M. le président. La parole est à M. Rémy Pointereau, pour explication de vote. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Rémy Pointereau. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui une proposition de loi que j’ai déposée, avec l’appui de plus de 80 sénatrices et sénateurs, le 18 décembre 2019. Sans vouloir retracer la genèse de cette initiative, je souhaite tout de même indiquer qu’elle émane du terrain, de nos collègues élus locaux qui sont excédés par les changements permanents du cadre juridique des règles et documents d’urbanisme locaux. (Très bien ! sur les travées du groupe Les Républicains.)

Cette proposition de loi, qui aurait pu se transformer en simple amendement, reflète parfaitement le manque d’information que subissent nos collègues de terrain. Dès l’automne 2019, j’ai été interpellé par le président d’une communauté de communes de mon département et par plusieurs maires ; ils m’ont fait part de leur incompréhension de voir les cartes communales abrogées dès lors que la communauté de communes lance une enquête publique dans le cadre de l’élaboration de son PLUi, avant même que celui-ci soit validé ! Il n’est pas question d’une courte période : ce vide peut durer deux ans, si tout se passe bien, trois ans, ou même quatre ans, selon la durée du processus de validation du PLUi.

Les élus se demandent sur quel document d’urbanisme ils doivent s’appuyer durant cette période. Malheureusement, aucune loi ne précise comment s’opère cette transition.

Le rapport de notre collègue Jean-Baptiste Blanc, que je félicite au passage pour son travail et son investissement sur le sujet, indique qu’en l’absence d’informations claires, les élus sont parfois amenés à relancer des enquêtes publiques alors qu’ils étaient sur le point d’approuver leur PLUi.

C’est pourquoi l’article 1er de cette proposition de loi met en place une procédure claire : tout simplement, l’abrogation de la carte prendra effet dès lors que le nouveau document, tel qu’un PLUi, entre véritablement en vigueur. C’est une mesure pragmatique et de bon sens qui comble un vide juridique pour faciliter le travail de nos élus locaux.

Quant à l’article 2, qui concerne les POS, il est venu se greffer sur cette proposition de loi au cours de sa rédaction.

Là aussi, ce sont des élus de mon département qui m’ont interpellé sur le sujet ; je sais que je ne suis pas le seul à avoir été saisi de la question, qui a été posée dans de nombreux départements.

Comme vous le savez, la loi ALUR a instauré un principe de caducité des POS qui a connu – soyons honnêtes ! – plusieurs assouplissements en matière de délais. Le dernier de ces assouplissements résulte d’ailleurs d’une initiative sénatoriale, puisqu’un report d’un an, soit jusqu’au 31 décembre dernier, avait été obtenu lors de l’examen du projet de loi « Engagement et proximité ».

Malheureusement, 536 communes n’ont pas eu le temps de finaliser leur PLUi avant la caducité du POS. Cela s’explique parfois par des raisons financières : un PLU coûte en moyenne entre 25 000 et 50 000 euros ; une commune n’allait pas investir une telle somme alors qu’un PLUi allait bientôt arriver.

Mon idée de départ était de faire la même proposition que pour les cartes communales : préciser que l’abrogation du POS ne prendrait effet qu’à partir du moment où le PLUi entrerait en vigueur, afin d’éviter de revenir au RNU.

Malheureusement, le délai du 31 décembre étant passé, le dispositif que j’avais proposé n’est plus viable. Pour une collectivité, retomber sous le régime du RNU entraîne d’importantes conséquences : perte du droit de préemption urbain ; exigence d’un avis conforme préalable du préfet sur les autorisations délivrées par le maire au nom de l’État ; restrictions de construction pour les zones non urbanisées. Vous aurez donc compris que revenir à l’application du RNU peut mettre en péril les projets des territoires concernés, quand bien même ces projets étaient conformes au POS. C’est pourquoi il nous appartenait de leur venir en aide.

Je sais, madame la ministre, que vous êtes opposée à ce dispositif, pourtant de bon sens, et que vous considérez – vous l’avez dit en commission – que les communes frappées par la caducité étaient responsables.

Cette accusation occulte tout d’abord le fait que les services de l’État eux-mêmes ont parfois conseillé aux petites communes de ne pas transformer leur POS, et d’attendre le transfert de compétence à l’EPCI. Cela éclipse aussi le fait que les maires, l’an passé, se sont mobilisés pour gérer la crise sanitaire et qu’ils étaient aux avant-postes en tant qu’amortisseurs sociaux.

