Mme Françoise Gatel, rapporteur. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Dany Wattebled.

M. Dany Wattebled. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la France compte environ 510 000 élus locaux.

Pour faire face à leurs lourdes responsabilités et exercer efficacement leurs fonctions, les élus doivent être correctement formés. En outre, il paraît important, pour préserver l’attractivité des fonctions électives, que les élus qui le souhaitent puissent s’inscrire dans un processus de réinsertion professionnelle à la fin de leur mandat.

La loi a ainsi prévu deux dispositifs pour répondre aux besoins des élus locaux en matière de formation.

Le premier, introduit en 1992, prévoit le financement des formations demandées par les collectivités territoriales, qui doivent inscrire à leur budget chaque année un montant minimum équivalent à 2 % des indemnités dues aux élus.

Le second, le droit individuel à la formation des élus, ou DIFE, introduit en 2015, est financé par un fonds national, alimenté par 1 % des indemnités perçues par les élus indemnisés, soit une somme de 17 millions d’euros annuels.

Or ce dispositif n’a pas réussi à garantir des formations de qualité facturées au juste prix ; de nombreux exemples d’abus et de dérives ont été constatés. Le fonds DIFE géré par la Caisse des dépôts et consignations, la CDC, s’est trouvé dans une impasse financière : il enregistrait un déficit de 12 millions d’euros en 2019 et de 24 millions d’euros en 2020.

À cet égard, je veux attirer votre attention sur la gestion scandaleuse de la CDC, qui perçoit 20 % des montants collectés au titre des frais de gestion. Comment justifie-t-elle ces 3,5 millions d’euros ?

Vous en conviendrez, il existe une véritable urgence à réformer le dispositif de formation des élus locaux.

Dans le cadre de la loi relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique, le Gouvernement a sollicité du Parlement une habilitation pour légiférer par ordonnance, afin de rénover en profondeur l’ensemble du dispositif de formation. Un travail en commission nous a permis de comprendre le sens d’une telle demande.

Le projet de loi qui nous est soumis vise à ratifier deux ordonnances prises sur le fondement de l’article 105 de la loi du 27 décembre 2019 relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique.

Ces ordonnances visent non seulement à faciliter l’accès à la formation et à garantir la qualité des formations dispensées, mais également à rénover la gouvernance du système de formation des élus locaux. Elles apporteraient ainsi une amélioration certaine et bienvenue.

Par ailleurs, je me félicite des travaux en commission, qui ont enrichi le dispositif. De nombreuses dispositions vont dans le bon sens.

Je veux parler, tout d’abord, du rétablissement du cumul des droits à la formation des élus locaux sur toute la durée du mandat, afin de leur permettre d’utiliser leurs droits acquis sur plusieurs années, à l’instar du fonctionnement du compte personnel de formation des salariés.

Je veux parler également de l’extension des possibilités d’abondements complémentaires par des personnes publiques telles que l’État, Pôle emploi et d’autres collectivités territoriales, afin qu’elles puissent cofinancer les formations à la reconversion des élus locaux déjà financées partiellement par le DIFE.

Je veux parler enfin de la possibilité offerte aux élus locaux de s’inscrire, dès la première année de leur mandat et gratuitement, à des modules de formations pouvant être accessibles à distance via la plateforme numérique et leur permettant d’acquérir les connaissances indispensables à l’exercice de leur mandat.

De même, il était particulièrement nécessaire d’approfondir le contrôle des organismes de formation. À cet égard, je me réjouis qu’un certain nombre de dispositions concernant les conditions de sous-traitance par les organismes de formation agréés aient été introduites, afin de garantir la qualité des formations dispensées.

Je pense, notamment, à la mesure prévoyant qu’un organisme titulaire d’un agrément ne puisse sous-traiter l’exécution des prestations de formations à destination des élus financés par le DIFE qu’à la condition de justifier la nécessité de cette sous-traitance, comme le besoin d’un savoir particulier ou d’une expertise.

Je veux aussi mentionner l’interdiction de la sous-traitance de second rang des formations liées à l’exercice du mandat des élus locaux, afin d’éviter un contournement des exigences de qualité.

Enfin, je rejoins la position de la commission lorsque celle-ci a souhaité garantir la stabilité du système de formation des élus, notamment en stipulant que le Conseil national de la formation des élus locaux doit privilégier, dans les propositions de retour à l’équilibre qu’il formule au ministre chargé des collectivités territoriales, les leviers qui sont le moins attentatoires aux droits acquis des élus.

