compte rendu intégral

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires :

Mme Esther Benbassa,

M. Jacques Grosperrin.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Questions d’actualité au Gouvernement

M. le président. Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, l’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.

Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.

Chacun d’entre vous sera attentif à observer au cours de nos échanges les valeurs essentielles du Sénat : le respect des uns et des autres, ainsi que du temps de parole.

avenir de la nouvelle-calédonie

M. le président. La parole est à M. Mikaele Kulimoetoke, pour le groupe Rassemblement des démocrates progressistes et indépendants. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. Mikaele Kulimoetoke. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.

Monsieur le Premier ministre, pendant plus d’une semaine, avec le ministre des outre-mer, Sébastien Lecornu, vous avez invité plusieurs délégations calédoniennes, qui ont également été reçues par M. le Président de la République et M. le Président du Sénat. Ces réunions que vous avez organisées avec ces délégations calédoniennes ont permis de dialoguer, en toute sincérité et responsabilité, sur l’avenir de la Nouvelle-Calédonie.

En effet, lors des deux précédents référendums, les Calédoniens ont exprimé clairement leur volonté de rester au sein de la République française. Si cette décision doit nous rassurer, elle implique plusieurs responsabilités, un ensemble d’éléments présentés dans un document inédit sur les conséquences concrètes qu’engendrerait le « oui » ou le « non ».

Ce travail considérable, que je salue, a été réalisé par plusieurs services de l’État. Il témoigne de l’implication du Gouvernement et de l’administration, quelle que soit l’issue choisie par les Calédoniens.

Monsieur le Premier ministre, au terme des discussions menées avec conviction et détermination, en collaboration avec le ministre des outre-mer, et toujours dans un esprit de dialogue, avec les principales délégations calédoniennes, des avancées ont été obtenues.

Pourriez-vous présenter devant le Sénat les résultats de ces négociations ?

Par ailleurs, si de nombreux doutes sont levés, d’autres subsistent encore. De récents sondages ont indiqué qu’une partie de la population calédonienne, dont de nombreux étudiants, quitterait le territoire si le « oui » venait à l’emporter. Une inquiétude partagée par la communauté wallisienne et futunienne, que je représente ici, et qui souhaite rester au sein de la République française.

Aussi, monsieur le Premier ministre, je souhaiterais savoir quelles sont les assurances que le gouvernement français serait prêt à donner à ces populations. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées des groupes INDEP et Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Jean Castex, Premier ministre. Monsieur le sénateur Kulimoetoke, je vous remercie vivement de votre question, qui me donne l’occasion de rendre compte, devant la représentation nationale, et devant le Sénat en particulier, de la semaine qui vient de s’écouler, laquelle a été effectivement extrêmement importante.

D’abord, permettez-moi de vous le dire, depuis Michel Rocard, le Premier ministre est chargé d’une responsabilité particulière dans le dossier calédonien, sur lequel, par conséquent, je me sens particulièrement investi, aux côtés de M. le ministre des outre-mer. Cela m’a donné la possibilité de rencontrer physiquement, pour la première fois, crise sanitaire et contraintes obligent, la plupart des représentants de Nouvelle-Calédonie que j’avais invités.

Bien entendu, depuis l’entrée en fonction de ce gouvernement, nous n’étions pas restés inactifs sur ce dossier puisque la période considérée, vous le savez parfaitement, a été marquée par l’organisation du deuxième référendum prévu par les accords de Nouméa.

Dès que les résultats de ce dernier ont été connus, le ministre des outre-mer s’est rendu plusieurs jours sur l’île pour ouvrir un processus de concertation et préparer ce que nous avions prévu, à savoir l’invitation à Paris, le moment venu, de l’ensemble des délégations pour discuter et échanger avec le gouvernement de la République de la situation et des perspectives.

Qu’il me soit également permis de rappeler au Sénat – le sujet est important, monsieur le sénateur – que, dans l’intervalle, nous avons eu à gérer des sujets d’ordre public. Je me réjouis à cet égard que le calme soit revenu et que la situation ait été maîtrisée.

De même, bien entendu en lien avec les autorités de l’île, notamment la présidente Backès, nous avons eu à gérer le très important dossier de l’usine du Sud de nickel, que l’État a concouru à régler grâce aux moyens qu’il a déployés – vous le savez, c’était une affaire de transmission.

