M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson, pour la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe.

M. Jean Louis Masson. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, les associations d’élus étaient toutes opposées à un nouveau report des élections départementales et régionales. Malgré cela, le Gouvernement a essayé de passer outre, en organisant une pseudo-consultation des maires dans des conditions tout à fait scandaleuses.

Afin d’empêcher un vrai débat sur le sujet, l’opération a été préparée dans le plus grand secret, sans que personne ne soit prévenu. Ensuite, le courriel a été volontairement adressé aux maires, en tout cas dans mon département, le vendredi à 19 heures, c’est-à-dire lorsque toutes les mairies étaient fermées pour le week-end. Pis encore, une réponse était demandée pour le lundi suivant au plus tard, à 11 heures du matin. Comment voulez-vous qu’il y ait un débat pendant le week-end ?

Ainsi, compte tenu de la coupure du week-end, les maires étaient dans l’impossibilité d’avoir une vision contradictoire et de connaître les arrière-pensées de cette consultation faussement démocratique.

En réalité, cette manœuvre est digne d’une république bananière (Exclamations amusées.) ; le Gouvernement espérait que, faute d’information et de débat, les maires se laisseraient faire, se laisseraient abuser. Heureusement, ceux-ci ont bien réagi : ils se sont prononcés, avec une majorité claire, pour le respect de la démocratie, donc pour le maintien de la date des élections, à l’instar de ce qui a été fait dans tous les autres pays européens. Il s’agit d’un désaveu pour les auteurs de cette incroyable manipulation.

Par conséquent, je tiens à remercier et à féliciter les maires, qui ne se sont pas laissé prendre au piège.

M. Jean Castex, Premier ministre. Quel piège ?

M. Jean Louis Masson. Par ailleurs, lors des précédents débats parlementaires, j’avais demandé que, comme par le passé, ce soient les services préfectoraux qui se chargent de l’envoi des professions de foi et des bulletins de vote. Je regrette que la commission des lois du Sénat n’ait pas retenu mes amendements à ce sujet. En effet, compte tenu des délais, l’un des deux opérateurs retenus – la société Adrexo – craint d’avoir des difficultés pour acheminer correctement les professions de foi vers les électeurs. Cela confirmerait qu’il faut absolument revenir à l’ancien système, qui fonctionnait correctement.

En tout état de cause, il y aura probablement de graves dysfonctionnements dans l’envoi des professions de foi en juin prochain et cela m’inquiète. C’est d’autant plus préoccupant que, compte tenu des restrictions liées à l’épidémie de covid, les professions de foi joueront dans la campagne électorale un rôle beaucoup plus important que ce que l’on a connu par le passé.

C’est la raison pour laquelle, tout en étant favorable à la fixation des élections au mois de juin, je m’abstiendrai sur le vote, d’autant que la question n’est pas clairement posée : en effet, on nous pose cette question oralement, j’aurais tout de même bien aimé que l’on vote sur un texte.

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.

M. Gérald Darmanin, ministre de lintérieur. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, il m’appartient de vous apporter des éléments de réponse en ce qui concerne les modalités d’organisation des élections départementales et régionales. Organiser ces élections constitue un défi pour notre pays.

Pour commencer, je reviens sur ce que certains orateurs ont déclaré, comme M. Masson à l’instant, à savoir que nous serions le seul pays à nous poser la question de reporter ou non des élections. Évidemment, c’est totalement faux : si les élections nationales ont bien pu se tenir dans la plupart des grands pays européens, les élections locales ont quasiment toutes été reportées – c’est par exemple le cas en Italie, où devaient se tenir, aux mêmes dates qu’en France, des élections locales extrêmement importantes.

Je veux aussi souligner que comparaison n’est pas raison, puisque, dans les autres pays, les systèmes de vote diffèrent. Il est souvent possible de voter par anticipation ou par correspondance, ce que le législateur français n’a jamais souhaité mettre en place.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. C’est le Gouvernement qui n’a pas souhaité le vote par correspondance !