Madame la ministre, chers collègues, la réforme de la formation des élus locaux constitue une réponse bienvenue en raison des importants dysfonctionnements du dispositif actuel.

Aussi, reconnaissant pleinement la nécessité de cette réforme et soucieux de répondre aux attentes légitimes des élus locaux en matière de formation, le groupe Les Indépendants – République et Territoires votera ce texte modifié et enrichi par la commission.

M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.

Mme Raymonde Poncet Monge. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous voici devant un problème simple à énoncer, mais complexe à résoudre : nous souhaitons mieux et davantage former les élus, mais les moyens disponibles sont trop faibles et mal utilisés.

Ce projet de loi de ratification vise à gommer quelques anomalies et à améliorer certains fonctionnements, mais sans avancer suffisamment dans la réforme de la formation des élus.

Il fallait néanmoins prendre ces ordonnances, qui, dans la continuité de la loi relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique, « afin d’améliorer les conditions d’exercice des mandats et de renforcer les compétences des élus locaux pour les exercer », participent à la refonte nécessaire du droit à la formation des élus.

Ces ordonnances visent à encadrer la formation de manière plus sûre juridiquement et plus soutenable financièrement. Elles visent également à en rendre le contenu plus qualitatif.

Actuellement, comme cela a été rappelé, deux dispositifs existent.

Le premier, instauré en 1992 et financé par les collectivités à hauteur d’un plancher de 2 % des indemnités perçues par les élus, permet le financement de formations liées à l’exercice du mandat. Ce système est largement sous-utilisé, près de deux tiers des collectivités territoriales ne dépensant pas ces crédits budgétés, ou ne les dépensant que très peu, alors que leur consommation est obligatoire.

Le second dispositif, datant de 2015, a instauré un réel droit individuel à la formation des élus locaux, à hauteur de 1 % des indemnités perçues. Destiné initialement principalement à financer des formations liées à la reconversion des élus, il permet des formations en lien, ou pas, avec l’exercice du mandat, et cumulables sur cinq ans.

Les abus des structures de formation sont connus et dénoncés. Celles-ci réalisent une véritable captation du marché de la formation des élus : ainsi, deux organismes ont capté, en 2019, quelque 40 % du financement du DIFE. Il y avait donc urgence à réguler le marché des formations.

J’insiste sur le caractère réel de l’accès à la formation et son égal accès : il existe des inégalités de formation en fonction des territoires, de la taille des communes, mais aussi parfois entre les élus majoritaires et minoritaires.

J’insiste aussi sur la visibilité limitée du montant annuel des droits de formation pour chaque élu, en raison de la méconnaissance du nombre d’élus qui auront recours à ce dispositif. À cet effet, la commission propose d’instaurer une visibilité à trois ans de ces montants dès 2023, ce qui est souhaitable.

La formation est un élément majeur pour l’exercice du mandat de l’élu, mais elle manque de financement. La diminution des coûts grâce à la rationalisation des frais de gestion élevés de la Caisse des dépôts et consignations constituera de ce point de vue une avancée.

Les montants et cumuls envisagés, aujourd’hui insuffisants, détournent clairement le DIFE de l’une de ses fonctions initiales primordiales : aider à la reconversion des élus en fin de mandat. Pour cela, nous demandons et attendons depuis longtemps une vraie loi et un vrai projet sur le statut de l’élu.

Faute d’un contrôle suffisant, le recours généralisé à la sous-traitance a pu priver d’effet bénéfique l’agrément demandé et accordé aux organismes de formation. Le texte vise à imposer de nouvelles obligations et une certification de qualité aux organismes concernés, pour mettre fin aux dérives nuisant à la qualité des formations.

Si les abus sont évidemment à combattre dans la facturation des formations, il convient de s’assurer que les droits des élus permettront un accès réel à ces dernières.

Pour rappel, le coût moyen des formations suivies par les salariés du secteur privé, via le compte personnel de formation, ou CPF, s’établirait autour de 1 200 euros, contre 700 euros pour le montant annuel du DIFE affecté à chaque élu. Notre groupe restera donc vigilant sur l’encadrement financier de cette réforme.

