compte rendu intégral

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires :

Mme Jacqueline Eustache-Brinio,

Mme Victoire Jasmin.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Questions d’actualité au Gouvernement

M. le président. Mes chers collègues, l’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.

Notre séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet. Chacun sera attentif au respect des uns et des autres et au respect du temps de parole.

assassinat d’éric masson

M. le président. La parole est à M. Jean-Baptiste Blanc, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jean-Baptiste Blanc. Ma question s’adresse au chef du Gouvernement, et j’y associerai notre collègue Alain Milon.

Monsieur le Premier ministre, la République a fait corps ; elle doit maintenant faire face. Nous étions réunis hier, en Avignon, pour rendre un dernier hommage au commandant Éric Masson, un « homme de bien », comme vous l’avez justement dit. Hommage lui soit encore rendu ainsi qu’à toutes les forces de l’ordre de notre pays, qu’il faudrait enfin apprendre à aimer !

La République a fait corps autour de ce crime de trop, et je pense que tout un département vous en remercie. Cependant, nos concitoyens ne supportent plus ce goutte-à-goutte de criminalité qui diffuse maintenant jusque dans nos campagnes.

Bédarrides, où vivait Éric Masson, Cavaillon, ma ville, où a eu lieu il y a quelques jours un règlement de compte similaire, les petites villes et les villages qui représentent une Provence heureuse ne veulent pas devenir la base arrière de Marseille. Ils n’acceptent pas cette nouvelle délinquance de masse ultraviolente et totalement désinhibée, qui n’a peur ni de la sanction ni de son exécution.

Il va donc falloir faire face, si nous ne voulons pas que deux cents chasseurs vauclusiens aillent se faire justice comme ils en ont exprimé l’intention.

Monsieur le Premier ministre, pour faire face, nos concitoyens ne souhaitent ni discours ni bougies. Pour faire face, il n’est pas nécessaire de se lancer dans un énième concours Lépine de la nouvelle loi pénale, sans cesse réécrite sous le coup de l’émotion, et qui propose souvent des mesures déjà existantes, mais rarement appliquées.

En effet, l’application des textes est sans doute au centre du problème. Or, pour appliquer les textes, il ne faut pas de nouvelles procédures, mais il faut de vrais moyens. Il se trouve que sur les 11,2 milliards d’euros consacrés à la police nationale, moins d’un milliard est destiné aux dépenses de fonctionnement et à l’investissement.

Quant aux 3,8 milliards d’euros que l’on consacre – seulement – à la justice ordinaire, ils sont la preuve d’une institution notoirement en sous-capacité de jugement, sans parler des conditions de travail de son personnel. Le parquet d’Avignon attend ainsi toujours des nominations, pour prendre un exemple très concret.

Par conséquent, plus il y aura de moyens, plus les réponses policières et judiciaires seront rapides et efficaces. Monsieur le Premier ministre, entendez la demande des territoires et prenez-la au sérieux ! Les territoires ne peuvent plus attendre. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de la citoyenneté.

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée auprès du ministre de lintérieur, chargée de la citoyenneté. Monsieur le sénateur Jean-Baptiste Blanc, je veux d’abord m’associer à l’hommage que vous venez de rendre, ainsi qu’à l’émotion que vous exprimez à la suite du meurtre ignoble du commandant Éric Masson. Le Premier ministre, le ministre de l’intérieur et le garde des sceaux l’ont également fait, hier, chez vous, en Avignon. J’adresse, bien sûr, à sa famille comme à ses collègues nos très sincères condoléances.

Éric Masson est mort au cours d’une opération de lutte contre les trafics dans un point de deal en centre-ville d’Avignon. Dans le Vaucluse, tout particulièrement, la lutte contre le trafic de stupéfiants est l’une des priorités de l’action du Gouvernement. À ce titre, les opérations de sécurisation et de surveillance qui sont régulièrement menées dans les quartiers sensibles, notamment à Avignon et Carpentras, ont permis la découverte d’importantes quantités de produits stupéfiants, ainsi que d’armes à feu.

L’engagement du ministère de l’intérieur dans cette lutte est total et nous y mettons les moyens. Vous le savez bien, puisque, lorsque vous avez voté le budget de la sécurité, vous avez insisté sur le fait qu’il était en hausse. Je tiens à vous en remercier de nouveau.

La circonscription interdépartementale de sécurité publique Vaucluse-Gard doit pouvoir bénéficier de renforts. Dès cette année, trente et un nouveaux gardiens de la paix y seront affectés.