M. Gérald Darmanin, ministre. Il est vrai que j’ai déjà fait part des réserves que m’inspire le vote par correspondance – cela a été rappelé.

Souvent, il existe aussi un vote électronique, lequel a été très largement refusé et est même désormais remis en cause par l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (Anssi).

Par conséquent, on ne peut comparer le vote en France à celui qui existe dans d’autres pays, compte tenu des différences dans les modalités de scrutin, et il est erroné de dire que toutes les démocraties européennes ont maintenu leurs élections.

Je regrette les attaques extrêmement politiques du sénateur Kerrouche.

M. Julien Bargeton. Des attaques politiciennes !

M. Gérald Darmanin, ministre. Je n’oserais employer ce terme, monsieur le sénateur !

Monsieur Kerrouche, je vous ai entendu avec beaucoup d’intérêt dire qu’il était assez simple pour un maire d’organiser une élection. Il y a sans doute chez vous beaucoup de croyance, mais il y a manifestement peu de pratique – j’ai d’ailleurs constaté que vous n’aviez pas été maire vous-même.

L’ayant été, je peux vous dire que, concrètement, ce n’est pas si simple – c’est d’ailleurs souvent ce que l’on constate, lorsqu’on veut passer du verbe à l’action… Il est même assez difficile d’organiser les bureaux de vote : par exemple, le maire peut réquisitionner les élus municipaux, mais pas les agents publics – il faudrait modifier la législation pour le permettre.

Par ailleurs, le juge électoral apprécie la sincérité du scrutin, pas forcément sa légalité. Or les écarts de voix entre les candidats seront sans doute ténus et les contentieux nombreux, comme les élections municipales nous l’ont démontré : jamais le juge administratif n’a annulé autant d’élections qu’au lendemain des élections municipales de 2020, pour des raisons que nous pouvons tout à fait comprendre.

Je veux aussi rappeler des choses qui peuvent sembler basiques à certains : le président du bureau de vote ne peut pas participer au dépouillement ; le préfet – et non le maire, contrairement à ce que j’ai entendu – fixe, sur proposition du maire, le lieu précis du bureau de vote ; les scrutateurs ne peuvent pas être choisis parmi les fonctionnaires municipaux qui ont tenu le bureau de vote – ce serait évidemment un motif d’insincérité du scrutin.

Monsieur le sénateur, vous le voyez, la différence est grande entre la théorie et la pratique et vos philippiques n’étaient sans doute pas nécessaires.

Vous avez aussi avancé un argument que j’ai déjà entendu plusieurs fois chez les sénateurs socialistes, à savoir que la France, déclassée, serait désormais une « démocratie défaillante ». Sachez que cela résulte en fait de la faible participation aux élections – tel était le critère de ce classement –, et non d’une « défaillance » de l’État de droit.

M. Éric Kerrouche. C’est complètement faux !

M. Gérald Darmanin, ministre. Je crois que la faible participation aux élections est un sujet qui devrait tous nous préoccuper – je constate d’ailleurs que votre parti a été en responsabilité il n’y a pas si longtemps… À cet égard, je veux souligner la volonté du Gouvernement d’organiser les élections dans des conditions qui permettent une participation importante afin d’accroître la légitimité des élus.

En tout cas, il ne faut pas tout confondre. La démocratie française n’est pas devenue une dictature par l’effet de quelques critiques de votre part !

Un sénateur du groupe Les Républicains. On n’en est pas loin !

M. Gérald Darmanin, ministre. Il faut savoir raison garder, d’autant plus que nous devons désormais nous adapter au vote de l’Assemblée nationale hier et du Sénat aujourd’hui – j’anticipe le fait qu’il sera positif – sur le maintien des élections.

M. Gérald Darmanin, ministre. S’agissant du décalage de l’élection d’une semaine, il requiert simplement un décret du ministre de l’intérieur et du ministre des outre-mer, sous l’autorité de M. le Premier ministre, puisque le législateur a décidé que ces élections auraient lieu en juin. Plusieurs d’entre vous ont demandé pourquoi nous n’avions pas arrêté les dates dans la loi : en fait, aucune date n’a jamais figuré dans un texte de loi pour des élections locales. (Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains.)

