compte rendu intégral

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires :

M. Loïc Hervé,

Mme Marie Mercier.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Hommage aux professionnels de santé

M. le président. Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, il y a un an, notre pays basculait dans une ère inédite : il était confiné et faisait face à la pandémie.

Je voudrais aujourd’hui exprimer la reconnaissance du Sénat à tout le personnel soignant, qui s’est engagé totalement au service de nos compatriotes, et qui continue de le faire. (Vifs applaudissements sur toutes les travées. – Mmes et MM. les membres du Gouvernement applaudissent également.)

Certains l’ont d’ailleurs payé de leur vie. L’implication et le dévouement des professionnels de santé sont exemplaires et nous permettront, je l’espère, d’éviter le pire. En notre nom à tous, je veux leur rendre hommage.

Hélas, cette épreuve n’est pas terminée ! Cela renforce encore le sens de cet hommage du Sénat : au-delà du personnel soignant, il s’adresse aux femmes et aux hommes qui, travailleurs de la première ligne, ont assuré l’essentiel dans des moments particulièrement difficiles. C’est grâce à eux que le pays a tenu et qu’il tient encore. C’est grâce à eux que nous continuerons de faire face, forts de nos valeurs de solidarité.

Comment ne pas penser à tous nos concitoyens qui ont été victimes de l’épidémie ? Comment ne pas penser à la douleur de leurs proches, à la souffrance de ceux qui n’ont pu entrer en contact avec eux, à ceux qui portent aujourd’hui les stigmates de cette maladie ?

Je vous propose donc, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, d’observer un moment de silence, de recueillement et, surtout, de solidarité. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que Mmes et MM. les membres du Gouvernement, se lèvent et observent une minute de silence.)

3

Questions d’actualité au gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.

Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.

Chacun de vous, mes chers collègues, sera attentif au respect des uns et des autres, ainsi que du temps de parole.

crise sanitaire

M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Mme Éliane Assassi. Monsieur le Premier ministre, depuis un an jour pour jour, pour faire face à la pandémie, la France va de confinement en couvre-feu et de couvre-feu en confinement.

Notre peuple souffre, et la maladie frappe, avec plus de 91 000 morts et des milliers de personnes hospitalisées. Elle frappe socialement : la barre des 10 millions de pauvres a été franchie. Elle frappe psychologiquement, particulièrement notre jeunesse.

Ce matin, le conseil de défense a décidé de nouvelles mesures. Elles devront être à la hauteur de la nouvelle dégradation de la situation dans nos hôpitaux.

En Île-de-France comme dans de nombreuses autres régions, la situation dans les services de réanimation est dramatique, car il n’y a plus de lits pour accueillir des patients en phase critique. Des malades sont transférés, mais les médecins préviennent que la vague est trop forte et que les transferts annoncés ne suffiront pas à l’endiguer.

Monsieur le Premier ministre, pourquoi n’avez-vous pas ouvert de lits de réanimation ?

Vous aviez déclaré péremptoirement : « Il ne suffit pas d’acheter des lits chez Ikea pour ouvrir des places en réa. »

M. Jean Castex, Premier ministre. Tout à fait !

Mme Éliane Assassi. Hier soir, vous affirmiez encore : « On ne peut pas créer des lits de réanimation supplémentaires d’un claquement de doigts. »

M. Jean Castex, Premier ministre. Eh oui !

Mme Éliane Assassi. Monsieur le Premier ministre, le temps ne s’est pas suspendu pendant un an. Avec d’autres, nous demandons depuis mars 2020 un changement radical de politique de santé publique, rompant avec la loi de marché.

Le 27 août dernier, M. le ministre de la santé annonçait : « Si la situation le nécessite, 12 000 lits de réanimation pourront être disponibles. » Où sont-ils, ces lits, monsieur le Premier ministre ?

Notre peuple est las de ces vaines promesses. Il constate l’affaiblissement de notre système de santé publique et la perte de notre souveraineté sanitaire, puisque nous n’avons pas encore produit notre vaccin.

Masques et tests, puis lits et vaccins : notre destin nous échappe, monsieur le Premier ministre.

