Mme la présidente. La parole est à Mme Viviane Artigalas. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Viviane Artigalas. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, si nous sommes appelés aujourd’hui à débattre de l’effet de la réduction de loyer de solidarité mise en place par la loi de finances pour 2018, c’est bien que cette réforme pose problème.

Un rappel au préalable : la RLS visait à réduire le coût des APL pour l’État. En effet, la réforme des APL ayant suscité une vive réaction de la part de ceux qui en bénéficiaient, notamment les jeunes et les familles les plus fragiles, le Gouvernement a proposé, en contrepartie de la baisse des allocations, une remise de loyer pour un montant quasi équivalent – cette remise couvre entre 90 % et 98 % de la baisse des APL.

C’est pour atteindre l’objectif de réduction des dépenses publiques que le Gouvernement s’était lui-même fixé que l’État a imputé le coût de ce dispositif sur les bailleurs sociaux. Trois ans plus tard, quel bilan peut-on tirer de cette réforme ? Si l’on se fie au rapport de la Cour des comptes sur le sujet, il n’est guère brillant !

On relève trois défaillances : une fragilisation des bailleurs sociaux et de leurs actions, tant en matière de construction que de réhabilitation du parc existant ; une mise en œuvre qui, si elle a été progressive, n’en a pas moins soulevé d’importantes difficultés ; au bout du compte, des économies moins importantes que prévu pour l’État en raison de dépenses supplémentaires pour soutenir les bailleurs.

Bien que nous manquions encore de recul pour évaluer à ce stade tous les effets de la RLS, la clause de revoyure prévue pour 2022 nous oblige à préparer ce réexamen dès à présent, en cherchant un point d’équilibre entre les besoins des bailleurs sociaux, l’objectif d’économies budgétaires pour l’État et la nécessaire simplification du dispositif.

Rappeler aujourd’hui quelques-unes des erreurs stratégiques qui ont présidé à la mise en place de cette politique publique peut nous permettre, je l’espère, d’éviter qu’elles ne se reproduisent.

C’est d’abord l’absence de concertation préalable avec les bailleurs sociaux qui a rendu la situation très difficile. Au-delà des débats parlementaires très vifs que nous avons pu avoir, notamment au Sénat, lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2018, ce manque de préparation a obligé l’État à mettre en place des mesures d’accompagnement qui ont amputé l’économie budgétaire initialement prévue.

Faute d’une négociation en bonne et due forme avec les organismes de logement social, la soutenabilité financière des conséquences pour eux de ce dispositif n’a pas été correctement analysée.

On en vient à s’interroger sérieusement sur l’intérêt de cette réforme, qui a grandement fragilisé les bailleurs. En outre, le bénéfice pour l’État s’est révélé relatif : l’objectif initial d’économiser 1,5 milliard d’euros par an a dû être réduit à 800 millions d’euros pour 2018 et 2019 afin d’aider les bailleurs sociaux à assumer le coût de la RLS et à maintenir un certain niveau d’investissement. Les bailleurs ont toutefois eu du mal à mener à bien leurs projets d’investissements, la réforme ayant été appliquée de manière uniforme, sans tenir compte de leurs moyens.

Pour compenser cette dépense, l’État a prolongé le gel du taux du livret A et l’a réduit à 0,5 % depuis le 1er février 2020, faisant ainsi une fois de plus peser sur les épargnants ses objectifs d’économies budgétaires.

Enfin, cette réforme complexe a été difficile à mettre en œuvre, le temps que les organismes sociaux se dotent des outils informatiques adéquats.

Compte tenu de cette impréparation initiale, les bailleurs sociaux craignent, à raison, que ce schéma de fonctionnement ne se reproduise l’année prochaine, après la clause de revoyure, et que leur situation ne s’aggrave davantage.

En prévision de la négociation qui s’ouvrira en 2022, on ne peut que préconiser un dialogue avec l’ensemble des acteurs du logement social très en amont de l’échéance.

En effet, la RLS ne touchant pas de la même façon tous les bailleurs sociaux, il est nécessaire d’adapter son application en fonction de critères sociaux et territoriaux et d’établir une cartographie précise des besoins.