La hausse très forte du taux d’élucidation des affaires, à 51 %, témoigne particulièrement de la mobilisation des services de police et de gendarmerie que je tiens à saluer. En témoigne également l’évolution des infractions qui ont été relevées grâce à l’activité des services, avec notamment une hausse de près de 95 % de celles liées au trafic de stupéfiants, entre 2020 et 2021.

Au-delà de l’hommage que nous leur avons rendu, je souhaite également exprimer notre gratitude aux forces de l’ordre.

La gratitude ne suffit pas, vous avez raison, mais c’est une base solide pour agir, d’autant que nous soutenons l’action quotidienne des forces de l’ordre en leur donnant des moyens supplémentaires.

Soyez assuré, monsieur le sénateur, que l’ensemble du Gouvernement est mobilisé pour soutenir les services de police et de gendarmerie. L’engagement de l’État dans la lutte contre l’insécurité du quotidien et contre les trafics de drogue est total. C’est la priorité numéro un du ministre de l’intérieur, dans le Vaucluse comme partout ailleurs. Il s’agit d’offrir aux Français la vie paisible à laquelle ils ont droit. (MM. Ludovic Haye et François Patriat applaudissent.)

lassitude des forces de l’ordre

M. le président. La parole est à M. Loïc Hervé, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Loïc Hervé. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’intérieur.

Plusieurs sénateurs Les Républicains. Il n’est pas là !

M. Loïc Hervé. Stéphanie Monfermé et Éric Masson sont tombés sous les coups de leurs agresseurs dans l’exercice de leur métier, créant un émoi dans la Nation tout entière. Le groupe Union Centriste veut s’associer à l’hommage qui leur a été rendu.

Dans les rangs des forces de sécurité, au sein de la police nationale notamment, après les pleurs et la colère vient le temps des questions. Un grand malaise est perceptible.

Il est vrai qu’il y a les mots dits, et ils ont été forts, monsieur le Premier ministre, dans les deux éloges funèbres que vous avez prononcés.

Cependant, il y a aussi les mots qui sont écrits, ceux qui sont dans la loi, dans la loi pénale en particulier. Il y a surtout la force des décisions que nous attendons de la justice, qui doivent être fermes dans leur prononcé comme dans la réalité de leur application.

Plus encore que ces mots, je crois que les policiers attendent de nous tous, mes chers collègues, nous qui représentons le peuple, une protection et un soutien encore plus forts.

Monsieur le ministre, la loi pour une sécurité globale préservant nos libertés va entrer en vigueur et le Beauvau de la sécurité est en cours. Quelles décisions entendez-vous prendre pour rendre effectif, plus rapidement encore, le soutien que la Nation doit à ceux qui assurent notre sécurité quotidienne ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de la citoyenneté.

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée auprès du ministre de lintérieur, chargée de la citoyenneté. Mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite tout d’abord rendre hommage à Mme Stéphanie Monfermé et adresser nos pensées à ses proches.

Lors de la rencontre avec les organisations syndicales représentatives de la police nationale, en présence du ministre de l’intérieur et du garde des sceaux, le Premier ministre a rappelé son soutien plein et entier aux policiers. Il a également réaffirmé l’engagement du Gouvernement à concrétiser la volonté du Président de la République de recruter 10 000 policiers et gendarmes supplémentaires au cours du quinquennat. (Murmures sur les travées du groupe Les Républicains.) Cet engagement sera tenu et mettra fin à la diminution des effectifs qui a été enregistrée depuis une dizaine d’années.

Sur le plan budgétaire, les forces de sécurité intérieure (FSI) ont bénéficié d’une augmentation de 1,7 milliard d’euros de crédits depuis 2017, dont 137 millions d’euros supplémentaires pour l’immobilier, grâce au plan France Relance. Concrètement, nous venons de renouveler 25 % du parc opérationnel, ce qui représente 8 520 véhicules. Loin d’être anecdotique, ce renforcement porte sur les moyens qui permettent aux forces de l’ordre de travailler, et favorise des mesures opérationnelles inédites pour protéger ceux qui nous protègent.

De plus, nous avons renforcé les instruments juridiques au service des forces de sécurité intérieure, grâce au vote par la majorité parlementaire de la proposition de loi pour une sécurité globale préservant les libertés, grâce au projet de loi confortant le respect des principes de la République et de lutte contre le séparatisme, ou encore grâce au projet de loi relatif à la prévention d’actes de terrorisme et au renseignement, présenté en conseil des ministres par Gérald Darmanin.

