M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Florence Parly, ministre des armées. Monsieur le président, monsieur le président de la commission, mesdames, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, avant d’en venir à la présentation proprement dite du projet de budget pour 2021, je tiens à mon tour à saluer la mémoire du président Valéry Giscard d’Estaing.

C’est un homme qui a défendu toute sa vie le projet européen. Comme son successeur, François Mitterrand, il a contribué à porter très haut l’amitié franco-allemande, qui en est le socle.

N’oublions pas que le président Giscard d’Estaing avait un lien particulier avec nos armées. Il s’était engagé à dix-huit ans pour la libération de Paris, puis dans la Première armée. Il a été cité à l’ordre de celle-ci et décoré de la croix de guerre 1939-1945. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, INDEP, RDSE, UC, Les Républicains et SER, ainsi quau banc des commissions.)

Chacun le sait, c’était un ancien élève de l’École polytechnique. Lorsqu’il accéda, en 1974, à la présidence de la République, il engagea une profonde modernisation de nos forces armées. Au cours de son septennat, une loi de programmation militaire fut adoptée. C’est à cette occasion que fut lancé l’équipement de nos armées en fusils Famas, ces fusils que nous sommes progressivement en train de remplacer par le HK416, dans le cadre de la LPM 2019-2025.

Nous voyons là toute la continuité qui peut exister d’une loi de programmation à l’autre : nous agissons dans le temps long.

En outre, les premières études sur un porte-avions nucléaire ont été lancées à cette époque.

Je ferai un dernier lien entre le passé, le présent et l’avenir : c’est dans cette loi de programmation 1977-1982 qu’a été prise la décision de lancer le programme des sous-marins nucléaires d’attaque Rubis. Je vois dans le fait que nous ayons réceptionné le premier exemplaire, le Suffren, qui prend la succession des sous-marins de la classe Rubis un signe tout à fait marquant de la continuité des actions et des décisions qui sont prises pour la France.

C’est avec une grande fierté que je vous présente aujourd’hui le projet de budget pour 2021 de la mission « Défense », qui, pour la troisième année consécutive, respecte à la lettre les engagements et la trajectoire financière de la loi de programmation militaire.

Ce budget est la marque du respect de l’engagement fort du Président de la République de porter l’effort national de défense à 2 % de la richesse nationale d’ici à 2025. Cet objectif n’est pas seulement symbolique. Il poursuit et consolide la remontée en puissance de nos armées, engagée par la loi de programmation militaire.

Ainsi que vous l’avez noté dans vos interventions, l’objectif de 2 % du PIB pourrait être atteint dès 2020 en raison des effets de la crise sanitaire sur notre économie. Pour autant, c’est une conséquence purement arithmétique de la crise. Cela signifie-t-il que nous avons suffisamment modernisé nos armées et qu’elles sont désormais mieux équipées ? Bien sûr que non ! L’effort doit se poursuivre, et il se poursuit.

Vous avez soulevé dans vos interventions la question de l’actualisation de la loi de programmation militaire.

M. Christian Cambon, président de la commission des affaires étrangères. Ah !

Mme Florence Parly, ministre. Cette dernière doit avoir lieu au plus tard en 2021. Le travail de préparation est en cours sur le fondement d’une mise à jour de notre analyse du contexte géostratégique nous permettant d’identifier les ajustements envisageables pour répondre à l’évolution de la menace et des risques.

Conformément à la loi de programmation militaire, les crédits pour le ministère des armées s’élèveront à 39,2 milliards d’euros en 2021, soit 7 milliards de plus qu’en 2017. Sur la période 2018-2021, les armées auront bénéficié au total de 18 milliards d’euros de ressources supplémentaires.

Les crédits de la mission « Défense » bénéficient non seulement aux armées, mais aussi aux entreprises françaises, à notre industrie et à nos territoires. Dans le contexte actuel, ce budget 2021 est une contribution essentielle à la relance économique de notre pays. Si l’on raisonne plus globalement, sur la première partie de la LPM, c’est-à-dire la partie 2019-2023, 110 milliards d’euros auront été injectés dans l’économie pour les équipements, les infrastructures et le maintien en condition opérationnelle. C’est donc l’équivalent en cinq ans d’un plan de relance pour les seules questions de défense.