Cette séance de concertation très approfondie est arrivée aujourd’hui à son terme puisque c’est demain matin que la plupart des représentants néocalédoniens quittent Paris pour rejoindre le territoire.

Monsieur le sénateur, vous me demandez quel est le bilan que nous pouvons tirer de cette séquence qui s’achève et qui en appelle d’autres.

Comme vous l’avez dit, ce dont je vous remercie, elle a permis de rappeler la prééminence du dialogue et de la concertation. C’est là l’un des premiers rôles de l’État : veiller à ce que, toujours, le dialogue et la concertation s’imposent et constituent le cadre des échanges, si difficiles soient-ils, si opposées puissent être les conceptions que les uns et les autres ont de l’avenir de ce territoire – je ne vous ferai évidemment pas l’injure de vous les rappeler.

L’État a favorisé et aiguillonné ce dialogue et cette concertation, le ministre des outre-mer, auquel je veux rendre hommage, s’est beaucoup impliqué,…

M. Bruno Sido. Très bien !

M. Jean Castex, Premier ministre. … comme votre serviteur.

La semaine qui s’achève, mesdames, messieurs les sénateurs, a permis, ce qui était l’un de nos objectifs premiers, de clarifier de manière significative les enjeux qui sont devant nous. Monsieur le sénateur, vous avez bien voulu saluer ce travail inédit de l’ensemble des services administratifs de l’État, dans lequel plusieurs ministres du Gouvernement se sont impliqués, visant à examiner de façon extrêmement détaillée et approfondie quelles seraient les implications d’un « oui » ou d’un « non ».

Ce travail décisif, qui n’avait jamais été fait, a été très fortement apprécié par l’ensemble des parties prenantes à ces discussions. Maintenant, on sait de quoi l’on parle et il est possible de décider en connaissance de cause.

Par ailleurs, je profite de cette occasion pour vous dire, monsieur le sénateur, qu’un atelier spécifique portait sur Wallis-et-Futuna, son avenir, et sur les différentes conséquences des hypothèses envisagées pour les habitants de ces îles.

La semaine qui s’est écoulée a permis d’éclairer l’avenir autour de trois principes que nous avons présentés. Au terme de ces discussions, chacun a pris ses responsabilités, l’État a pris les siennes. Nous n’en sommes pas à signer un accord ; nous avons mis sur la table, après concertation, une méthode, ce qui était très important.

Premier principe : l’accord de Nouméa doit aller à son terme et l’État en est le garant, par respect non seulement des anciens représentants de l’État, mais également de l’ensemble des protagonistes à ce processus. Il y aura donc un troisième référendum.

Deuxième principe : à la différence des étapes précédentes, mesdames, messieurs les sénateurs, nous devons préparer la suite.

Il y aura donc un référendum, mais son résultat sera certainement serré si l’on se réfère aux deux consultations précédentes. « Oui » ? « Non » ? Et après, que se passe-t-il ? Pour éclairer les conséquences, nous avons mis sur la table une méthode grâce à laquelle les parties en présence devront s’accorder pour préparer le jour d’après. Nous avons proposé que cette phase préparatoire s’achève avant le 30 juin 2023, calendrier qui a reçu l’aval de l’ensemble des parties.

Cette phase devra déboucher sur un projet politico-institutionnel complet, que la seule réponse « oui » ou « non » ne permet pas de construire.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. C’est interminable !

M. Jean Castex, Premier ministre. Peut-être, madame, vous avez sans doute raison, mais c’est là un sujet très important.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. C’est une vraie déclaration de politique générale !

M. Jean Castex, Premier ministre. Troisième principe : l’État a souhaité dépasser les questions institutionnelles. Ainsi, j’ai veillé à ce qu’on discute également du développement et de la réduction des inégalités, qui sont très fortes dans cette île, et que, au-delà des simples questions institutionnelles, ces sujets soient au cœur des discussions qui vont s’ouvrir. (Marques dimpatience sur les travées des groupes SER et Les Républicains.)