D’ailleurs, nous avons proposé, pour l’élection présidentielle, de hisser au niveau législatif un certain nombre de dispositions qui relevaient jusqu’à présent du domaine réglementaire.

Pour les élections régionales, conformément au souhait exprimé par le législateur – je rappelle que les mandats régionaux et départementaux ont été prolongés –, la déclaration de candidature doit avoir lieu six semaines avant le premier tour, de manière à pouvoir régler un certain nombre de questions qui intéressent tous les candidats – commissions de propagande, affiches officielles… – et à pouvoir ouvrir la campagne officielle. La démocratie pourra ainsi s’exprimer.

Ainsi, de manière automatique à partir du moment où la date des élections est fixée conformément à la déclaration que vient de faire M. le Premier ministre, le dépôt des candidatures aux élections régionales aura lieu du 10 au 17 mai.

Le législateur n’a pas souhaité préciser toutes les modalités liées à ces candidatures dans la loi. C’est donc le décret qui le fera et j’aurai sans doute l’occasion d’en parler lors des réunions qui associeront les parlementaires, les partis politiques et les associations d’élus, avec M. Jean-Denis Combrexelle.

Il faut bien voir que, si la situation liée au covid est difficile pour les maires, elle l’est aussi pour les candidats et pour les services préfectoraux. Sachez, mesdames, messieurs les sénateurs, que nous devons, pour la première fois depuis 1986, organiser deux élections en même temps au niveau national. (Exclamations.) Pendant longtemps, vous le savez bien, les élections départementales se tenaient en deux temps. C’est la première fois depuis 1986 qu’il y a cette conjonction de deux élections, mais cela avait sans doute été moins compliqué à organiser en 1986, puisqu’il s’agissait alors d’élections législatives et régionales, et non pas de deux élections locales. (Brouhaha.)

Mme Cécile Cukierman. C’était le cas en 2004 !

M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur le ministre.

M. Gérald Darmanin, ministre. Je vous confirme, mesdames, messieurs les sénateurs, que, depuis 1986, nous n’avons jamais organisé simultanément deux scrutins sur l’ensemble du territoire national, c’est-à-dire dans toutes les villes et tous les villages de France – je fais exception de certaines situations, comme la métropole lyonnaise ou la Corse. Depuis 1986, cela n’a jamais été organisé… (Nouveau brouhaha.)

M. le président. Chacun consultera ses agendas ! Poursuivez, monsieur le ministre.

M. Gérald Darmanin, ministre. Or le renouvellement des cantons en deux séries, A et B, permettait le prêt de matériels de vote entre collectivités. De tels prêts seront plus compliqués cette année – je ne l’apprendrai pas aux représentants des collectivités locales que sont les sénateurs.

La mobilisation des femmes et des hommes qui tiennent les bureaux de vote sera également plus compliquée. Pour tenir les 140 000 bureaux qui seront ouverts, c’est-à-dire deux fois 70 000, il faut au minimum 600 000 personnes, sans compter les scrutateurs. Or, selon le conseil scientifique, il faut tester trois fois toutes ces personnes avant le premier tour des élections, ce qui implique d’ailleurs que les maires de France devront désigner bien avant le vote les élus et fonctionnaires qui tiendront les bureaux. Nous devrons aussi proposer à toutes les personnes qui ne le seront pas déjà d’être vaccinées, ce qui représentera une part importante des personnes mobilisées ce jour-là, puisqu’il s’agit d’élus ou de fonctionnaires en activité. Et je ne parle pas des scrutateurs !

Le vaccin ne commençant à protéger que quinze jours au minimum après l’inoculation, nous devrons connaître les noms des présidents, assesseurs et fonctionnaires qui seront mobilisés dans les 140 000 bureaux de vote entre trois semaines et un mois avant les élections des 20 et 27 juin prochains.