Madame la ministre, vous avez été élue locale, maire, présidente de communauté de communes. Vous ne pouvez donc pas aujourd’hui ignorer les difficultés des maires, qu’ils soient 536 ou même une dizaine. Le Sénat, maison des territoires et des élus, s’honore et s’oblige à leur trouver des solutions.

En conclusion, je remercie la commission des affaires économiques et son rapporteur, Jean-Baptiste Blanc, d’avoir trouvé des solutions concrètes

Je vous demande, mes chers collègues, de voter massivement cette proposition de loi. Ce texte aurait d’ailleurs pu être déposé par chacun d’entre vous, quelle que soit votre famille politique, car il ne vise qu’une chose : apporter de l’assouplissement et de la simplification pour accompagner nos élus locaux ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole ?…

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, la proposition de loi visant à sécuriser la procédure d’abrogation des cartes communales dans le cadre d’une approbation d’un plan local d’urbanisme (PLU) ou d’un plan local d’urbanisme intercommunal (PLUi) et à reporter la caducité des plans d’occupation des sols (POS).

(La proposition de loi est adoptée.) – (Applaudissements.)

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : proposition de loi visant à sécuriser la procédure d'abrogation des cartes communales dans le cadre d'une approbation d'un plan local d'urbanisme (PLU) ou d'un plan local d'urbanisme intercommunal (PLUi) et à reporter la caducité des plans d'occupation des sols (POS)
 

7

Mineurs non accompagnés

Débat organisé à la demande du groupe Les Républicains

M. le président. L’ordre du jour appelle le débat, organisé à la demande du groupe Les Républicains, sur les mineurs non accompagnés.

Nous allons procéder au débat sous la forme d’une série de questions-réponses dont les modalités ont été fixées par la conférence des présidents.

Je rappelle que l’auteur de la demande dispose d’un temps de parole de huit minutes, puis le Gouvernement répond pour une durée équivalente.

À l’issue du débat, l’auteur de la demande dispose d’un droit de conclusion pour une durée de cinq minutes.

Dans le débat, la parole est à M. Laurent Burgoa, pour le groupe auteur de la demande. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Laurent Burgoa, pour le groupe Les Républicains. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je me réjouis que ce débat puisse avoir lieu au sein de notre hémicycle, tant ce sujet suscite à la fois de vives inquiétudes et des récupérations politiques de toutes sortes.

Il s’agit d’un sujet sensible – c’est heureux qu’il le soit et il faut qu’il le reste ! –, et c’est la raison pour laquelle nous devons l’aborder. Je me félicite que mon groupe en ait pris l’initiative.

Je tiens à remercier Élisabeth Doineau et notre ancien collègue Jean-Pierre Godefroy pour le rapport d’information qu’ils avaient rédigé et qui doit sans nul doute, quatre ans plus tard, être actualisé.

Notre pays peut s’enorgueillir d’être une terre d’accueil, et c’est afin qu’il puisse le demeurer que nous devons être fermes avec ceux qui chercheraient à dévoyer sa politique.

Il faut parfois le rappeler, lorsque nous évoquons les mineurs non accompagnés (MNA), nous parlons avant tout de vies brisées et d’enfants déracinés. Oui, tout enfant privé de son milieu familial, sur notre sol, mérite notre protection. Or certains individus sans vergogne cherchent à bénéficier des moyens qui ne leur sont pas réservés, et nuisent ainsi à la qualité de prise en charge de ces mineurs en grande difficulté.

Cet accueil, qui est d’abord le reflet d’un drame humain, a aussi un coût, 2 milliards d’euros par an, et l’Assemblée des départements de France (ADF) nous alerte sur le fait que près de 70 % de prétendus mineurs ne le sont pas en réalité. Je vous laisse faire le calcul…

Pour pouvoir être à la hauteur de notre idéal, nous devons, sans relâche et de manière concomitante, lutter contre les réseaux qui exploitent cette misère humaine. Certains témoignages au sein des établissements de l’aide sociale à l’enfance (ASE) sont édifiants. En effet, il arrive que le personnel voie plusieurs individus se présenter devant eux avec exactement le même certificat de naissance. Ces individus sans scrupules, avec l’aide de passeurs, cherchent à être identifiés comme mineurs et connaissent parfaitement notre système administratif et ses failles.

Nos départements sont débordés et les coûts imposés sont très supérieurs à la compensation accordée par l’État. Sous l’actuelle présidence, et après des heures de négociation, la participation de l’État est passée de 12 % à 14 %, alors que ces mineurs étaient 4 000 en 2010, contre près de 40 000 aujourd’hui.