Aussi, quels choix allez-vous effectuer pour ouvrir en urgence, dans les jours à venir, des lits de réanimation ? Allez-vous prendre des dispositions pour sortir les vaccins de la logique du marché, en levant les brevets, et pour accélérer considérablement la réalisation et la production d’un vaccin français ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE, ainsi que sur des travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Jean Castex, Premier ministre. Permettez-moi avant tout, monsieur le président, de vous remercier, au nom du Gouvernement, de l’hommage que vous avez bien voulu rendre en cette date anniversaire au personnel soignant, qui a tant donné pour notre pays et qui donne tant encore.

Ces hommes et ces femmes sont en première ligne, ils sont fatigués ; pour autant, comme je peux le constater très régulièrement, en me rendant aussi souvent que possible auprès d’eux dans les établissements de santé, ils sont toujours là et ne désarment pas !

Madame la sénatrice, vous me posez une question qui revient régulièrement, au sujet des lits de réanimation. J’ai déjà eu l’occasion d’y répondre plusieurs fois ; la répétition étant à la base de la pédagogie, je vais revenir une nouvelle fois sur ce sujet devant vous.

Tout d’abord, je veux évoquer la gestion de l’épidémie du point de vue hospitalier. Nous disposons en France de lits de réanimation ; je vous remercie de rappeler que ces lits, ce sont d’abord des professionnels hautement spécialisés qui s’en occupent : des médecins, des anesthésistes-réanimateurs, des infirmières spécialisées. Tout cela, vous ne l’ignorez pas, tout comme vous savez parfaitement que, pour former un médecin, un anesthésiste-réanimateur, ou une infirmière spécialisée, il faut de nombreuses années ! (Protestations sur les travées des groupes CRCE et SER, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)

Il ne serait pas raisonnable de laisser accroire que l’on peut, en six mois ou un an, former des personnels aussi spécialisés. (Mêmes mouvements.)

Mme Éliane Assassi. C’est vous qui l’avez dit !

M. Jean Castex, Premier ministre. Que faisons-nous depuis le début de la crise ? (Rien ! sur des travées des groupes CRCE et Les Républicains.)

Nous reconvertissons d’autres lits, en mobilisant d’autres professionnels hospitaliers, pour accroître nos capacités d’accueil. C’est ce qui se passe depuis le début.

Je voudrais à ce propos rendre un hommage appuyé aux progrès qui ont été réalisés, dans ce registre, quant à la gestion des lits hospitaliers : des progrès thérapeutiques ont permis de réduire les durées de séjour, voire de laisser chez eux des malades rudement atteints – c’était impossible lors de la première vague –, en ne les hospitalisant qu’en dernier recours ; d’autres ont permis de placer dans d’autres lits des malades qui, lors de la première vague, seraient restés dans des lits de réanimation.

Évidemment, quand la pression épidémique augmente, comme c’est le cas aujourd’hui, cela cause des déprogrammations et des transferts de patients, lorsque cela est possible. Cependant, tout est mis en œuvre pour augmenter les capacités d’accueil dans les proportions qui ont été indiquées. (Protestations sur les travées des groupes CRCE, SER et Les Républicains.)

M. Philippe Pemezec. Vous êtes des amateurs !

M. Jean Castex, Premier ministre. Il vaudrait mieux parler, mesdames, messieurs les sénateurs, des capacités d’accueil à l’hôpital des patients gravement atteints de la covid-19.

Ensuite, derrière cette question précise, se posent des questions structurelles. Comment réarmer notre système de santé ? (Exclamations sur les travées du groupe CRCE.)

Quels enseignements tirons-nous de cette crise ? Il est important de se poser cette question, après un an. Je voudrais d’ailleurs dire au Sénat que l’on aurait pu attendre la fin de la crise pour le faire, mais qu’on ne l’a pas fait : ce que nous avons fait, cela s’appelle le Ségur de la santé ! (M. Martin Lévrier applaudit. – Protestations sur les travées des groupes CRCE, SER et Les Républicains.)

Un sénateur du groupe Les Républicains. Il n’y a rien dedans !

M. Jean Castex, Premier ministre. Comment pouvez-vous dire qu’il n’y a rien dedans ? Il y a 9,5 milliards d’euros ! Voulez-vous que je rappelle le niveau de l’objectif national des dépenses d’assurance maladie depuis dix ans ? Voulez-vous que je le rappelle ? (Oui ! sur des travées du groupe Les Républicains.)

