compte rendu intégral

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires :

Mme Victoire Jasmin,

Mme Marie Mercier.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Questions d’actualité au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.

Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.

Chacun aura à cœur, et j’espère que ce n’est pas simplement un psaume de ma part, de respecter les uns et les autres, son temps de parole, ainsi que les règles sanitaires qui s’imposent s’agissant des entrées et des sorties dans l’hémicycle.

crise sanitaire et lutte contre la sédentarité

M. le président. La parole est à M. Bernard Fialaire, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

M. Bernard Fialaire. Si le Gouvernement gère avec responsabilité la crise du covid, il est une autre pandémie, plus grave, qu’il ne faut pas négliger : je veux parler de la pandémie d’obésité et de diabète, due aux méfaits de la sédentarité. Elle est responsable de 2 millions de décès prématurés par an dans le monde, de 6 % des décès, de 27 % des diabètes, de 30 % des maladies cardiaques ischémiques et de près de 25 % des cancers du sein et du colon.

Cette pandémie n’épargne pas la France. Elle se poursuivra lorsque nous serons tous vaccinés. Les mesures de confinement, le couvre-feu et les restrictions de sorties aggravent la tendance à la sédentarité en renvoyant petits et grands trop longtemps devant leurs écrans.

De multiples études rappellent la nécessité d’un exercice physique régulier. Qu’attendons-nous pour étendre à toutes les écoles de France la demi-heure d’activité physique expérimentée dans l’académie de Créteil, en plus des heures d’éducation physique qui devraient être pratiquées ? Je dis « devraient », car elles sont trop souvent sacrifiées.

Une demi-heure de marche avant d’attaquer les cours permet aux élèves d’avoir de meilleurs résultats et une meilleure santé physique et psychique. Je ne parle pas de l’« activité physique adaptée », prescrite pour les maladies chroniques, dont on nous a présenté les études, les analyses des études, ainsi que l’élaboration de référentiels et de formations homologuées des intervenants, comme l’administration française sait si bien le faire…

Une décision rapide d’une demi-heure de marche quotidienne est une urgence pour atténuer la dette sanitaire, sociale et économique que cette pandémie va provoquer en invalidité. Une telle mesure ne coûte rien. Il n’est point besoin d’être diplômé en kinésithérapie ou en sciences et techniques de l’activité physique et sportive pour faire marcher des bipèdes, quel que soit leur âge !

Vous le savez, monsieur le ministre des solidarités et de la santé, la marche est le seul traitement de la maladie d’Alzheimer effectif à ce jour. Alors, dans votre communication gouvernementale, un message d’encouragement à la marche quotidienne une demi-heure serait moins angoissant et donnerait du moral aux Français, qui en ont bien besoin. Et je ne vous demande même pas de danser la macarena aussi bien que votre collègue Blanquer devant les caméras ! (Sourires et applaudissements sur les travées des groupes RDSE et RDPI.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des solidarités et de la santé.

M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé. Monsieur le sénateur Fialaire, pendant un instant, j’ai cru que vous alliez me demander de m’adonner moi-même à l’exercice de la macarena ; j’aurais été obligé de vous répondre par la négative. (Sourires.)

Vous avez parfaitement raison, nous devons communiquer davantage en direction des Français pour les inciter à pratiquer une activité physique. On ne peut effectivement, hélas ! plus pratiquer certaines activités physiques classiques en salle, même s’il est toujours possible de le faire en extérieur. Avec Roxana Maracineanu, nous n’avons de cesse d’évoquer les conditions qui permettraient la réouverture des établissements proposant ces activités auxquelles les Français sont si attachés et qui nous manquent tant en ce moment.

N’oublions pas qu’il existe aussi des activités sportives « invisibles », « automatiques », que l’on pratique sans forcément s’en rendre compte. Je pense à la marche, ainsi qu’aux modes de déplacement doux, comme le vélo. Elles sont indispensables non seulement pour lutter contre les maladies cardiovasculaires, pour éviter la surcharge pondérale ou – vous l’avez souligné – pour limiter les effets du diabète, mais aussi, de manière générale, pour favoriser le bien-être tel que le définit l’Organisation mondiale de la santé.

