute notre industrie culturelle. En juillet dernier, les pertes étaient déjà estimées à 22,3 milliards d’euros, un montant que le nouveau confinement va hélas ! aggraver.

Au-delà des enjeux économiques évidents que porte la mission, c’est tout un pan de la création culturelle, un marqueur fort de l’ADN de la France, qui est menacé.

Certes, nous savons que pour tous ces secteurs, la pandémie ne fait qu’accélérer des difficultés structurelles qui existaient auparavant, des difficultés le plus souvent liées à leur adaptation à la révolution numérique.

Néanmoins, les conditions actuelles d’une crise sans précédent doivent vous interroger sur la poursuite des réformes de rationalisation engagées, en particulier au sein de l’audiovisuel public. Celles-ci ne doivent pas prendre un tour brutal, notamment pour les salariés.

Avant tout, c’est d’un effort financier exceptionnel qu’ont besoin les entreprises de l’industrie culturelle, qui génèrent des milliers d’emplois. Les mesures transversales, notamment le chômage partiel étendu aux intermittents du spectacle, ont permis d’amortir le choc. Mais cette situation sera-t-elle encore tenable avec les nouvelles jauges proposées aux cinémas et salles de spectacle pour leur réouverture prochaine ?

Nous devons reconnaître cependant que les moyens supplémentaires sont au rendez-vous. En effet, s’agissant des seuls crédits de la mission, ils sont en hausse de 8,4 % en autorisations d’engagement et de 3,36 % en crédits de paiement. Par ailleurs, le budget initialement prévu pour 2021 sera renforcé par des sommes représentant 75,3 % de crédits supplémentaires. Tout cela est considérable.

Tous les secteurs en bénéficieront, même s’il convient de mettre à part l’audiovisuel public. Nos collègues rapporteurs l’ont souligné : le secteur fait l’objet d’un mouvement contradictoire, avec une baisse de 68,5 millions d’euros des concours financiers à l’audiovisuel public, mais un renfort de la mission « Plan de relance » à hauteur de 70 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 65 millions en crédits de paiement.

Cela semble sous-tendre la poursuite de la rationalisation des moyens que vous demandez depuis 2018 aux six sociétés audiovisuelles publiques. Mais, dans ces conditions, il aurait été souhaitable que la réforme de l’audiovisuel ne soit pas remisée.

En effet, le choix de mini-contrats d’objectifs et de moyens pour 2020-2022 ne suffira pas à répondre aux enjeux du secteur, qui sont nombreux. Je citerai en particulier le caractère injuste de la contribution à l’audiovisuel public, l’absence de gouvernance commune des entreprises, qui écarte de fait les possibilités de mutualisation, ou encore la concurrence féroce des plateformes américaines au sein de notre paysage audiovisuel.

À tous ces défis, il faut apporter des réponses dans ce même temps que l’urgence sanitaire.

Je profite de cette discussion générale pour vous interpeller, madame la ministre, sur le sort des télévisions locales, qui rencontrent également des difficultés financières lourdes. J’avais déposé en première partie un amendement d’appel sur ce sujet. Vous savez combien ces médias valorisent les territoires en diffusant des informations de proximité qui intéressent vivement nos concitoyens. Nos collectivités locales les soutiennent, mais cela ne suffira pas à compenser la perte de leurs recettes publicitaires due à la crise sanitaire. Il vous faut agir vite.

Concernant la vie de nos territoires, je m’inquiète également de l’avenir de nos librairies et de nos libraires, qui sont des acteurs culturels importants de nos centres-villes, mais aussi de nos centres-bourgs. Beaucoup de ces commerces ont été fragilisés par des mois cumulés de fermeture.

Je veux saluer l’effort de 31 millions d’euros porté par la loi de finances rectificative du 30 juillet dernier et la division par trois des frais de port pour l’envoi de leurs livres, une mesure longtemps demandée par les libraires. Mais la concurrence redoublée de la vente en ligne par les grandes plateformes depuis le confinement nécessite une réflexion plus large sur la façon de les aider à s’approprier la révolution numérique plutôt que de la subir.