Par ailleurs, dans le cadre des travaux du Beauvau de la sécurité qui ont été engagés par le ministre de l’intérieur, la question des réponses judiciaires et pénales fera l’objet d’une attention toute particulière, lors de la rencontre du 27 mai prochain.

Enfin, le Premier ministre a également annoncé, mardi dernier, de nouvelles mesures fortes, qu’il s’agisse du plan de 10 millions d’euros pour sécuriser les commissariats et les casernes de gendarmerie, ou du renfort des moyens de la justice pénale grâce à l’engagement du garde des sceaux. En effet, il ne peut y avoir d’action policière efficace sans une réponse pénale dissuasive.

Le Premier ministre a également annoncé vouloir inscrire dans la loi la limitation stricte des possibilités de réduction des peines. La peine de sûreté sera portée à trente ans pour les personnes condamnées à la perpétuité pour un crime commis contre un policier ou un gendarme. Les violences contre les forces de sécurité intérieure seront désormais des délits spécifiques plus durement réprimés. Je pense notamment à la question des refus d’obtempérer.

Enfin, le garde des sceaux prendra une circulaire demandant au parquet une fermeté stricte lorsque les forces de l’ordre sont prises à partie, qui s’exercera par un défèrement systématique et un jugement rapide des auteurs. Je tiens à l’en remercier. (M. François Patriat applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Loïc Hervé, pour la réplique.

M. Loïc Hervé. Madame la ministre, j’entends votre réponse, mais c’est individuellement que chaque policier et chaque gendarme attend du changement pour se sentir mieux protégé.

L’annonce d’un rassemblement, le 19 mai prochain, sur l’initiative des syndicats de la police nationale, témoigne dans la période singulière que nous vivons d’un nouveau cri d’alarme. Nous sommes nombreux au Sénat à l’avoir entendu, et nous serons certainement nombreux à soutenir toutes les initiatives qui vont dans le sens de la protection des forces de l’ordre. Elles le méritent ! (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains.)

situation à jérusalem-est et en cisjordanie

M. le président. La parole est à M. Pierre Laurent, pour le groupe communiste, républicain, citoyen et écologiste.

M. Pierre Laurent. Monsieur le ministre des affaires étrangères, nous sommes des millions à être indignés par les images et les témoignages qui nous parviennent de Jérusalem : ratonnades, expropriations forcées de familles palestiniennes par des colons d’extrême droite, heurts ultraviolents et tirs meurtriers de l’armée israélienne sur l’esplanade et dans la mosquée Al-Aqsa, et maintenant bombardements de la bande de Gaza. Il y a déjà des dizaines de morts, des centaines de blessés.

Ce qui est à l’œuvre, c’est la colonisation systématique et illégale de Jérusalem-Est par le pouvoir extrémiste de Netanyahou, par une armée d’occupation, et par des colons fanatisés.

L’ONU a rappelé que le déplacement forcé de civils par la puissance occupante était illégal au regard du droit international, et « pouvait s’apparenter à des crimes de guerre ». La procureure de la Cour pénale internationale parle de « fondement raisonnable » de crimes de guerre.

Monsieur le ministre, que fait la France ? Notre voix, hier en première ligne, s’est éteinte au fil des ans. Vous avez enterré la résolution du Parlement pour la reconnaissance de l’État de Palestine. La démission internationale et la nôtre encouragent l’escalade meurtrière et colonisatrice de Netanyahou.

Qu’attendez-vous pour réagir à ces violations graves et permanentes du droit international, à ces crimes de guerre établis et répétés, autrement que par des mots creux et par d’indignes renvois dos à dos du pouvoir criminel de Netanyahou et des victimes palestiniennes spoliées de leur droit à un État ? (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST.)

M. Loïc Hervé. Et rien sur les civils israéliens ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé du tourisme, des Français de l’étranger et de la francophonie.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire dÉtat auprès du ministre de lEurope et des affaires étrangères, chargé du tourisme, des Français de létranger et de la francophonie. Monsieur le sénateur Laurent, l’émotion est bien compréhensible, car nous avons tous ces images en tête. Toutefois, permettez-moi de dire qu’elle n’est pas à géométrie variable : nos pensées vont tout autant aux enfants qui sont morts à Gaza qu’aux civils israéliens qui ont été tués. (M. François Patriat applaudit.)