Pendant le confinement, nous avions dit aux Français de rester chez eux, mais de faire du sport. Nous avons ainsi vu des vidéos, des tutoriels en ligne, dans lesquels certains rivalisaient d’ingéniosité pour conserver une activité physique même pendant cette période. Là, nous ne sommes pas en confinement, et le couvre-feu n’est pas incompatible, tant s’en faut, avec une pratique sportive et un exercice physique réguliers.

Je retiens donc votre proposition. Je vous promets d’en parler lors d’une prochaine conférence de presse à destination des Français.

Vous avez aussi mis l’accent sur le remboursement d’activités sportives à destination de gens souffrant de pathologies chroniques comme l’obésité ou le diabète sévère. Des expérimentations sont menées. Je crois au sport – certes, en ce moment, je suis plus croyant que pratiquant (Sourires.) – pour limiter les effets des maladies. Avec Roxana Maracineanu, nous travaillons sur la mise en place de forfaits sportifs.

Nous devons aussi inventer le sport santé de demain. Peut-être faut-il raisonner en termes non pas d’abonnement, mais de financement à la séance ? Peut-être faut-il impliquer les complémentaires, les collectivités territoriales, qui sont aussi parfois parties prenantes et qui ont monté des beaux projets ?

En tout cas, je m’engage en mon nom et en celui de ma collègue ministre des sports à promouvoir l’activité sportive en toutes conditions. Je vous remercie une nouvelle fois d’avoir mis l’accent sur le sujet. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

crise sanitaire (i)

M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

Mme Raymonde Poncet Monge. Ma question s’adresse au ministre des solidarités et de la santé.

En un temps record, l’humanité a disposé de la séquence complète du génome du coronavirus. Ainsi, parce qu’il n’y a pas eu de brevet déposé, parce que ce bien a été mis « hors marché », les grands groupes ont pu s’appuyer sur ce savoir mis en commun pour lancer leur recherche de vaccins.

Des milliards de fonds publics leur ont été alloués et des précommandes de millions de doses ont été garanties sans se préoccuper de leurs capacités de production des doses en aval, d’où les retards actuels, alors qu’il faudrait accélérer du fait des variants.

Le retour au fonctionnement du marché a donc signé le retour des dysfonctionnements de la concurrence. Monsieur le ministre, comptez-vous obliger les parties à coopérer ?

Toutes les unités de production disponibles doivent être mobilisées pour conditionner les lots, puisque les trois groupes retenus manquent à leurs engagements de livraison.

Le temps nécessaire, il faut exiger auprès des instances qui en ont le pouvoir que les licences tombent dans le domaine public et passent en licences d’office ; il ne faut pas se contenter d’accords d’achats au gré à gré.

Selon le code de la santé publique, le Gouvernement a également le pouvoir, en cas de menace épidémique, d’« ordonner la réquisition de tous biens et services nécessaires à la lutte contre la catastrophe sanitaire ».

Par exemple, Sanofi ne peut pas se limiter à produire 125 millions de doses d’ici au mois de juillet. C’est trop peu au regard des capacités de ses trois usines françaises, puisque le groupe prétend produire presque un milliard annuel de doses pour son futur vaccin. En attendant d’avoir son vaccin, il pourrait monter jusqu’à 600 millions.

Ainsi, pour que notre pays et même les populations d’Afrique et d’Asie du Sud-Est n’attendent pas plusieurs années leur vaccin, allez-vous passer de la plainte sur les retards de livraison à l’action étatique pour sécuriser enfin l’accès aux doses ? (Applaudissements sur les travées du groupe GEST, ainsi que sur des travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des solidarités et de la santé.

M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé. Madame la sénatrice, votre question me permet de vous apporter deux informations relatives à des sujets sur lesquels nous travaillons avec Agnès Pannier-Runacher pour Bercy et Clément Beaune pour les affaires européennes.

D’une part, l’Union européenne a sécurisé, à date, 2,3 milliards de doses de vaccins pour le continent européen.