S’agissant des auteurs, sur lesquels se répercutent à la fois la fermeture des librairies et l’annulation des événements littéraires, je me réjouis d’un premier soutien de 5 millions d’euros par le biais du Centre national du livre (CNL).

Mes chers collègues, compte tenu de l’effort budgétaire conséquent que porte le projet de loi de finances en direction des médias, du livre et des industries culturelles, le RDSE approuvera la mission, tout en appelant à la poursuite des réflexions et des réformes nécessaires à la préservation de tous les outils qui sont au cœur de la diversité culturelle française. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jérémy Bacchi. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)

M. Jérémy Bacchi. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, une enquête de septembre du ministère de la culture estime que les pertes engendrées par la pandémie de coronavirus pourraient, dans le secteur culturel, se chiffrer à près de 23 milliards d’euros.

Depuis lors, notre pays a fait face à un second confinement, au moment même où de timides reprises voyaient le jour.

Les annonces de jeudi dernier constituent une bouffée d’air frais, même si plusieurs éléments doivent encore être précisés.

Le revenu minimal de 900 euros par mois entre novembre et février est-il calibré pour les intermittents, au vu de la conditionnalité imposée ? Dans le même registre, l’année blanche instaurée ce printemps va-t-elle être prolongée pour prendre en compte les nombreuses annulations des prestations prévues au second semestre ?

Le soutien de l’État à ces filières en crise n’en demeure pas moins réel, et nécessaire pour les faire survivre. Est-il pour autant suffisant ? Plusieurs inquiétudes demeurent.

Premièrement, et comme je l’ai indiqué, il semble que le soutien financier ait été calibré pour le premier confinement. De plus, si des crédits massifs sont inscrits dans la mission et le plan de relance, la baisse des recettes fiscales irriguant les structures nous inquiète tout particulièrement.

Deuxièmement, plusieurs actions nous laissent circonspects.

Tout d’abord, s’agissant des industries culturelles et du livre, le maintien de la subvention au CNL nous interroge. Le secteur a connu un rebond salutaire durant l’été, mais l’automne devrait être aussi cataclysmique que ce printemps. Et encore, ce regain estival a surtout concerné les auteurs et autrices déjà installés, les éditeurs ayant repoussé les sorties de premiers romans pour éviter qu’ils ne soient étouffés par les plus attendus.

Ensuite, je ne ferai qu’évoquer la question du cinéma, déjà abordée dans ma précédente intervention. Je m’interroge sur le manque de soutien apporté aux vidéastes hors cinéma. Ces nouveaux créateurs, encore peu considérés par l’État, subissent la crise, alors que leur phase de professionnalisation n’est pas tout à fait aboutie. Cela est d’autant plus problématique qu’ils occupent une place importante dans la lutte pour la démocratisation de l’accès à la culture et la lutte contre les fausses informations, au vu de leurs audiences.

Troisièmement, deux points noirs subsistent, les aides à la presse et l’audiovisuel public.

Pour le premier secteur, l’augmentation des aides à la presse est salutaire, mais largement insuffisante, pour deux raisons. Tout d’abord, elle ne compense pas les baisses drastiques opérées cette année. Ensuite, le secteur a particulièrement souffert de la crise sanitaire, couplée à sa crise structurelle. Nous ne sommes pas à l’abri de voir des titres disparaître, alors même qu’on voit l’importance de leur rôle dans le bon fonctionnement de la démocratie. En dehors même de cette question du montant des aides, nous devrons réinterroger notre modèle d’aide à la presse, qui, aujourd’hui, ne favorise pas la création d’un pluralisme, tant les médias sont rongés par la concentration.

À ce titre, le plan de filière que vous promouvez risque de s’assimiler une nouvelle fois à un afflux d’argent public auprès d’agents économiques opérant des coupes drastiques parmi leurs effectifs.

Pour le second secteur, vous nous demandez presque de nous réjouir que la baisse des crédits soit non pas de 80 millions d’euros, mais uniquement de 70 millions d’euros.

Pourtant, nous avons encore une fois besoin d’un véritable service public audiovisuel ambitieux, et le maintien pour un an de France 4 n’est qu’un répit. De la même manière, la compensation à hauteur de 70 millions d’euros de la perte des revenus publicitaires ne peut venir remplacer ni l’érosion constante du reversement de la contribution à l’audiovisuel public (CAP) ni les baisses de crédits, qui devraient atteindre 200 millions d’euros d’ici à 2022.