Je viens d’annoncer que 19 milliards d’euros seraient consacrés, dans le second volet du Ségur de la santé, aux investissements hospitaliers. C’est extrêmement important ; pour avoir connu – et j’en suis fier ! – les plans Hôpital 2007 et Hôpital 2012, je puis vous dire que celui-ci prévoit des sommes supérieures de 50 % à ces deux plans réunis !

Voilà ce que vous allez, ce que nous allons, ce que la Nation va engager au bénéfice du service public de santé, et ce n’est que justice !

Enfin, madame la sénatrice, vous avez évoqué à juste titre la recherche et les innovations dans le domaine de la santé. Oui, nous payons aujourd’hui trente ans de retard accumulé ! Eh bien, nous allons réinvestir dans ce domaine, nous avons même déjà commencé de le faire, vous le savez ; ce sera le troisième volet du Ségur de la santé.

Nous sommes donc pleinement mobilisés pour soutenir les établissements hospitaliers et leur personnel, afin de faire face à la résurgence de la pandémie, en même temps que nous travaillons à leur renforcement et à leur transformation structurelle. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – M. Daniel Chasseing applaudit également.)

impact du plan de relance dans les régions

M. le président. La parole est à M. Georges Patient, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. Georges Patient. Monsieur le président, mesdames et messieurs les ministres, mes chers collègues, la crise sanitaire que nous traversons a révélé des fragilités structurelles et un besoin croissant d’infrastructures dans toutes les collectivités. Celles-ci, guidées par des élus locaux engagés, sont naturellement les mieux à même d’identifier et de répondre à ces besoins, comme elles le démontrent quotidiennement sur le terrain.

Il est donc bienvenu que, pour la mise en œuvre du plan de relance, un modèle de coopération, notamment avec les régions, ait été mis en place, modèle concrétisé par un accord de méthode et un accord de partenariat.

C’est ainsi que, sur les 100 milliards d’euros du plan de relance, 16 milliards d’euros sont territorialisés : l’utilisation de ces crédits est pilotée par des comités régionaux, coprésidés par les préfets et les présidents de région.

C’est le cas pour la collectivité territoriale de Guyane, avec laquelle a été signé ce lundi un accord très attendu, que je tiens à saluer.

Cet accord territorial de relance pour la période 2021-2022 prévoit un effort à parité de l’État et de la Guyane, à hauteur de 250 millions d’euros, et des crédits en supplément de ceux qui ont déjà été octroyés.

Cet accord permettra d’accompagner les collectivités et de soutenir leurs projets d’infrastructures. Je pense entre autres, pour les premières opérations arrêtées, au confortement des berges du marché municipal de Grand-Santi, à l’aménagement de la liaison routière Maripasoula-Papaichton et à diverses autres opérations intéressant les collectivités locales.

Toutefois, cet accord porte aussi sur le développement économique, car il permettra de soutenir des projets privés, notamment de production d’électricité fondée sur les énergies renouvelables, de valorisation des produits agricoles, ou encore d’exploitation de nos ressources naturelles.

Monsieur le ministre chargé des comptes publics, près de six mois après l’annonce de cette nouvelle méthode de coopération entre l’État et les régions, pouvez-vous nous présenter un point d’étape sur la mise en place de ces accords de relance régionaux ? Et pouvez-vous nous dire si le Gouvernement entend pérenniser cette coopération avec les élus locaux ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des comptes publics.

M. Olivier Dussopt, ministre délégué auprès du ministre de léconomie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics. Monsieur le sénateur, vous avez souligné dans votre question l’intérêt que présente l’organisation d’une véritable coopération entre les élus locaux, au premier rang desquels on trouve, en l’occurrence, les élus régionaux, et l’État, au travers du Gouvernement, pour la mise en œuvre du plan de relance.

Un premier apport avait été conclu au mois de juillet 2020, sous l’égide du Premier ministre, pour acter les modalités de compensation de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, la CVAE, dans le cadre de la réforme des impôts de production entreprise dans le cadre du plan de relance. Un accord de méthode, signé le 28 septembre dernier, permet au Gouvernement d’envisager un partenariat avec toutes les régions.

Puisque vous nous demandez un point d’étape, monsieur le sénateur, je suis à même de vous annoncer que nous avons d’ores et déjà signé dix accords régionaux de relance, avec autant de régions ; nous avons effectivement signé un tel accord avec la Guyane avant-hier, le 15 mars, pour un effort de 250 millions d’euros partagé à parité entre l’État et la région.

