Article 29
Dossier législatif : projet de loi relatif à la prévention d'actes de terrorisme et au renseignement
Explications de vote sur l'ensemble (fin)

M. le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble du projet de loi, je donne la parole est à Mme Éliane Assassi, pour explication de vote.

Mme Éliane Assassi. J’avoue être insatisfaite, comme l’ensemble de mon groupe – nous ne sommes pas les seuls… –, à l’issue de ce débat sans relief, sauf peut-être sur l’article 19, à propos duquel un point de vue partagé par cinq groupes politiques a pu s’exprimer de façon argumentée. Cette discussion honore le Sénat, en dépit des scrutins publics demandés par la majorité sénatoriale, en minorité ce soir dans l’hémicycle.

Pour le reste, je dois dire que le peu d’explications données pour étayer le rejet de nos amendements comme de ceux d’autres groupes me semble révélateur des postures qui animent tant la commission des lois que le Gouvernement, protagonistes d’un affrontement de façade.

Sur le fond, en effet, l’une comme l’autre se retrouvent pour pérenniser des dispositifs issus de la loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme (SILT) de 2017 et consacrer une logique qui émergeait déjà dans la loi de juillet 2015 relative au renseignement : étendre le champ des activités du renseignement et du recours à des techniques de surveillance intrusives tout en maintenant à distance l’autorité judiciaire.

Ne nous méprenons pas – je l’ai dit en discussion générale –, le caractère très technique de ce texte cache mal les objectifs politiques qui le motivent.

Contrairement au Gouvernement et à la majorité sénatoriale, et parce que nous pensons qu’il faut traiter les causes et non les symptômes des crimes odieux commis au nom de l’islamisme politique, qui alimente la peur et attise la haine de l’autre pour propager les idéologies obscurantistes les plus mortifères, nous sommes convaincus, pour notre part, que notre État de droit doit être renforcé.

Nous avons soulevé un certain nombre de questions, sur lesquelles je ne reviens pas, mais force est de constater que nous n’avons pas obtenu de réponses. Votre refus obstiné de débattre sur des sujets d’importance capitale pour notre sécurité, mais aussi pour nos libertés publiques ne cesse et ne cessera de nous interroger ; croyez bien que nous continuerons à verser au débat d’autres propositions que celles que vous faites prospérer.

Vous l’aurez compris, mes chers collègues : nous nous opposerons à ce texte.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.

M. Jean-Yves Leconte. Comme nous l’avons indiqué lors de la discussion générale, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain partage un certain nombre des objectifs de ce texte, en particulier ceux du volet sur le renseignement, lequel renforce ce qui a été fait en 2015.

En outre, nous comprenons que le contexte impose un certain nombre de mesures particulières, dont nous aurions toutefois souhaité, ainsi que nous l’avons fortement exprimé aujourd’hui, s’agissant des mesures issues de la loi SILT, qu’elles restent provisoires et qu’elles soient régulièrement validées et votées par le Parlement. Nous nous refusons à admettre que des mesures particulièrement intrusives pour les libertés individuelles soient ainsi pérennisées.

Par ailleurs, notre volonté de renforcer la délégation parlementaire au renseignement n’a pas été prise en compte, non plus que certains éléments essentiels pour normer les échanges avec les services étrangers. Il s’agit pourtant d’une nécessité afin de pouvoir poursuivre sereinement des échanges solides avec un certain nombre de partenaires étrangers qui ont, eux, fait cet effort de régulation. Nous aurons des problèmes, avec des services européens en particulier, lesquels sont tous soumis aux mêmes exigences de la Cour européenne des droits de l’homme.

Nous devrons sans doute revenir très rapidement sur l’article 15, car les dispositions que nous avons adoptées ne répondront probablement pas aux besoins des réquisitions judiciaires.

Enfin, à avoir tant fait voter les absents ce soir, nous ne permettons pas un accès aux archives dans des conditions correctes, nous ne permettons pas à la Nation d’écrire son histoire. C’est particulièrement problématique.

Pour toutes ces raisons, et compte tenu de la gravité du moment, nous nous abstiendrons sur ce texte.

Pour conclure, je ferai deux remarques.

Premièrement, la magie n’existe pas. Une technologie, quelle qu’elle soit, ne remplacera pas l’engagement et les moyens humains.

Deuxièmement, pour garantir que l’ensemble de ce texte s’inscrive dans notre État de droit et respecte notre loi fondamentale, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain saisira le Conseil constitutionnel lorsque ce projet de loi aura été définitivement adopté par le Parlement. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Mme Nathalie Goulet. Ce débat est un peu décevant.

Nous avons bien compris que l’ensemble des mesures déléguées à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées étaient importantes et qu’il fallait absolument les adopter. Nous avons toutefois posé plusieurs questions sur notre souveraineté, sur la coordination avec les décisions de la Cour de justice de l’Union européenne, sur le rôle du politique et sur la façon dont il faut aborder l’ensemble de ces sujets, ainsi que sur la société Palantir et sur les algorithmes, mais nous n’avons pas obtenu de réponses.

Nous avons bien compris également que ce texte ne serait pas le Grand Soir de la lutte contre le terrorisme, mais que les mesures qu’il prévoit sont nécessaires. Aussi la majorité du groupe Union Centriste le votera-t-il.

Il reste pourtant l’impression assez désagréable d’un débat bâclé, malgré le travail très important effectué par les rapporteurs en commission, dans des délais absolument insupportables, alors que nous étions dans la seringue : certaines mesures arrivent à expiration et d’autres sont contraintes par des décisions de la Cour de justice de l’Union européenne ou du Conseil d’État.

