M. le président. La parole est à M. Stéphane Ravier.

M. Stéphane Ravier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les milices d’extrême gauche, relayées par certains parlementaires et éditorialistes, croient bon d’évoquer un « problème systémique » dans la police. S’il y a quelque chose de systémique, c’est bien la haine du flic chez ces gens-là et la violence des anarchistes dans nos rues !

Mme Éliane Assassi. De qui il parle ?

M. Stéphane Ravier. Moi, je vous le dis tout net : je soutiens la police de toutes mes forces.

Je soutiens nos policiers, comme ces hommes de la brigade anticriminalité (BAC) que j’ai accompagnés pendant toute une nuit dans les quartiers nord et le centre de Marseille ; ils faisaient ce qu’ils pouvaient, malgré les consignes non écrites de « ne pas faire de vagues », malgré l’équipement usé, malgré les effectifs réduits, malgré les provocations.

Je veux rappeler ici aux Français que les forces de l’ordre sont prêtes à donner leur vie pour sauver la nôtre, comme les hommes qui ont abattu les terroristes de Nice et de Conflans-Sainte-Honorine, comme ceux qui sont entrés sous les balles dans le Bataclan, comme ceux qui sont morts sous les balles des frères Kouachi ou comme celui qui a neutralisé l’assassin de Laura et Mauranne à Marseille.

On voudrait nous faire croire que les Français ne soutiennent pas leur police ; rien n’est plus faux ! Connaissez-vous un seul Français qui ait déménagé parce qu’un commissariat ouvrait près de chez lui ?

Madame la ministre, je ne ferai pas porter le chapeau à votre seul gouvernement de l’état des équipements et du moral des policiers : ils sont le résultat de décennies d’inaction gouvernementale. Seulement, la situation empire !

Nos forces de sécurité sont sollicitées en permanence et elles n’en peuvent plus. Elles sont pourtant le dernier rempart avant le chaos.

Le rapport pour avis de la commission des lois sur ce sujet est éloquent : les policiers et les gendarmes sont de moins en moins présents sur le terrain, accaparés qu’ils sont par des tâches administratives toujours plus lourdes.

Du point de vue financier, 230 millions d’euros sont nécessaires pour payer les 24 millions d’heures supplémentaires effectuées. Vous affirmez vouloir faire un effort de 63 millions d’euros, soit quatre fois moins que nécessaire.

Ce que demande avant tout la police, c’est de pouvoir travailler dans de bonnes conditions et d’être respectée par ceux qui la dirigent.

Quand l’ancien ministre de l’intérieur a envisagé d’organiser une cérémonie, place Beauvau, où des policiers mettraient un genou à terre, c’était de l’humiliation !

Quand un Président de la République en fonction se met en scène au chevet d’une victime supposée qui accuse des policiers de violences, et ce avant toute enquête, c’est une humiliation !

Quand l’actuel ministre de la justice affirmait, il y a quelques mois, dans l’affaire Théo, que la police devait présenter des excuses, comment voulez-vous que celle-ci ait confiance en lui ?

La police ne croit plus en ses chefs. Elle ne croit plus en son ministre.

Elle ne croit plus en lui, dont l’offensive sécuritaire s’est dégonflée sous le poids de la rue conquise et saccagée par 10 000 manifestants d’extrême gauche !

Elle ne croit plus en lui, qui a demandé la révocation de policiers qui sont déjà derrière les barreaux sans même avoir été entendus, pendant que la racaille multirécidiviste sort libre des commissariats faute de place en prison !

Le ministre de l’intérieur a lâché ses hommes ; ils ne l’oublieront pas !

Mal payées, mal équipées, mal dirigées, mal considérées : voilà le quotidien de nos forces de l’ordre.

Quant à moi, je ne lâche pas ces gendarmes et ces policiers nationaux et municipaux, mais je leur dis : « Merci ! Comme moi, le pays réel vous soutient. Tenez bon ! Bientôt, nous allons remettre la France en ordre ! » (Mme Éliane Assassi sesclaffe.)

M. le président. La parole est à Mme Nadine Bellurot. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Nadine Bellurot. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je ne reviens pas sur les excellentes présentations budgétaires qu’ont faites nos collègues rapporteurs. Tout a été dit.