M. Loïc Hervé. Très bien !

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire dÉtat. La diplomatie à l’œuvre n’est ni de mots ni d’émotion. Elle doit sans relâche rechercher, avec constance et ténacité, les paramètres d’une paix durable. Par conséquent, la position que nous défendons est très claire : l’escalade en cours est très préoccupante. Le secrétaire général des Nations unies s’est exprimé, ce matin, dans les mêmes termes. La France l’a également fait, sans ambiguïté.

Nous avons rappelé notre ferme opposition à la colonisation, aux démolitions de structures palestiniennes, aux évictions qui ont été perpétrées dans le quartier palestinien de Cheikh Jarrah, notamment. Ces dernières sont illégales au regard du droit international, qui est très clair sur ce point. Elles sont un obstacle majeur à la paix.

Mme Éliane Assassi. Il faut agir !

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire dÉtat. Cependant, nous condamnons également très fermement les tirs de roquettes…

Mme Laurence Cohen. C’est sans commune mesure !

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire dÉtat. … qui, cette nuit encore, ont fait plusieurs victimes, ce qui est inacceptable…

Mme Éliane Assassi. Chaque mort est inacceptable !

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire dÉtat. Ils doivent donc cesser immédiatement.

Que montrent toutes ces violences, sinon la nécessité d’un processus politique crédible ? Force est de constater que, quelle que soit la partie concernée, la situation politique n’est pas stabilisée, ce qui ne favorise pas l’aboutissement d’une solution politique.

Toutefois, la France ne renoncera pas. (Mme Éliane Assassi sexclame.) Le Conseil de sécurité des Nations unies se réunit de nouveau aujourd’hui, après la réunion de lundi dernier. Nous porterons d’une voix forte la nécessité d’un processus politique crédible. La France se mobilise aussi aux côtés de partenaires de bonne volonté comme la Jordanie, l’Allemagne ou l’Égypte, dans le cadre d’échanges dont le format a été mis en place par Jean-Yves Le Drian.

La tâche est ardue, voire aride, mais nous ne renonçons pas à participer à l’élaboration d’une solution politique. (M. François Patriat applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Laurent, pour la réplique.

M. Pierre Laurent. Monsieur le ministre, je vous le dis solennellement, votre parole est indigne des responsabilités qui incombent à la France face à une situation d’une telle gravité. (Protestations sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

Vous ne pouvez pas renvoyer à un « dos à dos » que vous pratiquez comme une fuite en avant de nos responsabilités. Ce qui est en jeu, c’est Jérusalem-Est ! Vous savez très bien que c’est là le cœur de la crise.

Si vous n’agissez pas, il ne se passera rien. Sans sanction, Netanyahou ne bougera pas. Il se moque de la loi et du droit international, vous le savez parfaitement. Il se moque même de la justice israélienne,…

M. le président. Veuillez conclure.

M. Pierre Laurent. … il faut des sanctions, il faut saisir le Conseil de sécurité,…

M. le président. Il faut conclure !

M. Pierre Laurent. … et il faut suspendre l’accord d’association entre l’Union européenne et l’État d’Israël,…

M. le président. Concluez !

M. Pierre Laurent. … il faut agir vite ! (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et GEST. – M. Serge Mérillou et Mme Martine Filleul applaudissent également.)

nouvelles dispositions du projet de loi 4d

M. le président. La parole est à M. Ludovic Haye, pour le groupe Rassemblement des démocrates progressistes et indépendants.

M. Ludovic Haye. Madame la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, le projet de loi 4D, présenté ce matin en conseil des ministres, prévoit notamment une évolution législative concernant l’article 55 de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU), bien connu sur toutes les travées de notre assemblée. Ce texte est le fruit d’un travail de concertation que vous avez mené depuis plus de deux ans avec les élus locaux, et les aménagements proposés par le Gouvernement à travers la saisine rectificative vont assurément dans le bon sens.

Permettez-moi de saluer la ténacité dont vous avez fait preuve dans ce dossier, madame la ministre (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.), et la volonté forte de convergence que vous appelez de vos vœux, monsieur le président !

Nul ne conteste la nécessité ni la légitimité des objectifs qui ont inspiré cette loi. La mixité urbaine et sociale fonctionne…

M. René-Paul Savary. C’est ça !

M. Ludovic Haye. Je le constate pour l’avoir mise en place en tant que maire, mais pas au rythme de construction tel qu’on le demande actuellement. Aujourd’hui, c’est moins la volonté de répondre aux objectifs arithmétiques de cette loi qui est en cause que la possibilité d’y parvenir.