Dans ce cadre, mesdames, messieurs les sénateurs, l’État prend ses responsabilités en décidant de l’organisation de la troisième consultation référendaire le 12 décembre prochain. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – M. Daniel Chasseing applaudit également.)

situation politique en france

M. le président. La parole est à M. Patrick Kanner, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Patrick Kanner. Monsieur le Premier ministre, après votre réponse à la question précédente, je tiens à saluer votre sens du dialogue.

Je ne doute pas un seul instant que, ni de près ni de loin, ni philosophiquement ni politiquement, vous ayez la moindre sympathie pour le Front national.

Toutefois, au lendemain d’élections législatives partielles, à quelques semaines aussi de deux rendez-vous électoraux majeurs, force est de constater que l’extrême droite progresse dans notre pays. Dans les intentions de vote, dans les médias, mais également dans les esprits. Aujourd’hui, l’hypothèse que, pour une troisième fois, la famille Le Pen soit présente au second tour d’une élection présidentielle devient une évidence.

M. Patrick Kanner. Et encore, ce n’est pas le scénario le plus pessimiste…

Vous n’êtes pas les seuls responsables de cette évolution politique.

Mme Sophie Primas. François Mitterrand !

M. Patrick Kanner. Mais votre majorité présidentielle porte depuis quatre ans le destin du pays. La sombre perspective que je viens d’évoquer est-elle pour vous une fatalité ou, au contraire, pensez-vous utiliser les dix prochains mois pour nous éviter ce naufrage ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Jean Castex, Premier ministre. Je ferai plus court, monsieur le président Kanner…

Mesdames, messieurs les sénateurs, je l’ai déjà indiqué à plusieurs reprises : en politique, il faut se déterminer par rapport à soi-même et par rapport à ce qu’on considère être l’intérêt général du pays. (M. Bruno Sido applaudit.)

La meilleure façon d’éviter que des idées autres que celles que vous représentez ne parviennent au pouvoir, c’est, premièrement, n’avoir pour seule boussole que les valeurs de la République, de la démocratie et de l’État de droit. Elles sont chevillées au corps de l’action du Gouvernement et du Président de la République.

Deuxièmement, c’est de mener une politique au service de nos concitoyens, au service du redressement économique, au service de la lutte contre la crise sanitaire, au service de la réduction des inégalités, y compris territoriales, au service d’une lutte sérieuse, opérationnelle et non démagogique contre l’insécurité. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Voyez-vous, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le président Kanner, c’est tout à fait ce que mon gouvernement s’emploie à faire ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – M. Pierre Louault applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Patrick Kanner, pour la réplique.

M. Patrick Kanner. En tout cas, monsieur le Premier ministre, les Français ne l’entendent pas ainsi. Vous me répondez « mesures », vous nous répondez « programme de gouvernement » : de notre point de vue, je vous l’accorde, c’est peut-être, effectivement, la meilleure façon de mener la bataille sur le terrain ; pour autant, permettez-moi de m’inquiéter de votre stratégie.

Vous avez choisi votre adversaire et vous jouez une partition dangereuse, qui peut s’avérer tragique pour notre pays. En faisant exploser le paysage démocratique, en promouvant l’ambiguïté du « en même temps », en espérant la disparition de la gauche et, maintenant, de la droite, en méprisant les corps intermédiaires, vous avez créé un champ de ruines et vous ne tenez pas compte des avis du Parlement, en particulier de celui de la Haute Assemblée.

À cela vous ajoutez du cynisme, monsieur le Premier ministre, vous qui avez été le premier acteur du vaudeville politique que nous vivons actuellement en région PACA, dans un pitoyable tripatouillage politicien.

M. Patrick Kanner. Le résultat, malheureusement, on le connaît, on le voit dans les sondages. Vous courez de manière désordonnée après la thématique sécuritaire, et vous avez également sous-estimé la colère sociale de nos concitoyens, que l’exercice du grand débat n’a pas suffi, malheureusement, à calmer.

Aujourd’hui, le danger est à nos portes, l’extrême droite, comme dans d’autres pays européens, peut prendre le pouvoir sans violence. Dans moins d’un an, le deuxième tour de la présidentielle sera passé, et vous ne pourrez pas dire que vous ne saviez pas, monsieur le Premier ministre ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

coopération transfrontalière avec le luxembourg

M. le président. La parole est à Mme Véronique Guillotin, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE, ainsi que sur des travées du groupe UC.)