Je souhaite pour ma part, madame la ministre, vous interpeller sur des sujets de sécurité civile que vous connaissez. Ces enjeux sont importants pour le quotidien des 41 000 sapeurs-pompiers professionnels et des 198 000 sapeurs-pompiers volontaires. Comme vous le savez, ces derniers représentent 79 % des sapeurs-pompiers de France. Dans mon département de l’Indre, comme dans de nombreux départements ruraux, ils réalisent la grande majorité des interventions. Sans ces femmes et ces hommes qui donnent de leur temps au péril de leur vie, beaucoup de nos campagnes n’auraient quasiment plus de secours.

Aujourd’hui – et c’est notamment la conséquence des déserts médicaux que nous dénonçons sur toutes ces travées –, les interventions sont de plus en plus nombreuses, de plus en plus complexes et de plus en plus dangereuses, car les pompiers, comme les forces de l’ordre, font l’objet pendant leurs interventions de violences inadmissibles. Je saisis cette occasion pour les remercier et leur témoigner notre soutien.

Comme vous le savez, madame la ministre, les pompiers se substituent aux transporteurs sanitaires privés pour des interventions non urgentes. Les carences ambulancières démobilisent le volontariat et n’aident évidemment pas au recrutement, car les employeurs hésitent fort à laisser leurs agents ou employés s’absenter pour des opérations non prioritaires.

Un rapport conjoint de l’inspection générale de l’administration et de l’inspection générale des affaires sociales a été rendu sur ce sujet au mois de juin dernier. À ce jour, il n’a connu aucune suite. Il formule dix recommandations pour améliorer les pratiques, trop disparates selon les territoires, pour rationaliser le recours aux services de secours et d’incendie, pour assouplir les contraintes opérationnelles et pour revoir le fameux mode de calcul du tarif de l’indemnisation. Aujourd’hui fixée à 124 euros, cette indemnisation est très inférieure au coût réel supporté par les SDIS, que l’on estime entre 450 euros et 500 euros.

Cette situation ne peut perdurer, madame la ministre : le reste à charge est trop élevé pour les collectivités locales. Pour un département comme le mien, l’Indre, il s’établit au-dessus de 250 000 euros. L’Assemblée des départements de France (ADF) a proposé que ce tarif d’indemnisation soit fixé à 251 euros. Il vous revient donc maintenant de prendre une décision, désormais urgente, en concertation avec le ministre de la santé.

La revalorisation de l’indemnité de feu allouée aux sapeurs-pompiers professionnels, dite prime de feu, est quant à elle unanimement considérée comme légitime. Reste qu’elle résulte d’une décision unilatérale du Gouvernement, alors que son impact budgétaire pour les départements, les communes et les intercommunalités qui financent les SDIS n’est pas négligeable : il s’élève à près de 300 000 euros dans l’Indre.

Les collectivités connaissent un contexte budgétaire très contraint, comme l’a rappelé Mme la rapporteure pour avis Françoise Dumont. Dès lors, c’est pour elles une charge difficilement supportable, alors qu’aucune ressource supplémentaire n’a été prévue ni aucune suppression de charge existante envisagée.

La récente décision du Parlement de supprimer la part employeur de la surcotisation de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales a permis de dégager 40 millions d’euros, soit la moitié du surcoût que représente la revalorisation de cette indemnité. C’est une avancée considérable, surtout compte tenu des perspectives budgétaires des départements, mais elle ne compense pas totalement cette augmentation.

En revanche, au-delà du parallélisme des formes, nous regrettons, madame la ministre, l’opposition du Gouvernement à la suppression de la part salariale de cette surcotisation.

Un autre sujet d’actualité est européen : la directive européenne relative au temps de travail et la question de son application aux sapeurs-pompiers volontaires. La Commission européenne vient d’apporter une réponse, mais celle-ci n’est pas rassurante. Si elle affirme ne remettre en cause ni le principe du volontariat ni le modèle français de sécurité civile, elle rappelle que c’est au cas par cas qu’elle se prononce, et non sur des organisations générales qui ne sont pas de sa compétence. Selon les critères retenus par l’Union européenne, c’est sur le caractère accessoire des revenus et de l’activité que l’attention doit être portée afin d’exonérer le volontariat du statut de travailleur. Seule une volonté politique forte permettra le maintien de notre modèle de sécurité civile.