Il ne vous aura pas échappé que les maires de France doivent encore faire face à un certain nombre de contradictions sur le terrain…

M. Ludovic Haye. Parmi elles, je citerai le raisonnement en pourcentage du nombre total de logements, qui a pour effet, tel le tonneau des Danaïdes, que plus vous construisez de logements, plus vous devez en produire. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)

Je citerai également la difficulté de conjuguer un impératif de production importante avec celui de la « moindre consommation foncière » imposée par les documents d’urbanisme ; la contradiction manifeste entre le fait que les agglomérations disposent de plus en plus de compétences en matière de logement, mais que les exigences incombent toujours directement aux maires ; un taux de vacance des logements insuffisamment pris en compte sur les agglomérations dans leur globalité ; des constructions nouvelles qui se font au détriment de la rénovation de certains logements, alors que celle-ci est bien souvent mieux adaptée ; des infrastructures scolaires et périscolaires qui ne correspondent plus à la taille de la population ; un nombre d’agréments pas toujours en parfaite adéquation avec les demandes des communes, dont certaines voudraient faire plus… (Mêmes mouvements.)

Je pourrais poursuivre cette liste, mais je sais que les échanges que vous avez eus avec les élus locaux, durant ces derniers mois, vous ont permis d’entendre leurs craintes.

Madame la ministre, pourriez-vous nous préciser les nouvelles dispositions du projet de loi 4D, introduites par la saisine rectificative ? (Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains.) Comment entendez-vous poursuivre les relations constructives avec les élus sur cette question cruciale du logement aidé,…

M. le président. Il faut conclure !

M. Ludovic Haye. … élus qui sont le plus à même de faire des propositions adaptées à leur territoire ? (MM. François Patriat et André Gattolin applaudissent.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.

Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales. Monsieur le sénateur Ludovic Haye, j’ai en effet présenté la loi 4D, ce matin, en conseil des ministres. Elle marquera, je crois, un tournant dans les relations entre l’État et les collectivités territoriales.

Je remercie le Sénat qui a tenu, hier, une conférence de presse. Monsieur le président, vous y étiez, accompagné des deux rapporteurs, Françoise Gatel et Mathieu Darnaud, et vous avez montré l’intérêt que vous portiez à cette loi 4D. Je suis certaine que nous trouverons le chemin pour construire ce travail, qu’il s’agisse de la différenciation territoriale pour s’adapter aux réalités locales, de la décentralisation pour conforter les compétences des collectivités, de la déconcentration pour rapprocher l’État du terrain, et de la décomplexification, c’est-à-dire la simplification de l’action publique.

Depuis sa version initiale, le texte a été enrichi, monsieur le sénateur, par une saisine rectificative qui vient notamment répondre aux préoccupations que vous soulignez sur le dispositif de la loi SRU.

Les nouvelles mesures s’appuient largement sur le rapport du président de la commission nationale SRU, l’ancien sénateur Thierry Repentin. Elles ont été élaborées en concertation avec les acteurs du logement et les collectivités territoriales.

Elles prévoient, tout d’abord, une pérennisation de la loi SRU. Tout le monde sait, en effet, que celle-ci doit s’arrêter en 2025, et qu’il faut donc anticiper pour poursuivre la construction du logement social en France, ce à quoi, je crois, personne ne s’opposera. Les objectifs de construction se trouvent naturellement lissés dans le temps, par voie de conséquence.

Une adaptation du dispositif est prévue pour mieux tenir compte de la « capacité à faire » de chaque collectivité, dans le cadre d’un dialogue entre le préfet et le bloc local, notamment par le biais des contrats de mixité sociale.

Telle est l’ambition que ma collègue Emmanuelle Wargon et moi-même partageons. Pour avoir échangé sur ce sujet, hier, avec Dominique Estrosi Sassone et Valérie Létard, je sais que le Sénat partage également cette ambition.

Parmi les points que vous soulevez, monsieur le sénateur, et dont nous avons déjà longuement discuté avec vos deux collègues, hier, sachez que le régime d’exemption, notamment en matière de foncier ou de vacance, ainsi que l’intercommunalisation des objectifs font l’objet d’un travail continu, qui sera bien sûr poursuivi dans le débat parlementaire. Je suis certaine que celui-ci sera riche.

M. le président. Vous aurez remarqué, madame la ministre, que vous avez bénéficié d’une rallonge de temps de parole, dans la mesure où celui-ci était consacré aux collectivités locales…

symptômes persistants de la covid

M. le président. La parole est à Mme Angèle Préville, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Angèle Préville. Actuellement, des millions de personnes dans le monde n’ont pas vraiment guéri du covid. Elles représentent entre 10 % et 30 % des malades. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a d’ores et déjà reconnu le covid long.