Mme Véronique Guillotin. Monsieur le ministre de l’Europe et des affaires étrangères, vous connaissez la situation si particulière et si difficile des ressources humaines en santé dans les territoires frontaliers, plus particulièrement nord-lorrains.

Je souhaite évoquer ici le phénomène d’aspiration vers le Luxembourg des infirmières et aides-soignantes formées en France.

Pour en illustrer l’ampleur, je ne prendrai qu’un seul exemple, celui de l’hôpital de Mont-Saint-Martin, situé à quelques kilomètres du Luxembourg. Il subit une fuite de 20 % de son personnel et, à ce jour, malgré la fermeture d’un étage entier, il manque 37 infirmières pour assurer son fonctionnement normal.

Fait nouveau : les agences d’intérim n’arrivent plus à fournir suffisamment de personnel. Cette situation est devenue insupportable dans tous nos établissements, comme elle l’est en ville.

Les mesures du Ségur de la santé et les efforts de la région Grand Est en matière de formation ne suffiront pas à eux seuls à stopper l’hémorragie tant le différentiel salarial entre nos pays est élevé.

Le Premier ministre luxembourgeois est lui aussi très sensible à cette question, le Luxembourg dépendant grandement des travailleurs français. Monsieur le ministre, des solutions doivent être trouvées dans une dimension transfrontalière. Les projets ne manquent pas, comme celui de créer un institut transfrontalier de la formation aux métiers de la santé.

Alors, à quelques semaines de la conférence intergouvernementale franco-luxembourgeoise et de l’examen du projet de loi 3DS, je souhaitais attirer votre attention sur une situation devenue impossible. Monsieur le ministre, c’est quand les ministres rencontrent leurs homologues que les projets avancent, à l’instar de la toute dernière rencontre entre les Premiers ministres Xavier Bettel et Jean Castex sur le volet de la mobilité, par exemple.

Pour garantir que nos concitoyens en zones frontalières aient accès aux soins dont ils ont besoin, pouvez-vous nous assurer, monsieur le ministre, de la même mobilisation ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE, ainsi que sur des travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de lEurope et des affaires étrangères. Madame la sénatrice Véronique Guillotin, vous avez rappelé très justement que le Premier ministre Xavier Bettel et le Premier ministre Jean Castex se sont rencontrés hier pour une séance de travail dans le contexte nouveau de la fin progressive de la pandémie. Ils ont pu observer l’un et l’autre que, au cours de cette période, les relations entre la France et le Luxembourg s’étaient renforcées dans la solidarité, y compris dans la solidarité en matière de santé puisque les hôpitaux luxembourgeois ont accueilli des patients du Grand Est et que, nous-mêmes, au travers de nos postes, avons permis le rapatriement de citoyens luxembourgeois tout en maintenant la libre circulation entre nos deux pays.

Le Premier ministre l’a redit hier à M. Bettel : nous sommes tout à fait déterminés à nous inscrire dans une logique de gagnant-gagnant. Cela passe par une nouvelle dynamique du codéveloppement, cela passe par des financements complémentaires de nos voisins luxembourgeois aux côtés de l’État et des collectivités frontalières du nord de la Lorraine et de la région Grand Est, ces financements de projets étant rendus nécessaires par l’installation d’entreprises et le développement du travail transfrontalier, en particulier dans le domaine de la santé.

Nous avons fait l’inventaire des sujets qu’il nous faudra aborder lors de la commission intergouvernementale franco-luxembourgeoise, qui va se réunir très prochainement, avant l’été, la première fois depuis 2016.

Au cours de cette réunion, dont la préparation se déroule plutôt bien, y compris sur les sujets que vous avez évoqués en matière de formation en santé, nous enregistrerons, j’en suis convaincu, de nouvelles avancées sur plusieurs projets structurants : je pense en particulier au transport ferroviaire, qui permet de limiter le recours aux voitures, ainsi qu’à la signature de la convention transfrontalière, qui permettra, en matière de santé, de développer de nouvelles pistes de coopération comme l’amélioration de la formation sur les métiers en tension, les échanges de stagiaires et la coopération entre observatoires de santé et laboratoires de santé luxembourgeois, en partenariat avec le centre hospitalier régional de Metz-Thionville.