M. le président. Il faut conclure, ma chère collègue !

Mme Nadine Bellurot. Je termine en vous faisant part d’une idée. Lorsque j’étais maire de Reuilly, j’ai conditionné l’aide apportée aux candidats au permis de conduire à une formation aux premiers secours. Peut-être y aurait-il là une piste à creuser pour donner le goût du volontariat à la population, à l’image des 29 000 jeunes sapeurs-pompiers, qui sont un bel exemple pour notre jeunesse. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. le rapporteur spécial applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Jérôme Durain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Jérôme Durain. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, il serait mesquin de nier les efforts engagés par le Gouvernement sur la mission « Sécurités », mais on peut regretter un défaut de transparence globale sur les crédits qui rend parfois difficile de bien comprendre la réalité des annonces faites.

Mon collègue Éric Jeansannetas avait dénoncé à cet égard un tour de passe-passe budgétaire. M. le rapporteur spécial a pour sa part indiqué que les crédits pour l’année 2021 étaient structurellement faibles et que la méthode était parfois un peu confuse. De fait, ces crédits peuvent se révéler moins ambitieux qu’annoncés.

J’ai déjà fait remarquer, en commission, qu’entre le plan de relance, le Livre blanc de la sécurité intérieure ou encore la loi de programmation des finances publiques, on ne sait plus ce qui relève des crédits sonnants et trébuchants et ce qui n’est qu’un effet d’annonce. Il est vrai que, sur le terrain, les policiers et les gendarmes sont globalement satisfaits des améliorations apportées à leurs conditions matérielles de travail, notamment en matière de véhicules, de gilets et d’armes. Cependant, des questions restent en suspens, comme le temps de travail ou l’utilisation des effectifs.

Le sujet de la sécurité est particulier et le contexte est des plus confus. Il est donc difficile d’aborder le débat sur cette mission sous le seul angle budgétaire. En traitant de ces crédits, nous aurons aussi à l’esprit les questions d’organisation de nos forces de sécurité, de commandement, d’encadrement, de déontologie et de doctrine d’emploi. Dès lors, madame la ministre, mes chers collègues, vous comprendrez que notre vote dépendra du sort qui sera fait à nos amendements. Mes collègues, notamment Marie-Pierre de la Gontrie, auront l’occasion de revenir sur ces divers sujets.

Je profite de cette discussion budgétaire pour aborder un point sensible du débat actuel sur les images. Madame la ministre, nous avons déposé un amendement qui vise à vous aider à acheter davantage de caméras-piétons de meilleure qualité. Je sais que le Gouvernement est mobilisé sur ce sujet et c’est heureux.

J’ai toutefois cru comprendre, lors des échanges que j’ai eus avec des policiers – M. Darmanin et vous-même avez d’ailleurs abordé ce sujet devant notre commission –, que la récupération des images enregistrées via les stations d’accueil posait problème. Pouvez-vous nous donner des indications sur les conséquences du choix d’une transmission dématérialisée, via un cloud que l’on espère souverain, des images enregistrées par les caméras-piétons ?

Par ailleurs, une question se pose quant à l’effectivité du droit des citoyens à avoir accès aux images qui sont enregistrées d’eux. Si je ne me trompe, pour les caméras fixes, l’accès est supposé être direct. Or on a vu, dans l’histoire du jeune homme agressé au bois de Boulogne, que ce droit pouvait se révéler virtuel. Qu’en sera-t-il des images enregistrées par les caméras-piétons, pour lesquelles, me semble-t-il, le droit d’accès est indirect, puisqu’il passe par le filtre des magistrats de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) ? Je vous remercie par avance de vos éclairages sur ce sujet sensible.

On a beaucoup parlé de la nécessité d’améliorer la formation initiale et continue des forces de l’ordre pour contribuer à la nécessaire réconciliation de la police avec la population. Nous avons donc déposé des amendements dans ce sens. M. Darmanin a regretté que les amendements déposés par le groupe socialiste sur ce sujet à l’Assemblée nationale n’aient pas été adoptés : voilà donc de quoi vous sortir de cet inconfort, madame la ministre !

Enfin, beaucoup plaident pour que plus d’indépendance soit donnée à l’IGPN. Nous vous proposons de préparer dès aujourd’hui une telle réforme dans le budget.

