M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue !

M. Philippe Folliot. … est utile. Étendre ce droit représenterait une avancée éminemment positive pour l’ensemble des parlementaires.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Loïc Hervé, rapporteur. Monsieur Folliot, vous avez présenté de manière exhaustive votre amendement. Votre proposition est séduisante, en ce qu’elle permet de se rapprocher du régime déjà appliqué aux lieux privatifs de liberté.

Ma seule réserve tient au fait que les lieux dont il est question ici sont souvent à la main des maires et des collectivités territoriales, si bien que la comparaison n’est pas totalement pertinente.

Je m’en remets à l’avis du Gouvernement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gérald Darmanin, ministre. Je comprends l’interrogation de M. Folliot ; la question, au fond, est celle du contre-pouvoir.

Je dois d’abord dire que les parlementaires utilisent avec parcimonie leur droit de visite des lieux de privation de liberté, même si je ne peux pas me prononcer en ce qui concerne les prisons. Cela fait maintenant huit mois que je suis ministre de l’intérieur, et pas un seul parlementaire n’a demandé à visiter un local de garde à vue dans un commissariat de police ou une brigade de gendarmerie. En général, le ministre de l’intérieur est informé le lendemain d’une visite de ce type et, je le redis, cela n’est pas arrivé depuis ma nomination. C’est donc un droit peu usité – je le sais bien, ayant moi-même été parlementaire.

Ensuite, c’est le procureur de la République qui est à même de contrôler les images de caméras de vidéoprotection et leur exploitation. C’est d’ailleurs lui qui autorise la venue dans les centres de supervision urbaine des personnes non assermentées et qui demande les réquisitions et la revue de ces images.

Quant à la CNIL, elle exerce, très périodiquement, des contrôles sur place et sur pièces ; tous les maires peuvent témoigner du fait que ses représentants interviennent d’une manière respectueuse du droit à l’information des usagers et des règles concernant la conservation des fichiers.

Je ne vois pas bien en quoi un parlementaire exerçant son droit de visite pourrait vérifier les assermentations des agents qui visionnent les images de surveillance, le respect des règles relatives à la durée de conservation des images ou des modalités de floutage ou encore la manière dont sont exploitées les réquisitions.

Ce droit donné aux parlementaires aurait finalement peu de consistance, alors que, lorsqu’ils visitent un local de garde à vue ou une prison, ils peuvent constater de visu les conditions de salubrité – songez plutôt à ce qu’a affirmé Mme Benbassa sur les centres de rétention administrative ! Je ne vois pas bien ce que les parlementaires auraient à contrôler lors d’une visite d’un centre de supervision urbaine.

Cette disposition ne me paraît donc pas représenter un réel contre-pouvoir. Ce rôle est déjà exercé par le procureur de la République et la CNIL : laissons-les continuer !

L’avis est donc défavorable.

M. le président. La parole est à M. Philippe Folliot, pour explication de vote.

M. Philippe Folliot. Ce sujet me semble important. Chaque fois que l’on donne un pouvoir supplémentaire aux parlementaires, c’est une avancée démocratique ! Nous verrons bien, au fur et à mesure, la façon dont les choses se passeront.

Il y a quelque chose de plus que symbolique dans ce droit de visite. Les parlementaires doivent s’en saisir, et je suis convaincu qu’ils l’utiliseront, s’il existe.

Bien que ce droit n’ait pas vocation à être exercé tout le temps, de la même manière que pour la visite des CRA et des centres de détention, le simple fait qu’il existe serait déjà une très bonne chose, notamment parce que les gestionnaires des centres de vidéoprotection garderaient à l’esprit que des visites peuvent avoir lieu.

M. le président. La parole est à M. Jérôme Durain, pour explication de vote.

M. Jérôme Durain. Pour une fois, je suis d’accord avec M. le ministre sur le fait que les parlementaires risquent d’être comme une poule devant un couteau face aux ordinateurs et aux moniteurs des centres de supervision.

Cependant, mon groupe est très favorable à cet amendement, car tout ce qui est de nature à mieux faire comprendre l’activité de terrain contribue à rapprocher les parlementaires, représentants du peuple, de ceux qui assurent la sécurité.

Je me suis déplacé dans un commissariat, vendredi dernier, on m’a montré les cellules de garde à vue et le travail réalisé par les agents de la police technique et scientifique – même si je n’ai pas forcément compris tout ce que ces agents faisaient, j’ai pu avoir accès à l’information.