Autrement dit, la semaine de décalage n’est pas une facétie du Premier ministre ou du ministre de l’intérieur ; elle est nécessaire pour organiser les choses en amont. Je veux d’ailleurs dire que, parmi les 22 000 maires de France qui ont répondu à la consultation, quelle que soit la réponse qu’ils ont donnée, très nombreux ont été ceux qui ont relayé ces difficultés – c’était particulièrement le cas pour les élus des communes les plus rurales.

Cela dit, nous allons prendre des dispositions réglementaires et vous proposer des mesures législatives pour organiser le mieux possible ces élections. Je ne reviens pas sur ce qu’a dit M. le Premier ministre à ce sujet.

Pour ce qui est des mesures réglementaires, nous allons utiliser l’article R. 40 du code électoral, qui prévoit qu’en cas de force majeure le préfet peut, jusqu’au dernier moment, modifier le lieu du bureau de vote, même si j’imagine que le législateur n’avait pas envisagé l’hypothèse d’un coronavirus…

Je suis d’accord avec vous, madame Cukierman : il est très important de ne pas changer les habitudes des électeurs.

Il s’agira donc de modifier, non pas la localisation des bureaux de vote – ils seront situés dans le même bâtiment, que ce soit une école, une maison de retraite, l’hôtel de ville ou tout autre lieu –, sauf exception et consensus, mais l’endroit où l’on peut voter au sein de ce bâtiment.

Il s’agira aussi de voir si le vote peut se faire en extérieur, en cas de conditions météorologiques favorables.

Ainsi, les électeurs pourraient faire constater leur identité, prendre les bulletins de vote et voter dans des conditions qui limitent les risques de contamination, notamment les risques liés à des files d’attente.

En outre, il pourrait être intéressant d’utiliser des dépendances, si elles sont plus pratiques pour l’organisation du bureau de vote.

C’est évidemment sur proposition des maires que ces possibilités seront mises en œuvre.

Pour ce qui concerne les horaires, leur fixation relève du pouvoir réglementaire et peut varier selon les communes.

La plupart des maires souhaitent que les bureaux ferment à dix-huit heures, tout simplement parce que plus les bureaux ferment tard, plus il est difficile de trouver des volontaires pour les tenir et des scrutateurs pour le dépouillement.

J’attire d’ailleurs votre attention sur le fait que le mieux peut être l’ennemi du bien. L’extension des horaires est un mantra facile à réciter en tribune, mais, dans les faits, le jour des élections, il est difficile de trouver des scrutateurs pour la soirée, d’autant que, si nous proposons que les mêmes scrutateurs puissent dépouiller les deux scrutins dans un objectif de mutualisation et d’efficacité, le dépouillement prendra nécessairement plus de temps et pourrait durer jusque tard dans la nuit ! Dans ces conditions, il faudra savoir se montrer patient avec le ministère de l’intérieur pour obtenir les résultats…

Nous pouvons donc prévoir de décaler l’horaire de fermeture des bureaux de vote après dix-huit heures, mais en aucun cas après vingt heures. Je rappelle que la France n’a voté après vingt heures que pour les avant-dernières élections européennes et pour le référendum européen.

Je demanderai aux préfets, dès la semaine prochaine, de consulter l’association des maires de leur département afin de définir le meilleur horaire possible. Quoi qu’il en soit, s’il ne m’est sans doute pas arrivé aussi souvent qu’à vous de tenir un bureau de vote, je ne pense pas qu’un citoyen qui ne fait pas l’effort d’aller voter avant dix-huit heures le fera davantage entre dix-huit et vingt heures…

Par conséquent, sauf exception, je suis de l’avis de la sénatrice Cukierman : il ne faut pas changer les habitudes électorales, sauf si, je le répète, le préfet ou le sous-préfet trouve un consensus avec les élus de son territoire.