J’en viens au programme 161, « Sécurité civile » que Hussein Bourgi suit pour notre groupe. Rappelons qu’il ne contient pas l’intégralité du budget de la sécurité civile, dont 90 % est financé par les collectivités locales. Cette année, un élément supplémentaire est venu s’ajouter : le financement de l’État en faveur de la sécurité civile devient de moins en moins lisible, sachant qu’il repose désormais sur dix programmes, pilotés par six ministères différents. Le programme 161 ne représentera plus en 2021 que 43 % de l’effort financier de l’État pour la sécurité civile, contre 50 % ces dernières années.

Notre attention doit aussi se porter sur la situation financière des associations agréées pendant une crise sanitaire qui met à mal leur trésorerie. Le soutien de l’État se révèle nécessaire, faute de quoi elles risquent de ne plus pouvoir poursuivre leurs actions, qui sont unanimement reconnues, aux côtés des sapeurs-pompiers. Acteurs essentiels de la sécurité civile, ces derniers ont, entre le mois de mars et le mois de mai 2020, effectué plus de 122 000 interventions de secours d’urgence afin de porter assistance à des personnes présentant des symptômes de la covid-19, le plus souvent pour les transporter vers un centre hospitalier.

La question des carences ambulancières est rapidement abordée quand on a l’occasion d’échanger avec un officier des SDIS. Ce sujet appelle, sur le terrain, une meilleure collaboration entre les SDIS et les services d’aide médicale urgente (SAMU).

En effet, les sapeurs-pompiers ne sont pas seulement les soldats du feu : ils jouent un rôle de plus en plus important en matière de santé, dans la prise en charge d’urgence et le secours aux personnes.

J’évoque enfin la reconnaissance professionnelle. Une bataille a été remportée au Sénat avec la suppression, dans le cadre des discussions sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021, de la part salariale de la surcotisation perçue par la CNRACL, alors que l’Assemblée nationale avait décidé de ne supprimer que la part employeur. Une dizaine d’amendements avaient été déposés en ce sens, dont l’un de notre groupe. C’est finalement l’amendement d’Hervé Maurey qui a été adopté, ce qui constitue une bonne nouvelle dans le cadre budgétaire pour 2021.

J’insiste en conclusion sur la nécessité de la réconciliation entre policiers, gendarmes et pompiers, d’une part, et le reste des citoyens, d’autre part. Nous sommes tous ici persuadés que l’immense majorité des Français et des Françaises qui ont choisi ces métiers remplissent leur mission correctement. Dès lors que le Gouvernement a reconnu l’existence de problèmes systémiques, nous devons tous travailler à pacifier les relations entre la police de la République et les citoyens.

Il ne faudrait pas que ces problèmes systémiques et les égarements de quelques-uns nous fassent oublier la vertu du plus grand nombre. Les réformes, les clarifications et les modernisations doivent désormais venir vite, madame la ministre. C’est le sens de nos apports à cette construction budgétaire. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à M. Christian Cambon.

M. Christian Cambon. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la sécurité est devenue l’une des premières préoccupations des Français. Ces derniers mois ont vu le modèle républicain de sécurité durement mis à l’épreuve. Nouvelles attaques terroristes, persistance des radicalismes de tous bords, augmentation préoccupante des atteintes aux personnes, catastrophes naturelles telles que la tempête Alex : les défis à relever étaient innombrables.

L’examen du budget de la mission « Sécurités » nous permet d’abord d’évaluer l’adéquation des moyens prévus avec l’ampleur de ces défis. À cet égard, nous constatons un effort d’investissement important, grâce au plan de relance. Nous nous en félicitons.

Au-delà de cette réponse ponctuelle, décidée dans le cadre de la crise sanitaire, il est toutefois nécessaire d’anticiper les défis du jour d’après. Le nouveau Livre blanc de la sécurité intérieure permet précisément de se livrer à cet exercice. Il doit également constituer la matrice d’une future loi d’orientation et de programmation pour la sécurité intérieure (Lopsi). Nous connaissons en effet l’efficacité de ce modèle dans le cas des armées, avec les lois de programmation militaire. À cet égard, une nouvelle Lopsi serait insuffisante si elle ne comportait qu’un volet juridique : une véritable programmation des moyens est absolument indispensable.

Je souhaite d’ailleurs exprimer un regret au sujet du Livre blanc de la sécurité intérieure. S’il aborde les enjeux communs à la police et à la gendarmerie, il n’évoque que très peu le statut militaire des gendarmes. Or cette singularité des gendarmes est pourtant un aspect central du modèle de sécurité intérieure français, que le rattachement des gendarmes au ministère de l’intérieur en 2009 n’a pas remis en cause.