Cette tension sur les finances des bailleurs sociaux se répercute, de façon indirecte, mais réelle, sur l’économie du bâtiment et la commande publique. Dans la période de crise que nous traversons, il s’agit là, madame la ministre, d’une difficulté supplémentaire pour atteindre votre objectif de construction de 250 000 logements sociaux en deux ans. Même si la RLS n’est pas l’unique frein, il serait tout à fait malvenu de bloquer davantage les marges de manœuvre des bailleurs et de réduire encore leurs capacités de construction et de rénovation.

À cet égard, les objectifs d’engagements réciproques, qui, pour la période 2020-2022, prévoyaient de porter de 800 millions d’euros à 1,3 milliard d’euros par an le montant des économies à réaliser grâce à la RLS ne devront pas suivre la même trajectoire exponentielle.

Nous ne pouvons donc qu’encourager le Gouvernement à engager le plus rapidement possible une concertation réfléchie et constructive avec les organismes du logement social dans leur ensemble pour revenir sur cette réforme peu lisible, coûteuse dans sa gestion, et qui pénalise la construction de logements. Dans un premier temps, il importe de revenir sur la baisse des APL pour tenir compte du contexte économique actuel et des difficultés accrues des Français. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SER.)

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Dallier. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Philippe Dallier. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, que dire de plus ? Qu’ajouter à tout ce que mes collègues ont dit, y compris Patricia Schillinger, certainement plus inquiète qu’elle ne l’a dit des effets de la RLS sur l’avenir et l’activité des bailleurs sociaux ?

Notre inquiétude, madame la ministre, ne s’explique pas uniquement par les mauvais chiffres de 2020. Quelqu’un a parlé d’année noire pour le logement social, mais l’année a été noire aussi, mes chers collègues, pour la construction dans son ensemble ! Partant de ce point bas, vous vous êtes fixé l’objectif ambitieux de voir agréés et financés 250 000 logements en 2021 et 2022. Nous ne pouvons que vous souhaiter de réussir, madame la ministre, …

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Merci !

M. Philippe Dallier. … pas seulement pour votre bilan en tant que ministre, mais parce que les Français en ont besoin.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Je suis d’accord !

M. Philippe Dallier. Chacun sait bien que le logement est l’une des préoccupations essentielles de nos concitoyens. Nombreux sont ceux, familles ou célibataires, qui ont du mal à se loger, même s’ils ont un salaire. C’est un sujet essentiel.

Alors, allez-vous réussir ? Telle est la question ! Malheureusement, nous partageons tous ici, me semble-t-il, le même avis : en l’état actuel des choses, la réponse est non !

Je l’ai dit, les chiffres de 2020 ont été très mauvais. Certes, le cycle électoral y est certainement pour quelque chose, car il a été plus long que d’habitude. La crise sanitaire est également une explication, mais n’oublions pas, madame la ministre, que les mauvais chiffres de 2020 s’inscrivent dans une tendance qui était à la baisse depuis 2017. Cette date n’est certainement pas un hasard…

Que faut-il faire pour inverser cette tendance baissière ? Il faut déjà en comprendre les raisons. À mon sens, elle ne s’explique pas seulement par la RLS. Je pense que les raisons sont multifactorielles et qu’il faut les analyser.

Cela étant, cette réforme avait pour but de permettre à l’État de réaliser des économies budgétaires. C’était bien le seul objectif affiché et il a été atteint. La Cour des comptes le dit dans son référé : les recettes ne sont pas au niveau initialement espéré, mais, malgré tout, après les négociations avec les bailleurs, elles sont là.

Madame la ministre, les économies réalisées par l’État ont aussi un coût : celui des mesures de compensation des pertes de recettes aux bailleurs. Surtout, des logements n’ont pas été construits ou rénovés, tout simplement parce que les bailleurs ont levé le pied. En effet, remplacer de la ressource propre, en l’occurrence les loyers, par des allongements de la durée des prêts ou par de la dette nouvelle, fut-elle qualifiée de fonds propres, change la donne budgétaire pour les bailleurs et réduit leurs capacités d’investissement. Nul ne peut dire le contraire.