Je le répète, ce rendez-vous n’avait pas eu lieu depuis très longtemps et c’est la visite, hier à Paris, du Premier ministre Xavier Bettel qui a permis de l’activer. (M. François Patriat applaudit.)

M. le président. La parole est à Mme Véronique Guillotin, pour la réplique.

Mme Véronique Guillotin. Monsieur le ministre, je sais pertinemment que des choses avancent, mais j’insiste une nouvelle fois sur la formation des infirmières et sur la coopération entre nos deux pays, car rien ne se passera sans elle. C’est un sujet grave et majeur pour nos territoires. (M. Henri Cabanel applaudit.)

dégradation du dialogue social et inviolabilité parlementaire

M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour le groupe Écologiste – Solidarité et territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. Guillaume Gontard. Monsieur le Premier ministre, jeudi dernier, des paysans désemparés, inquiets des orientations désastreuses de la nouvelle politique agricole commune (PAC) n’avaient pas d’autre choix que de manifester pacifiquement. Faute d’être entendus par leur ministre, ils demandaient simplement une audience au Président.

Des parlementaires sont venus à leur rencontre pour entamer le dialogue et tenter de nouer le lien avec le pouvoir exécutif. Résultat des courses : notre collègue Bénédicte Taurine, ceinte de son écharpe tricolore, a été outrageusement jetée au sol par un policier.

Notre collègue Joël Labbé, qui avait pourtant pris soin d’alerter le cabinet du Président, a été empêché de rejoindre les paysans.

Ces images ont ému tous les républicains dignes de ce nom.

Monsieur le Premier ministre, ces faits de violence contre des manifestants pacifiques et contre des parlementaires identifiés dans l’exercice de leurs fonctions sont sans précédent et particulièrement graves. Votre réponse au président Mélenchon, hier à l’Assemblée nationale, n’est franchement pas à la hauteur de la gravité des faits. Nous vous demandons aujourd’hui une condamnation sans équivoque. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST, ainsi que sur des travées des groupes SER et CRCE.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Jean Castex, Premier ministre. Monsieur le président Gontard, j’ai effectivement déjà eu l’occasion de m’exprimer sur ces faits, hier, devant l’Assemblée nationale.

Je voudrais d’abord, ici même, les rappeler tels qu’ils se sont déroulés.

D’abord, je me permettrai de corriger l’une de vos affirmations, monsieur le président : la porte du ministre de l’agriculture, pour discuter de la PAC ou de tout autre sujet, est en permanence ouverte à l’ensemble des organisations syndicales du monde agricole. (Cest faux ! sur les travées du groupe GEST.) Vous le savez bien, au Sénat, sur quelque travée que vous siégiez. Ce qui n’empêche pas l’expression de désaccords : cela s’appelle la démocratie. Julien Denormandie est reconnu par l’ensemble de la communauté paysanne comme consacrant beaucoup de temps au dialogue. (Marques dindignation sur les travées du groupe GEST. – M. Fabien Gay lève les bras au ciel.)

Deuxième rectification : j’informe le Sénat que la manifestation à laquelle vous faites référence, en tout cas pour sa partie qui s’est déroulée sur la voie publique, n’avait fait l’objet d’aucune déclaration au titre de l’article L. 211-1 du code de la sécurité intérieure. Elle s’est poursuivie, je le constate, par l’occupation totalement illégale des locaux de Pôle emploi, dans lesquels les manifestants ont pénétré de force. Le gestionnaire des lieux, suivant la procédure légale, a fait appel au concours de la force publique pour qu’il soit procédé à leur évacuation.

Je le rappelle, parce que ces faits sont quand même extrêmement importants. Les incidents dont vous faites mention se sont déroulés dans ce cadre-là. C’est la raison pour laquelle je redis devant le Sénat ce que j’ai dit devant l’Assemblée nationale : chacun, en particulier les dépositaires de l’autorité publique, les parlementaires mais bien entendu aussi les forces de sécurité intérieure, doit respecter les lois de la République.

Des faits dont vous parlez, sur lesquels je n’ai évidemment aucune information, le procureur de la République territorialement compétent s’est saisi. Nous verrons bien les suites qu’il y donnera. En toute hypothèse, si, à bon droit, les images dont vous parlez ont pu choquer et qu’elles sont regrettables, je rappelle également au Sénat que, dans cette affaire, deux policiers ont été blessés, l’un ayant subi des jets de pierres nécessitant son transfert à l’hôpital.