J’ai évoqué des coûts « imposés », car le Gouvernement ne fait rien pour y remédier. En effet, certains départements, par idéologie ou par posture politicienne, fragilisent l’ensemble de notre politique d’accueil. La gestion des flux migratoires est une compétence non pas départementale, mais bien régalienne. Il revient désormais à l’État de porter ses responsabilités.

C’est bien l’État qui rend possible qu’un tiers des départements se refusent à renseigner un fichier national recensant les demandes de prise en charge, et permettant ainsi de lutter contre les demandes répétitives et abusives. Aujourd’hui, des individus reconnus majeurs dans un département peuvent en solliciter bien d’autres. D’autant que nos forces de l’ordre se retrouvent dans l’incapacité de savoir si une personne interpellée est mineure ou non, et donc de faciliter sa prise en charge par l’ASE lorsqu’elle est mineure, ou son expulsion du territoire lorsqu’il n’en est rien.

Dans un article publié dans Midi Libre le 7 novembre dernier, le ministre de l’intérieur se désolait qu’il n’y ait pas d’obligation à remplir ce fichier. Heureusement que vous êtes chargé des affaires et que vous disposez d’une majorité à l’Assemblée nationale…

Ces départements handicapent sciemment notre politique d’accueil, et je crains que l’incitation financière née du décret du 23 juin 2020 ne soit pas suffisante.

Une nouvelle fois, il s’agit de décourager des individus qui cherchent à bénéficier d’aides dues à des mineurs en détresse. Pour y parvenir, puisque ces personnes se présentent sous de faux papiers – quand elles ne se présentent pas sans papier –, nous devons pouvoir recourir aux tests osseux qui, bien qu’ils ne soient pas infaillibles, contribuent à établir un faisceau d’indices dont nous ne pouvons pas nous passer en la matière. Prenons le temps, à cet égard, de préciser qu’il s’agit d’une simple radiographie, et que celle-ci peut être refusée.

En somme, nous devons nous préoccuper de la véracité de la situation du demandant. Il importe de constater sa minorité comme son isolement.

En la matière, nous devons nous donner beaucoup plus de moyens. Il y a peu, j’ai eu à solliciter la direction de l’accueil, de l’accompagnement des étrangers et de la nationalité (Daaen) de la préfecture du Gard au sujet de l’attribution d’un visa. J’ai pu constater que les services étaient débordés, alors même qu’il s’agissait en l’espèce d’une ressortissante de bonne foi. Faisant ce constat, je ne pouvais que m’interroger, non sans perplexité, sur le suivi susceptible d’être réservé au demandeur dont la majorité avait été établie…

Cette tentation, que certains départements font naître, fait le jeu de réseaux mafieux. En effet, ceux qui sont déboutés, bien qu’étant en situation irrégulière, ne résident pas moins sur le sol français et devront, dans l’attente d’un éloignement, subvenir à leurs besoins. C’est alors que ces réseaux profitent de leur vulnérabilité. Par ailleurs, et c’est peut-être encore plus grave, les enfants bel et bien mineurs n’étant plus suffisamment encadrés, on peut facilement les embrigader.

Les réseaux sont alors doublement gagnants, et j’espère ne pas être le seul à ne pas m’y résoudre. Car cette générosité d’apparat, facile à tenir en discours, nuit à notre capacité d’accueil. Ces enfants – car nous parlons bien d’enfants ! – doivent pouvoir bénéficier d’une formation, être logés et suivis. Cela représente un coût estimé à 50 000 euros par an et par enfant, sans compter d’éventuels frais de santé.

Chaque année, le flux de prétendus mineurs est estimé à 37 000 individus. Rappelons qu’un enfant de 14 ans doit être, au minimum, accompagné dignement durant les quatre prochaines années de sa vie. Nous ne pouvons laisser de faux mineurs user de notre générosité et ainsi grever l’assistance à ces jeunes au parcours déjà si difficile.

Ce tableau étant dressé, j’espère, monsieur le secrétaire d’État, que vous aurez perçu qu’il s’agit là d’un enjeu non pas départemental mais bien national, auquel il vous revient d’apporter une réponse à la hauteur. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Adrien Taquet, secrétaire dÉtat auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de lenfance et des familles. Monsieur le sénateur Burgoa, je vous remercie d’avoir évoqué la sensibilité de ce sujet et rappelé que ces enfants méritaient notre protection.