Mes chers collègues, bien que regrettant le recours à l’habilitation, force est de reconnaître que les mesures comprises dans ces ordonnances semblent nécessaires pour sécuriser temporairement la formation des élus, pour la rendre plus accessible et pour en assainir le cadre financier.

Ce n’est qu’un début ; malgré des réserves de fond et de forme, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires votera ce texte.

Mme Françoise Gatel, rapporteur. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi.

M. Thani Mohamed Soilihi. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, on dénombre sur notre territoire quelque 500 000 élus locaux.

Pour faire face à la complexité et à la technicité croissantes des compétences que requiert l’exercice de leur mandat, mais aussi pour préparer leur retour à une vie professionnelle, la loi a établi deux dispositifs de formation.

Le premier, introduit par la loi du 3 février 1992, dont notre collègue, Jean-Pierre Sueur, alors secrétaire d’État chargé des collectivités locales, est l’auteur, prévoit que les collectivités doivent budgéter chaque année un montant minimum équivalant à 2 % des indemnités dues aux élus, dans le but de financer des formations pour eux en lien avec l’exercice de leur mandat.

Le second, plus récent puisqu’il date de 2015, là encore créé par notre collègue Sueur et vous-même, madame la ministre, instaure un droit individuel à la formation des élus, le DIFE, abondé par les indemnités des élus locaux à hauteur de 1 % et géré par la Caisse des dépôts et consignations.

Il ouvre plus largement droit à des formations non seulement en lien avec le mandat, mais aussi avec une future reconversion professionnelle.

Dans la pratique, et malgré des besoins importants pris en compte par ces dispositifs, il est apparu que ceux-ci n’ont permis qu’à une poignée d’élus de se former, que les communes les plus peuplées concentraient la quasi-totalité des efforts de formation et que le DIFE connaissait une situation déficitaire.

Il était donc nécessaire de refondre le système, afin de garantir effectivement cet accès à la formation indispensable pour tous nos élus.

Aussi, l’article 105 de la loi relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique du 27 décembre 2019 a habilité le Gouvernement à légiférer par ordonnances dans un délai de neuf mois à compter de la publication de ladite loi.

Un rapport, commandé par les ministres du travail et des collectivités territoriales auprès de l’inspection générale des affaires sociales, l’IGAS, et de l’inspection générale de l’administration, l’IGA, afin de dresser un bilan des dispositifs existants, et remis en janvier 2020, confirmait ce constat et l’urgence à agir.

Les ordonnances portant réforme de la formation des élus locaux et de ceux des communes de Nouvelle-Calédonie, que nous nous apprêtons à examiner, certes, avec un peu de retard – n’oublions pas que la crise sanitaire a quelque peu bouleversé notre agenda –, viendront faciliter et moraliser l’accès à la formation des élus locaux.

Elles viendront le faciliter, tout d’abord, grâce à la création d’une plateforme numérique permettant aux élus de mieux visualiser leurs droits et les formations auxquelles ils peuvent s’inscrire. Elles le faciliteront aussi grâce à la modification des modalités de calcul du DIFE, comptabilisé dorénavant en euros et non plus en heures, ou encore grâce à la modernisation du recouvrement du fonds du DIFE, qui se fera par un prélèvement à la source des cotisations des élus.

Elles viendront le moraliser, ensuite, en renforçant les prérogatives du Conseil national de la formation des élus locaux et de la Caisse des dépôts et consignations dans la gestion du fonds du DIFE, et le maintien de son équilibre financier, ou encore en instaurant un contrôle plus accru des organismes de formations aptes à délivrer les formations aux élus locaux, afin d’éviter les abus.

Nous nous félicitons de ce que la commission – je souligne la qualité du travail de Mme la rapporteure – ait adopté l’amendement de notre collègue Alain Richard visant à anticiper les problèmes qui auraient pu se poser au moment de la transition.

Cet amendement tend à prévoir que les formations entamées avant le 22 juillet 2021 puissent se dérouler jusqu’à la fin de l’année. L’adoption d’une telle mesure assurera, à n’en point douter, une sortie plus douce du système actuel, tant pour les élus titulaires de droits que pour les organismes de formation.

Je tiens enfin à rappeler ici l’importance de la formation des élus dans les collectivités d’outre-mer, lesquelles, de par leur éloignement géographique, sont, au même titre que les territoires ruraux, confrontés à une ingénierie souvent plus modeste, à des difficultés réelles lorsque la collectivité est récente – je pense, bien évidemment, à mon territoire, Mayotte –, ou encore à une offre de formation moins diversifiée.