Tout cela n’est pas normal, monsieur le président Gontard. Il y a eu des attitudes condamnables. J’en profite pour appeler chacun au calme et à ses responsabilités. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP, ainsi que sur des travées des groupes RDSE, UC et Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour la réplique.

M. Guillaume Gontard. Monsieur le Premier ministre, vous m’accorderez que jamais une telle action d’un syndicat majoritaire – lequel déclare rarement celles qu’il mène auprès de la préfecture – n’a fait l’objet d’une répression aussi violente – et je ne compte pas les policiers blessés.

Après les gilets jaunes, les journalistes, les avocats, les médecins et tant d’autres, la répression violente du mouvement social a atteint son paroxysme : plus personne n’est épargné, ni les agriculteurs ni même les représentants du peuple. (Protestations à droite et au centre.)

On comprend que vous vouliez supprimer les preuves avec le funeste et heureusement mort-né article 24 !

Monsieur le Premier ministre, le dialogue, l’écoute, la recherche du compromis : voilà les leviers d’une démocratie apaisée !

« Je crois – et j’ai toujours cru – aux vertus du dialogue social ; toute ma vie publique en atteste » : ces mots, monsieur le Premier ministre, ce sont les vôtres, prononcés lors de votre déclaration de politique générale.

Loin, très loin de restaurer la confiance entre l’État et les corps intermédiaires, vous vous enfermez dans votre tour d’ivoire (Exclamations sur les travées du groupe RDPI.) : le séparatisme n’est pas toujours là où on le croit !

À défaut de maintenir le dialogue avec le pays,… (Marques dimpatience sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. Il faut conclure !

M. Guillaume Gontard. … ne nous empêchez pas de le faire. Entraver les parlementaires dans l’exercice de leur fonction est totalement inacceptable ! (Applaudissements sur les travées du groupe GEST, ainsi que sur des travées des groupes SER et CRCE. – Huées à droite.)

baccalauréat et orientation

M. le président. La parole est à Mme Colette Mélot, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, ainsi que sur des travées du groupe UC. – M. Martin Lévrier applaudit également.)

Mme Colette Mélot. Monsieur le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports, la réforme du lycée général engagée voilà deux ans a remplacé les filières traditionnelles de la voie générale par des enseignements de spécialité choisis à la carte.

L’objectif de cette réforme était de lutter contre les inégalités scolaires en supprimant le déterminisme social qui se reflétait dans le choix des filières.

Les lycéens choisissent désormais trois enseignements de spécialité en classe de première, pour n’en garder que deux en classe de terminale. Or le caractère élitiste reproché à la filière S se reporte parfois sur le choix des deux spécialités conservées en terminale. Ainsi, les meilleurs élèves et les plus favorisés ont tendance à reconstituer les filières traditionnelles de cette façon.

Autre stéréotype, qui n’est pas nouveau : 50 % des filles choisissent d’arrêter la spécialité « mathématiques », contre 30 % des garçons. Ce choix détermine très souvent l’orientation post-bac.

Pour que cette réforme atteigne l’objectif visé, certains chefs d’établissement proposent quelques ajustements qui pourraient être bienvenus et qui s’appuient notamment sur les questions suivantes.

Premièrement, la préparation des élèves aux épreuves anticipées de spécialité en classe de terminale est-elle suffisante ?

Deuxièmement, le contenu pédagogique des enseignements en sciences est-il toujours en adéquation avec le nombre d’heures consacrées, qui a diminué après la réforme ?

Troisièmement, l’abandon d’une spécialité en terminale ne restreint-il pas les possibilités d’orientation pour un certain nombre d’élèves ?

Quatrièmement, enfin, la réintégration de la spécialité « mathématiques » au sein du tronc commun ne permettrait-elle pas d’améliorer le niveau général des élèves et de réduire le déterminisme social lié au choix de cet enseignement ?

Monsieur le ministre, quel est votre regard sur ces questions ? Plus généralement, quel premier bilan de l’application de la réforme dressez-vous à ce stade ? (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, ainsi que sur des travées du groupe UC.)