Dans ces conditions, on ne voit pas comment les opérateurs pourraient respecter leurs engagements, notamment en matière de production.

Madame la ministre, on ne peut pas en même temps vouloir l’exigence de l’audiovisuel public, saluer son rôle lors de la crise sanitaire et lui couper les vivres. Qu’on estime qu’il faille une réforme en profondeur de son financement, c’est une chose. Mais, en l’état actuel des choses, rien n’est proposé pour compenser les pertes dues aux décisions gouvernementales.

Les pistes proposées par la réforme avortée de votre prédécesseur étaient pour partie insatisfaisantes, notamment en ce qui concerne la publicité, mais avaient le mérite d’exister. Quel plan a le Gouvernement aujourd’hui pour un réinvestissement du service public audiovisuel ?

En conclusion, certains pans de ce budget sont satisfaisants et témoignent d’un réel investissement du Gouvernement. On peut citer, comme je l’ai fait tout à l’heure, le cinéma.

Malheureusement, d’autres secteurs comme la presse et l’audiovisuel public sont mis au ban.

C’est la raison, madame la ministre, qui nous empêche de voter ce budget. Nous le regrettons profondément. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Antoine Levi. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Pierre-Antoine Levi. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, c’est avec beaucoup d’émotion que nous venons d’apprendre à l’instant la mort de Valéry Giscard d’Estaing. (Marques de stupéfaction.) Le groupe Union Centriste s’associe à la peine de sa famille et rend hommage à l’ancien Président de la République.

Mon intervention portera sur l’ensemble du champ de la mission, à l’exception notable des crédits de l’audiovisuel et de la chaîne du cinéma, dont parlera notre collègue Catherine Morin-Desailly.

À l’instar de tous les secteurs culturels, la presse a bien sûr énormément souffert de la crise sanitaire.

Notre rapporteur, Michel Laugier, dont je salue au passage l’excellence du travail, vient de rappeler les chiffres : la diffusion a diminué de 20 %, les recettes publicitaires de 80 %.

C’est un séisme, surtout pour un secteur dont les difficultés sont antérieures à la crise de la covid, et qui doit subir par ailleurs le double choc de l’émergence du numérique et de la faillite de Presstalis.

Avec notre commission, nous ne pouvons donc que saluer le maintien de l’effort de soutien au secteur, de même que les avancées positives dans la reconnaissance de la presse en ligne, la création du fonds de lutte contre la précarité dans la profession de journaliste et sur le dossier clef des droits voisins.

Depuis le début de la crise, la situation du livre, via celle des librairies, est sous le feu des projecteurs. Et pour cause, elles auraient dû, selon nous, rester ouvertes. À notre connaissance, les librairies n’ont jamais été des clusters.

Or le présent budget ne traduit pas l’inquiétude exprimée dans l’opinion publique à leur sujet. En effet, le soutien à la filière ne fait pas l’objet d’une augmentation de crédits au sein de la mission.

Seul le plan de relance concrétise un soutien financier ponctuel, mais un soutien mesuré : sur les 370 millions d’euros consacrés au secteur culturel, seuls 30 millions d’euros doivent aller au livre. C’est peu.

Heureusement, les librairies ont bénéficié après le premier confinement d’un effet rebond. Nous espérons que le phénomène se reproduira pour les fêtes de fin d’année. De plus, même si le click and collect ne remplacera jamais une activité normale, les commandes en ligne ont pu permettre aux librairies de sauvegarder un minimum d’activité, entre 20 % et 30 %.

La situation de la Bibliothèque nationale de France est à surveiller. En effet, bien que ses crédits soient en hausse continue ces dernières années, les grands et ambitieux projets dans lesquels elle s’est lancée, ainsi que la crise sanitaire, pourraient à terme fragiliser son équilibre financier et entamer sérieusement ses marges de manœuvre.

Le recours au mécénat, que je salue ici, ne doit cependant pas se substituer graduellement au soutien de l’État.