C’est par ailleurs un plan de relance qui s’adapte : dès le mois de juin dernier, pour venir en aide au secteur aéronautique durement touché par la crise sanitaire, nous avons accéléré certaines commandes prévues au cours de la LPM, pour un montant de 600 millions d’euros. Cette anticipation, qui a permis de sauvegarder plus de 1 200 emplois pour au moins deux ans, fut une respiration bienvenue pour un secteur durement éprouvé.

De ce point de vue, l’intention exprimée par la Grèce d’acheter 18 avions Rafale, dont 6 neufs, a été une excellente nouvelle pour notre industrie. C’est le premier pays européen à afficher cette volonté. Nous poursuivons activement nos discussions et nous pourrions aboutir d’ici à la fin de l’année.

Je précise que, si le contrat aboutit, le produit de la vente des Rafale d’occasion reviendra au budget du ministère des armées. Nous avons eu toutes les assurances du ministère de l’économie et des finances à ce sujet.

Naturellement, nous nous organisons pour que la vente des avions issus de nos forces à l’armée de l’air grecque n’obère en rien la capacité de nos propres armées à remplir leurs engagements opérationnels et à s’entraîner. Je veux être claire sur ce point : les missions confiées à l’armée de l’air et de l’espace continueront d’être menées, et ses pilotes continueront à s’entraîner.

Il est très important de préciser également que les prélèvements réalisés dans nos escadrons de combat seront compensés par des avions neufs. La loi de programmation militaire fixe une ambition capacitaire pour l’armée de l’air et de l’espace, comme pour les autres armées. Cette ambition sera respectée. Nous avons ensemble prévu que l’armée soit dotée de 129 avions Rafale en 2025. Cet objectif sera tenu.

M. Christian Cambon, président de la commission des affaires étrangères. Très bien !

Mme Florence Parly, ministre. Si ce contrat avec la Grèce était finalement conclu, il s’agirait d’une triple bonne nouvelle.

Politiquement, d’abord, ce contrat marquerait le développement des exportations d’armement au sein de l’Union européenne, que nous appelons de nos vœux.

Économiquement, ensuite, cette commande de 6 Rafale neufs par la Grèce, complétée par celle de 12 Rafale neufs par l’armée de l’air et de l’espace française pour compenser les prélèvements réalisés au profit de la Grèce, mobiliserait 7 000 emplois et 500 PME pendant dix-huit mois. Dans la période actuelle, personne dans cet hémicycle ne pourrait s’en plaindre !

Enfin, cette vente contribuerait activement à l’interopérabilité de nos forces.

Pour en revenir au budget, le ministère des armées sera en 2021 une véritable fabrique de l’emploi : il sera le premier recruteur de l’État, avec près de 27 000 recrutements, soit 300 de plus que l’année précédente. L’effort en termes d’apprentissage sera poursuivi. Nous recruterons des jeunes venus de tous les territoires de notre pays et de tous les niveaux de formation. Nous poursuivrons également l’effort engagé dans les domaines du renseignement, du cyber et du numérique.

J’en viens au détail du contenu du budget et je vous propose de l’examiner en reprenant les quatre axes de la loi de programmation militaire.

Sur le premier axe, tout d’abord, l’amélioration des conditions de travail et de vie des personnels, je souligne quatre éléments clés pour illustrer un budget à « hauteur d’homme ».

Premièrement, en 2021, nous consacrerons 237 millions d’euros à l’amélioration des conditions d’hébergement des militaires, dans le cadre du programme Hébergement, qui prévoit un investissement de 1 milliard d’euros d’ici à 2025. Nombre d’entre vous l’ont relevé : en la matière, on peut nettement progresser. Toutefois, comme dans bien d’autres domaines concernant la défense, il nous faut rattraper des décennies non de sous-investissement, mais de non-investissement.

Deuxièmement, nous procédons au renouvellement des petits équipements de nos militaires, avec notamment 12 000 nouveaux fusils HK416 et 126 000 nouveaux treillis ignifugés F3. Ceux qui ont eu la chance de se rendre en opération sur le terrain ont pu constater qu’en 2020, conformément à l’objectif fixé, 100 % de nos soldats déployés en OPEX en sont équipés.