D’autre part, sur l’initiative du Président de la République française, nous avons inscrit dans la totalité des contrats la notion de « bien public mondial », nous permettant d’anticiper les besoins de pays qui n’ont pas, contrairement à l’Europe, la capacité de contractualiser de fortes doses de vaccination avec les laboratoires directement. Cela représente 25 % de la production mondiale de vaccins pour le seul continent européen.

Les productions sont actives dans le monde ; elles le sont également en Europe et en France. Hier, à l’issue d’une réunion qui a mobilisé l’ensemble de la filière industrielle en matière de santé, le Président de la République a fait une communication pour indiquer que quatre entreprises sur le territoire national étaient désormais prêtes à produire des vaccins efficaces pour les populations française, européenne et, demain, mondiale.

Par conséquent, toute la chaîne logistique, toute la chaîne industrielle sont absolument fonctionnelles et totalement mobilisées vingt-quatre heures sur vingt-quatre, sept jours sur sept, pour produire des vaccins. C’est un enjeu pour vous, et c’est un enjeu pour tout le monde !

Dès lors, à quoi rimerait une licence d’office ?

La licence d’office, c’est lorsqu’une entreprise disposant d’un brevet ne le met pas à disposition d’autres et dit : « C’est moi qui décide ! » Or ce n’est pas du tout ce que nous disent les grands laboratoires qui ont déjà découvert des vaccins fonctionnels. Au contraire ! Ils nous disent : « Identifiez avec nous l’ensemble des filières industrielles sur vos territoires respectifs qui sont capables de travailler à façon pour nous aider à produire davantage et à tenir nos commandes. » Dès lors, la licence d’office serait, je le dis, contre-productive.

Quand il a fallu faire de la réquisition de matériel de protection, comme les masques, ou lorsqu’il a fallu plafonner les tarifs des gants ou des gels hydroalcooliques, nous n’avons jamais faibli ! Nous avons toujours pris les décisions qu’il fallait ! (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Accompagnons les industriels et les entreprises, y compris les entreprises pharmaceutiques, par exemple lors de l’examen des projets de loi de financement de la sécurité sociale, madame la sénatrice. Ayons un discours positif sur nos entreprises et donnons-leur envie de s’installer et de produire en France ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour la réplique.

Mme Raymonde Poncet Monge. Monsieur le ministre, en attendant, on décommande des rendez-vous : à Lyon, près de 30 % ont été décommandés ! Je vous demande donc de reprendre la main sur la filière d’accès aux médicaments et, pour l’avenir, de tirer les enseignements de cette situation en créant enfin un pôle public du médicament ! (Applaudissements sur les travées du groupe GEST, ainsi que sur des travées des groupes SER et CRCE.)

situation d’alexeï navalny

M. le président. La parole est à M. Claude Malhuret, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

M. Claude Malhuret. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.

Celui qui aurait dû se trouver hier dans le box du tribunal de Moscou ne s’appelle pas Alexeï Navalny. Il s’appelle Vladimir Poutine : pour tentative d’assassinat au Novitchok et pour les assassinats d’Anna Politkovskaïa, d’Alexandre Litvinenko, de Stanislav Markelov, d’Anastasia Babourova, de Sergueï Magnitski, de Boris Berezovski, de Boris Nemtsov et de dizaines d’autres ; pour le soutien aux sécessions de l’Ossétie, de l’Abkhazie, de la Transnistrie, l’annexion de la Crimée, l’invasion de l’est de l’Ukraine, la chasse aux ONG de défense des droits de l’homme, la destruction du Boeing de la Malaysia Airlines, les cyberattaques permanentes et, désormais, la cyberguerre au cœur des systèmes de défense américain et européen. La liste complète est bien plus longue.

Quand allons-nous répondre enfin avec fermeté à l’ancien colonel du KGB, qui n’a jamais admis la chute de l’URSS et jamais ne cessera sa lutte obsessionnelle contre nos démocraties ? La condamnation du verdict par le Président Macron était nécessaire, mais il faut passer aux actes.