De quoi s’agit-il ? De symptômes prolongés, fluctuants, multisystémiques, développés lors de la phase aiguë de la maladie, et qui persistent : essoufflement, fatigue extrême, brouillard mental, difficultés de mémoire, douleurs articulaires, fourmillements, perte d’odorat, troubles du sommeil, tels sont certains des nombreux symptômes identifiés. Concrètement, les patients vivent une certaine forme d’errance médicale, alors qu’ils subissent un réel handicap, voire une perte d’autonomie.

Savez-vous qu’il est parfois nécessaire de recourir à une rééducation respiratoire face à une respiration devenue dysfonctionnelle ?

L’absence de reconnaissance, couplée aux conséquences sociales que représentent la perte d’emploi ou la vie de famille perturbée, ainsi que les incertitudes concernant les séquelles, dont on soupçonne déjà que certaines seront définitives, sont autant de facteurs qui contribuent à nourrir un sentiment d’abandon que nous devons entendre.

Si les recherches sont absolument indispensables pour aboutir à des traitements efficaces, la reconnaissance du covid long comme une maladie à part entière est notre responsabilité du moment.

Nous avons applaudi les soignants, salué leur engagement, loué leur dévouement. Et effectivement, nous leur en sommes tous tellement reconnaissants !

Désormais, il nous faut passer aux actes, car nombreux sont ceux, parmi eux, qui sont affectés par le covid long. Leur maladie n’est pas reconnue comme maladie professionnelle. Comment pouvons-nous les abandonner ainsi, alors qu’ils n’ont pas ménagé leurs efforts et qu’ils sont montés au front, sans hésitation, comme nous l’espérions ?

Envisagez-vous, madame la ministre, de poser le principe d’une présomption de lien, dès lors que la maladie a été contractée par le soignant alors qu’il était en activité pendant la pandémie, de manière à ce qu’il n’y ait pas d’obstacle à la reconnaissance légitime du covid long comme maladie professionnelle ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’autonomie.

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de lautonomie. Madame la sénatrice Angèle Préville, près de 10 % des patients qui ont été touchés par ce virus présentent, encore plusieurs mois après l’épisode initial, certains symptômes. Cette persistance évoque un covid long.

On distingue schématiquement des patients qui présentent des complications séquellaires de formes graves de la maladie, que celles-ci soient pulmonaires ou neurologiques, et d’autres dont les symptômes généraux, comme les douleurs thoraciques, les céphalées ou la fatigue durable, ainsi que les signes neurosensoriels, tels que la perte du goût et de l’odorat, peuvent être observés au détour d’une forme initialement mineure de la maladie.

Le handicap est variable selon les personnes et fluctuant au cours du temps. Aucun test biologique ne permet, à ce stade de l’affirmer ou de l’infirmer.

C’est pourquoi il est essentiel de reconnaître ces formes de covid long. C’est chose faite depuis le 14 septembre 2020. Jusqu’à présent, aucun retard dans l’examen des dossiers n’est à déplorer, et près de 25 % des cas ont été reconnus, ce qui correspond aux données épidémiologiques dont nous disposons.

Les soignants et les catégories de personnel qui ont travaillé dans des structures de soins ou dans des structures médico-sociales et qui sont atteints d’une forme grave de la covid, avec des symptômes respiratoires sévères, sont automatiquement et systématiquement reconnus comme victimes de maladie professionnelle.

Les autres cas sont examinés par un comité unique de reconnaissance des maladies professionnelles exclusivement médicales. Celui-ci traite le dossier des personnes qui souffrent d’une maladie inscrite au tableau des maladies professionnelles exclusivement médicales, sans pour autant remplir tous les critères. Il s’occupe également des personnes qui souffrent d’une infection non désignée, mais qui présentent un taux d’incapacité permanente au moins égal à 25 %.

Ainsi, les formes graves, non respiratoires, de la covid peuvent être reconnues. En revanche, les formes bénignes des pathologies ne sont pas concernées et restent du ressort de la prise en charge des soins et des arrêts de travail, au titre de l’assurance maladie. En cas d’évolution, un nouvel examen est possible. À cette date, environ 4 000 dossiers complets ont été reçus par la Caisse nationale de l’assurance maladie (CNAM), dont 3 200 ont déjà été étudiés parmi lesquels environ 800 ont bénéficié d’un accord.