Troisièmement, nous modernisons la solde. Avec 38 millions d’euros dans le budget  021, nous amorçons la nouvelle politique de rémunération des militaires, avec un dispositif renforcé d’indemnisation de la mobilité géographique.

Quatrièmement, nous accroissons les crédits consacrés au service de santé des armées en 2021. Cet élément me semble très important à la lumière de la crise sanitaire que nous traversons. J’ai décidé cette année d’augmenter le budget de ce service de 160 millions d’euros d’ici à la fin de la LPM. Cette décision s’inscrit dans la dynamique de l’effort entamé depuis 2017, lorsque nous avons mis fin – enfin ! – à la déflation des effectifs du service de santé des armées. Nous avons également pris plusieurs mesures de revalorisation salariale au profit des praticiens et du personnel paramédical, à hauteur de 31 millions d’euros entre 2017 et 2020.

Une question a été posée sur les mesures de protection que nous prenons à l’égard de nos militaires lorsque ceux-ci partent en opération ou en mission. Nous avons eu l’occasion d’évoquer ces questions à maintes reprises au printemps dernier, notamment dans le cadre de nos échanges au sein de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Les militaires sont isolés puis testés soixante-douze heures avant leur départ. En sens inverse, lorsqu’ils rentrent de mission, ils sont de nouveau testés, et bien sûr isolés si le test se révèle positif. Il me semble que nous avons progressivement trouvé les méthodes qui permettent de préserver la santé de nos militaires et de leurs familles, mais aussi des populations au contact desquelles ils peuvent être amenés à évoluer.

J’en viens au deuxième chapitre de la loi de programmation militaire. Les livraisons et les commandes se poursuivront pour moderniser les matériels et les équipements lourds. Sur les 1,7 milliard d’euros de croissance du budget en 2021, les deux tiers seront consacrés aux programmes d’armement majeurs.

Je procéderai à quelques illustrations de nos commandes et livraisons prévues pour 2021.

L’armée de terre recevra ainsi 150 blindés Griffon et 20 blindés Jaguar dans le cadre du programme Scorpion. Nous consoliderons également les commandes de 21 hélicoptères interarmées légers et 120 véhicules blindés légers.

Pour la marine, 2021 verra notamment la livraison de 3 avions de patrouille Atlantique 2 rénovés et d’une nouvelle frégate multimissions. Nous engagerons les commandes d’une nouvelle frégate de défense et d’intervention ainsi que de 8 hélicoptères légers.

Comme la question du porte-avions de nouvelle génération a été abordée, je tiens à vous rassurer. Nous avons travaillé vite, nous ne sommes absolument pas en retard. Nous avons réalisé au cours des deux dernières années des études et nous sommes donc parfaitement en ligne avec l’objectif de la LPM d’être prêts lorsque le porte-avions Charles-de-Gaulle sera retiré du service en 2038. Nous avons d’ailleurs prévu, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2021, des crédits très substantiels pour ce programme – 330 millions d’euros en autorisations d’engagement et 113 millions d’euros en crédits de paiement –, afin de poursuivre les travaux sur le porte-avions de nouvelle génération.

Enfin, l’armée de l’air et de l’espace réceptionnera en 2021 3 avions ravitailleurs MRTT Phénix, 14 avions de chasse mirage M2000D rénovés et un avion de transport A400M supplémentaire. Les commandes concerneront le lancement du démonstrateur du système de combat aérien du futur.

Le troisième chapitre de la LPM concerne la consolidation de notre autonomie stratégique. Ce budget 2021 y contribuera, notamment avec 5 milliards d’euros pour poursuivre le renouvellement des deux composantes de la dissuasion française. Le ministère des armées poursuivra son effort en faveur de la stratégie spatiale, en lui allouant 624 millions d’euros. J’ai souhaité faire de l’espace une priorité de la loi de programmation militaire et ai donc proposé au Président de la République une stratégie spatiale de défense à la hauteur des défis qui se présentent à nous. Nous y consacrons des moyens considérables : 4,5 milliards d’euros pour la période 2019-2025.