C’est un devoir et c’est aussi notre honneur que de protéger les enfants. Merci également d’avoir dit qu’il fallait faire montre de pragmatisme plutôt que d’idéologie et de récupération politique. Je remercie enfin le groupe Les Républicains d’avoir pris l’initiative de ce débat.

La question des MNA fait l’objet d’un travail interministériel important, impliquant les administrations des ministères de la justice, de l’intérieur, des solidarités et de la santé, de l’éducation nationale. Je reviendrai, bien entendu, sur ce que vous avez dit s’agissant de l’articulation entre l’État et les départements.

Depuis que j’ai été nommé, il y a deux ans, secrétaire d’État chargé de l’enfance et des familles, j’ai demandé à assurer le pilotage de cette question avec l’ensemble des autres ministères. Dans la mesure où des enfants sont concernés, il est tout à fait normal que me revienne la responsabilité de ce sujet.

Derrière le sigle MNA, il ne faut jamais oublier qu’il y a des personnes, et que derrière les chiffres et les procédures il y a des enfants qui doivent, à ce titre, être protégés.

Nous allons parler des MNA comme d’un bloc homogène, alors que cela ne correspond pas à la grande diversité des réalités. Il y a autant de réalités que d’enfants, et ceux-ci viennent de pays très divers. Quel point commun établir entre un enfant du Bangladesh et un autre du Mali ou du Maghreb, si ce n’est qu’il s’agit d’enfants et qu’ils ont droit, en tant que tels, à une protection ?

Les motivations de ces enfants pour rejoindre notre pays et leurs parcours migratoires sont très différents. Leur volonté d’intégration n’est pas toujours fondée sur les mêmes raisons.

Depuis que je m’occupe de ce sujet complexe, j’essaie de faire montre d’humilité, d’autant que la situation est compliquée pour les départements et les élus locaux. Je souhaite que le pragmatisme, loin de toute idéologie, de tout amalgame, de tout raccourci et de toute généralité, et avec pour seule boussole l’intérêt de l’enfant, soit au fondement de notre discussion.

Pour bien débattre, il nous faut avoir une vision précise de la réalité. Permettez-moi de partager avec vous quelques chiffres, dont certains sont les mêmes que les vôtres ; d’autres, en revanche, sont différents.

Notre territoire ne comptait que 13 000 MNA en 2016. Au 31 décembre 2019, ils étaient 31 000. L’augmentation a été particulièrement forte sur deux années en particulier : entre la fin de l’année 2016 et la fin de l’année 2018, le nombre de MNA a crû de plus de 115 % !

Depuis, la situation a quelque peu changé. Alors que plus de 17 000 personnes avaient fait l’objet d’une reconnaissance de minorité en 2018, on en dénombrait seulement 9 000 en 2020. En 2019, une légère diminution de l’ordre de 1,5 % avait été observée en termes de flux. J’aurais l’occasion, lors de ce débat, de revenir sur ces fluctuations.

Les MNA sont pour 95 % des garçons, dont la grande majorité, soit 77 %, sont âgés de 15 et 16 ans. Deux tiers d’entre eux sont originaires de Guinée, du Mali et de Côte d’Ivoire, avec une légère progression, de l’ordre de 10 %, du nombre de jeunes maghrébins – ceux-ci sont aujourd’hui au nombre de 1 771 sur notre territoire.

Face à cette réalité, le Gouvernement, les pouvoirs publics et les départements veillent à améliorer la protection des MNA.

Premièrement, la contribution financière versée par l’État aux départements, que vous évoquiez, monsieur le sénateur, comprend un forfait dédié à la réalisation de bilans de santé. Sur les 500 euros alloués par jeune mis à l’abri, nous avons souhaité que 100 euros soient consacrés à un tel bilan à la fois physique et psychique, afin de disposer d’une première évaluation.

J’ajoute que nous avons souhaité un renforcement de ce bilan de santé, notamment sur l’évaluation psychologique. On peut en effet aisément comprendre que ces jeunes puissent souffrir de traumatismes, compte tenu de ce qu’ils ont vécu. C’est pourquoi une mission quadripartite a été mise en place par le ministre de l’intérieur, le garde des sceaux, le ministre des solidarités et de la santé et moi-même, en octobre dernier. L’enjeu est majeur, car il en découle énormément de difficultés… Ladite mission porte sur l’évaluation et la prise en charge des MNA, et devrait rendre ses conclusions d’ici à la fin du premier semestre.