Clément Beaune, secrétaire d’État chargé des affaires européennes, a commencé à dire tout haut ce que pensent tout bas la plupart des pays européens. Le gazoduc Nord Stream 2, conséquence du fiasco de la stratégie allemande dans sa lutte contre le réchauffement climatique, qui contraint l’Allemagne à augmenter et non à diminuer les énergies fossiles, est une erreur majeure ; je sais que le gouvernement français pense comme moi. Ce gazoduc ruine la sécurité énergétique de l’Europe. Il nous livre pieds et poings liés à notre pire ennemi. Il creusera le tombeau de l’Ukraine. Enfin, il permettra à l’homme le plus corrompu au monde et à ses oligarques mafieux de continuer à détourner des milliards.

Il est temps d’obtenir de l’Allemagne avec nos alliés l’abandon de ce projet mortifère. Le temps presse, car les navires russes chargés du chantier, tous les autres pays y ayant renoncé, sont arrivés sur place.

Monsieur le Premier ministre, chaque jour, la Russie ressemble un peu plus à l’Union soviétique. Nous avons été bien frileux à l’époque dans notre soutien aux dissidents. Est-ce que nous allons aujourd’hui laisser Navalny pourrir dans son cachot pendant que Poutine festoie dans son palais des mille et une nuits ? (Applaudissements sur la plupart des travées.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Jean Castex, Premier ministre. Monsieur le président Malhuret, vous l’avez souligné, la France, par la voix du Président de la République, a condamné dès hier avec la plus grande fermeté la condamnation de M. Navalny, comme elle avait déjà condamné la tentative d’empoisonnement dont ce dernier avait été victime et comme elle avait condamné le premier procès qui lui avait été fait dans des conditions que la Cour européenne des droits de l’homme avait elle-même jugées « inéquitables ».

De la même manière, le Président de la République, au-delà du cas de M. Navalny, a condamné les arrestations arbitraires qui ont eu lieu ces derniers jours et a rappelé notre attachement sans faille au respect des droits de l’homme et des libertés publiques dans ce grand pays.

Je le rappelle, la France et l’Allemagne avaient été à l’origine des condamnations tout à fait significatives prononcées en octobre dernier par la Commission européenne à l’endroit de la Russie. Dès cette semaine, le Haut Représentant de l’Union, Josep Borrell, se rendra à Moscou pour dire la condamnation unanime de l’Union. Ensuite, les ministres des affaires étrangères – Jean-Yves Le Drian représentant la France – se réuniront dans quelques jours, en février, pour proposer des suites qu’il y a lieu de donner à cet acte inqualifiable, que la France condamne avec la dernière énergie ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées des groupes RDSE et UC.)

situation des étudiants

M. le président. La parole est à M. Alain Houpert, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Alain Houpert. Monsieur le Premier ministre, certains étudiants n’ont pas vu un amphi ni un professeur depuis des mois : un sur six a décroché ; un sur trois a des pensées suicidaires. Ils font la queue à la Banque alimentaire !

À ce désespoir, comment avez-vous répondu ? Vous avez inventé le repas à 1 euro : de la bonne conscience pour ne pas regarder la réalité dans les yeux !

M. Jean Castex, Premier ministre. Ah bon ?

M. Alain Houpert. Vous avez produit des chèques-psy pour étudiants en détresse. C’est la stratégie perverse du pompier pyromane éteignant les feux qu’il a lui-même allumés ! (Exclamations sur les travées du groupe RDPI.)

Les étudiants n’ont pas besoin de charité ou de séances sur un divan. Ce qu’ils veulent, c’est retrouver leurs amphis et leurs professeurs.

M. François Patriat. Grâce à la chloroquine ?

M. Alain Houpert. Vous détruisez le présent de notre pays en détruisant son économie. Vous condamnez aussi son avenir en sacrifiant une génération. Cette génération, ce sont les scientifiques, les médecins, les intellectuels, les artistes, les entrepreneurs et les dirigeants de demain.

Enfin, saborder les universités comme vous le faites, c’est condamner cette chance unique pour les jeunes des classes populaires de monter dans l’ascenseur social. Aujourd’hui, l’ascenseur est en panne, et vous avez fermé l’escalier de service !