Tout cela favorise une acculturation qui permet de nous familiariser avec les problématiques ; en outre, nous constatons directement les besoins en termes de moyens financiers. C’est une bonne méthode et un pas vers une nouvelle approche des questions de sécurité.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 5 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Article additionnel après l'article 20 bis A - Amendement n° 5 rectifié
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Article additionnel après l'article 20 bis A - Amendement n° 20 rectifié nonies

M. le président. L’amendement n° 21 rectifié octies, présenté par Mme Noël, MM. Sol, Piednoir, Courtial, Pellevat, Vogel, D. Laurent, Bouchet, Mouiller et Bouloux, Mmes Dumont, Deromedi et Deroche, M. Savary, Mmes Primas et Malet, MM. Bascher, Bonhomme, Reichardt et J.B. Blanc, Mme Drexler, MM. Mandelli, Burgoa, Husson, Bazin, Cambon, Segouin et Houpert, Mme Gruny, MM. de Nicolaÿ et Bonne, Mme Raimond-Pavero, M. Savin, Mme Bonfanti-Dossat, MM. Lefèvre, Genet, Somon, H. Leroy, Boré et Guené, Mme Ventalon, MM. Charon et Rojouan, Mmes Belrhiti et Thomas, M. Chatillon, Mmes Lassarade, Joseph et Garriaud-Maylam, M. Babary, Mme Schalck, MM. Duplomb et Laménie, Mme Micouleau, M. Cuypers, Mme Bellurot, MM. Meurant, Klinger et Tabarot, Mme Bourrat et MM. Sido et B. Fournier, est ainsi libellé :

Après l’article 20 bis A

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l’article L. 121-3 du code de la route, il est inséré un article L. 121-… ainsi rédigé :

« Art. L. 121-…. – Le dépôt sauvage d’ordures est ajouté à la liste des infractions où le titulaire d’un certificat d’immatriculation est redevable pécuniairement d’une amende.

« Cette infraction peut être verbalisable par constatation par un agent assermenté ou toute autre personne mentionnée à l’article L. 541-44 du code de l’environnement, ou encore par un système de vidéo-verbalisation.

« Toutefois, lorsque le conducteur a agi en qualité de préposé, le tribunal pourra, compte tenu des circonstances de fait et des conditions de travail de l’intéressé, décider que le paiement des amendes de police prononcées en vertu du présent code est, en totalité ou en partie, à la charge du commettant si celui-ci a été cité à l’audience.

« Un décret précise l’ajout de cette infraction à la liste exposée à l’article R. 121-6 du présent code, le montant de l’amende encourue pour ce type d’infraction, et les modalités d’application du présent article. »

La parole est à M. Philippe Mouiller.

M. Philippe Mouiller. Depuis plusieurs années, nous remarquons la multiplication des systèmes de vidéosurveillance dans les communes françaises : ils ont montré leur efficacité à bien des endroits et dans de nombreuses affaires.

Nous sommes nombreux à ressentir une véritable exaspération face aux images de déchets abandonnés en pleine nature, qui, d’une part, gâchent la pureté des paysages, d’autre part, polluent les lieux dans un contexte où le traitement des déchets est une priorité.

L’image du maire de Signes, décédé dans l’exercice de ses fonctions, en tentant d’interpeller deux individus en train de déposer illégalement des ordures, est insoutenable pour les élus.

Si la loi du 24 juillet 2019 a permis une grande avancée en matière de surveillance à distance de ces dépôts illégaux, en autorisant la transmission d’images de vidéosurveillance aux autorités publiques en vue de prévenir l’abandon d’ordures, rien à ce jour ne permet la verbalisation à distance de ces infractions grâce à ce type de système.

Cet amendement vise à étendre le champ de la vidéoverbalisation aux dépôts sauvages de déchets.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Loïc Hervé, rapporteur. Avant de rendre un avis sur l’amendement de notre collègue Sylviane Noël, que Philippe Mouiller vient de présenter, je veux appeler l’attention du Gouvernement sur les conséquences de l’adoption de l’amendement n° 338, il y a quelques minutes, notamment sur l’organisation actuelle des collectivités territoriales.