Deuxièmement, toujours dans une logique d’amélioration de la protection des MNA, le fichier d’appui à l’évaluation de minorité (AEM) a pour objectif que seules les personnes effectivement mineures bénéficient d’une protection, et non des majeurs qui viendraient emboliser le système. Ce fichier constitue aussi une protection pour les mineurs : ceux qui ont été évalués « MNA » ne verront plus, s’ils changent de département, contester leur minorité, comme cela pouvait être le cas par le passé.

Troisièmement, la circulaire publiée par le ministre de l’intérieur en septembre dernier vise à proposer aux MNA placés à l’ASE et engagés dans un parcours professionnalisant d’anticiper l’examen de leur droit au séjour à la majorité. En effet, il n’est plus possible d’attendre quelques jours avant la majorité pour se poser la question de l’insertion professionnelle d’un jeune. Dès qu’un MNA atteint l’âge de 17 ans, il faut que les préfectures et les départements commencent à se préoccuper de sa situation de futur majeur.

Enfin, je voudrais aborder la question de l’accompagnement des départements par l’État.

Le programme 304 « Inclusion sociale et protection des personnes » du projet de loi de finances pour 2021 a précisément pour objet la contribution financière consacrée par l’État aux départements, via une participation forfaitaire.

Vous avez parlé d’heures de négociation, monsieur le sénateur… Ce mécanisme a justement été élaboré en concertation avec l’ADF : nous nous sommes mis d’accord pour qu’un forfait de 90 euros pendant quatorze jours, puis de 20 euros pendant neuf jours, et qu’un forfait de 6 000 euros par MNA supplémentaire par rapport à l’année suivante sur un quorum de 75 %, soient accordés par l’État aux départements.

Cette contribution financière a été portée à 96 millions d’euros en 2018, et à 33 millions d’euros en 2019, selon les nouveaux critères. En outre, l’aide exceptionnelle prévue dans le cadre du dispositif des centres académiques pour la scolarisation des élèves allophones nouvellement arrivés et des élèves issus de familles itinérantes et de voyageurs (Casnav) a été reconduite.

Dès mon arrivée, Stéphane Troussel, président de conseil départemental de la Seine-Saint-Denis, m’a alerté sur les difficultés liées à la clé de répartition des MNA. Je me suis engagé à revoir celle-ci, afin que nous puissions parvenir à une réparation plus équitable tenant davantage compte de la situation de chaque département.

M. le président. Veuillez conclure, monsieur le secrétaire d’État.

M. Adrien Taquet, secrétaire dÉtat. Je développerai d’autres aspects de cet accompagnement de l’État en répondant à vos questions.

Débat interactif

M. le président. Nous allons maintenant procéder au débat interactif.

Je rappelle que chaque orateur dispose de deux minutes au maximum pour présenter sa question, avec une réponse du Gouvernement pour une durée équivalente.

Dans le cas où l’auteur de la question souhaite répliquer, il dispose de trente secondes supplémentaires, à la condition que le temps initial de deux minutes n’ait pas été dépassé.

Dans le débat interactif, la parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Une de fois de plus, nous sommes invités à débattre des MNA, autrefois qualifiés de « mineurs isolés étrangers », une appellation qui, selon nous, définissait bien mieux leur véritable statut d’enfants étrangers se trouvant seuls – c’est-à-dire sans responsables – sur notre territoire.

En 2018, mon groupe avait pris l’initiative d’un débat sur ce thème, en posant dans l’intitulé même inscrit à l’ordre du jour la question de la prise en charge de ces mineurs. Aujourd’hui, nos collègues du groupe Les Républicains n’ont posé aucune problématique précise. Il semblerait que, à l’instar de la mission d’information actuellement en cours à l’Assemblée nationale, nous devions principalement évoquer les problèmes de diverse nature qui seraient causés par les MNA et la réponse pénale à adopter. Nous ne partageons évidemment pas cette approche du sujet !

Forcés à un exil dans lequel nous avons une large part de responsabilité, tributaires de nos politiques migratoires, les MNA sont victimes d’enfermement aux frontières, dans les centres de rétention administration et dans les zones d’attente, avant d’être bien souvent criminalisés ou pointés du doigt…

Je vous le redis avec force : nous ne pouvons pas traiter ces mineurs étrangers autrement que comme nos propres enfants. L’intérêt supérieur de l’enfant et la protection de l’enfance doivent toujours primer. C’est pourquoi il est désormais nécessaire et urgent de mettre en place un réel dispositif d’accueil et de prise en charge des MNA, en mettant fin à leur enfermement, en garantissant leur mise à l’abri inconditionnelle et en cessant le recours aux tests osseux.