Vous avez échoué au présent : tentez au moins de sauver l’avenir ! Pouvez-vous prendre aujourd’hui l’engagement de véritables mesures pour permettre à tous les étudiants de retrouver rapidement les chemins des facultés ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Céline Brulin et M. Pierre Ouzoulias applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Jean Castex, Premier ministre. Monsieur le sénateur, vous me voyez dans la nécessité de répondre à cette question.

M. Julien Bargeton. C’est trop d’honneur !

M. Jean Castex, Premier ministre. Si j’étais provocateur – mais vous savez que je ne le suis pas –, je vous donnerais une information : nous traversons une crise sanitaire gravissime.

Pas une fois dans votre question vous n’avez cité les mots « covid », « virus » ou « crise sanitaire »,…

M. Julien Bargeton. C’est vrai !

M. Jean Castex, Premier ministre. … laissant à penser – mais personne ici ne l’a cru – que c’est le gouvernement de la République qui serait à l’origine de la situation actuelle.

Plusieurs sénateurs du groupe Les Républicains. Il n’a pas dit ça !

M. Jean Castex, Premier ministre. Je le concède, les conséquences de cette situation sont totalement dramatiques pour les étudiants et, en effet, pour bon nombre de nos compatriotes.

À l’heure où la circulation virale et le nombre de personnes hospitalisées et en service de réanimation sont extrêmement élevés, à l’heure où des variants se développent – vous connaissez tout cela par cœur, mesdames, messieurs les sénateurs –, à l’heure où la plupart des pays qui nous entourent ont également fermé ou significativement restreint l’accès à leurs établissements d’enseignement supérieur, que proposez-vous ? De les rouvrir massivement ? Ce serait totalement irresponsable ! Ce serait le pire des services à rendre aux étudiants de France ! (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jean Castex, Premier ministre. Bien sûr, nous nous occupons d’eux, et nous le faisons en responsabilité.

Leur donner deux repas à 1 euro par jour dans les Crous, c’est, dites-vous, leur faire l’aumône ? Moi, j’affirme que c’est un honneur ! Car les étudiants y vont, en profitent ; ils en ont besoin ! Ce n’est pas du tout dégradant !

S’occuper de leur santé, y compris de leur santé psychologique, essayer d’organiser, en lien avec la communauté universitaire, le retour extrêmement précautionneux et entouré de toutes les garanties sanitaires dans les conditions que la ministre de l’enseignement supérieur a rappelées, c’est ce qu’il fallait faire. C’est équilibré ! On ne peut pas faire n’importe quoi dans cette crise. Nous devons être prudents. Vous le savez toutes et tous.

Il est inutile de faire croire que le Gouvernement serait à l’origine de la situation. C’est une crise sanitaire ! Il faut tenir un langage de vérité et de responsabilité en même temps qu’un discours et des actions de la plus grande bienveillance à l’égard de la communauté étudiante ; c’est ce que nous faisons ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées des groupes INDEP, RDSE et UC.)

M. le président. La parole est à M. Alain Houpert, pour la réplique.

M. Alain Houpert. Monsieur le Premier ministre, je suis très heureux que ce soit vous qui ayez répondu à ma question. Je salue l’élu de terrain que vous êtes. Tous les deux, nous avons beaucoup d’humanité, comme tous ici.

Vous avez prononcé le mot « covid ». Dans la course aux vaccins qui a été choisie par votre gouvernement pour sortir de la pandémie, la France vient de déclarer forfait. Au pays de Pasteur, c’est un sacré revers ! (Exclamations sur les travées du groupe RDPI.) Les explications de ce fiasco sont nombreuses, mais, pour ma part, j’en retiens une : la faillite de notre excellence scientifique universitaire.

Le vaccin Pfizer a été développé avec l’université de Mayence (Marques dimpatience sur les travées du groupe RDPI.) et celui d’AstraZeneca avec l’université d’Oxford.

M. le président. Il faut conclure !

M. Alain Houpert. Un gouvernement qui sacrifie sa jeunesse n’a pas d’avenir ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

politique vaccinale et innovation pharmaceutique française

M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Hervé Maurey. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’économie, des finances et de la relance.

