M. Jérôme Bascher. Et qui jette des cailloux ?

Mme Éliane Assassi. Mais ce n’est pas le sujet !

Mme Laurence Harribey. Relire le texte éviterait de faux procès, de faux débats. Surtout, cela apporterait un peu de calme et de compréhension mutuelle.

M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.

M. Marc Laménie. Voilà un sujet hautement sensible et qui fait réagir ; on peut le comprendre.

Pour ma part, je n’ai jamais visionné de telles images, je ne suis pas habilité à le faire et je ne sais d’ailleurs pas qui l’est. (Sourires.) Cela dit, s’il faut reconnaître l’utilité de la vidéoprotection, cet article porte bien sur l’habilitation des agents de police municipale à visionner les images. Donc, ne faisons pas de hors sujet.

En tout cas, il est important de disposer de ces images dans le cadre des enquêtes de police ou de gendarmerie, car elles permettent de comprendre le déroulement d’événements dramatiques. Les caméras de surveillance ont quand même leur utilité.

Ensuite, il faut faire confiance aux personnes habilitées à les consulter. Il y a, heureusement, des caméras un peu partout – sur les quais de gare, sur les parkings, dans nombre de lieux publics – et elles ont une réelle utilité. Donc, faisons confiance au personnel habilité à visionner ces images, dans l’intérêt de la sécurité des personnes et des biens.

Je suivrai l’avis de la commission.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Gérald Darmanin, ministre. En premier lieu, monsieur le sénateur Durain, il n’y a pas, d’un côté, les défenseurs de la liberté, de l’autre, ses ennemis. D’ailleurs, je suis ministre des libertés publiques. (Protestations sur les travées des groupes SER et GEST.) Eh oui, c’est le ministre de l’intérieur qui est chargé des libertés publiques !

Là où nous différons, c’est que, selon moi, d’un certain ordre naît la liberté, parce que, sans l’ordre et la sécurité, il ne peut pas y avoir de liberté, notamment pour les plus faibles ; « Ordre et progrès », comme dit la belle devise d’Auguste Comte qui orne le drapeau brésilien. Par conséquent, ne prétendez pas avoir le monopole de la liberté. Chaque élu républicain, ici, partage cette valeur.

En deuxième lieu, j’entends bien ce que dit Mme la présidente du groupe communiste républicain citoyen et écologiste. L’article 20 ne traite pas du débat « pour ou contre » la vidéoprotection ; de toute façon, le débat a été tranché et ceux qui étaient contre ont eu tort devant l’histoire.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. C’est un peu sommaire…

M. Gérald Darmanin, ministre. Peut-être, mais c’est rapide et efficace, puisque la vidéoprotection a démontré sa grande utilité, même si, évidemment, ces caméras ne résolvent pas 100 % des problèmes – cela se saurait…

Cela dit, le sujet n’est pas non plus celui de la reconnaissance faciale. M. Durain citait précédemment le Livre blanc – c’est à ce sujet que j’affirmais que vous racontiez n’importe quoi, monsieur le sénateur, d’autant que vous participez aux travaux du ministère de l’intérieur, ce qui constitue une circonstance aggravante. Ce document est une proposition, que j’ai rendue publique, faite par des spécialistes et dont chacun pourra se saisir, notamment au Sénat et à l’Assemblée nationale, pour préparer le prochain projet de loi de sécurité intérieure. Vous évoquiez la reconnaissance faciale à propos des amendements sur l’article 20, monsieur le sénateur, mais cela n’a rien à voir avec notre débat, rien à voir ! Vous en conviendrez aussi, madame Assassi…

Cela a d’autant moins à voir avec notre débat que le Gouvernement a exclu la reconnaissance faciale du texte de l’Assemblée nationale et que votre commission est également allée dans ce sens. C’est donc pousser assez loin le débat sur l’article 20…

M. Jérôme Durain. C’était une mise en perspective !

M. Gérald Darmanin, ministre. J’en viens, en troisième lieu, au débat sur l’accès des policiers municipaux aux images de vidéoprotection. Mais dans quel monde vivez-vous ?