En 2021, le secteur spatial verra notamment la livraison d’un satellite MUSIS/CSO. Je tiens à cette occasion à remercier les sénateurs d’avoir soutenu la mesure introduite par le Gouvernement lors de l’examen du projet de loi de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 et portant diverses dispositions relatives à la recherche et à l’enseignement supérieur, qui nous permet d’assurer la sécurité et la souveraineté dans le domaine spatial.

J’en viens enfin au dernier chapitre de la LPM, la préparation du futur : 2021 sera l’année de la commande du démonstrateur du système de combat aérien du futur que nous construisons avec les Allemands et les Espagnols. Celui-ci devrait prendre son envol en 2026, pour être opérationnel à l’horizon 2040.

Là aussi, je remercie le Parlement de son soutien et des contacts réguliers qu’il organise avec les parlementaires allemands. Pour répondre à une question qui a été posée, l’Espagne est un partenaire important, d’ores et déjà intégré aux travaux d’architecture et de recherche et développement, qui avaient été initialement lancés dans un cadre franco-allemand. Pour la phase du démonstrateur, qui devrait être lancé d’ici à la mi-2021, l’Espagne sera un contributeur majeur, aux côtés de la France et de l’Allemagne.

La préparation du futur passe aussi par l’innovation : en 2021, nous consacrerons près de 900 millions d’euros pour concevoir les technologies de demain et nous serons donc en bon chemin vers le milliard d’euros annuel qui sera atteint en 2022. L’année 2021 sera également celle de la mise en œuvre du nouveau Fonds Innovation défense, qui viendra compléter les mécanismes existants de soutien aux PME, tels que le dispositif Rapid.

Ce nouveau fonds sera doté de 200 millions d’euros pour soutenir le développement des technologies duales et transversales, par le financement en fonds propres d’entreprises innovantes.

J’ai également noté l’interrogation concernant la nature des soutiens apportés par les banques privées. J’ai demandé au délégué général pour l’armement d’examiner avec les organisations professionnelles des industries de défense, les services de Bercy et les représentants de la profession bancaire l’existence de clauses ou de pratiques qui pourraient conduire à restreindre l’accès au crédit et au financement des entreprises du secteur de la défense. Nous devons en effet être attentifs à ce point.

Enfin, je me réjouis que le Fonds européen de défense, fortement soutenu par la France, voie le jour. Il sera doté de 7 milliards d’euros constants pour la période 2021-2027. C’est la première fois que des financements européens seront affectés à la recherche et au développement dans le secteur de la défense.

Notre devoir à tous est de mettre en œuvre la loi de programmation militaire, de veiller à son exécution, dans chaque régiment et chaque unité, en métropole comme en outre-mer. J’y veille personnellement, chaque jour.

Je conclus sur la gestion 2020, qui n’est pas encore tout à fait close, et sur laquelle nous reviendrons.

La loi de finances initiale pour 2020 sera intégralement exécutée dans les montants prévus. Les surcoûts OPEX et Missint, d’un montant de 1,46 milliard d’euros, sont couverts en 2020 par les provisions constituées en loi de finances initiale sur la mission « Défense », par des contributions internationales et redéploiements internes, pour un montant total inférieur à 60 millions d’euros et, enfin, par des ouvertures de crédits en loi de finances rectificative, pour 200 millions d’euros.

M. le président. Il faut conclure, madame la ministre.

Mme Florence Parly, ministre. Dans le contexte de la crise sanitaire, j’ai décidé de ne pas demander le financement par solidarité interministérielle en gestion. (M. Ludovic Haye manifeste son approbation.) Par ailleurs, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous demande d’observer que le montant total des annulations n’a jamais été si faible.

Comme je suis invitée à conclure, je m’en remets désormais à vous, mesdames, messieurs les sénateurs, pour que ce budget 2021 soit adopté. Démonstration de constance, de confiance et de relance, il marque la poursuite de notre mission de protection des Français et de soutien à nos entreprises, nos emplois et nos territoires. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, INDEP, RDSE, UC et Les Républicains.)