Par ailleurs, ces mesures devaient être accompagnées, ce que personne n’a rappelé, de la vente d’au moins 20 000 logements sociaux par an. L’objectif n’a pas été atteint – on en est à la moitié – et il ne le sera probablement pas dans les années à venir.

Quant à l’impact des économies d’échelle attendues du regroupement des bailleurs, nous n’en mesurons pas encore aujourd’hui les effets. Quels seront-ils à échéance de deux ans ou trois ans ? Nous verrons bien.

La Cour des comptes, dans le référé qu’elle a rendu fin 2020, évoque tous ces points. Elle souligne également l’impréparation qui avait prévalu lors de la mise en œuvre de cette réforme et qui a certainement concouru au ralentissement de la construction en 2018 et en 2019. Madame le ministre, dans ce secteur, comme dans tous les secteurs de l’économie, l’incertitude et l’imprévisibilité ont pour conséquence immédiate un ralentissement de l’activité.

La Cour ne s’en tient pas à ce constat : « Si le potentiel financier des bailleurs reste quasiment stable, l’autofinancement du secteur a néanmoins diminué, conduisant à une réduction des investissements. Cela se traduit par un retard d’engagement des bailleurs dans le nouveau programme national de rénovation urbaine (NPNRU), accentué récemment par le faible nombre d’agréments et de mises en chantier dans le secteur. » Et la Cour de poursuivre : « Les données disponibles en novembre 2020 font apparaître des engagements très en deçà des objectifs en matière de construction et de rénovation, respectivement fixés à 100 000 et 120 000 unités par an. » Elle ajoute enfin : « Par ailleurs, les dépenses d’entretien courant et surtout de gros entretien ont diminué de 7 % en valeur », ce qu’elle estime insoutenable à l’avenir.

Madame la ministre, relisez les comptes rendus des débats en 2017 et en 2018 : sur l’ensemble de nos travées, nous avions prévu tout ce qui est en train de se produire, mais nous n’avons pas été entendus. Aujourd’hui, il faut que vous tiriez les conséquences du constat que nous faisons. Il ne vous reste que quelques mois utiles pour prendre des décisions et agir – jusqu’à l’automne et l’examen du prochain projet de loi de finances –, pas une année. Après, nous entrerons dans une autre période, à l’approche de l’élection présidentielle : toute nouvelle décision sera alors forcément reportée d’une année.

Je l’ai dit, la tendance baissière que l’on observe depuis 2017 et qui s’est fortement accentuée n’est pas imputable à la seule RLS. Madame la ministre, si vous ne prenez pas de décision d’ici à la fin de l’année prochaine, la non-compensation aux communes de la disparition de la taxe d’habitation et de l’exonération de la taxe foncière auront également de lourdes conséquences.

J’ajoute que nous attendons de voir comment vous allez adapter l’article 55 de la loi SRU. N’oubliez pas en effet que la moitié des logements sociaux qui ont été construits l’ont été dans des communes assujetties à ce dispositif. Madame la ministre, ne désespérez pas les maires soumis à l’article 55 et qui veulent construire. Adaptez le dispositif, sinon nous courons droit à la catastrophe ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, SER et CRCE.)

Mme la présidente. La parole est à M. Yves Bouloux.

M. Yves Bouloux. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, instituée par la loi de finances pour 2018, la réduction de loyer de solidarité avait un unique objectif : réduire le coût pour l’État des aides personnelles au logement. Il s’agissait de diminuer le loyer de certains logements sociaux en contrepartie d’une diminution des APL.

Ce dispositif devait permettre à l’État d’économiser 1,5 milliard d’euros par an. Neutre pour les locataires, cette réforme devait être absorbée par les 254 offices publics de l’habitat. À titre de compensation, le taux du livret A était gelé pendant deux ans et les bailleurs pouvaient notamment bénéficier d’un étalement de leur dette auprès de la Caisse des dépôts et consignations, ainsi que de prêts de haut de bilan. Repoussons la dette, ne la gérons pas !

Avec mes collègues du groupe Les Républicains, nous avions dénoncé une réforme pensée à Paris, sans concertation préalable avec les bailleurs sociaux ni analyse suffisante de ses conséquences sur la construction de logements sociaux. Nous avions déploré l’absence de politique du logement et de mixité sociale, mais seul comptait le fait de réaliser des économies budgétaires !