Ce sont 16 milliards d’euros qui sont ainsi copilotés par l’État et les régions, au sein du plan de relance, mais aussi au travers des contrats de plan État-région, pour la période 2021-2027.

Avec mes collègues du ministère de la cohésion des territoires, Jacqueline Gourault et Joël Giraud, nous veillons à associer systématiquement les élus à la mise en œuvre du plan de relance. Les accords régionaux nous le permettent. Une circulaire du Premier ministre nous permet aussi de signer des accords avec des départements et des métropoles ; un accord a notamment été signé avec la métropole de Nantes.

Je voudrais enfin saisir cette occasion, monsieur le sénateur, pour rappeler que, dans ce cadre, nous veillons avec beaucoup d’attention sur le partenariat entre le Gouvernement et les collectivités d’outre-mer.

Vous avez cité l’accord signé avec la Guyane : vous savez que nous avons veillé à ce que plus de 1,5 milliard d’euros du plan de relance puissent bénéficier aux territoires d’outre-mer. Je pense notamment à l’appel à projets sur la rénovation thermique et énergétique des bâtiments de l’État.

Vous nous demandez si nous envisageons de continuer dans cette voie : la réponse est évidemment affirmative. Avec le député Jean-René Cazeneuve, j’étais présent pour la mise en place des premiers contrats de redressement des collectivités ultramarines, qui font suite aux propositions contenues dans le rapport que vous avez produit avec M. Cazeneuve.

Nous continuerons ainsi sur la voie de la contractualisation et de la coopération. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

gestion de la crise sanitaire

M. le président. La parole est à M. Patrick Kanner, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Patrick Kanner. Le 17 mars 2020, devant l’explosion inexorable de l’épidémie, le confinement était mis en place après l’improbable premier tour des élections municipales.

Un an après, je commencerai mon propos, comme vous l’avez fait, monsieur le président, par une pensée pour les 91 000 disparus, les millions de malades touchés par la covid-19 et les innombrables Françaises et Français fragilisés par cet annus horribilis.

Il y a un an, devant la situation d’exception qui nous percutait, les hésitations, les urgences, les prises de décisions contradictoires ou encore l’absence de décisions pouvaient faire l’objet d’une forme d’indulgence.

Mais aujourd’hui, de situation exceptionnelle en situation exceptionnelle, nous observons une dégradation de la gouvernance de la crise. D’urgence en urgence, c’est la démocratie qui est déstabilisée, ce sont nos libertés qui sont écornées.

Monsieur le Premier ministre, quand allez-vous enfin organiser la prise de décision de manière plus démocratique et plus transparente ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Jean Castex, Premier ministre. Monsieur le président Kanner, je revendique devant la Haute Assemblée la parfaite transparence des décisions de l’exécutif et de la gestion de cette crise sanitaire, devant la représentation nationale, mais aussi devant l’ensemble du peuple français. (Exclamations ironiques sur les travées des groupes SER et CRCE.)

M. Bernard Jomier. Et le conseil de défense ?

M. Jean Castex, Premier ministre. Devant le peuple français, dis-je, parce que, tout d’abord, nous mettons désormais en ligne toutes les données nationales et territoriales sur la crise. Chacun dispose donc de l’ensemble des éléments nécessaires, y compris pour se former sa propre opinion.

Nous respectons ensuite, me semble-t-il, très scrupuleusement les règles de dévolution des pouvoirs et des compétences applicables dans le cadre de la gestion d’une crise sanitaire, qui nécessite que l’autorité exécutive puisse prendre les décisions qui s’imposent, tout en en rendant compte de façon régulière et diversifiée à la représentation nationale.

Je le dis très tranquillement devant le Sénat : c’est ce que nous faisons, par divers canaux que nous avons améliorés, y compris par la création d’un comité de liaison entre l’exécutif et les présidents de groupes parlementaires, comité qui se réunira d’ailleurs – c’est un hasard – cette après-midi même, après la présente session de questions d’actualité au Gouvernement.

Nous n’avons rien à cacher et nous avons même tout à gagner à la transparence, surtout dans l’épreuve collective que traverse notre pays. À la fin des fins, chacun doit exercer ses responsabilités – la République est ainsi organisée – et le pouvoir exécutif prend les siennes. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à M. Patrick Kanner, pour la réplique.