Au vu de nos échanges en commission et aujourd’hui en séance, il ne fait aucun doute que ce projet de loi recueillera l’assentiment de tous. En tout état de cause, mon groupe l’adoptera volontiers. (MM. Alain Richard et Jean-Pierre Sueur applaudissent.)

Mme Françoise Gatel, rapporteur. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Delattre.

Mme Nathalie Delattre. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ce texte est issu de l’habilitation que nous avons accordée au Gouvernement, de façon un peu forcée, il faut bien le dire, lors de l’examen, à la fin de 2019, du projet de loi relatif à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique.

Vous êtes aujourd’hui, madame la ministre, en raison de la crise du covid, un peu en retard sur cette réforme, mais elle est enfin là ! Je salue la qualité des échanges que nous avons eus tout au long de sa conception avec les cabinets des ministres, tout d’abord avec celui de Sébastien Lecornu, dont l’action a été déterminante, puis avec le vôtre, depuis le remaniement.

Quelles raisons ont poussé le Gouvernement à réformer le système de la formation des élus locaux, sinon le constat d’un double échec ?

Échec à maintenir les coûts de formation à un niveau raisonnable, avec quelques organismes peu scrupuleux qui ont essoré un système ayant pu faire figure parfois de nouvel eldorado. Le rapport de l’IGA et de l’IGAS a été très explicite en la matière.

Échec également de la Caisse des dépôts et consignations, qui a affiché des dépenses totalement injustifiables et disproportionnées en matière de frais de gestion du fonds de formation, auxquelles s’ajoutent des délais de réponse démesurés, voire des non-réponses.

Madame la ministre, vous avez agi, et c’était nécessaire. Mais vous avez été bien plus loin que l’habilitation. Aussi, revenons-en aux termes de cette habilitation pour étudier votre réforme.

Le premier point concerne l’accès au droit à la formation tout au long de la vie, le compte personnel de formation et la portabilité des droits. La fongibilité entre le DIFE et le CPF ouvre de vraies passerelles entre le parcours d’un élu et son parcours professionnel. Sur ce point, nous ne sommes pas encore parvenus à un véritable statut de l’élu, mais c’est un pas en avant qui est toujours le bienvenu.

Le deuxième objectif de l’habilitation est de faciliter l’accès des élus locaux à la formation, tout particulièrement lors de leur premier mandat. Le point central de la réforme réside dans le passage des droits ouverts en équivalent heures et non plus en euros.

Je ne reviendrai pas sur le détail du calcul, mais j’insisterai sur un point de divergence que j’ai avec votre approche sur la fin du cumul du DIFE d’année en année tout au long du mandat.

Tout ne se joue pas la première année, madame la ministre. J’ai donc du mal à concevoir ce qui ferait obstacle à ce cumul dans le temps. Je prends acte néanmoins de l’amendement que vous avez déposé en séance et qui me semble nature à faire l’objet d’un compromis, en introduisant un plafonnement de ce cumul.

Le troisième point de l’habilitation est le référentiel de la formation et la mutualisation du financement. J’ai soulevé plusieurs interrogations quant à l’adaptabilité de ce référentiel aux problématiques nouvelles qui verront le jour et à sa nécessaire actualisation. Les réponses apportées m’ont plutôt convaincue.

Nous sommes donc dans le difficile équilibre à trouver : d’un côté, poser un cadre pour éviter que le contenu des formations ne dérive et, de l’autre, laisser suffisamment d’ouverture pour faire face aux besoins de formation pointue ou à l’évolutivité des matières traitées par les élus locaux.

Au rang des innovations intéressantes se trouve l’abondement du compte des élus par leurs collectivités, ce qui permet à la collectivité d’honorer son obligation de formation hors DIFE, mais aussi la possible intercommunalisation. En cela, je crois que le Gouvernement répond de façon opérationnelle à nos exigences.

Le quatrième et dernier axe de la réforme est d’assurer la transparence et la qualité des dispositifs de formation, ainsi que de renforcer le contrôle exercé sur les organismes de formation.

Ce point suscite davantage d’interrogations. Quels moyens humains et financiers seront mis en œuvre ? Quelles compétences seront mobilisées ? Je me pose également des questions sur les membres du nouveau conseil d’orientation ou sur la procédure d’attribution et de renouvellement désagréments. Je ne doute pas que vous aurez à cœur de surveiller ces éléments d’alerte.