Monsieur Laménie, j’ai, pour ma part, été maire et je peux partager mon expérience en la matière, qui est la même que celle de tous les maires. Qui regarde les images de vidéoprotection aujourd’hui ? Pardon de vous l’apprendre – je vais vous donner un scoop –, mais ce sont déjà les policiers municipaux ! (Bien sûr ! sur des travées du groupe Les Républicains.) Donc peut-être que nous, les maires – vous me pardonnerez de m’inclure dans cet ensemble – sommes depuis des années, sans le savoir, des délinquants, quel que soit notre bord politique – vous avez eu raison de souligner ce point, madame Assassi.

Ce sont des agents assermentés qui consultent ces images, au premier rang desquels se trouvent les policiers municipaux. Or qu’essaient de faire les maires, lorsqu’ils veulent organiser correctement les choses ? Ils tâchent de mettre moins de policiers municipaux – personnel formé, armé et sportif – devant ces images, afin de les envoyer sur le terrain, et d’y placer plutôt des agents de surveillance de la voie publique (ASVP) ou du personnel administratif, titulaire d’une qualification spécifique et assermenté par le préfet. Je le redis, les policiers municipaux consultent déjà ces images !

Par ailleurs, monsieur Durain, sans vouloir vous vexer inutilement, vous avez encore émis une contre-vérité : la CNIL elle-même nous demande de légiférer sur ce point.

La CNIL, dont votre rapporteur est lui-même membre, a rendu un avis après sa saisine par le président de la commission des lois du Sénat, lequel, à ma connaissance, ne participe pas activement aux travaux gouvernementaux au sein de la majorité. (Sourires.) Or, dans cet avis, elle précise justement que nous devons légiférer, parce qu’il existe, dans notre pays, des pratiques non prévues par la loi, qui date de 1995 : les caméras qui permettent de zoomer, les caméras à 360 degrés, le non-respect du RGPD ou encore le visionnage par des policiers municipaux.

Du reste, il y a pire que les images de vidéoprotection qui sont regardées par des policiers municipaux : celles qui ne sont visionnées par personne ! On le sait tous, la première chose que demandent les élus est la mutualisation des moyens pour pouvoir regarder ces images. Quant aux habitants, ils constatent l’installation d’une caméra, mais ils ne savent pas si ses images sont visionnées – vous connaissez tous ce débat, relancé mille fois par la population…

Donc, en effet, madame Assassi, ne faisons pas d’idéologie autour de l’article 20. Il ne dit pas autre chose que ce qu’il dit, il ne parle pas de reconnaissance faciale, il n’est pas orwellien, il n’apporte pas d’éléments nouveaux, il ne donne pas de nouvelles compétences à des personnes tierces. Au contraire, il met enfin les faits en conformité avec le droit et, à ce titre, il conforte les libertés publiques.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 81 rectifié et 293 rectifié bis.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. L’amendement n° 125 rectifié, présenté par M. Capo-Canellas, Mmes Férat et Vermeillet, MM. Kern, Janssens, Levi, Canevet, Hingray, Prince, Lafon, Cigolotti, Le Nay et Longeot, Mmes Guidez, Morin-Desailly, Billon et Perrot et MM. Détraigne, Bonnecarrère, P. Martin et Chauvet, est ainsi libellé :

Au début

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

…. – Le 4° de l’article L. 251-2 du code de la sécurité intérieure est complété par les mots : « et aux règles de prise en charge des clients dans le cadre des prestations de transport public particulier, définies à l’article L. 3120-2 du code des transports ».

La parole est à M. Vincent Capo-Canellas.

M. Vincent Capo-Canellas. Après ce débat, je veux revenir sur l’utilité concrète que peut avoir la vidéoprotection pour lutter contre des délits et des infractions.