Défense
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2021
Sécurités - Compte d'affectation spéciale : Contrôle de la circulation et du stationnement routiers

M. le président. Nous allons procéder à l’examen des crédits de la mission « Défense », figurant à l’état B.

ÉTAT B

(En euros)

Mission / Programme

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

Défense

65 223 695 329

47 695 367 396

Environnement et prospective de la politique de défense

3 106 197 485

1 684 806 687

Préparation et emploi des forces

19 020 338 367

10 337 256 723

Soutien de la politique de la défense

22 097 159 477

22 030 298 824

Dont titre 2

20 752 135 200

20 752 135 200

Équipement des forces

21 000 000 000

13 643 005 162

M. le président. L’amendement n° II-1090, présenté par Mme Gréaume, M. P. Laurent et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Environnement et prospective de la politique de défense

Préparation et emploi des forces

290 000 000

290 000 000

Soutien de la politique de la défense

dont titre 2

30 000 000

30 000 000

Équipement des forces

320 000 000

320 000 000

TOTAL

320 000 000

320 000 000

320 000 000

320 000 000

SOLDE

0

0

La parole est à Mme Michelle Gréaume.

Mme Michelle Gréaume. Depuis le début de la crise, en vertu de notre dernière revue stratégique, le service de santé des armées est pleinement mobilisé. Nous pouvons le remercier du soutien extrêmement important qu’il a apporté aux services civils de santé.

On pense forcément à l’élément de réanimation installé à Mulhouse, qui a permis d’accueillir une quarantaine de patients, et de soulager ainsi l’hôpital public. Il serait toutefois injuste de ne pas rappeler le triplement des places en réanimation dans les hôpitaux d’instruction des armées, la mise à disposition de matériel et d’unités de réanimation d’urgence, le transfert organisé de malades ou encore la mobilisation des médecins, d’une partie des élèves et des réservistes du service.

On perçoit d’autant mieux les manques qui affligent le service de santé des armées. Comment espérer une pleine mobilisation auprès des malades civils tout en maintenant la protection des militaires en opération extérieure et en anticipant la propagation du virus sur les théâtres d’opérations de la France ?

La contamination à bord du porte-avions Charles-de-Gaulle le démontre : les services militaires sont pris en étau entre une distanciation sociale incompatible avec la vie en garnison et la décision gouvernementale de maintenir la quasi-totalité des opérations militaires.

Il faut donc un service de santé des armées suffisamment doté pour fonctionner. Or ce n’est clairement pas le cas, malgré l’engagement d’augmenter les effectifs inscrit dans la loi de programmation militaire.

Il manque aujourd’hui 100 médecins dans le service, alors que son déploiement n’a jamais été aussi important. Après avoir perdu près de 10 % de ses effectifs entre 2013 et 2019, le taux de projection des équipes médicales est de 106 %, et de 200 % pour les équipes chirurgicales ; et encore, il faut remercier les réservistes, qui assurent environ 15 % du contrat opérationnel.

En cas de propagation extrêmement violente du virus en Afrique, où sont stationnées les troupes françaises, je crains que le ministère ne doive choisir entre soutien aux services civils en France et aide aux militaires en opération.

Il est donc urgent d’aller plus loin que l’actuelle loi de programmation militaire, qui ne prévoit une remontée des effectifs qu’à partir de 2023.

Madame la ministre, je vous remercie des efforts accomplis pour tester les militaires embarqués et déployés en OPEX. Aujourd’hui, il faut aussi leur accorder la priorité pour les vaccinations.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Dominique de Legge, rapporteur spécial. Nous partageons tous votre souci d’améliorer le fonctionnement du service de santé des armées, ma chère collègue. Pour autant, vous comprendrez que l’on ne peut pas, à la faveur de la discussion budgétaire, remettre en cause la politique de dissuasion nucléaire et en affaiblir les moyens.

En conséquence, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Florence Parly, ministre. Le Gouvernement émet également un avis défavorable sur cet amendement, pour les raisons exposées à l’instant par M. le rapporteur spécial, mais aussi parce que le projet de loi de finances pour 2021 répond, me semble-t-il, à votre préoccupation d’améliorer les moyens accordés au service de santé des armées (SSA) et de renouveler les petits équipements, madame Gréaume.

Je veux moi aussi rendre hommage à l’engagement sans faille du service de santé des armées, tant au profit de nos militaires que de l’ensemble de la population française en cette période de crise sanitaire.