Enfin, ne serait-il pas temps d’instaurer un dispositif – financé, bien sûr – de prise en charge des MNA qui soit juridiquement contraignant pour tous les conseils départementaux, notamment en termes de places d’hébergement en foyer ou en famille d’accueil et de postes de travailleurs sociaux ? (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Adrien Taquet, secrétaire dÉtat auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de lenfance et des familles. Ce dispositif que vous appelez de vœux, madame la sénatrice, existe déjà en réalité. Il relève de nos obligations internationales et de notre droit interne de mettre à l’abri toute personne se déclarant mineure. D’un point de vue financier, mais aussi sur le fond, l’État accompagne les départements pour cette prise en charge.

Nous nous sommes rendu compte qu’un certain nombre de départements ou d’associations s’étaient vu déléguer l’évaluation que vous évoquiez, ce qui a entraîné une iniquité de traitement entre les territoires. C’est la raison pour laquelle la direction générale de la cohésion sociale (DGCS) a émis un guide d’évaluation de la minorité, afin d’homogénéiser les pratiques et d’aider les départements au titre de cette mission.

Veillons aussi à ne pas faire de distinctions entre les enfants, à ne pas les « filiariser » : les MNA, une fois qu’ils ont été évalués mineurs, bénéficient de la même protection que les enfants nés sur le territoire national. Ce droit inconditionnel existe donc bel et bien !

L’évaluation de la minorité doit répondre à un faisceau d’indices. Il y a ainsi lieu de procéder à une évaluation sociale, dont les modalités ont été précisées par le guide d’évaluation précédemment cité. Il est également possible de recourir aux tests osseux, de façon très encadrée. Le Conseil constitutionnel a ainsi jugé que ces tests ne pouvaient pas constituer, en tant que tels, une preuve de l’âge d’un enfant – il est très difficile d’avoir des certitudes scientifiques sur ce point –, mais qu’ils ne portaient pas atteinte à la dignité de la personne humaine.

M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour la réplique.

Mme Éliane Assassi. Vos propos, monsieur le secrétaire d’État, se heurtent au principe de réalité. Les droits des enfants, et particulièrement ceux des MNA, ne sont in fine pas respectés. Nous savons tous ici que des mineurs sont enfermés dans des centres de rétention et retenus dans les zones d’attente.

Il serait temps d’affronter la réalité avec courage et d’essayer de trouver les remèdes pour que les droits de l’enfant soient enfin respectés !

M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Doineau.

Mme Élisabeth Doineau. Je remercie notre collègue Laurent Burgoa d’avoir proposé ce débat, et rappelé le rapport que notre ancien collègue Jean-Pierre Godefroy et moi-même avions rédigé sur ce sujet. Nous nous étions concentrés à l’époque sur les questions complexes de l’évaluation de minorité et de l’hébergement des MNA – deux problématiques centrales, comme en témoigne le récent rapport de l’inspection générale des affaires sociales (IGAS) –, et avions émis trente propositions afin d’améliorer la prise en charge de ces mineurs.

Je souhaite ici rebondir sur l’actualité pour évoquer les sujets de la formation et de l’obtention d’un titre de séjour. Récemment, le boulanger Stéphane Ravacley a entamé une grève de la faim afin que son apprenti, Laye Fodé Traoré, obtienne un titre de séjour. Cette situation n’est malheureusement pas isolée dans notre pays.

Vous avez rappelé, monsieur le secrétaire d’État, les nouvelles dispositions prises depuis septembre dernier pour anticiper ce droit au séjour, mais des freins subsistent encore !

En 2017, nous avions fait trois propositions.

La proposition n° 27 visait tout d’abord à renforcer les partenariats entre les Casnav et les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (Direccte), afin d’identifier les formations professionnelles et d’apprentissage, et de faciliter ainsi pour les MNA l’éligibilité à un titre de séjour au moment de leur majorité.

La proposition n° 28 tendait à modifier l’article L.313-15 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (Ceseda), pour que le critère de suivi d’une formation à l’admission au titre de séjour soit élargi aux formations d’enseignement général.

Enfin, la proposition n° 30 prévoyait de réitérer par circulaire le droit inconditionnel des MNA à se voir délivrer une autorisation provisoire de travail, dans le cadre d’une formation professionnelle.

Pouvez-vous nous indiquer les mesures que vous comptez mettre en œuvre, afin que les MNA engagés dans une formation puissent réellement bénéficier d’un parcours plus facilitant vers l’obtention d’un titre de séjour ?