Chacun mesure combien les démarchages, dans les gares et les aéroports, pour la prise en charge illégale de clients par des transporteurs non habilités porte un préjudice aux voyageurs qui tombent dans ce panneau, souvent des étrangers, et à l’image de notre pays en matière d’accueil des touristes.

Cela constitue en outre une concurrence illicite et inacceptable pour les transporteurs habilités ; je pense en particulier aux taxis.

Le présent amendement a donc pour objet de permettre l’utilisation des images issues des caméras de vidéoprotection pour participer au constat des infractions aux règles de démarchage et de prise en charge illégale de clients par les transporteurs publics particuliers, afin de renforcer les moyens de lutte contre ces pratiques – un fléau – qui se sont malheureusement développées dans les gares et les aéroports, en particulier, mais pas exclusivement, en Île-de-France.

Cette pratique trouble l’ordre public et porte, je le disais, une atteinte importante à l’image de la France auprès des touristes internationaux arrivant sur le territoire national.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Loïc Hervé, rapporteur. Notre collègue Vincent Capo-Canellas a bien expliqué son amendement et je rejoins sa préoccupation.

Toutefois, je note que figure déjà dans le droit, parmi les finalités autorisées de la vidéoprotection, la « constatation des infractions aux règles de la circulation » ; je m’interroge donc sur l’opportunité d’ajouter une finalité encore plus précise.

Par conséquent, la commission souhaite entendre l’avis du Gouvernement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gérald Darmanin, ministre. Monsieur Capo-Canellas, je peux comprendre votre volonté. Seulement, ce serait donner une finalité supplémentaire aux caméras de vidéoprotection gérées par les communes, alors qu’il ne s’agit pas d’un trouble à l’ordre public en tant que tel.

Dès lors, afin de ne pas retomber dans le débat précédent, l’avis du Gouvernement ne peut être que défavorable : nous ne sommes pas là pour ajouter des finalités qui viendraient toucher au cœur de ce que devait être la vidéoprotection selon ses pères fondateurs, si vous me permettez cette expression, à savoir lutter contre les troubles à l’ordre public.

Cela n’empêche pas que les caméras de surveillance des transporteurs – vous évoquez les transports publics – peuvent servir à la lutte contre la fraude. Tel n’est cependant pas le cas, au vu de ce que nous avons décidé, des caméras de vidéoprotection gérées par les communes.

Pour ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est donc l’avis de la commission ?

M. Loïc Hervé, rapporteur. Je propose à M. Capo-Canellas de retirer cet amendement.

En effet, le Parlement devra se pencher sur cette question dans les mois qui viennent, puisque nous avons bon espoir – l’Assemblée nationale a déjà pris position en ce sens – que la commission mixte paritaire refuse l’habilitation demandée par le Gouvernement pour procéder par ordonnance à la mise en conformité de la législation relative à la vidéoprotection avec le droit européen.

Dès lors, nous devrons avoir, dans les mois qui viennent, je le redis, un véritable débat sur la question de la vidéoprotection. Ce sera l’occasion d’envisager de nouvelles finalités.

M. le président. Monsieur Capo-Canellas, l’amendement n° 125 rectifié est-il maintenu ?

M. Vincent Capo-Canellas. Je vais le retirer, puisque je constate que le sujet n’est pas mûr.

Pour autant, il ne s’agit pas, dans mon esprit, de permettre aux policiers municipaux de visionner les images issues des caméras de vidéoprotection des aéroports, mais de permettre aux agents habilités qui gèrent ces caméras de faire usage des images, quand ils constatent des pratiques manifestement illicites de bandes organisées visant à capter les touristes qui, à leur arrivée, pensent de bonne foi avoir affaire à des taxis, mais se retrouvent dans un traquenard et doivent s’acquitter pour leur course de sommes mirifiques, à supposer qu’on les amène bien à leur destination et qu’ils ne se trouvent pas pris au piège !