Outre la RLS, d’autres mesures ont pesé sur les bailleurs sociaux : le gel des loyers en 2018 ou encore l’augmentation du taux de TVA de 5,5 % à 10 % sur la plupart des opérations de construction de logements sociaux.

Dès octobre 2018, le président de l’Union sociale pour l’habitat (USH) tirait la sonnette d’alarme, dénonçant l’effondrement de la programmation des logements sociaux et de l’accession sociale.

Revu à la baisse, le rendement des économies réalisées sur les APL grâce à la RLS a finalement été limité à 800 millions d’euros par an pour 2018 et 2019, avant d’être porté à 1,3 milliard d’euros dans le cadre du pacte d’investissement pour le logement social pour la période 2020-2022, au lieu des 1,5 milliard d’euros initialement prévus.

Le 4 mars dernier, la Cour des comptes a rendu public un référé qui, sans surprise, pointe les difficultés de mise en œuvre de cette réforme, liées à son insuffisante préparation, à sa complexité et à ses effets financiers pour les bailleurs sociaux.

Si le dispositif devait être neutre pour les locataires, en pratique, il ne l’est pas. À la fin de l’année 2019, 40 000 foyers avaient déjà bénéficié d’une réduction de loyer sans être allocataires des APL. Or, qui dit bénéficiaires du système, dit nécessairement rupture d’égalité entre locataires.

Selon la Cour, les bailleurs sociaux ont été privés de 4,5 % du montant des loyers. Si, dans un premier temps, ces derniers ont pu amortir cette baisse de ressources, les signaux d’alerte se multiplient : réduction des investissements, ralentissement dans la production de logements neufs, retards dans la réalisation des engagements du programme de rénovation urbaine. En 2020, seuls 90 000 logements ont été construits sur les 120 000 qui étaient prévus.

La Cour des comptes formule plusieurs recommandations dans la perspective de la clause de revoyure prévue en 2022. Madame la ministre, pensez-vous les prendre en compte ? (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, RDSE, SER et CRCE.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, chargée du logement. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens tout d’abord à remercier le groupe CRCE d’avoir proposé ce débat et tous les orateurs d’avoir permis un échange sur ce sujet important. L’enjeu est majeur : il s’agit de s’assurer que chacun puisse se loger dignement en ayant accès à un logement de qualité et abordable.

Une récente étude de l’OCDE montre que la part des revenus consacrée au logement est en augmentation depuis plusieurs années et qu’elle atteint en moyenne 37 % du budget des ménages très modestes. Développer une offre de logements abordables est ainsi essentiel à la vie de la Nation. C’est ma priorité en tant que ministre du logement et c’est la raison d’être du logement social.

Nous le savons, plus de 70 % des Français sont éligibles au logement social et près de 2 millions de ménages sont encore en attente d’y accéder. Il est donc essentiel que les bailleurs sociaux mobilisent leurs moyens pour investir dans la construction et dans la rénovation.

Alors que la Nation consacre plus de 5 milliards d’euros par an au logement social, l’État a mené plusieurs réformes structurelles visant à concilier soutenabilité de la dépense publique et ambition en matière de développement de l’offre de logements. La loi ÉLAN prévoit ainsi une profonde réorganisation en imposant aux organismes de gérer ou d’appartenir à un groupe gérant en cumulé au moins 12 000 logements sociaux.

Cette mesure a pour principal objectif d’accroître et de dégager des marges de manœuvre financières en réalisant des économies d’échelle et en optimisant l’utilisation des ressources du secteur et des organismes.

Elle a également pour objectif de renforcer la professionnalisation des organismes, notamment sur les missions de maîtrise d’ouvrage ou d’ingénierie financière. Je suis avec attention ces regroupements. À ce stade, les trois quarts des organismes respectent cette obligation ou sont en voie de finaliser leur projet de regroupement.

La réduction de loyer de solidarité a été mise en place au début du quinquennat, plus précisément par la loi de finances pour 2018. Elle représente un effort important pour le secteur, je le reconnais. Aussi, je veux saluer l’esprit de responsabilité qui a prévalu lors de sa mise en œuvre, laquelle a fait l’objet d’une large concertation avec les bailleurs et d’aménagements substantiels progressifs.