La situation des salles de cinéma est tout autre. C’est pourquoi nous avons déposé un amendement visant à abonder de 70 millions d’euros l’action Culture dans le plan de relance. Nous regrettons fortement qu’il n’ait pas été adopté. En effet, depuis le début de la crise, le manque à gagner pour les salles de cinéma avoisinerait déjà le milliard d’euros.

Une aide exceptionnelle de 100 millions d’euros a été débloquée en LFR 3 pour le dernier trimestre 2020, mais le plan de relance est très sous-dimensionné pour prendre le relais de cette aide.

Seuls 37 millions d’euros sont prévus pour les salles en 2021. Le risque est grand de les voir mourir. Même lorsqu’elles pourront rouvrir, les salles vont souffrir d’un effet psychose persistant. La jauge à 50 %, avec une place sur deux, et le port du masque tout au long du film pourrait aussi faire s’envoler l’effet « détente » d’une séance de cinéma.

Vous le savez, mes chers collègues, les salles de cinéma sont l’un des maillons essentiels de l’écosystème de la création cinématographie dans notre pays. Si les salles disparaissent, c’est toute la filière qui sera menacée. Il y aura toujours des producteurs pour faire des films, mais s’il n’y a plus personne pour les diffuser, c’est l’industrie entière qui perd sa base. Sans oublier non plus toute l’importance des cinémas dans l’animation culturelle et artistique de nos territoires.

J’en terminerai par le secteur de la musique, dont la situation est, elle aussi, très préoccupante hélas !

Heureusement, le soutien financier qui lui est accordé n’est pas négligeable. Le Centre national de la musique a reçu 50 millions d’euros en LFR 3 et va recevoir 200 millions d’euros, soit treize fois sa dotation, pour mettre en place le soutien à la filière musicale dans son ensemble – spectacles, concerts et musique enregistrée. Ce soutien compensera notamment les pertes de billetterie.

Plusieurs points de vigilance sont toutefois indispensables. Une institution si jeune sera-t-elle en mesure d’accomplir une telle mission ?

Par ailleurs, malgré l’effort, ce soutien sera sans doute lui aussi insuffisant. Pour le compléter, nous proposerons dans les articles non rattachés un amendement exonérant de cotisation foncière des entreprises (CFE) les TPE de musique enregistrée et d’édition musicale, ce qui devrait profiter à toute la chaîne de production musicale.

Enfin, le présent PLF consacre la montée en charge des crédits propres au CNM, qui doit prendre pleinement ses fonctions en 2021. Sa subvention atteint presque 16 millions d’euros. C’est conforme aux engagements gouvernementaux, mais le financement pérenne du CNM n’est toujours pas assuré. C’est un dernier point de vigilance.

Madame la ministre, sous ces réserves et celles qu’exprimera ma collègue Catherine Morin-Desailly concernant l’audiovisuel, le groupe Union Centriste votera les crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles ». (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Céline Boulay-Espéronnier. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Céline Boulay-Espéronnier. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la pandémie marque un véritable tournant pour le monde de la culture. Pour autant, cette pandémie n’est pas à l’origine – il s’agit bien d’un choix du Gouvernement – du report sine die de la réforme tant attendue de l’audiovisuel public, alors même que l’année 2020 devait être la grande année de la réforme de sa gouvernance et de son financement.

Pour les deux prochaines années, les Français continueront de s’acquitter d’une CAP qui n’est plus représentative des usages du numérique. Les multiples initiatives des opérateurs sont pourtant la preuve de leur volontarisme, au service d’un audiovisuel public fort, qui se réinvente pour réaffirmer sa spécificité. Cette filière mérite donc d’être soutenue par un nouveau cadre législatif et réglementaire, adapté à l’essor du numérique et à la véritable explosion d’offres venues bouleverser le marché mondial.

En ce sens, nous ne pouvons que nous réjouir de la transposition de la directive SMA, qui crée les conditions d’un nouveau partenariat équilibré avec les services de vidéo à la demande. Les créations audiovisuelles et cinématographiques françaises et européennes bénéficieront des nouveaux engagements financiers des plateformes numériques, à savoir le versement d’une contribution en faveur de la création comprise entre 20 % et 25 % de leur chiffre d’affaires.