Tel est l’objet de mon amendement ; visiblement, il n’a pas été compris : il conviendra donc peut-être de le réécrire.

M. le président. L’amendement n° 125 rectifié est retiré.

L’amendement n° 126 rectifié, présenté par M. Capo-Canellas, Mmes Férat et Vermeillet, MM. Kern, Janssens, Levi, Canevet, Hingray, Cigolotti, Prince, Lafon, Le Nay, Chauvet, P. Martin, Bonnecarrère et Longeot, Mmes Saint-Pé, Morin-Desailly, Billon et Perrot et M. Détraigne, est ainsi libellé :

Au début

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

…. – Après le 11° de l’article L. 251-2 du code de la sécurité intérieure, il est inséré un alinéa ainsi rédigés :

« …° La régulation des flux de personnes dans les lieux publics particulièrement exposés à des risques d’agression, de vol, ou d’attaques terroristes, comme les parties accessibles au public des aérogares. »

La parole est à M. Vincent Capo-Canellas.

M. Vincent Capo-Canellas. Cet amendement a pour objet de permettre aux mêmes catégories d’agents que dans le précédent – là encore, pas aux policiers municipaux, mais bien aux agents des aéroports habilités à visionner les images de vidéoprotection – de s’en servir pour réguler les files d’attente dans les aéroports. Chacun est bien conscient que ces files d’attente constituent un risque très élevé en cas d’attaque terroriste.

Cet amendement vise à étendre l’utilisation des images issues des caméras de vidéoprotection dans les aéroports à la gestion des zones d’attente des passagers, de manière à ce que ces caméras, aujourd’hui mises en place par les exploitants d’aéroport, répondent pleinement aux finalités prévues par le code de la sécurité intérieure, notamment à la régulation des flux de personnes.

Actuellement, ce code ne permet pas l’usage des images pour réguler les flux de passagers en aérogare. Les exploitants d’aéroports ne peuvent donc pas utiliser les images, dont ils disposent, pour réguler les attroupements qui se forment, notamment en amont des contrôles de sécurité. Il s’agit de remédier à cette situation afin de faire face aux menaces terroristes et d’éviter une exposition à ces attaques.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Loïc Hervé, rapporteur. Dans la suite de la réflexion que nous avons eue autour de l’amendement précédent, il nous semble que le droit en vigueur permet déjà d’utiliser la vidéoprotection pour assurer la sécurité des personnes et des biens, lorsque des lieux et établissements ouverts au public sont particulièrement exposés à certains risques.

Je vous invite donc, mon cher collègue, à retirer cet amendement ; ce sujet pourra être évoqué lors de l’examen d’un texte ad hoc de mise en conformité du droit interne avec le droit européen.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gérald Darmanin, ministre. Même avis.

M. le président. Monsieur Capo-Canellas, l’amendement n° 126 rectifié est-il maintenu ?

M. Vincent Capo-Canellas. J’ai bien noté l’invitation de notre rapporteur à revenir sur ce débat à l’occasion d’un futur texte de transposition du droit européen – j’en prends acte.

Les exploitants d’aéroports considèrent aujourd’hui qu’ils ne peuvent pas, en droit, utiliser ces images pour l’usage que j’ai indiqué. Nous devrons donc revenir sur cette question.

Cela dit, je retire l’amendement.

M. le président. L’amendement n° 126 rectifié est retiré.

Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 358, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéas 8 à 10

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. le ministre.

M. Gérald Darmanin, ministre. Il est défendu, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 300 rectifié ter, présenté par MM. Wattebled, Malhuret, Menonville et A. Marc, Mme Mélot, M. Lagourgue, Mme Paoli-Gagin, MM. Verzelen, Capus, Rietmann, Perrin, de Belenet, Houpert et Ravier, Mmes Garriaud-Maylam et Saint-Pé, M. Longeot, Mme Dumont, M. Laménie, Mme Herzog, M. Hingray, Mmes Drexler et Guillotin et M. Guiol, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 8

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…) À la première phrase, après les mots : « après avis de la Commission nationale de la vidéoprotection », sont insérés les mots : « et de la Commission nationale de l’informatique et des libertés » ;

La parole est à M. Alain Marc.