Nous devons également nous assurer de la sincérité du scrutin en ce qui concerne le dépouillement et les scrutateurs. C’est un point très important.

À cet égard, il nous semble nécessaire de proposer que ceux qui tiennent les bureaux de vote puissent dépouiller le scrutin, même si c’est aujourd’hui totalement orthogonal avec notre droit électoral. Il n’est d’ailleurs pas certain que le Conseil constitutionnel suive le législateur et le Gouvernement sur cette idée.

De même, si nous pouvons évidemment organiser les bureaux de vote des élections régionales et départementales au même endroit, le Conseil constitutionnel a clairement interdit que deux urnes soient tenues par le même bureau. Je veux bien me faire comprendre : il est obligatoire d’organiser deux opérations électorales distinctes, ce qui implique qu’il y ait deux présidents de bureaux de vote ainsi que des assesseurs différents, même si les bureaux de vote sont situés au même endroit.

Néanmoins, nous allons essayer de mutualiser au moins les opérations de dépouillement. Nous verrons bien quel avis rendra le Conseil d’État sur les dispositions électorales qui seront inscrites dans le projet de loi relatif à la gestion de la crise sanitaire, puis quelle sera la décision du Conseil constitutionnel. Nous espérons que cet avis et cette décision permettront d’avancer dans ce sens. Il n’y aurait rien de pire que ce texte soit censuré, voire qu’une question prioritaire de constitutionnalité soit acceptée durant ou juste après les opérations de vote.

J’en viens, mesdames, messieurs les sénateurs, au sujet de la campagne électorale, que M. le Premier ministre a évoqué.

Le couvre-feu va continuer à s’appliquer, certainement jusqu’à la fin de l’état d’urgence sanitaire tel que voté par le Parlement. À la mi-mai, et c’est bien normal, les gens vont vouloir faire du porte-à-porte, ce qui n’est pas interdit. Ils voudront distribuer des documents dans les boîtes aux lettres ; ce n’est pas interdit non plus. Bien évidemment, après le 24 mai, date qui, comme l’a dit M. le Premier ministre, marquera le début de la campagne électorale officielle, ils voudront également se réunir.

Nous allons donc imaginer des dispositions permettant de délivrer, sur proposition du candidat ou du parti politique, des attestations de déplacement aux militants et aux candidats eux-mêmes. Ces attestations seront évidemment limitées aux activités politiques stricto sensu, même si cela sera très difficile à surveiller. Quoi qu’il en soit, consigne sera donnée à la police et à la gendarmerie pour que la démocratie vive au mieux.

Je veux enfin évoquer le sujet des procurations. La loi permet dorénavant à un électeur de porter deux procurations.

Je veux tout d’abord souligner l’important travail qu’a effectué le ministère de l’intérieur pour numériser la procédure de procuration. Il ne s’agit pas de supprimer la procuration physique, qu’il sera évidemment toujours possible d’établir dans les commissariats et les gendarmeries. L’objectif est de gagner du temps.

Surtout, nouveauté importante, on ne demandera plus de certificat médical à ceux qui seraient empêchés d’aller voter et voudraient faire établir une procuration. Il faudra simplement trouver un mandataire. En cas de déclaration numérique, le mandant se verra attribuer un numéro d’identification ; il devra le présenter à l’officier de police ou de gendarmerie qui, en quelques secondes, constatera son identité et validera la procuration, laquelle sera immédiatement envoyée aux services municipaux.

Avec cette numérisation totale, il n’y aura plus de problème de coupon ou de doute sur l’existence de la procuration, si celle-ci n’est pas parvenue avant le vendredi soir précédant le scrutin. Je remercie d’ailleurs l’Association des maires de France pour le travail que nous avons réalisé ensemble sur cette question.

Par ailleurs, le mandataire recevra notification par courriel ou SMS de la validation de la procuration par l’officier de police ou de gendarmerie.