La prise en compte de la spécificité des plateformes, la nature de leurs catalogues, leur place dans la chronologie des médias et la répartition des visionnages entre audiovisuel et cinéma laissent entrevoir une modernisation utile et positive de la politique audiovisuelle, dont nous pouvons tous nous réjouir.

Pour 2021, les moyens alloués à l’audiovisuel public suivent, comme l’an dernier, une trajectoire financière déclinante, résultant de l’objectif de réduction de 190 millions d’euros sur la période 2018-2022.

En dépit des 70 millions d’euros prévus par le plan de relance, l’effort budgétaire demandé aux opérateurs est trop important dans le contexte difficile de crise sanitaire que nous connaissons, et au vu des pertes importantes de recettes publicitaires. France Télévisions, qui est l’entreprise du secteur la plus fragilisée par la situation actuelle, connaîtra en 2020 un nouveau déficit d’exploitation de 9,5 millions d’euros.

En ce qui concerne France Médias Monde, en tant que membre du conseil d’administration, je peux attester de son rôle à l’international et des efforts fournis par la direction afin d’améliorer la situation financière de l’entreprise, au travers du plan de départs volontaires voté en 2019.

Les contrats d’objectifs et de moyens, bien que ne compensant pas l’absence de gouvernance commune, permettront aux six opérateurs de défendre cinq objectifs communs : la mise en avant de la singularité de l’offre publique, la mutualisation des achats, la concentration des moyens vers l’offre au public et la variété des programmes, la stabilité financière et l’exemplarité sur les questions d’égalité entre les hommes et les femmes, de réduction de l’empreinte carbone, d’insertion dans l’emploi et de défense de la laïcité.

Sur ce dernier point, cette année 2020 est particulièrement difficile pour notre audiovisuel extérieur. France Médias Monde et TV5 Monde ressentent en effet pleinement les tensions internationales réveillées par la réaffirmation de l’attachement indiscutable de la France à la défense de la liberté d’expression.

En ce qui concerne les industries culturelles, le cinéma a été impacté à tous les niveaux des chaînes de production et de distribution et a subi un véritable coup d’arrêt. En temps de crise, ce sont les plus petites structures qui sont le plus souvent touchées, en l’occurrence le cinéma indépendant.

La mission « Plan de relance », qui prévoit 165 millions d’euros en faveur du cinéma, devrait, comme le souligne le rapport de la commission des finances, permettre de compenser un effondrement des taxes affectées au Centre national du cinéma et de l’image animée en 2020. Dans le même temps, elle permettra de financer les crédits dédiés aux dispositifs mis en place en faveur d’un rebond de l’industrie cinématographique.

Dans ce contexte difficile, sans aucune visibilité, il convient de saluer l’action du CNC en faveur d’un rebond rapide du secteur, selon trois axes clefs : rattraper le retard de production, encourager la sortie des films en période de reprise et assurer la viabilité des salles de cinéma à court et à long terme.

Cette année marque également l’entrée en fonction du Centre national de la musique. En plus des missions qui lui avaient été confiées, le CNM s’est retrouvé en première ligne pour sauver un secteur dont le pronostic vital était engagé. Je salue le dévouement dont ont fait preuve les équipes, ainsi que le maintien des crédits qui lui avaient été alloués. Je m’associe à la proposition du rapporteur spécial de voir réaliser un bilan d’activité du CNM, dans un rapport dédié, au terme de cette première année d’existence.

Toutefois, le secteur de la musique, dans son ensemble, n’a pas été assez pris en compte et nous nous en inquiétons. Ce sera un point de vigilance particulier.

Enfin, je tiens à saluer l’engagement de l’ensemble de ces acteurs qui, en période de crise, n’ont cessé d’œuvrer pour maintenir leur secteur à flot, au service de l’exception culturelle française. Nous ne pouvons que nous incliner devant leur résilience.

Hormis les réserves exprimées, mes chers collègues, notre groupe s’en remettra à l’avis de nos rapporteurs et votera pour l’adoption des crédits de la mission et ceux du compte spécial dédié à l’audiovisuel public. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)