La réactivité de la gendarmerie nationale, sa polyvalence et sa capacité à répondre présent auprès des populations et des élus en toutes circonstances, le tout dans le respect des règles républicaines, découlent en grande partie de ce statut militaire. C’est bien lui qui garantit la résilience et la disponibilité de la gendarmerie nationale. Aussi, nous sommes très attachés à ce modèle. C’est pourquoi il ne faut en aucun cas le laisser se scléroser.

Cela suppose, en premier lieu, de reconnaître les sujétions imposées par l’état militaire et de prendre les mesures de ressources humaines et d’investissement qui en sont la contrepartie nécessaire.

Contrairement aux policiers, les gendarmes ne peuvent pas se syndiquer, même si nous avons approuvé, en 2015, la création des associations professionnelles nationales de militaires (APNM), qui ont ouvert des possibilités limitées de revendication. C’est donc le rôle de la représentation nationale que d’évaluer constamment le respect de l’équilibre entre les sujétions liées à la condition militaire et les mesures dont bénéficient les gendarmes.

Les mutualisations avec la police nationale, qui sont nécessaires et utiles dans le domaine des fonctions de support ou de la police technique et scientifique, ne doivent pas porter atteinte à la spécificité du statut des gendarmes ni aux domaines d’excellence de la gendarmerie. Nous nous étions ainsi émus, l’année dernière, des projets de centralisation ministérielle des fonctions liées au numérique. Par chance, nous avons été entendus et la gendarmerie a pu continuer à innover dans ce domaine.

Par ailleurs, la gendarmerie ne peut rester à l’écart des débats sur l’équilibre nécessaire entre sécurités et libertés. Ainsi, dans le domaine du maintien de l’ordre, la doctrine doit être modernisée en permanence. C’est aussi le cas pour l’utilisation des technologies numériques. Les drones, la généralisation des caméras-piétons ou encore la numérisation intégrale des procédures suscitent des interrogations et des réticences, comme l’a montré le débat autour de l’application GendNotes. Nous avons une totale confiance dans la capacité de la gendarmerie à relever ces défis. En effet, le statut militaire, loin d’être un handicap, constitue selon nous un atout dans cet exercice délicat de conciliation entre éthique républicaine et sécurité.

Comme la commission d’enquête du Sénat sur l’état des forces de sécurité intérieure l’a déjà établi il y a deux ans, la police nationale connaît actuellement une crise multifactorielle. Ne croyons pas que la gendarmerie soit à l’abri de telles vicissitudes ! Au contraire, l’histoire nous invite à la prudence. À nous et à vous, madame la ministre, de faire évoluer ce modèle et de l’améliorer constamment, afin qu’il continue à offrir un service de sécurité de proximité unanimement apprécié ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Marc Laménie.

M. Marc Laménie. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, il me faut évoquer en peu de temps la mission « Sécurités », qui regroupe la sécurité intérieure et la sécurité civile. Je m’efforcerai donc d’être synthétique.

Deux rapporteurs spéciaux de la commission des finances et quatre rapporteurs pour avis de la commission des lois et de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées se sont penchés sur cette mission particulièrement importante en masse financière. Philippe Dominati nous a donné les chiffres : 9 milliards d’euros sont consacrés à la gendarmerie nationale et 11,13 milliards d’euros à la police nationale, sans oublier le plan de relance, qui libère des crédits pour les équipements, l’immobilier et les véhicules.

Cette mission est surtout importante du point de vue de la valeur humaine et des moyens humains : le budget de l’État rémunère 252 350 policiers et gendarmes qui assurent la sécurité des personnes et des biens, sans oublier nos nombreux sapeurs-pompiers ni les agents qui relèvent d’autres administrations, comme les douanes, ou encore les policiers municipaux, placés sous l’autorité des élus locaux. Il faut y associer les militaires, qui relèvent de la mission « Défense » : ils sont engagés dans nos opérations extérieures, mais aussi dans la lutte contre le terrorisme. En somme, toutes nos forces de sécurité sont de plus en plus sollicitées.

Je veux, comme les orateurs précédents, leur rendre hommage, car elles méritent beaucoup de respect et de reconnaissance. C’est pourquoi, chaque année, dans nos départements respectifs, sous l’autorité du ministre de l’intérieur, sont organisées des journées nationales de la gendarmerie, de la police et des sapeurs-pompiers, sans oublier nos militaires. Malheureusement, chacun de ces corps déplore chaque année cinq à dix décès.