La montée en charge du dispositif a notamment été étalée dans le temps : 800 millions d’euros en 2018, contre 1,5 milliard d’euros initialement prévus. En outre, un mécanisme de lissage entre les bailleurs a été mis en place par la Caisse de garantie du logement locatif social, afin d’assurer une juste répartition de l’effort entre les organismes. Il s’agissait, en particulier, de faire en sorte que les organismes qui logent les populations les plus précaires ne soient pas les plus touchés par cette réduction de loyer.

Par ailleurs, des mesures d’accompagnement massives ont été mises en place par l’État, par la Caisse des dépôts et consignations et par Action Logement, dans le cadre du pacte d’investissement pour le logement social pour la période 2020-2022. La RLS a ainsi été stabilisée à 1,3 milliard d’euros, au lieu des 1,5 milliard prévus, et elle s’est accompagnée de la baisse du taux de la TVA à 5,5 % pour les PLAI, les acquisitions-améliorations de PLUS (prêts locatifs à usage social) et pour les opérations menées dans le cadre des projets ANRU ; 1,7 milliard d’euros ont été apportés par Action Logement et 800 millions d’euros de titres participatifs ont été émis par la Caisse des dépôts et consignations.

À cela se sont ajoutés le gel du taux du livret A puis la révision de sa formule de calcul. Ces mesures bénéficient équitablement à l’ensemble des organismes de logement social, pour un gain annuel de 1,2 milliard d’euros en 2019.

Les travaux de la clause de revoyure en 2019 entre l’État, les bailleurs, Action Logement et la Caisse des dépôts et consignations ont d’ailleurs montré que toutes ces mesures avaient permis de compenser intégralement l’effet de la RLS et de la TVA sur le compte de résultat des organismes HLM.

J’entends les inquiétudes que vous avez tous exprimées, sur toutes les travées de cet hémicycle, sur les conséquences qu’aurait pu avoir la RLS sur la capacité d’investissement des bailleurs sociaux et donc sur la production et la rénovation de logements sociaux.

Pourtant, en 2018 et 2019, soit les premières années de mise en œuvre de la RLS, l’activité du secteur HLM s’est maintenue, les niveaux d’agrément ayant été assez élevés, entre 105 000 et 110 000 par an, en particulier pour les PLAI. Ces chiffres soutiennent assez honorablement la comparaison avec ceux de 2014 et 2015 ou ceux de 2011 et 2012, qui se situaient respectivement autour de 103 000 et 110 000.

Vous conviendrez avec moi que l’on ne peut pas mettre les résultats de 2020, qui sont effectivement très décevants, sur le compte de la RLS. (Exclamations.) Ces résultats sont d’abord liés à la crise sanitaire et au délai de renouvellement des exécutifs municipaux, qui ont ralenti le dépôt des dossiers et leur instruction. Nous avons d’ailleurs eu le même problème avec les permis de construire en général et les mises en chantier de l’ensemble des logements, ce qui n’est pas imputable à la RLS.

Le rapport public annuel de contrôle pour l’année 2019 de l’Agence nationale de contrôle du logement social (Ancols), publié le 25 novembre dernier, et l’édition 2020 de l’étude sur le logement social de la Banque des territoires, publiée en septembre 2020, ont par ailleurs montré que la situation financière des organismes HLM est bonne, même après la mise en œuvre de la RLS, et que ce secteur dispose toujours d’une forte capacité d’investissement. Plus précisément, ces analyses ont montré que la capacité d’autofinancement par rapport au chiffre d’affaires est restée stable, de même que le ratio de ressources internes par rapport à la dette.

Les ressources du secteur progressent en fait plus vite que l’endettement et le fonds de roulement net global reste élevé. Il est également à noter que les coûts de gestion par logement ont diminué en 2018 et 2019, après plusieurs années de hausse. Cependant, comme la Cour des comptes l’a souligné dans un récent référé, qui a été abondamment évoqué, il est vrai que les effets de la RLS ne peuvent encore être pleinement mesurés.