En effet, la nouvelle rédaction de l’article 20 bis A issue de l’adoption de cet amendement supprime la possibilité de mutualiser les dispositifs de vidéoprotection entre syndicats de communes, ce qui existe aujourd’hui sur le territoire. Si le droit est modifié en ce sens, il conviendrait, d’ici à la commission mixte paritaire, d’en mesurer les conséquences en termes de dissolution pour les dispositifs existants. Cela pose en outre la question de la faculté pour nos collègues élus de s’organiser librement.

J’aurais dû réagir plus tôt, mais nous nous sommes empressés de voter l’amendement. Je ne reviens pas sur le reste du débat, étant respectueux, bien évidemment, du choix qui a été fait par la Haute Assemblée, mais j’insiste sur ces conséquences, qui pourraient avoir un effet de bord extrêmement fâcheux vis-à-vis de nos collègues élus.

J’en reviens à l’amendement n° 21 rectifié octies qui vise à autoriser la vidéoverbalisation des dépôts sauvages d’ordures. Comme l’amendement n° 20 rectifié nonies, qui sera présenté ensuite, mais qui concerne le même sujet, il s’agit d’un amendement d’appel visant à ce que le Gouvernement modifie la liste prévue à l’article R. 121-6 du code de la route, c’est-à-dire un article relevant du pouvoir réglementaire.

Surtout, comme le Gouvernement l’a rappelé dans sa réponse à une question écrite de Mme Noël, les infractions relatives au dépôt illégal de déchets ne résultent pas de l’usage d’un véhicule : il peut donc y avoir une absence de lien entre l’infraction commise et le véhicule qui apparaît sur l’image. Cela constitue un obstacle majeur à l’extension de la liste des infractions à la salubrité publique constatables sans interception, puisque l’amende est envoyée au titulaire du certificat d’immatriculation du véhicule.

En conclusion, il revient au Gouvernement de se prononcer sur cette évolution, qui relève du domaine réglementaire, et il n’est pas souhaitable d’adopter ces amendements – monsieur le président, je me permets de donner l’avis de la commission sur les deux amendements, même si le second n’a pas encore été présenté – qui constituent une injonction au Gouvernement et sont, par nature, inconstitutionnels.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gérald Darmanin, ministre. Monsieur le sénateur, il me semble que le dispositif que vous évoquez est le droit de la République, certes depuis peu de temps.

La loi relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique, votée sur l’initiative de Sébastien Lecornu, et la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire, dite loi AGEC, défendue par Brune Poirson, contiennent des dispositions complémentaires de ce point de vue. J’ai été particulièrement attentif à la rédaction de ce second texte, car je souhaitais comme vous que les caméras de vidéoprotection puissent faciliter la verbalisation des individus qui laissent des déchets dans des dépôts sauvages ou les y jettent directement depuis leur véhicule.

Le problème qu’évoque M. le rapporteur peut être résolu par l’intervention de l’agent assermenté qui regarde les images transmises par les caméras de vidéoprotection. En tout cas, les dispositions combinées de la loi relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique et de la loi AGEC permettent de satisfaire l’objectif de votre amendement.

Cependant, un texte réglementaire doit encore être pris pour l’application de la loi AGEC en la matière ; il relève de la compétence de la ministre de la transition écologique que j’ai très récemment relancée.

Indépendamment du fait que ce sujet relève du domaine réglementaire et des questions que pose le rapporteur – selon moi, il faut faire confiance aux agents assermentés –, je pense que l’amendement est déjà largement satisfait.

M. le président. Monsieur Mouiller, l’amendement n° 21 rectifié octies est-il maintenu ?

M. Philippe Mouiller. Non, je le retire, monsieur le président.

D’une façon générale, nous sommes tous d’accord sur l’objectif, mais malgré les deux textes de loi, rien n’est opérationnel pour le moment ! On le voit bien, une fois encore, l’enjeu, c’est le décalage entre le moment où on adopte la loi et celui où sont effectivement mis en place sur le terrain les dispositifs d’application.