Conformément aux annonces que j’ai faites à l’école de santé de Bron, le projet de loi de finances pour 2021 voit les moyens accordés au service de santé des armées progresser de 56 % pour les infrastructures de santé et de 18 % pour l’action Fonction santé. Ces efforts ont naturellement vocation à se poursuivre dans le cadre du plan pluriannuel de 160 millions d’euros supplémentaires que j’ai annoncé pour les années 2021 à 2025.

Concernant les praticiens du service de santé des armées, vous avez raison, nous n’arrivons pas à pourvoir l’ensemble des postes. Il s’agit toutefois d’un phénomène général, lié à l’insuffisance du nombre de médecins par rapport aux besoins d’ensemble de la population.

Nous avons mis en place des outils pour essayer de fidéliser au mieux les praticiens engagés auprès du SSA. Outre les primes covid, d’un montant de 8 millions d’euros pour 2020, nous avons prévu de poursuivre en 2021 le plan triennal de rénovation du régime de rémunération pour renforcer l’attractivité du service.

Je rappelle enfin que la mission principale du service de santé des armées est de soutenir les forces armées. Naturellement, le SSA apporte son soutien à la santé publique, surtout en cas de crise, mais il ne représente que 1 % du système de santé publique français. Gardons ce chiffre en tête.

Ce service doit toutefois remonter en puissance, comme les armées elles-mêmes, et j’espère, madame la sénatrice, avoir répondu à votre inquiétude sur notre capacité à relever ce défi.

S’agissant des petits équipements, durant des années, ils n’ont pas seulement été sacrifiés, ils ont été littéralement oubliés.

Mme Florence Parly, ministre. Nous devons y remédier. Le Président de la République a voulu une LPM à « hauteur d’homme » et c’est pourquoi nous faisons des efforts en faveur de l’habillement, des protections, des armements de petit calibre, du matériel de vie en campagne, des rations de combat, bref de tout ce qui détermine les conditions d’exercice du métier des armes de nos soldats. C’est pourquoi le programme 178 voit les dépenses de petit équipement progresser de 95 millions d’euros en 2021.

J’espère avoir répondu à vos préoccupations, madame la sénatrice, et à ce que je perçois comme un amendement d’appel.

M. le président. Madame Gréaume, l’amendement n° II-1090 est-il maintenu ?

Mme Michelle Gréaume. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° II-1090 est retiré.

Avant de mettre aux voix les crédits de la mission, je donne la parole à M. le rapporteur spécial.

M. Dominique de Legge, rapporteur spécial. Madame la ministre, la commission des finances a conditionné son vote à vos réponses à cinq questions.

Concernant les 2 % du PIB, vous laissez penser que vous retiendrez plutôt le chiffre en valeur absolue. Je m’en réjouis et vous en remercie.

Sur le produit de la vente des Rafale, vous indiquez qu’un accord a été trouvé avec le ministère de l’économie. Nous savons ce que vaut la parole de Bercy, mais nous en prenons acte… (Sourires.)

Si vous avez confirmé qu’il y aurait bien 129 Rafale en 2025, vous n’avez pas répondu à deux sous-questions. Comment maintenons-nous notre condition opérationnelle entre 2021 et 2025 ? Comment finance-t-on les Rafale neufs par rapport à des Rafale d’occasion ?

Sur la propulsion du futur Charles-de-Gaulle, vous n’avez pas répondu.

Ces imprécisions ne seraient pas très graves si nous pouvions en discuter à la faveur de la révision de la LPM. Certes, celle-ci aura bien lieu, vous l’avez confirmé, mais vous ne vous êtes pas engagée à passer devant le Parlement. C’est un problème. Par les temps qui courent, nous nourrissons quelques inquiétudes.

Le Parlement n’est pas simplement un lieu de passage pour la procédure budgétaire. C’est un lieu de débat et de décision. Comme l’a excellemment souligné le président de la commission, nous ne comprendrions pas que le Parlement ne soit pas associé à la révision de la LPM.

Dans ces conditions, je m’abstiendrai à titre personnel sur ces crédits, et j’invite celles et ceux qui partagent mon analyse à en faire autant.

M. le président. Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Défense », figurant à l’état B.

Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.

Je mets aux voix ces crédits.

(Les crédits sont adoptés.)

M. le président. Nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Défense ».

Sécurités

Compte d’affectation spéciale : Contrôle de la circulation et du stationnement routiers