M. Patrick Kanner. Monsieur le Premier ministre, vous imaginez bien que vous ne m’avez pas convaincu.

M. Jean Castex, Premier ministre. Je m’en doutais !

M. Patrick Kanner. Le silence du « maître du temps perdu » devient assourdissant !

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Vous, vous avez lu Libération !

M. Patrick Kanner. Vous n’avez pas évoqué le conseil de défense. Depuis un an, ce conseil, dont aucun compte rendu n’est public, est devenu une instance de décision au service d’un pouvoir de plus en plus vertical. Ce conseil de défense, au fonctionnement bunkerisé, est finalement un esquif ballotté au gré des circonstances.

Je veux en prendre un exemple assez éclairant, monsieur le Premier ministre : tout le monde sait maintenant que, à la fin de janvier, vous-même et votre ministre de la santé vouliez confiner.

M. Jean Castex, Premier ministre. Voilà une information !

Mme Amélie de Montchalin, ministre de la transformation et de la fonction publiques. Vous étiez présent ?

Mme Roselyne Bachelot, ministre de la culture. Quel roman !

M. Patrick Kanner. Finalement, le Président de la République a décidé, seul, de faire le pari inverse.

Pas de débat parlementaire, pas de discussion organisée ! La parole du Président de la République a suffi, alors que cette décision allait affecter toute la suite de notre stratégie sanitaire, comme nous le voyons aujourd’hui.

Pour l’exécutif, le triptyque BFM TV, Journal du dimanche et ballon d’essai dans les médias suffit à organiser la délibération publique, mais ce n’est pas ainsi que la confiance, si nécessaire pour gagner notre combat contre la maladie, peut se construire.

Monsieur le Premier ministre, alors que de nouveaux choix difficiles sont, encore une fois, devant nous, je vous remercie de vous appuyer sur le seul légitime conseil, celui qui représente la Nation : le Parlement Français ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER et RDSE, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains. – Mme Laurence Cohen applaudit également.)

gestion des déchets par les collectivités

M. le président. La parole est à M. André Guiol, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.

M. André Guiol. Ma question s’adresse à M. le ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics.

Les collectivités territoriales chargées de l’élimination des déchets ménagers agissent dans un contexte difficile, du fait notamment du dispositif législatif en place.

En effet, alors que les prestations relatives à ce service sont facturées proportionnellement au tonnage des déchets produits, les recettes destinées à financer ces dépenses sont, pour leur part, soit proportionnelles à la surface des logements assujettis, soit assises sur une redevance au prélèvement difficile, ou sur une taxe ou une redevance qui, hélas, n’a, que trop souvent d’incitative que le nom.

Dans ce contexte, les collectivités communiquent de leur mieux, afin d’inviter nos concitoyens, premiers acteurs du dispositif, à mieux trier leurs déchets, de manière à atteindre les objectifs environnementaux ambitieux, mais partagés, qui sont fixés.

Toutefois, toute augmentation de cette taxe ou redevance est mal vécue par nos concitoyens, qui ne voient pas leurs efforts récompensés. Cela affecte les plus vertueux d’entre eux : ils risquent d’abandonner le tri, ce qui renchérirait le coût de ce service, avec les dégâts sur l’environnement qu’on imagine.

Pour tenter de mieux maîtriser ces coûts, la loi de finances pour 2019 a baissé à 5,5 % le taux de TVA applicable sur l’ensemble des prestations de collectes séparées.

Cette baisse de TVA s’applique à compter du 1er janvier de cette année, mais on n’en connaît pas précisément le périmètre. Elle viendra atténuer, certes à la marge, l’envolée de la taxe générale sur les activités polluantes, la TGAP, prévue dans les prochaines années, alors qu’un gel, un lissage, voire un abattement de cette taxe pour les déchets ultimes serait de nature à mieux accompagner les collectivités dans leurs efforts.

Ma question est donc la suivante, monsieur le ministre : envisagez-vous de publier un décret précisant les prestations concernées par cette baisse de TVA ? Si tel est le cas, quand paraîtra-t-il, sachant que les collectivités finalisent actuellement leur budget primitif pour 2021 ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des comptes publics.

M. Olivier Dussopt, ministre délégué auprès du ministre de léconomie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics. Monsieur le sénateur Guiol, vous nous interrogez sur la fiscalité des déchets, notamment de leur traitement et de leur recyclage.