Les déclarations récentes du Président de la République en matière de vaccination ne doivent pas dissimuler la réalité : nous avons perdu la course au développement de vaccins et nous sommes en queue de peloton pour le nombre de vaccinations. Face à cette situation pour le moins regrettable, certains s’interrogent sur l’opportunité de procéder au rachat de brevets ou à la mise en place de licences obligatoires.

Dans ce contexte peu glorieux, nous avons été heureux et fiers d’apprendre qu’une start-up française, Valneva, développait un vaccin contre la covid-19. Nous avons en revanche été surpris et choqués de découvrir que 100 millions de doses seraient acquises en priorité par le Royaume-Uni. La raison, qui a été expliquée par le directeur général de l’entreprise, tient tout simplement à la grande réactivité du Royaume-Uni. Très en amont, les Britanniques ont fait confiance à cette entreprise et l’ont soutenue financièrement quand la France ne manifestait aucun intérêt pour le vaccin qu’elle développait.

Comment une telle situation est-elle possible ? Pourquoi l’Union européenne n’en était-elle le 12 janvier qu’à la conclusion de « discussions préliminaires » avec l’entreprise quand le Royaume-Uni avait commandé 60 millions de doses dès le mois de septembre ? (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe INDEP.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’industrie.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de léconomie, des finances et de la relance, chargée de lindustrie. Monsieur le sénateur Maurey, je vous remercie de mettre en avant le fait que nous avons des vaccins en France. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Je le signale, aujourd’hui, c’est le projet Sanofi qui tient la corde pour proposer dès le mois de septembre un vaccin en France, soit, me semble-t-il, un bon trimestre avant celui de Valneva. Cela n’empêche pas le vaccin Valneva d’avoir tout notre soutien, tout comme le vaccin d’Oz Therapeutics et les deux vaccins qui sont encore en cours de développement à l’Institut Pasteur.

Ce sont les mêmes qui critiquent le soutien que nous avons pu apporter à Sanofi – si les résultats sont au rendez-vous au mois d’avril, son vaccin sera le premier à arriver sur le marché français et pour les citoyens français – et qui s’inquiètent du fait que nous n’aurions pas soutenu Valneva. Au demeurant, ce n’est pas exactement une start-up ; c’est une entreprise tout à fait importante, de 500 salariés, dont le site de production se situe en Écosse.

Oui, nous avons fait le choix de prendre les premiers vaccins qui arrivaient sur le marché, ceux qui étaient en phase 1 et en phase 2 d’étude délivrés avant la fin de l’année 2020 ! Nous continuons à accompagner tous les vaccins. Comme vous le savez, la Commission européenne vient de conclure un accord avec Valneva.

Je suis en contact avec Valneva depuis le mois de mai dernier. Nous leur avons fait une proposition de soutien à hauteur de 80 %. Ils ont préféré passer un accord avec le Royaume-Uni. Cela ne nous a pas empêchés de conclure sept accords avec sept entreprises différentes, notamment les trois qui fabriqueront des vaccins dès le mois d’avril.

Monsieur le sénateur, je préfère « un tiens » immédiatement, c’est-à-dire des doses ici et maintenant – nous les avons aujourd’hui –, plutôt que « deux tu l’auras » demain, en 2022. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey, pour la réplique.

M. Hervé Maurey. Comme d’habitude, le Gouvernement est très content de lui (Rires et applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.) : tout va très bien ! À vrai dire, j’en étais sûr ; cela se termine toujours ainsi lorsque l’on interroge le Gouvernement !

Dans un tweet, vous indiquiez avoir eu des « discussions nourries » dès le 6 mai. Entre des « discussions nourries » et un soutien réel, tangible et financier, je comprends la décision que l’entreprise Valneva a malheureusement dû prendre.

À mon sens, cette pandémie montre, hélas ! un échec cuisant de la France en matière de recherche. Une note très intéressante du Conseil d’analyse économique en fait d’ailleurs état.

L’échec est patent aussi en matière de soutien aux entreprises. Il se manifeste par une incapacité à sortir de procédures d’une lourdeur terrifiante.

M. le président. Il faut conclure !

M. Hervé Maurey. Le courrier que vous avez adressé le 4 août dernier à l’entreprise en témoigne : c’est un monument de bureaucratie ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)