M. Alain Marc. L’article 20 prévoit qu’un décret pris après avis de la Commission nationale de la vidéoprotection fixe les modalités de la vidéoprotection.

Des améliorations ont été intégrées dans la rédaction de l’article 20 par la commission à l’initiative des rapporteurs, notamment en matière de sécurité des enregistrements et de traçabilité de leur consultation.

Dans la continuité de ces améliorations, cet amendement a pour objet d’inclure la CNIL parmi les entités consultées avant la prise de ce décret.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Loïc Hervé, rapporteur. L’amendement n° 358 du Gouvernement tend à supprimer un certain nombre d’éléments que la commission a souhaité ajouter au texte pour traduire in concreto les préconisations de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, pour laquelle « il importe que, d’une part, des garanties fortes soient mises en œuvre pour que seul le personnel dûment habilité puisse effectivement visionner ces images dans le strict besoin de leur mission et que, d’autre part, des mesures de sécurité adéquates soient mises en œuvre, notamment en matière de traçabilité des accès ».

Nous avons évoqué tout à l’heure la nécessité de maintenir dans le texte ces garanties. L’avis de la commission sur cet amendement est donc défavorable.

En revanche, elle a émis un avis favorable sur l’amendement n° 300 rectifié ter qui vise à prévoir une consultation préalable de la CNIL sur les projets de décrets visant à appliquer les dispositions législatives relatives au régime de la vidéoprotection. Cela va mieux en le disant et en l’écrivant !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 300 rectifié ter ?

M. Gérald Darmanin, ministre. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. Jérôme Durain, pour explication de vote.

M. Jérôme Durain. Nous voterons contre l’amendement du Gouvernement et pour celui de M. Wattebled. La question des garanties est essentielle.

Je regrette que l’on ramène le débat à une opposition un peu étriquée entre liberté et sécurité, entre ceux qui seraient pour l’une et ceux qui seraient pour l’autre. Je pense que le diable se cache dans les détails : si le débat de ce soir sur les images se résume à prendre acte du fait que la technologie a évolué et à faire croire qu’en mettant des caméras dans les rues et des gens dans des salles de supervision pour appuyer sur des boutons la sécurité est assurée, on passe sans doute à côté de l’essentiel.

Je veux remercier très sincèrement notre rapporteur, Loïc Hervé, pour son travail : il a cherché à approfondir les garanties sur ces sujets.

En revanche, je suis surpris que M. le ministre veuille nous interdire de réfléchir au-delà de ce texte qui serait très bon, même magnifique, et qui ne poserait aucun problème… N’avons-nous pas le droit de chercher une perspective théorique différente et adaptée, et de déterminer quelles visions de la sécurité et de la liberté et du rapport de la police à la population nous voulons ?

Quand on participe au Beauvau de la sécurité et que l’on cite le Livre blanc de la sécurité intérieure – une lecture qui n’est pas toujours facile ! –, c’est aussi pour comprendre quelle philosophie irrigue votre action politique, monsieur le ministre : ce n’est pas une action empirique et spontanée, qui se ferait au jour le jour ; il y a quelque chose qui structure votre vision de la sécurité et qui a inspiré ceux qui ont tenu la plume pour vous, en écrivant cette proposition de loi.

C’est pourquoi j’estime très sincèrement que prendre garde aux garanties des différentes procédures mises en place rend service à la sécurité comme à la liberté.

Vendredi dernier, j’étais en déplacement dans un commissariat de mon département ; lundi, j’avais rendez-vous avec un gendarme. Ce sont des sujets dont on connaît la difficulté et je ne suis pas ignorant du fait qu’existe en ce moment une vraie tension entre la population et les forces de l’ordre. On a bien compris qu’il y avait des refus d’obtempérer, un défi lancé à l’autorité ; des gens se comportent mal, parce qu’ils sont tendus. Le sujet du rapport de la police avec la population est donc central ; or, au sein de ce sujet, la question des images est déterminante.