Vous avez eu raison de rappeler la loi de finances pour 2019 ; des débats approfondis ont alors eu lieu, dans la perspective de mettre en cohérence cette fiscalité avec un objectif : faciliter le tri, aux dépens de l’incinération et de la mise en décharge.

C’est ainsi que le Parlement a approuvé, dans cette loi de finances, une augmentation de la tarification liée à la composante dite « déchets » de la taxe générale sur les activités polluantes. Cela entraîne pour les collectivités un surcoût qui s’élève à un peu plus de 90 millions d’euros pour l’année 2021 et dépassera légèrement 200 millions d’euros en 2025.

Nous avons souhaité atténuer ce coût pour les collectivités par la mise en place d’une fiscalité plus incitative pour le tri et la collecte des déchets : c’est la baisse à 5,5 % du taux de TVA à laquelle vous avez fait allusion.

Notre objectif est clairement de faire en sorte que la mise en décharge et l’incinération des déchets soient plus onéreuses que leur tri et leur recyclage, de manière à remplir nos objectifs environnementaux.

Quelques difficultés se présentent aujourd’hui dans l’application de ces dispositions. Les élus, dont vous vous êtes fait le porte-parole, nous indiquent parfois peiner à mieux cerner le périmètre de cette baisse de TVA ou à mieux mettre en œuvre ses modalités.

Le premier point sur lequel vous nous interrogez concerne le périmètre des activités et des services éligibles à ce taux réduit de TVA. Ce périmètre a été arrêté précisément dans la loi de finances pour 2019. Il ne nécessite donc aucun texte d’application, mais nous veillerons, par les instructions données aux services, à ce que ce périmètre soit intégralement respecté et parfaitement appliqué.

Le ministère de la transition écologique et le ministère des comptes publics mènent un travail commun avec les associations d’élus pour bien déterminer ce qui relève de ce taux réduit lorsque des prestations liées au même contrat et au même prestataire relèvent, pour certaines, du tri, et, pour d’autres, de l’incinération ou de la mise en décharge.

Pour ce départage des tâches au sein d’un même contrat avec un même prestataire, nous avons encore besoin de quelques semaines de travail, mais je ne manquerai pas de tenir le Sénat informé de la manière dont nous pourrons préciser ces éléments par un texte réglementaire ou par la doctrine.

réforme du capes de langue corse

M. le président. La parole est à M. Paul Toussaint Parigi, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. Paul Toussaint Parigi. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports.

Monsieur le ministre, le 25 janvier dernier, votre administration édictait un arrêté réformant le concours externe du Capes pour différentes matières, dont la langue corse.

Cette réforme, décidée sans nulle concertation – une fois n’est pas coutume ! – avec les syndicats et les universitaires, scellait, hélas, un recul historique et scientifique ravageur à maints égards et portait atteinte, une fois encore, aux langues régionales.

À revers de l’histoire, après la réforme délétère du baccalauréat, où les coefficients des langues régionales furent rabotés, décourageant des armées d’élèves et de futurs locuteurs, cette fois-ci, c’est à l’enseignement même du corse que vous vous en preniez en inversant les coefficients de notation, les faisant passer de 7 à 4 pour la langue corse et de 4 à 8 pour le français.

En nous proposant un Capes au rabais, vous annihiliez trente années d’efforts et de reconnaissance. Triste ironie, monsieur le ministre, que de si mal réussir la promotion des langues régionales en transformant un Capes monovalent de langue corse en Capes de français option corse !

À la suite d’un vote de l’Assemblée de Corse contre cette réforme et de la forte mobilisation des élus de terrain, des syndicats, des étudiants, de l’université et du jury du Capes, il semblerait que votre ministère ait fini par se rendre compte des dommages collatéraux qu’impliquait votre réforme.

Ce matin même, Mme la rectrice de l’académie de Corse affirmait que votre ministère, qui avait jusque-là fait l’économie d’un travail important et technique sur les modalités d’organisation du concours, reverrait sa copie concernant le Capes de corse, afin d’en préserver les exigences et les attendus.

Monsieur le ministre, nous confirmez-vous que votre ministère reviendra sur l’erreur historique que porte en lui l’arrêté du 25 janvier dernier ? (Applaudissements sur les travées du groupe GEST, ainsi que sur des travées du groupe SER.)