Les forces de sécurité, disais-je, sont de plus en plus sollicitées. Il y a eu les gilets jaunes, des manifestations de plus en plus violentes, auxquelles sont confrontées toutes les forces de sécurité, les compagnies républicaines de sécurité (CRS) comme les gendarmes mobiles, mais aussi la crise sanitaire : beaucoup de personnes étaient en première ligne, mais les forces de sécurité se sont elles aussi largement impliquées en la matière ; les conséquences de la crise sanitaire pour elles sont importantes.

N’oublions pas non plus le rôle social majeur de nos forces de sécurité, madame la ministre. La délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, présidée par Mme Annick Billon, peut en témoigner. Nos forces de sécurité sont impliquées sur des sujets sociaux particulièrement importants, en liaison avec la justice.

Nous restons également très attachés aux sapeurs-pompiers. Comme notre collègue Nadine Bellurot l’a exprimé, nous les soutenons, car les collectivités locales fonctionnent au quotidien avec les services départementaux d’incendie et de secours, les SDIS.

Les sapeurs-pompiers sont en effet très sollicités pour assurer la sécurité des personnes et des biens, par exemple face aux catastrophes naturelles. Le recrutement de volontaires est de plus en plus difficile. Je veux à cet égard saluer l’engagement des jeunes sapeurs-pompiers (JSP) ; il est primordial d’entretenir un lien avec l’éducation nationale. Enfin, je tiens à souligner le rôle de proximité et de maillage territorial de nos brigades et de nos forces de sécurité.

M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue.

M. Marc Laménie. Par conséquent, le groupe Les Républicains votera les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. le rapporteur spécial applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée auprès du ministre de lintérieur, chargée de la citoyenneté. Monsieur le président, mesdames, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, c’est un honneur pour moi d’être avec vous, aujourd’hui, pour présenter le budget du ministère de l’intérieur.

Avant toute chose, je vous prie d’excuser l’absence de M. Gérald Darmanin, retenu par d’autres obligations.

Mesdames, messieurs les sénateurs, il vous revient d’examiner les crédits inscrits au projet de loi de finances pour 2021 au titre de trois missions budgétaires, relevant du ministère de l’intérieur, en commençant par la mission « Sécurités » et le compte d’affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers ».

Comme le ministre de l’intérieur et moi-même l’avons fait, voilà quelques jours, devant la commission des lois, je veux tout d’abord me réjouir que, conformément à la volonté du Président de la République et du Premier ministre, le budget du ministère de l’intérieur connaisse une augmentation significative de ses crédits, de 1,14 milliard d’euros.

Cette augmentation des crédits est rendue possible tant par l’augmentation du budget dit « ordinaire », à hauteur de 400 millions d’euros, que par un premier renfort du plan de relance, à hauteur de 740 millions d’euros, hors appels à projets. Cela porte donc l’augmentation totale des crédits du ministère de l’intérieur, depuis le début du quinquennat, à 2,7 milliards d’euros, hors retraites.

Des moyens supplémentaires, certes, mais pour quoi faire ? Je vous rappelle les priorités que le ministre de l’intérieur et moi-même nous sommes fixées et auxquelles seront largement dédiés ces moyens nouveaux.

La première de ces priorités est d’imposer les valeurs de la République sur l’ensemble du territoire national. Au cours des dernières années, notre pays a de plus en plus souvent été l’objet d’attaques de la part de groupes organisés, notamment liés à l’islamisme radical. À cet égard, le projet de loi confortant les principes républicains sera déposé dans quelques jours.

Notre deuxième priorité est de mener une lutte intense contre les stupéfiants, qui sont à l’origine de nombreux faits de délinquance, de l’insécurité du quotidien jusqu’aux règlements de compte les plus violents, en passant par le narcobanditisme et le financement du terrorisme.

Notre troisième priorité, enfin, est de lutter contre les violences conjugales, sexistes et sexuelles. Le Président de la République en a fait la grande cause du quinquennat. Nous devons agir sans relâche en continuant le travail d’accueil des victimes de ces violences et en apportant des réponses immédiates et fortes à ces faits. À cet égard, le ministère de l’intérieur est le premier contributeur, en moyens tant humains que financiers, à la protection des femmes face aux violences. C’est une priorité qu’ont rappelée certains orateurs, notamment Mme Duranton.