Mon ministère s’attache donc à en suivre les conséquences, que ce soit sur la situation financière du secteur du logement social, sur la politique d’investissement ou sur les organismes les plus fragiles. Une nouvelle clause de revoyure est prévue afin d’étudier d’éventuelles modifications de ce dispositif.

Comme cela a été indiqué à la Cour, je suis toute prête à étudier rapidement, d’ici à la fin de l’année, tout ce qui permettra de diminuer les irritants et les frais de gestion du dispositif pour les bailleurs, notamment s’il s’agit de limiter l’application du dispositif aux seuls allocataires des APL.

Au-delà de la clause de revoyure prévue concernant la RLS, le Gouvernement mène une politique ambitieuse de développement de l’offre de logement social pour les années qui viennent. Il faut déjà à tout prix rattraper l’année 2020. À cet égard, j’ai souhaité faire de 2021 et 2022 des années de mobilisation générale pour le logement social. C’est tout le sens du protocole en faveur de la relance de la production de logements sociaux que nous avons signé au mois de mars avec l’Union sociale pour l’habitat (USH), la plupart des fédérations HLM, Action Logement et la Banque des territoires. Ce protocole porte effectivement des objectifs très ambitieux : l’agrément de 250 000 logements sociaux sur deux ans, en 2021 et 2022, dont 90 000 logements très sociaux.

Des moyens exceptionnels seront mobilisés par l’État, par Action Logement, par la Caisse des dépôts et consignations sur la même période. Cela passe par un soutien de l’État de 500 millions d’euros à la réhabilitation lourde des logements sociaux dans le cadre du plan de relance, une mobilisation accrue du Fonds national des aides à la pierre, mais également par une hausse de 920 millions d’euros des financements du secteur par Action Logement, dans le cadre de l’avenant à la convention quinquennale signé le 15 février dernier, et par la distribution de 200 millions d’euros de titres participatifs supplémentaires de la Caisse des dépôts et consignations, portant le total à 1 milliard d’euros, pour renforcer les fonds propres des organismes.

J’ai tenu à mettre en place une gouvernance renforcée de la mise en œuvre de ce protocole afin d’assurer le suivi des engagements de chacun et la déclinaison opérationnelle dans les territoires.

Cette mobilisation générale pour le logement social s’appuie également sur la prolongation des objectifs de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains au-delà de 2025. Il nous faut en effet assurer la persistance de ce levier fondamental pour l’accès au logement abordable. Nous avons fait le choix d’inscrire des dispositions en ce sens dans le projet de loi 4D, afin d’assurer la pérennité du dispositif SRU au-delà de 2025, tout en l’adaptant aux réalités territoriales. Grâce aux propositions de la commission nationale SRU et à une concertation avec les associations de collectivités locales, je pense que nous avons atteint un dispositif équilibré, lequel sera très bientôt soumis à votre examen.

Agir pour le logement social passe également par le déploiement d’une politique ambitieuse en matière de mixité, car c’est la clé de la cohésion sociale. Le projet de loi 4D portera des mesures en ce sens, notamment pour renforcer le rôle des EPCI en matière d’attribution et pour aider au logement des travailleurs clés. Ce projet de loi, enfin, permettra de reporter, au plus tard à la fin de 2023, la mise en œuvre de la cotation de la demande et de la gestion en flux, compte tenu des difficultés liées notamment à la crise du covid-19 et au renouvellement des exécutifs locaux.

En conclusion, mesdames, messieurs les sénateurs, je dirai que le logement social a été au rendez-vous de la crise que nous traversons, qu’il a joué son rôle d’amortisseur social et qu’il s’est adapté afin de mieux accompagner ses locataires. Le logement social est un facteur clé de la cohésion du pays ; le mouvement HLM est un partenaire essentiel pour l’État.

Le Gouvernement fait de l’avenir de ce secteur l’une de ses priorités. C’est pourquoi nous relançons la construction ; c’est pourquoi nous pérennisons la loi SRU, afin de permettre à chacun d’avoir accès à un logement abordable. Soyez assurés de ma détermination à agir encore et toujours en faveur du logement social au cours de l’année qui vient. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)