Article additionnel après l'article 20 bis A - Amendement n° 21 rectifié octies
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Article 20 bis (supprimé)

M. le président. L’amendement n° 21 rectifié octies est retiré.

L’amendement n° 20 rectifié nonies, présenté par Mme Noël, MM. Piednoir, Courtial, Pellevat, Vogel, D. Laurent, Bouchet, Mouiller et Bouloux, Mmes Dumont, Deromedi et Deroche, MM. Savary, Bascher, Bonhomme, Reichardt et J.B. Blanc, Mme Drexler, MM. Mandelli, Burgoa, Husson, Bazin, Cambon, Segouin et Houpert, Mme Gruny, MM. de Nicolaÿ et Bonne, Mme Raimond-Pavero, M. Savin, Mme Bonfanti-Dossat, MM. Lefèvre, Genet, Somon, H. Leroy et Boré, Mme Ventalon, MM. Charon et Rojouan, Mmes Belrhiti et Thomas, M. Chatillon, Mmes Joseph et Garriaud-Maylam, MM. Babary, Duplomb et Laménie, Mme Micouleau, M. Cuypers, Mme Bellurot, MM. Meurant, Klinger et Tabarot, Mme Bourrat et MM. Sido et B. Fournier, est ainsi libellé :

Après l’article 20 bis A

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le deuxième alinéa de l’article L. 511-1 du code de la sécurité intérieure est complété par une phrase ainsi rédigée : « Ils ont pouvoir pour constater les infractions liées au dépôt sauvage d’ordures par vidéoverbalisation dans les quarante-huit heures suivant leur commission. »

La parole est à M. Philippe Mouiller.

M. Philippe Mouiller. Je le retire également, monsieur le président, puisqu’il s’agit du même sujet que l’amendement précédent.

M. le président. L’amendement n° 20 rectifié nonies est retiré.

Article additionnel après l'article 20 bis A - Amendement n° 20 rectifié nonies
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Article 20 ter

Article 20 bis

(Supprimé)

M. le président. L’amendement n° 346, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

L’article L. 126-1-1 du code de la construction et de l’habitation est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa est ainsi modifié :

a) À la première phrase, les mots : « lors de circonstances faisant redouter la commission imminente d’une atteinte grave aux biens ou aux personnes » sont remplacés par les mots : « en cas d’occupation par des personnes qui entravent l’accès et la libre circulation des habitants ou empêchent le bon fonctionnement des dispositifs de sécurité et de sûreté ou nuisent à la tranquillité des lieux » ;

b) À la deuxième phrase, après les mots : « ni l’entrée », sont insérés les mots : « , les balcons, les terrasses et les fenêtres » ;

2° Au deuxième alinéa, les mots : « et est strictement limitée au temps nécessaire à » sont remplacés par les mots : « , dès que les circonstances l’exigent en vue de » ;

3° Après le même deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« En cas d’urgence, la transmission des images peut être décidée par les services de la police ou de la gendarmerie nationales ou, le cas échéant, par les agents de la police municipale, à la suite d’une alerte déclenchée par le gestionnaire de l’immeuble. »

La parole est à M. le ministre.

M. Gérald Darmanin, ministre. C’est un amendement important, il tend à autoriser la transmission par les bailleurs d’habitations à loyer modéré (HLM) au centre de supervision urbaine des images de surveillance captées grâce aux caméras installées dans le hall de leurs immeubles. Cela contribuerait au continuum de sécurité dont nous parlons depuis le début de l’examen de ce texte.

De telles caméras ne sont pas installées partout, mais c’est souvent le cas dans les immeubles récents. Ce n’est pas une obligation légale, mais elles s’avèrent très utiles pour lutter contre le harcèlement et les détériorations diverses de biens communs, tels que les boîtes à lettres, les cages d’escalier ou les ascenseurs, et pour détecter les points de trafic de stupéfiants – les trafiquants s’installent souvent dans le hall des HLM –, ainsi que les squats.

Je rappelle au Parlement qu’il a voté des dispositions concernant les amendes forfaitaires délictuelles, qui sont au nombre de cinq. La première a été mise en place en septembre dernier sur la consommation de stupéfiants. En octobre, j’ai eu l’occasion d’annoncer l’application de l’amende forfaitaire délictuelle pour l’occupation illicite de terrains par des caravanes.

Une amende forfaitaire délictuelle sera également mise en place pour sanctionner le délit d’occupation illicite de hall d’immeuble, mais ce délit est très difficile à caractériser. Elle sera notamment utile pour lutter contre les problèmes de voisinage et les points de deal.

La transmission des images captées par les caméras de vidéosurveillance des offices HLM aux centres de supervision urbaine, combinée aux amendes forfaitaires délictuelles, permettra de résoudre une grande partie des problèmes liés au squat des halls d’immeuble et au trafic de stupéfiants qui s’y déroulent.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Loïc Hervé, rapporteur. Cet amendement vise à rétablir l’article 20 bis, supprimé par la commission des lois.