Ces priorités s’inscrivent naturellement dans la politique constante du chef de l’État et du Gouvernement, notamment dans la politique de lutte contre les actions terroristes.

Les crédits des quatre programmes de la mission « Sécurités » – « Police nationale », « Gendarmerie nationale », « Sécurité et éducation routières » et « Sécurité civile » – sont fortement mobilisés au service de ces priorités du ministère de l’intérieur.

Nous avons souhaité nous concentrer essentiellement, en 2021, sur l’amélioration du quotidien des agents du ministère de l’intérieur, singulièrement des forces de sécurité, afin de donner à nos agents les moyens d’agir et d’exercer leur métier dans des conditions dignes. Ainsi, cette année, les crédits de la mission « Sécurités » sont en forte augmentation : en prenant en considération le plan France Relance, la progression des crédits est de 645 millions d’euros par rapport à l’année dernière, ce qui porte l’augmentation du budget de la mission, depuis le début du quinquennat, à 1,7 milliard d’euros.

La commission des finances a émis un avis favorable sur les crédits de cette mission, du fait de leur augmentation. Je tiens à l’en remercier sincèrement.

L’évolution des dépenses de personnel sera marquée, d’une part, par la tenue de l’engagement du Président de la République de créer 10 000 postes supplémentaires dans les forces de sécurité intérieure au cours du quinquennat et, d’autre part, par des mesures catégorielles très ciblées.

En premier lieu, en ce qui concerne les créations de postes, le plan 10 000 créations prévoit une augmentation de 2 000 emplois au sein de la mission « Sécurités », pour 2021 : 1 500 dans la police et 500 dans la gendarmerie.

En second lieu, en 2021, la masse salariale au sein de la mission « Sécurités » progresse de 190 millions d’euros, hors compte d’affectation spéciale « Pensions ». Il s’agit d’une progression maîtrisée, destinée à récompenser le mérite des agents et à nous permettre d’assurer plus efficacement nos missions. Plusieurs de ces efforts méritent d’être cités : le geste inédit pour les nuiteux, la réforme des voies d’avancement des gardiens de la paix, notamment au travers de la priorité donnée à l’investigation, la réforme du statut de la police technique et scientifique, la poursuite de la politique d’indemnisation et de revalorisation – à hauteur de plus de 6 % – des heures supplémentaires et la prise en compte, pour nos gendarmes, de la nouvelle politique de rémunération des militaires.

J’en viens à l’augmentation des crédits de fonctionnement et d’investissement, par laquelle nous avons voulu donner la priorité au quotidien de ceux qui nous protègent. Plusieurs d’entre vous l’ont dit – vous connaissez bien les commissariats et les brigades de nos territoires –, il faut absolument améliorer les conditions dans lesquelles nos forces de l’ordre exercent leurs missions ; cela correspond d’ailleurs à une attente exprimée dans le Livre blanc de la sécurité intérieure. Je l’ai indiqué, les crédits hors dépense de personnel de la mission « Sécurités » augmenteront, compte tenu du plan de relance, de 455 millions d’euros, dont 315 millions d’euros pour la seule année 2021.

Pour nos forces de police et de gendarmerie, cela représente, concrètement, une hausse du budget de matériel et d’équipement de 21 millions d’euros, une augmentation du budget des véhicules de 213 millions d’euros – cela permettra de remplacer un véhicule sur quatre d’ici à la fin du quinquennat –, une progression inédite de 10 millions d’euros, soit de 18 %, de l’action sociale ministérielle, de nouvelles dépenses en matière de numérique, notamment pour assurer la généralisation des caméras-piétons à l’horizon de juillet 2021 et un accroissement du budget immobilier de 31 millions d’euros.

Au sujet de ce dernier poste, je tiens à indiquer à la représentation nationale que, grâce aux crédits adoptés par les parlementaires, nous pourrons engager, d’ici à la fin de l’année, plus de 5 000 opérations, pour 26 millions d’euros, dans nos casernes de gendarmerie et nos commissariats, afin de répondre à des situations d’urgence. Le détail de ce plan dit Poignées de porte est disponible en ligne, sur le site du ministère de l’intérieur.