Le fait que des personnes malades, empêchées ou ayant peur de se rendre au bureau de vote puissent tout de même remplir leur devoir de citoyen, puisque nous ne demandons plus de motiver la demande de procuration par exemple par un voyage professionnel ou des raisons de santé, simplifiera très largement l’activité démocratique liée aux scrutins des 20 et 27 juin.

Pour conclure, je souhaite vous indiquer, monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, que je me permettrai de vous interroger, à la suite de ce vote sur la déclaration du Gouvernement en application de l’article 50-1 de la Constitution, sur les mesures que vous souhaiteriez voir figurer dans le projet de loi à venir ou dans les mesures réglementaires. J’en ferai naturellement de même avec les députés. Je suis évidemment à la disposition de chacun d’entre vous pour essayer de simplifier au mieux les opérations électorales, tout en tenant compte de l’avis du Conseil d’État, qui sera sans doute sourcilleux.

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Jean Castex, Premier ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens à m’exprimer une dernière fois devant vous avant de clôturer ce débat.

Je vous remercie très vivement de vos contributions. Certaines ont parfois été quelque peu caricaturales, mais, pour l’essentiel, elles ont été très constructives et je veux vous exprimer la reconnaissance du Gouvernement.

Je veux également profiter de cette ultime intervention devant vous pour clarifier ce qui mérite encore de l’être.

D’abord, je veux vous dire de la façon la plus claire possible que je partage avec vous – je sais que vous n’en doutez pas – un immense respect et un grand attachement pour la démocratie en général et la démocratie locale en particulier.

Comme je l’ai exprimé de façon continue, la position du Gouvernement a toujours été que nous maintiendrions ces élections, sauf si des motifs d’ordre strictement sanitaire ne le permettaient pas. Monsieur le président, ainsi que je l’ai dit hier à l’Assemblée nationale, je respecte complètement celles et ceux qui ont pu émettre un doute à ce sujet – j’y reviendrai dans un instant.

J’entends que l’on me prête des arrière-pensées et que j’aurais espéré que la consultation débouche sur un autre résultat. (Brouhaha.)

Ce que j’ai présenté devant vous, ce sur quoi vous êtes invités à voter, c’est le maintien des élections, assorti de dispositions extrêmement strictes pour qu’elles se déroulent dans les plus grandes conditions de sécurité. Ce n’est pas autre chose !

Je veux également vous dire que je sais l’importance des élections départementales et régionales : contrairement à ce que certains ont pu là aussi soupçonner, ce ne sont pas, à mes yeux, des élections secondaires ! Je veux vous rappeler que j’ai l’immense honneur d’avoir été conseiller régional durant cinq ans et conseiller départemental pour la même durée. Je connais le rôle de ces institutions dans une République décentralisée.

Néanmoins, je vous répète, mesdames, messieurs les sénateurs, que, s’il est vrai que la vaccination progresse, le variant anglais qui est plus contagieux et sans doute plus dangereux progresse aussi depuis la fin de l’année dernière et depuis le vote en février dernier de la loi portant report des élections. Nous devons impérativement prendre en compte cette situation.

Ensuite, je veux revenir sur la question du doute – François-Noël Buffet en a parlé.

Le doute est toujours salutaire. Nous sommes tous des élus de la République et, si nous interrogeons nos concitoyens sur le sujet qui nous occupe aujourd’hui, nous nous rendrons compte qu’eux aussi ont un doute. Si 40 % des maires ont déclaré vouloir le report des élections, ce n’est pas parce qu’on leur aurait mis la pression pour aller dans ce sens – je ne suis pas animé par cet état d’esprit. Ces 40 % de maires qui se sont prononcés en faveur du report n’ont évidemment pas une position antidémocratique – ils ont simplement un doute !

Mesdames, messieurs les sénateurs, débattre des doutes lors d’une crise sanitaire est, je le redis, salutaire. C’est notre devoir. S’agissant du maintien des élections comme des mesures de freinage et de gestion de la crise, nous cherchons toujours un équilibre, et c’est dans le débat que nous le trouvons.

Je veux aussi vous dire le profond respect qui est celui du Gouvernement et du Premier ministre à l’endroit des maires.