Nul besoin de préciser que la lutte contre les incivilités urbaines est un enjeu dont les parlementaires, les sénateurs en particulier, sont tout à fait conscients. D’ailleurs, des dispositions pénales spécifiques pour lutter contre l’occupation des halls d’immeubles, les dégradations et les tapages ont été introduites dans notre droit, ces dernières années, avec la pleine approbation du Sénat – il y a quelques semaines seulement, nous débattions ici même d’un texte sur les squats.

Si la commission a supprimé l’article 20 bis, c’est que le dispositif voulu par le Gouvernement ne tient pas la route juridiquement. En effet, le Conseil constitutionnel a censuré en 2010 une disposition qui autorisait la police à accéder aux images de caméras de halls d’immeuble, dès lors que surviennent des événements ou des situations susceptibles de nécessiter l’intervention de la police ou de la gendarmerie.

Le législateur a ensuite revu sa copie et a prévu des garanties jusqu’alors manquantes : premièrement, la transmission des images n’est déclenchée qu’en réponse à un risque caractérisé ; deuxièmement, elle ne doit durer que le temps de l’intervention de la police.

Le Gouvernement, en voulant rétablir l’article 20 bis, cherche à supprimer toutes ces garanties opérationnelles qui sont à nos yeux indispensables. La transmission serait élargie aux simples cas, mal définis, de « nuisance à la tranquillité » ; elle serait même permise en cas d’urgence sur l’initiative des forces de sécurité.

Manifestement contraire à la Constitution, en particulier au grand principe de protection de la vie privée que nous devons défendre, cet article n’a pu être que supprimé par la commission des lois, laquelle reste défavorable à son rétablissement.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Gérald Darmanin, ministre. J’insiste sur l’importance de cette disposition.

Je ne pense pas que le Gouvernement propose une rédaction qui ne soit pas correcte juridiquement – je constate d’ailleurs que vous n’avez pas proposé de l’amender.

M. Loïc Hervé, rapporteur. Nous l’avons supprimée !

M. Gérald Darmanin, ministre. En revanche, le Gouvernement prend toujours acte des dispositions ayant fait l’objet de censures constitutionnelles.

Il s’agit, par cet article, de pouvoir réellement caractériser le délit d’occupation illicite de hall d’immeuble. Tout le monde sait bien que ce délit est bien plus qu’une nuisance : les trafiquants procèdent parfois à des contrôles d’identité à l’entrée des immeubles – ils se comportent alors comme de véritables milices privées !

Il est très difficile de caractériser ce délit, car en attendant que les forces de police arrivent et le temps d’obtenir les clés de ces immeubles – encore faut-il avoir celles de tous les bailleurs, y compris les clés électroniques dont le code change régulièrement… –, les délinquants sont partis. Ils se cachent parfois non pas dans les parties communes, mais dans les appartements. Souvent, les habitants, menacés, ne portent pas plainte, ce qui empêche de qualifier le délit : moins de deux poursuites ont été engagées en trois ans sur la base de ce délit.

Je pense qu’il faut enfin tirer les conséquences de cette impuissance publique ! Les caméras de vidéoprotection sont souvent installées à la demande des départements, des agglomérations et des communes, qui, en échange de la réduction des taxes foncière pour la construction d’immeubles HLM, prennent des engagements en matière de sécurité.

Si ces caméras ne sont surveillées par personne, les citoyens ne peuvent pas comprendre à quoi elles servent…

Ces images de surveillance seraient transmises non pas à un organisme privé, mais au centre de supervision urbaine d’une collectivité locale. Une telle transmission aiderait utilement à la lutte contre ces milices privées, qui empêchent les honnêtes gens, souvent dans des quartiers populaires, de vivre correctement.

La rédaction proposée par le Gouvernement, inspirée du travail à la fois juridique et politique que nous menons collectivement, devrait permettre au Sénat d’adopter cet amendement de bon sens.

M. le président. La parole est à M. Laurent Burgoa, pour explication de vote.

M. Laurent Burgoa. Pour ma part, je voterai votre amendement, monsieur le ministre, car il va dans le bon sens. Lorsqu’on est élu local, on se rend compte que ces problèmes sont réels et que nos concitoyens attendent de nous de la fermeté.