Pour finir, j’y insiste, la Caisse des dépôts et consignations devra rendre des comptes sur sa gestion. C’est un point dur sur lequel nous ne devons pas céder, chers collègues, compte tenu des leçons du passé.

De plus, j’ai noté l’engagement du Gouvernement sur un délai de réponse de sept jours à propos des dossiers de demande de prise en charge, ce qui est osé dans un contexte où la dématérialisation des procédures ne réglera pas tout, puisqu’un certain nombre d’élus locaux ne sont pas outillés ou connectés.

Mes chers collègues, le groupe du RDSE votera en faveur de cette réforme si nous parvenons aujourd’hui à un compromis. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Michelle Gréaume.

Mme Michelle Gréaume. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, depuis l’examen de la loi relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique, nous avons laissé sur un coin de la table la réforme de la formation des élus. Nous nous retrouvons aujourd’hui autour de la ratification de ces ordonnances, dont les objectifs initialement fixés étaient assez ambitieux.

Le résultat du travail à huis clos du Gouvernement, méthode que nous ne cessons de dénoncer, est néanmoins décevant et risque fort de laisser les élus sur leur faim.

Face aux dysfonctionnements des dispositifs de formation actuels, des réponses fortes étaient attendues. Si nous approuvons plusieurs mesures, nous estimons qu’elles sont insuffisantes, voire qu’elles participent à la confusion.

Le travail en commission, grâce à l’adoption, notamment, de certains de nos amendements, a amélioré le texte en préservant des garanties quant aux droits des élus, comme leur cumulabilité, en donnant à ces derniers une meilleure visibilité, en offrant davantage de transparence ou encore en renforçant les obligations des organismes de formations ajoutées par les ordonnances.

Cela étant, rendre possible des abondements de la part des collectivités ou des élus eux-mêmes pour renflouer le gouffre financier du fonds pour le droit individuel à la formation des élus ne freine pas les inquiétudes.

Comment des communes qui ne respectent déjà pas leur obligation légale de financer la formation de leurs élus pourraient-elles, en plus, financer le DIFE ? Cela ouvre la voie aux inégalités entre les collectivités qui en seront capables et celles qui ne le pourront pas, donc aux inégalités entre élus.

Le principe de l’équilibre financier du DIFE inscrit ici ne pourra être respecté sans moyens nouveaux. Il est déjà déficitaire, alors que, aujourd’hui, moins de 3 % des élus bénéficient du DIFE. Qu’en sera-t-il demain ?

La gestion en euros, et non plus en heures, permettra de limiter les abus des organismes. Mais les élus craignent que les nouvelles règles aient un impact négatif sur leurs droits et sur le montant de leur cotisation.

La rémunération que s’accorde la Caisse des dépôts et consignations pour gérer le DIFE à hauteur de 25 % de l’enveloppe du fonds sera-t-elle revue à la baisse malgré la création de la plateforme numérique ?

Si les ordonnances ne suscitent pas d’avis défavorable, elles soulèvent des interrogations.

Depuis la loi de 1992 relative aux conditions d’exercice des mandats locaux, les compétences des collectivités ont gagné en technicité. C’est pourquoi nous souhaitons réaffirmer le droit à la formation des élus créé par cette loi et nous déplorons que le financement de ce dispositif par les collectivités, qui sont tenues par la loi d’y consacrer entre 2 % et 20 % des indemnités des élus, soit sous-exécuté. Le non-respect de cette obligation touche inégalement les collectivités.

Les communes sont principalement concernées, et plus d’une sur deux n’a engagé aucune dépense de formation en 2018. Mais celles de plus de 200 000 habitants y consacrent 1,9 % des indemnités, contre 0,4 % dans celles de moins de 500 habitants.

Le coût de la formation pour ces petites communes peut se révéler prohibitif. Très souvent, les élus ne souhaitent pas faire passer leur propre formation avant des priorités d’intérêt général.

Pourtant, dans ces petites communes et communes rurales déjà pénalisées par l’insuffisance ou l’absence de services d’ingénierie, les besoins en formation sont plus forts qu’ailleurs. Cette problématique étant ignorée par le texte, nous avons proposé de réparer cet oubli.