Quant à la sécurité civile, notre objectif est de renforcer sa capacité de prévention, d’anticipation et d’adaptation. C’est une nécessité pour faire face aux événements et aux catastrophes naturelles, comme nous l’a encore, hélas, démontré la tempête Alex, qui a durement frappé les Alpes-Maritimes le 2 octobre dernier.

Au titre du seul programme 161, les crédits restent stables par rapport à loi de finances initiale pour 2020 ; les crédits de paiement s’établissent à 520 millions d’euros, contre 518 millions d’euros l’année dernière.

La sécurité civile bénéficiera, au titre de la relance, d’un soutien important : 37,5 millions d’euros pour le secteur aérien, avec l’achat d’hélicoptères et 2,2 millions d’euros en faveur du financement du système d’alerte aux populations. Globalement, le budget de la sécurité civile enregistrera, en 2021, d’un effort budgétaire de 40 millions d’euros, soit une augmentation de près de 8 %. Madame Carrère, vous avez cité les risques naturels ; nous y répondrons justement dans le cadre de ce plan de relance.

J’évoque d’un mot l’éducation et la sécurité routières. En matière d’accidentalité, les résultats de l’année 2020 seront, selon toute vraisemblance, les meilleurs que nous aurons jamais enregistrés, mais, nous le savons tous, ce résultat extraordinaire, au sens propre du mot, est en grande partie dû aux effets de la crise sanitaire et du confinement. Néanmoins, notre objectif est bien évidemment de maintenir ce résultat en 2021.

Pour cela, nous poursuivrons la pédagogie déployée auprès des usagers de la route et le déploiement de la conduite externalisée des voitures radars, lancée dans quatre régions, entre 2018 et 2020. Cette pratique se poursuivra dans quatre nouvelles régions – Hauts-de-France, Grand Est, Nouvelle-Aquitaine, Bourgogne-Franche-Comté –, avant d’être progressivement étendue à de nouvelles régions métropolitaines.

Avant de conclure, je répondrai, en quelques mots, aux propos de M. le sénateur Ravier sur le ministre de l’intérieur. Chacun le sait, Gérald Darmanin a toujours soutenu les forces de l’ordre, tout en défendant les valeurs fondamentales de la République qu’incarnent, précisément, les gardiens de la paix. Il l’a fait y compris en dénonçant les comportements violents, qui sont minoritaires, car c’est aussi cela, soutenir les valeurs de la police nationale et de la gendarmerie nationale. Son soutien, qui se manifeste tant dans ses mots que dans son budget, n’a jamais manqué, et l’augmentation que j’ai l’honneur de vous présenter ce soir est d’ailleurs inédite, extraordinaire, comme cela a été noté.

La question de la répartition entre police nationale et gendarmerie nationale ayant été posée, je tiens à vous rassurer sur ce point. Il s’agit non de faire une révolution, mais de mieux tenir compte de l’évolution du tissu urbain, en concertation, bien évidemment, avec les élus concernés et avec le Sénat.

En ce qui concerne la mise en réserve de crédits de la gendarmerie nationale, nous allons en demander un dégel en début de gestion.

Pour le reste, je propose à Mme Goulet, qui a des messages personnels à m’adresser, de m’en parler à la suspension de la séance, afin que l’on examine les choses dans le détail. Nous sommes toujours à la disposition des sénateurs.

Mesdames, messieurs les sénateurs, si ces chiffres sont importants – ils doivent bien sûr être confirmés par le vote du Parlement –, ils ne resteront que du sable s’ils ne se traduisent pas par l’amélioration concrète de la situation sur le terrain. C’est ce à quoi Gérald Darmanin et moi-même nous attelons tous les jours, au ministère de l’intérieur.

Permettez-moi de conclure par une note plus personnelle, mesdames, messieurs les sénateurs. Je salue, devant la Haute Assemblée, le travail exceptionnel mené au quotidien par nos forces de l’ordre. Quelques jours après le 25 novembre, Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes, j’insiste sur le fait que, chaque jour, des policiers et des gendarmes entrent dans les domiciles pour sauver des femmes et des enfants des violences intrafamiliales. Je les en remercie sincèrement, car on ne souligne pas assez l’action des forces de l’ordre à cet égard.

Le ministère de l’intérieur compte 290 000 femmes et hommes engagés, tous les jours, pour la protection des plus fragiles, des plus faibles, parfois au péril de leur propre vie. Je tenais à leur exprimer ma reconnaissance. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI et sur des travées du groupe Les Républicains.)