L’impression que nous en arrivons à un gouvernement des juges est extrêmement désagréable pour les législateurs que nous sommes.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Di Folco, pour explication de vote.

Mme Catherine Di Folco. Six mois après un premier vote du Sénat en faveur de la pérennisation des mesures antiterroristes issues de la loi SILT, nous nous félicitons que le Gouvernement ait décidé de ne plus reculer sur ce sujet. C’est chose faite.

Par ailleurs, les propositions constructives de la commission des lois en matière de suivi des personnes condamnées pour des actes de terrorisme ont enrichi le texte qui sera adopté par le Sénat ce soir.

À cette occasion, nous regrettons que le Gouvernement ait maintenu ses positions au sujet des Micas et nous déplorons les risques constitutionnels relatifs à la possibilité d’allonger leur durée à deux ans.

En ce qui concerne la conservation des données de connexion sollicitées dans le cadre des enquêtes judiciaires, il nous semblait absolument nécessaire de ne pas les cantonner aux seuls faits de criminalité grave, au risque de mettre en péril nombre d’enquêtes menées au quotidien par nos policiers et nos gendarmes.

Le texte qui sera voté par le Sénat ce soir renforce les moyens des services de lutte contre les nouvelles menaces, tout en apportant des garanties supplémentaires.

Enfin, le dispositif adopté à l’instant à l’article 19 en matière d’archives publiques, sur proposition de Mme Canayer, nous semble concilier, dans la mesure du possible, protection du secret de la défense nationale et liberté de travail des chercheurs, historiens et archivistes.

Je remercie chaleureusement les rapporteurs du travail de qualité qu’ils ont réalisé, malgré la complexité et la technicité particulières de ce texte.

Pour toutes ces raisons, le groupe Les Républicains votera ce projet de loi, tel qu’il a été modifié en première lecture par notre chambre.

M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa, pour explication de vote.

Mme Esther Benbassa. Je m’associe au communiqué du Conseil national des barreaux pour regretter l’absence totale de concertation préalable. Je dénonce le recours à la procédure accélérée, dont le Gouvernement a pris l’habitude. Tous deux privent le Parlement d’un véritable débat.

Je l’ai dit, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires s’inquiète de l’accumulation et de la pérennisation de lois d’exception. Il s’agit là du huitième texte de cette sorte depuis 2015 !

Nous déplorons de nouveau le manque de cohérence entre les mesures existantes, ainsi que l’absence de réels moyens de prévention de la radicalisation, particulièrement en détention, ce sujet n’étant jamais traité.

Enfin, je tire la sonnette d’alarme, avec la Ligue des droits de l’homme : ce projet de loi confirme toutes les craintes exprimées depuis 2015 par plusieurs organisations de défense et de promotion des droits humains, ainsi que d’avocats et d’universitaires, en matière d’atteintes à l’État de droit et de restriction des libertés. Il fait peser de nombreux risques sur les libertés individuelles et sur la protection de la vie privée. Le Gouvernement serait-il en train de perdre sa boussole s’agissant des principes de l’État de droit ?

Notre groupe est fermement opposé à cette dérive sécuritaire prétendument justifiée par la lutte contre le terrorisme – une juste cause, j’y insiste –, qui va à l’encontre de la jurisprudence constitutionnelle et de l’avis du Conseil d’État du 21 avril 2021, lequel tendait à concilier le respect du droit de l’Union européenne et l’efficacité de la lutte contre le terrorisme en France.

Les Français se demanderont en outre, en constatant la succession de scrutins publics destinés à dissimuler l’absentéisme des représentants de la Nation, s’il faut vraiment aller voter pour des absents. L’abstentionnisme a ses raisons, dirons-nous !

M. le président. Personne ne demande plus la parole ?…

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble du projet de loi relatif à la prévention d’actes de terrorisme et au renseignement.

J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 154 :

Nombre de votants 344
Nombre de suffrages exprimés 278
Pour l’adoption 251
Contre 27

Le Sénat a adopté.

Explications de vote sur l'ensemble (début)
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7

Ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, mercredi 30 juin 2021 :

À quinze heures :

Questions d’actualité au Gouvernement.

À vingt et une heure :

Projet de loi de finances rectificative pour 2021, adopté par l’Assemblée nationale (texte n° 682, 2020-2021) ;

Clôture de la session ordinaire de 2020-2021.

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée le mercredi 30 juin 2021, à une heure vingt.)

 

nomination de membres dune éventuelle commission mixte paritaire

La liste des candidats désignés par la commission de laménagement du territoire et du développement durable pour faire partie de léventuelle commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets a été publiée conformément à larticle 8 quater du règlement.

Aucune opposition ne sétant manifestée dans le délai dune heure prévu par larticle 8 quater du règlement, cette liste est ratifiée. Les représentants du Sénat à cette éventuelle commission mixte paritaire sont :

Titulaires : M. Jean-François Longeot, Mme Marta de Cidrac, M. Philippe Tabarot, Mme Sophie Primas, MM. Joël Bigot, Franck Montaugé et Frédéric Marchand ;

Suppléants : Mme Dominique Estrosi Sassone, MM. Daniel Gremillet, Didier Mandelli, Pascal Martin, Mme Martine Filleul, M. Jean-Pierre Corbisez et Mme Marie-Claude Varaillas.

 

Pour la Directrice des comptes rendus du Sénat,

le Chef de publication

ÉTIENNE BOULENGER