Permettez-nous, monsieur le ministre, de réfléchir un peu au-delà des articles et des amendements qui nous sont soumis et d’aller chercher quelques éléments théoriques. Patientez un peu : l’examen de ce texte est bientôt fini !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 358.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 300 rectifié ter.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 20, modifié.

(Larticle 20 est adopté.)

Article 20
Dossier législatif : proposition de loi pour une sécurité globale préservant les libertés
Articles additionnels après l'article 20 - Amendements n° 330 rectifié bis et n° 359

Articles additionnels après l’article 20

M. le président. L’amendement n° 341, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Après l’article 20

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est habilité à prendre par ordonnance, dans un délai de dix-huit mois à compter de la publication de la présente loi, toute mesure relevant du domaine de la loi visant à modifier le régime juridique de la vidéoprotection prévu par le code de la sécurité intérieure, en vue :

1° De procéder à une mise en conformité de ce régime avec le droit applicable en matière de protection des données à caractère personnel ;

2° De simplifier et moderniser les conditions d’autorisation, de mise en œuvre et de contrôle des systèmes de vidéoprotection ;

3° De mettre en cohérence avec les dispositions ainsi modifiées les autres codes et lois qui les mentionnent ;

4° D’abroger les dispositions obsolètes ou devenues sans objet ;

5° D’étendre, le cas échéant dans le respect des règles de partage de compétence prévues par la loi organique, l’application des dispositions prévues au 1°, selon les cas à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin et à Saint-Pierre-et-Miquelon, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et à Wallis-et-Futuna avec les adaptations nécessaires et de procéder si nécessaire à l’adaptation des dispositions déjà applicables dans ces collectivités.

II. – Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de quatre mois à compter de la publication de l’ordonnance prévue au I du présent article.

La parole est à M. le ministre.

M. Gérald Darmanin, ministre. Même si le dispositif et l’exposé des motifs de cet amendement sont longs, je serai bref, parce que l’idée générale est simple : il s’agit de mettre en conformité le droit français de la vidéoprotection avec le règlement général sur la protection des données (RGPD). J’ai déjà exposé à l’occasion de l’examen des amendements de suppression de l’article 20 les arguments qui justifient le dépôt de cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Loïc Hervé, rapporteur. Si tant est qu’on puisse l’être, je suis très défavorable à cet amendement du Gouvernement qui entend être habilité à réformer par ordonnance l’ensemble du régime juridique de la vidéoprotection.

Il s’agit de dispositions particulièrement sensibles pour les libertés publiques et il serait inconcevable que le législateur délègue au Gouvernement une refonte aussi importante de notre droit. Il ne s’agit nullement d’une législation technique. Nous avons admis de manière indirecte les conséquences du RGPD sur le droit interne et le Parlement a déjà examiné un texte ad hoc il n’y a pas si longtemps, ce qui a d’ailleurs donné lieu à un débat extrêmement intéressant.

Nous avons en outre évoqué il y a quelques instants, à l’occasion d’amendements déposés par notre collègue Vincent Capo-Canellas, plusieurs sujets qui se posent quant à l’évolution du champ de la vidéoprotection.

Pardonnez-moi, monsieur le ministre, mais même la majorité présidentielle de l’Assemblée nationale n’a pas voulu vous octroyer une telle habilitation et l’a rejetée, lorsque le Gouvernement a essayé de se la voir octroyée par voie d’amendement. Le Sénat ne va tout de même pas être moins-disant que les députés de votre majorité !

En appui de sa demande, le Gouvernement cite la CNIL qui l’invite à refondre le droit de la vidéoprotection. Il est évident qu’il faut procéder à une telle refonte, mais à aucun moment la CNIL n’a exigé, ni même suggéré, que cela se fasse par ordonnance.

De manière générale, la multiplication du recours aux ordonnances devient préoccupante. Nous avons admis cette procédure pour la réforme du Cnaps et la formation des agents de sécurité privée. Cent vingt-cinq ordonnances ont été publiées l’an dernier – un nombre record –, dont quatre-vingt-dix-neuf liées à la gestion de la crise sanitaire.

Enfin, je vous renvoie aux travaux en cours pour réformer les méthodes de travail du Sénat : menés sous l’autorité du président de notre assemblée, M. Gérard Larcher, ils nous appellent, à l’inverse de cette tendance, à reprendre la main.

Pour toutes ces raisons, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 341.

(Lamendement nest pas adopté.)

Articles additionnels après l'article 20 - Amendement n° 341
Dossier législatif : proposition de loi pour une sécurité globale préservant les libertés
Article 20 bis A

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques et d’un sous-amendement faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 330 rectifié bis est présenté par M. Richard.

L’amendement n° 359 est présenté par le Gouvernement.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l’article 20

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Le ministre de l’intérieur peut mettre en œuvre des traitements de données à caractère personnel relatifs aux systèmes de vidéosurveillance des chambres d’isolement des centres de rétention administrative et des cellules de garde à vue. Ces traitements ont pour finalités :

1° Le contrôle par vidéosurveillance des lieux mentionnés au premier alinéa du présent I, lorsque qu’il existe des motifs raisonnables de penser que la personne concernée pourrait tenter de s’évader ou représenter une menace pour elle-même ou pour autrui ;

2° La collecte de preuves dans le cadre des procédures judiciaires ou administratives pour des faits survenus lors de la retenue ou de la garde à vue.

II. – Le placement de la personne retenue ou placée en garde à vue sous vidéosurveillance est décidé par le chef du service responsable de la sécurité des lieux concernés, pour une durée de quarante-huit heures, renouvelable.

Cette décision est notifiée à la personne concernée, qui est informée des recours hiérarchique et juridictionnel qu’elle peut exercer. La personne concernée est également informée des droits dont elle bénéficie en application de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, à l’exception du droit d’opposition prévu par l’article 110 de cette même loi, qui ne s’applique pas aux traitements mentionnés au I du présent article.

Le procureur de la République territorialement compétent est informé de la mesure et peut y mettre fin à tout moment.

L’avis écrit du médecin intervenant dans l’établissement peut être recueilli à tout moment, notamment avant toute décision de renouvellement de la mesure.

III. – Le système de vidéosurveillance permet un contrôle en temps réel de la personne retenue ou placée en garde à vue. Un pare-vue fixé dans la chambre d’isolement ou la cellule de garde à vue garantit l’intimité de la personne tout en permettant la restitution d’images opacifiées. L’emplacement des caméras est visible.

Est enregistré dans ces traitements l’ensemble des séquences vidéo provenant de la vidéosurveillance des cellules concernées.

Il n’y a ni transmission ni enregistrement sonore.

Aucun dispositif biométrique n’est couplé avec ces traitements de vidéosurveillance.

Les images enregistrées faisant l’objet de ces traitements sont conservées sur support numérique pendant un délai d’un mois.

Le chef de service ou son représentant peut consulter les images du système de vidéosurveillance pendant un délai de sept jours à compter de l’enregistrement. Au-delà de ce délai de sept jours, les images ne peuvent être visionnées que dans le cadre d’une enquête judiciaire ou administrative.

Au terme du délai d’un mois, les données qui n’ont pas fait l’objet d’une transmission à l’autorité judiciaire ou d’une enquête administrative sont effacées.

IV. – Les modalités d’application du présent article et d’utilisation des données collectées sont précisées par un décret en Conseil d’État, pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés.

La parole est à M. Alain Richard, pour présenter l’amendement n° 330 rectifié bis.