Il me paraît quelque peu paradoxal que l’on me dise, dans cette assemblée, que consulter les maires serait un piège, une manipulation ou une manœuvre. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.) Je le dis haut et fort devant vous : ce n’est pas du tout le cas ! Je revendique cette consultation. Je vous ai expliqué pourquoi je l’avais organisée dans des délais rapprochés.

À en croire certains, j’aurais espéré de toutes mes forces que cette consultation conduisît à un report. Je vous le dis, mesdames et messieurs les sénateurs : c’est inexact. J’attendais de cette consultation que les maires – les premiers concernés par l’organisation d’un scrutin – nous disent ce qu’ils en pensent.

Surtout, je constate avec vous que le rapport du conseil scientifique, que plusieurs d’entre vous ont cité, n’appelle pas à reporter ou à maintenir. Au reste, je ne sais pas si cela nous aurait aidés. En revanche, il fixe des conditions, dont, vous le savez, la mise en œuvre repose sur les épaules des maires. Concevez qu’il soit logique dans ces conditions de recueillir leur avis ! Cela sera d’ailleurs extrêmement utile dans la suite de nos travaux. Ne le regrettons pas ! Il n’y avait pas d’arrière-pensées. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.) Il y avait une volonté très forte d’éclairer le Gouvernement et la représentation nationale.

De la même façon, mesdames, messieurs les sénateurs, nous respectons la démocratie, les maires et ce que vous avez appelé « les corps intermédiaires », notamment les associations d’élus.

M. Laurent Duplomb. Vous n’en avez rien à faire !

M. Jean Castex, Premier ministre. Vous le savez bien, puisque vous les connaissez, l’État n’a jamais autant contractualisé avec eux que depuis mon entrée en fonction. Mon regard se tourne vers la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales (Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains.) qui travaille inlassablement, à mes côtés, à écouter les représentants des associations d’élus et à rechercher des solutions avec eux.

Certes, nous traversons une crise sanitaire et, dans la Constitution de la République, il appartient in fine à l’État de prendre les décisions en la matière. Comme je vous l’ai déjà dit, je pense que c’est une bonne Constitution et ce n’est pas parce que nous débattons ou parce que je consulte les maires ou les corps intermédiaires que je ne la mets pas en œuvre ou que je fuis les responsabilités qui sont les miennes. Je ne crois pas vous avoir fourni la preuve du contraire depuis mon entrée en fonctions ! (MM. André Gattolin et François Patriat applaudissent.)

Je le dis clairement devant vous : je respecte les corps intermédiaires.

Pour terminer, et le fait que je sois présent dans cet hémicycle, comme je l’étais déjà voilà quelques jours, le prouve, quelque appréciation que cela puisse susciter de la part de certains d’entre vous, je respecte le Parlement et le Sénat. (Exclamations.) Vous pourrez observer que, depuis que je suis dans les hautes responsabilités qui sont les miennes aujourd’hui, j’y ai toujours veillé, dans le cadre des équilibres constitutionnels et des institutions de la Ve République que je respecte et dont j’ai toujours soutenu les principes, ce que je revendique devant vous.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous demande de vous prononcer, de façon évidemment souveraine, non sur ce que vous pensez que j’aurais éventuellement pu souhaiter, mais sur les mesures que M. le ministre de l’intérieur et moi-même vous proposons après avoir consulté les maires. Vous aurez d’ailleurs, dans le cadre que je vous ai suggéré, la possibilité de les améliorer pour faire en sorte que l’abstention soit la plus faible possible. C’est un enjeu national, parce que cette abstention montrera que le doute subsiste, la crise sanitaire étant toujours là. (Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains.)

Pour répondre au représentant du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain qui m’interrogeait sur ce point, ce qui m’obsède, c’est la protection de mes concitoyens. C’est uniquement cela, mais c’est essentiel ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées des groupes RDSE et UC.)

Vote sur la déclaration du Gouvernement