En 2015, nous avons créé un second dispositif, le DIFE, financé par une cotisation obligatoire de 1 % des indemnités des élus. Cette voie indépendante de la collectivité permet aux élus de recevoir également des formations sans lien avec leur fonction, donc de favoriser leur réinsertion professionnelle.

Ces deux dispositifs se complètent et sont nécessaires pour démocratiser la fonction d’élu. Sa complexité croissante peut freiner les citoyens à s’engager, d’où la nécessité que les élus soient formés afin de ne pas réserver l’élection aux « élites » et aux technocrates. Parallèlement, la réinsertion professionnelle anticipe l’après-mandat et doit permettre un brassage des représentants politiques.

Nous constatons un déséquilibre entre les deux types de formations permises par ces dispositifs : celles qui sont liées à la reconversion professionnelle sont très peu utilisées et ne représentent que 3 % des demandes au titre du DIFE. Cette tendance est dommageable pour les élus et pour la démocratie.

M. le président. Il faut conclure, ma chère collègue.

Mme Michelle Gréaume. En l’état, le texte n’est pas selon nous à la hauteur de ses ambitions. Il aurait mérité un travail incluant davantage le Parlement. Notre groupe préférera donc s’abstenir.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, lorsque, en 1992, j’ai présenté ici même, au nom du gouvernement de l’époque, la première loi sur les conditions d’exercice des mandats locaux, j’étais loin d’imaginer que, au siècle suivant et quelques décennies plus tard, je continuerai à parler du même sujet ! (Sourires.)

Cette loi fut fondatrice : auparavant, il n’y avait pas de droit à la formation pour les élus locaux, non plus d’ailleurs que de droit à la retraite. Elle fut un premier pas. Depuis lors, il y en a eu d’autres.

Lorsque l’ancien président du Sénat Jean-Pierre Bel a organisé des états généraux de la démocratie locale, il eut le souci de les faire aboutir. À cette fin, il fit appel à une sénatrice et à un sénateur censés représenter des courants quelque peu différents, mais susceptibles de converger. (Sourires.)

Cela nous permit d’écrire et de faire adopter deux propositions de loi, l’une qui a créé le Conseil national d’évaluation des normes applicables aux collectivités territoriales et à leurs établissements publics, l’autre portant sur les conditions d’exercice des mandats locaux.

Je crois que nous avons bien fait de créer ce droit individuel à la formation. Néanmoins, le réalisme doit nous inciter maintenant à reconnaître que, si le principe est bon, s’il est vraiment nécessaire qu’il y ait des formations servant à l’activité des élus et leur permettant de préparer leur avenir une fois leur mandat achevé, le dispositif doit désormais être beaucoup mieux encadré, pour des motifs financiers évidents et en raison de dérives que nous avons pu constater et qui ont été déjà soulignées.

Cette proposition de loi, madame la ministre, est donc nécessaire, et nous y souscrirons pour l’essentiel, comme nous le manifesterons par notre vote.

J’insisterai, et mon collègue Éric Kerrouche y reviendra également, sur la question de l’agrément des organismes.

En 1992, je n’étais pas partisan que les partis politiques puissent créer des instances de formation. J’étais minoritaire, y compris au sein du Gouvernement, on peut le dire maintenant. Je suis donc attentif au fait que, cela étant désormais possible, il est très important, madame le ministre, que la procédure d’agrément soit extrêmement forte – le rapport de l’IGA et de l’IGAS est à cet égard explicite.

Il faut une très grande rigueur quant aux compétences des organismes, quant à leur gestion, quant à leur indépendance et quant à la qualité et aux coûts de leurs formations.

À cet égard, je ne serais pas choqué que soient prises des décisions de retrait ou de suspension d’un certain nombre d’agréments : il s’agit d’argent public et d’une mission de service public.

Se pose toujours la question du recours relativement faible à la formation. Selon le rapport précité, seulement 3 % des élus suivent une formation chaque année.

Quant au droit à la formation, il est soixante fois plus élevé pour les conseillers régionaux que pour les conseillers municipaux. Pour ce qui est du DIFE, 50 % de la dépense est affectée à la formation de 14 % des bénéficiaires. Ces points doivent donc être réformés.

La démarche dont nous allons débattre est pragmatique. Nous serons vigilants sur la question des filiales, dont nous reparlerons.

Ce pragmatisme, c’est le recours à l’intercommunalité.