Ce soir, monsieur le ministre, vous allez dans la bonne direction : vous semblez retrouver vos racines politiques ! (M. le ministre sourit.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. François-Noël Buffet, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et dadministration générale. Je sens qu’un climat est en train de se diffuser au sein de cette assemblée, laissant croire que la commission des lois serait laxiste et n’irait pas assez loin, en termes de mesures répressives, sur un certain nombre de sujets.

La commission des lois a simplement dit le droit ; elle s’est bornée à expliquer que les mesures contenues dans l’amendement du Gouvernement ont déjà été censurées par le Conseil constitutionnel – il y a de fortes chances qu’elles le soient de nouveau !

C’est la raison pour laquelle la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.

Si nous voulons avancer, il faut se donner le temps, d’ici à la commission mixte paritaire, de réfléchir au dispositif proposé, à condition que le Gouvernement accepte d’intégrer à son amendement les garanties fixées par le Conseil constitutionnel. C’est à cette seule condition que les choses seront parfaitement régulières !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Gérald Darmanin, ministre. Le Gouvernement ne s’amuse pas, monsieur le président de la commission des lois, à proposer des dispositions qui seraient à coup sûr censurées !

D’ailleurs, ce n’est pas tout à fait sur ce point que la censure du Conseil constitutionnel portait ; elle concernait l’article 5 du projet de loi de l’époque, qui prévoyait d’intégrer dans le code de la construction et de l’habitation un article L. 126-1-1 disposant que, lorsque des événements ou des situations susceptibles de nécessiter l’intervention des services de police ou de gendarmerie ou, le cas échéant, des agents de la police municipale se produisent dans les parties communes des immeubles collectifs à usage d’habitation, le propriétaire, l’exploitant de ces immeubles ou leur représentant peut rendre ces services ou ces agents destinataires des images des systèmes de vidéosurveillance qu’ils mettent en œuvre dans les parties communes.

Le Conseil constitutionnel a censuré cet article, car le projet de loi concernait non pas la sécurité publique, mais le logement. Il a demandé au législateur de corriger un certain nombre de points et c’est ce que fait le présent amendement : il n’organise pas le même dispositif que celui qui avait été proposé jadis par un précédent gouvernement.

Notre amendement n’a jamais été jugé en droit et n’a rien à avoir, selon nous, avec la censure prononcée par le Conseil constitutionnel en 2010.

M. le président. La parole est à M. Jérôme Durain, pour explication de vote.

M. Jérôme Durain. J’ai tout à l’heure frémi, en entendant parler de bon sens : si nous devions uniquement nous appuyer sur lui, nous n’aurions besoin finalement ni de Parlement, ni de Conseil constitutionnel, ni de commission des lois…

Je ne suis pas toujours d’accord avec les rapporteurs et le président de la commission des lois, mais force est de reconnaître qu’ils ont réalisé un travail extrêmement sérieux et étayé sur ce texte pour apporter un certain nombre de garanties, et mon groupe s’en remet à cette expertise en ce qui concerne cet amendement.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. François-Noël Buffet, président de la commission des lois. Naturellement, le Conseil constitutionnel ne s’est pas prononcé sur cet amendement, mais la situation était similaire et le problème posé de même nature. Il n’y a pas de raison qu’il revienne sur sa décision, dès lors que ce qui nous est proposé aujourd’hui est la même chose qu’à l’époque, certes dite de manière différente.

Néanmoins, je le redis, je fais une ouverture : si d’ici à la réunion de la commission mixte paritaire, nous avons la possibilité d’intégrer des garanties au dispositif, nous y serons alors favorables sans aucune difficulté.

M. le président. La parole est à M. Alain Richard, pour explication de vote.

M. Alain Richard. Si l’on suit le raisonnement du président Buffet, il nous faut un texte support pour améliorer le dispositif.

Or nous sommes à la fin de la première lecture, soit le dernier moment où nous pouvons introduire une disposition sur ce point. En tout état de cause, celle-ci pourra être améliorée à l’occasion du débat en commission mixte paritaire ou en nouvelle lecture, en cas de désaccord.

Si, en revanche, nous n’adoptons rien ce soir, la commission mixte paritaire ou la nouvelle lecture ne sera pas en état d’approuver une disposition améliorée.

M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote.