Mme le président. La parole est à M. Vincent Delahaye. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Vincent Delahaye. Monsieur le ministre, cet après-midi, lors des questions d’actualité au Gouvernement, vous avez mis en avant la constance et la persévérance. Sachez que je partage entièrement ces deux qualités. Je suis moi-même constant et persévérant dans mes efforts de pédagogie pour développer une gestion rigoureuse de l’argent public. Je pense que cette culture de la rigueur manque beaucoup dans notre pays et dans notre administration.

La commission mixte paritaire n’a pas été conclusive, comme on pouvait s’y attendre. Les comptes de l’année 2020 sont extrêmement dégradés, avec un déficit de 178 milliards d’euros – un record historique. Ce déficit est bien évidemment lié – en grande partie, mais pas seulement – à la gestion de la crise sanitaire. Si je n’ai pas partagé toutes les options de gestion de la crise sanitaire, je comprends et partage la réactivité dont a fait preuve le Gouvernement pour venir en aide à ceux qui en avaient besoin : aides d’urgence, mesures de soutien, dispositifs de relance.

J’aurais aimé que l’on fasse preuve de davantage de rigueur dans les mesures de soutien. Les aides destinées à compenser les pertes de chiffre d’affaires, par exemple, n’ont pas été considérées comme imposables, alors que le chiffre d’affaires est imposable. Un certain nombre d’activités ont ainsi bénéficié, grâce à l’argent public, d’un effet d’aubaine que l’on aurait pu éviter. Je le regrette.

Je regrette également que vous ayez intégré au plan de relance des dépenses récurrentes au lieu, comme je le pensais initialement, des seules dépenses exceptionnelles : cela concerne tout de même 16 milliards sur les 100 milliards d’euros.

Je souhaite aussi appeler votre attention sur les prêts garantis par l’État. Sur les 140 milliards d’euros que vous avez évoqués, vous chiffrez le nombre de défaillances à 5 %, soit 7 milliards d’euros qu’il faudra un jour penser à intégrer.

Le rapporteur général l’a rappelé, au cours de l’année 2020, il y a eu quatre PLFR. Dans sa grande majorité, le groupe Union Centriste les a approuvés. Par cohérence – j’aime bien la constance et la persévérance, mais j’apprécie aussi la cohérence –, mon groupe devrait voter le projet de loi de règlement. Pourtant, il va s’abstenir dans sa grande majorité, et je vais revenir sur les raisons de cette abstention.

Pour ma part, je n’ai pas voté tous les PLFR, puisqu’il n’y avait pas que des dépenses d’urgence, de soutien ou de relance. Il y avait aussi un laisser-aller. Ainsi, en 2020, environ vingt missions sur trente ont vu leurs crédits augmenter. Le Gouvernement a tiré argument de la crise sanitaire pour relâcher largement les quelques petits efforts qu’il avait faits depuis le début du quinquennat. Je le regrette fortement. Par cohérence, donc, je ne voterai pas ce projet de loi de règlement.

J’y reviens, le groupe Union Centriste, dans sa grande majorité, va s’abstenir, car certains de mes collègues ont un doute très fort sur la sincérité avec laquelle vous gérez les comptes de l’État. Le rapporteur général a rappelé que 36 milliards d’euros de dépenses vont être reportés d’une année sur l’autre. Cela veut dire que le Parlement n’aura pas son mot à dire sur l’affectation de ces fonds. Le Gouvernement pourra donc en faire ce qu’il veut, sans l’autorisation du Parlement. Personnellement, je trouve ce dessaisissement inacceptable. Sur les dix dernières années, la moyenne des dépenses reportées d’une année sur l’autre a été de 1,4 milliard d’euros. C’est un véritable changement de proportion !

Pour l’expliquer, vous nous parlez – après la persévérance et la constance… – de prudence et de prévoyance. Je ne partage pas ce point de vue. Le PLF pour 2021 a été voté ; il vous était donc possible, dès le 1er janvier, de tirer sur les crédits de 2021 tout ce dont nous avions besoin pour faire face aux dépenses d’urgence, de soutien ou de relance. En cas de nécessité, vous aviez la possibilité, au premier semestre de l’année 2021, de présenter un PLFR. Je ne vois pas pourquoi cela vous aurait été impossible, sachant que vous en aviez fait quatre en 2020. Le Parlement aurait alors eu son mot à dire, même si le Sénat n’est pas toujours entendu comme il devrait l’être.

C’est à cause de ce report de 36 milliards d’euros que le groupe Union Centriste, dans sa grande majorité, s’abstiendra sur ce projet de loi de règlement. En ce qui me concerne, comme je l’ai dit, je voterai contre. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)

Mme le président. La parole est à M. Rémi Féraud. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Rémi Féraud. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, cela n’a pas fait la une des journaux, mais c’est un fait notable : pour la première fois depuis 2017, le Sénat a rejeté en première lecture le projet de loi de règlement, car la gauche l’a unanimement rejeté, et la droite, pour l’essentiel, s’est abstenue.

Pour notre part, nous avons clairement exprimé la semaine dernière, par la voix de notre collègue Thierry Cozic, notre opposition à ce texte. Elle est due, bien sûr, à la politique budgétaire du Gouvernement, mais elle vient principalement des 36 milliards d’euros de crédits non consommés en 2020. Je veux rappeler à M. le ministre, qui, parfois, mélange le PLF pour 2021 et le PLFR 4 pour 2020, que cette somme était prévue non pas pour 2021, mais pour 2020.

La CMP ayant été non conclusive, le texte qui nous revient est identique à celui que nous avons examiné en première lecture. Je ne vais donc pas répéter ce que nous avons dit la semaine dernière. En revanche, je veux rappeler les mesures que le Gouvernement aurait pu mettre en place grâce à ces crédits. Ce sont celles, notamment, que nous avions portées avec les sénateurs et sénatrices du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain dans le cadre de notre contre-budget.

Ainsi, nous avions proposé la création de nouvelles solidarités, avec la hausse du RSA, un plan pour l’hôpital et l’autonomie, l’augmentation de l’aide alimentaire, un plan en faveur des outre-mer, la prise en charge du chômage partiel à 100 %, un plan de soutien à la vie associative et un renforcement du plan de soutien au secteur culturel.

Nous avions également proposé des moyens pour que notre jeunesse ne soit pas une génération sacrifiée au sortir de cette crise : création d’une dotation d’autonomie jeunesse ; prise en charge élargie des frais de scolarité ; financement de projets associatifs ou professionnels pour les jeunes.

Nous souhaitions enfin que l’écologie et le développement durable soient davantage au cœur de la réponse à la crise, avec l’accélération de la conversion des transports polluants, le lancement d’un grand plan pour la ruralité, un financement supplémentaire pour l’isolation sonore des bâtiments et un fonds pour la transition écologique des TPE et PME.

Le coût total de ces mesures était de 21,3 milliards d’euros. Il serait donc resté plus de 16 milliards d’euros de crédits non consommés.

Que vous n’écoutiez pas les socialistes, c’est une chose, mais même l’Institut Montaigne préconisait, dès décembre dernier, de verser 30 milliards d’euros d’aides aux ménages les plus en difficulté, tant pour des raisons sociales que pour le soutien de la demande dans des circonstances exceptionnelles. C’est, grosso modo, le montant des crédits reportés.

Je constate finalement que ces reports de l’année 2020 rendent très crédible le contre-budget que nous avions proposé à l’automne. Et je ne parle pas de ce qui aurait pu être fait pour mettre davantage à contribution ceux qui le peuvent, en particulier les bénéficiaires de revenus du capital !

Pour notre part, nous considérons que l’approche du Gouvernement est insuffisante sur les questions environnementales et sociales, sur la solidarité et la préparation de l’avenir. Nous ne partageons pas cette idée de prudence, tant vantée par le Gouvernement, alors que les inégalités explosent. Or nous constatons cette prudence non seulement dans les projets de loi de finances rectificative eux-mêmes, mais encore davantage dans leur mise en œuvre. C’est un constat que nous pouvons aussi faire avec ce projet de loi de règlement.

M. le ministre a parlé lors de la séance de questions d’actualité au Gouvernement de constance et de persévérance. Vincent Delahaye y a d’ailleurs fait allusion. Je pense que la constance et la persévérance, c’est bien, mais quand il y a une erreur de réglage, une erreur d’anticipation, cela conduit à des paris ratés. C’est vrai non seulement en matière sanitaire, mais également en matière économique et sociale. C’est pourquoi nous voterons de nouveau contre le projet de loi de règlement. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme le président. La parole est à M. Daniel Chasseing.

M. Daniel Chasseing. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, aujourd’hui, nous jouons une partie dont nous connaissons déjà l’issue, puisque le Sénat a rejeté en première lecture le projet de loi de règlement tel que voté par l’Assemblée nationale et, en nouvelle lecture, nos collègues députés ont adopté exactement le même texte qu’en première lecture. Sans vouloir verser dans le déterminisme, il est donc fort probable que la Haute Assemblée rejettera de nouveau le projet de loi de règlement pour 2020, les données du problème n’ayant pas changé.

Le groupe Les Indépendants a déjà eu l’occasion de dire qu’une majorité de ses membres soutenait ce projet de loi, non parce qu’il comporte de bonnes nouvelles, mais parce qu’il prend acte des engagements collectifs pris en 2020 dans le cadre de la crise sanitaire pour les entreprises, le social, la santé ; engagements qui ont conduit à un déficit budgétaire de 178 milliards d’euros. Au-delà du vote des uns ou des autres, je veux rappeler quelques points auxquels mon groupe, dans son ensemble, reste attaché.

À l’heure où nous nous apprêtons à boucler les comptes d’un exercice budgétaire hors norme, il est important de fixer un cap clair pour nos finances publiques, car l’année 2020 pèsera encore longtemps de son fardeau sur notre souveraineté économique.

Nous comprenons la nécessité de relancer, au plus vite et au plus fort, l’économie, pour lui permettre de retrouver rapidement son rythme de croisière. Nous avons soutenu toutes les mesures allant dans ce sens. Cependant, pour gagner à l’avenir la bataille de l’emploi et avoir des entreprises compétitives, pour financer la sécurité sociale, l’Unédic, les retraites, il nous faudra renouer avec une forme de rigueur budgétaire. Le programme de stabilité semble, à cet égard, manquer d’ambition : la perspective d’un retour du déficit public sous la barre des 3 % n’est pas prévue avant 2027.

Il s’agit non pas d’une obsession comptable, mais bien de notre capacité à fixer nos priorités politiques. Comment financer de nouveaux droits pour les jeunes, comme l’a annoncé le Président de la République, si nous ne sommes pas capables de contenir la hausse des dépenses dans d’autres domaines ?

La rigueur budgétaire est d’abord affaire de priorités politiques. Pour nous, le sérieux budgétaire ne doit pas se faire aux dépens des missions régaliennes de l’État, comme l’éducation, la sécurité, le plan Santé, avec l’hôpital, et le plan Grand Âge. La crise économique ne devra pas non plus entamer notre action diplomatique, qui garantit l’influence française dans le monde, que ce soit par l’aide publique au développement ou nos capacités militaires.

Au sein de nos frontières, nous devrons également veiller à préserver notre cohésion nationale, en repensant notre modèle social à partir de la valeur travail et de la valeur solidarité. Notre groupe soutiendra les mesures qui iront dans ce sens et votera en majorité pour ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP. – MM. Bernard Buis et Pierre Louault applaudissent également.)

Mme le président. La parole est à M. Paul Toussaint Parigi.

M. Paul Toussaint Parigi. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le rejet d’un projet de loi de règlement n’est jamais anodin. Si le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires fait ce choix, c’est pour deux raisons.

La première est que nous ressentons une inquiétude, largement partagée ici, sur la sincérité des choix budgétaires passés. Je ne reviens pas sur ceux, contestables, qui ont été faits par le Gouvernement pendant cette crise. Ils ont conduit à une réponse à la fois injuste et inefficace, ainsi qu’à la montée conjointe de la grande pauvreté et d’indécentes fortunes.

Avec 36 milliards d’euros de reports, l’opportunité des ouvertures de crédits prévues par la quatrième loi de finances rectificative pour 2020 pose question. Beaucoup ont fait part de leurs interrogations sur l’ampleur de ces reports et l’opacité de leur destination. Je note également que les va-et-vient de flux financiers entre le budget de l’État et celui de la sécurité sociale ne laissent pas d’interroger. Il devient de plus en plus compliqué d’avoir une vision claire du financement de notre protection sociale, et je ne parle même pas de son autonomie ou de sa gestion avec les organisations du monde du travail.

Je rappelle aussi les annonces, aides ou primes, qui ont été promises par le Gouvernement ou par le Président de la République, sans que l’on en voie encore la traduction budgétaire. Doit-on s’attendre pour le budget pour 2022 à une tonalité très électorale, voire électoraliste ?

La seconde raison qui nous pousse à rejeter ce texte est une inquiétude plus vaste sur l’état des finances publiques. Il ne s’agit pas, comme sur certaines travées de cet hémicycle, d’être nostalgique du passé, de déplorer des taux d’endettement extraordinaires dans un monde qui n’a plus rien à voir avec celui des années 1970. Il ne s’agit pas non plus d’appeler à couper encore davantage dans nos services publics, ni à diminuer ce que vous appelez pudiquement les « dépenses de fonctionnement », et encore moins à affaiblir toujours davantage les outils et les moyens d’action de l’État. La problématique est tout autre : elle se fonde non pas sur des lubies idéologiques, mais sur une réalité tragique.

Le changement climatique, ce n’est pas demain, ce n’est pas dans dix ans : c’était la semaine dernière, avec les canicules au Canada ou en Inde ; c’était ces derniers jours, avec les inondations en Allemagne, à Liège, en Chine ou dans le nord-est de la France. Notre responsabilité collective, c’est de tout faire, tout d’abord, pour atténuer ce changement climatique, car, s’il est bien trop tard pour l’empêcher, il s’agit d’en limiter l’ampleur et, ensuite, pour adapter nos sociétés à une augmentation inquiétante à plus de 2 degrés.

Il y a là une autre forme d’insincérité que nous dénonçons. Nous savons parfaitement bien ce qui nous attend. Il vous suffit d’ouvrir les journaux de ce week-end, de lire les rapports qui vous sont destinés, à savoir ceux du GIEC et du Haut Conseil pour le climat. Il y a des faits : à ce jour, nous émettons 42 gigatonnes de CO2 par an. S’il est maintenu, ce chiffre nous fera dépasser inexorablement le seuil de 1,5 degré de réchauffement climatique dès 2031.

Il nous faut donc impérativement réduire drastiquement ces émissions, et cela ne coûte pas si cher. D’après l’Institut de l’économie pour le climat, le coût serait de l’ordre de 1 % à 2,5 % du PIB par an. Vous ne pouvez pas l’ignorer.

Cela suppose de renforcer les moyens d’action de l’État, des collectivités, au lieu de les sous-estimer, voire de les délaisser, et de payer à prix d’or des expertises externalisées à des cabinets privés.

Il est essentiel d’avoir des informations sur la qualité de la dépense publique au regard de cet objectif écologique. Pour cela, il est impératif de disposer d’une véritable comptabilité écologique et, bien sûr, de subordonner les aides publiques au respect de critères écologiques et sociaux stricts. Cessons ce gaspillage de dépenses inutiles !

Nous en sommes conscients, et, pourtant, nous ne réagissons pas. N’est-ce pas la définition même d’une insincérité ?

Mme le président. La parole est à M. Georges Patient.

M. Georges Patient. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, tout au long de l’année 2020, nous avons su faire face à l’urgence ensemble. C’est pourquoi nous avons adopté, au côté de l’Assemblée nationale, les projets de loi de finances rectificative proposés par le Gouvernement. Je salue cet esprit de responsabilité, qui a permis d’apporter une réponse rapide et ferme à la crise.

Seulement, le rejet de ce projet de loi de règlement du fait de l’abstention de la majorité sénatoriale et l’échec de la commission mixte paritaire viennent mettre fin à cette période d’union nationale. C’est d’autant plus surprenant que, j’y insiste, la loi de règlement vient clore un exercice jalonné de quatre PLFR que nous avons votés ensemble.

Vous étiez à nos côtés, mes chers collègues, pour voter des crédits supplémentaires pour faire face à la crise tout au long de son évolution : 6,3 milliards d’euros dès le mois de mars 2020, pour répondre dans l’urgence à la première vague, puis 38 milliards d’euros au mois d’avril, 12 milliards d’euros en juillet et 19 milliards d’euros en septembre. Mais vous nous dites a posteriori que le compte n’y est pas. C’est un peu facile ! Sur le fond, pourtant, nous partageons certaines de vos préoccupations, la situation d’ensemble des finances publiques étant inquiétante, et ce depuis des années.

La crise est intervenue dans un contexte de solde dégradé de nos finances publiques et a conduit à une augmentation importante de la dette publique. En 2017, le Gouvernement avait entamé un chantier de redressement de nos finances publiques, le déficit passant même de 3,6 % en 2016 à 2,2 % en 2019, à la veille de la crise. C’est ainsi que nous avons pu obtenir la confiance des marchés et recourir au financement dans des conditions optimales. Cependant, on n’efface pas d’un revers de main, j’en conviens, les effets de plus de cinquante ans de gestion déficitaire. En effet, nous n’avons pas connu d’équilibre de nos finances publiques depuis 1974.

Plus près de nous, l’évolution de notre solde budgétaire est la conséquence de nos votes, qui ont permis d’apporter un soutien indispensable à nos concitoyens pendant la crise.

Vient ensuite la question des crédits non consommés en 2020 et qui ont été reportés en 2021.

M. Georges Patient. La gestion de la crise sanitaire et la mise en place de dispositifs d’une ampleur inédite ont constitué un défi sans précédent pour le Gouvernement et pour nous, parlementaires, qui avons voté ces crédits.

Les surbudgétisations, que certains d’entre vous ont pu souligner, ne sont pas le signe de l’insincérité de l’exécution budgétaire, elles témoignent plutôt de la prudence du Gouvernement et des prévisions sur lesquelles il s’est appuyé tout au long de la crise. Certes, ces sous-consommations sont importantes, mais n’oublions pas le contexte d’incertitude dans lequel nous avons voté ces enveloppes. J’ajoute que ces reports de crédits ne sont pas une surprise, puisqu’ils découlent de ce que nous avions décidé avec le quatrième projet de loi de finances rectificative pour 2020.

Mes chers collègues, alors que l’Assemblée nationale vient d’achever l’examen des propositions de loi organique visant à rénover le cadre de nos finances publiques, il apparaît plus que jamais nécessaire de réformer la LOLF et de réfléchir à un meilleur pilotage financier de nos comptes publics, ainsi qu’à un renforcement du contrôle parlementaire en la matière. Nous ne pouvons juger l’année qui vient de s’écouler comme si rien ne s’était passé. Nous sortons de la crise la plus grave qu’a connue notre pays depuis la Seconde Guerre mondiale. À cette aune, nous pouvons reconnaître que la gestion budgétaire du Gouvernement a été sincère et prudente, compte tenu de toutes ces incertitudes.

S’il faut aménager les règles organiques, c’est pour que la gestion rigoureuse de nos finances, lorsque la croissance est au rendez-vous, nous permette de soutenir le pays en temps de crise en répondant à la demande de nos concitoyens, de nos entreprises et des collectivités. C’est ce que nous avons fait et que nous continuerons à faire.

Pour toutes ces raisons, et en cohérence avec l’ensemble des votes intervenus en 2020, le groupe RDPI votera une nouvelle fois ce projet de loi de règlement et invite tous ceux qui ont voté à nos côtés les quatre PLFR de crise à faire de même. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

Mme le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

M. Jean-Claude Requier. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, Henry de Montherlant disait : « Les gens s’étonnent toujours que vous ne quittiez pas Paris l’été, sans comprendre que c’est parce qu’ils le quittent que vous y restez. » On pourrait ajouter : sans savoir que la session parlementaire n’est pas encore achevée.

Jeudi dernier, en première lecture, la majorité sénatoriale a laissé les oppositions de gauche rejeter le projet de loi de règlement du budget 2020. Je ne reviendrai pas en détail sur les raisons du rejet d’un texte essentiellement de constatation. Elles ont déjà été données.

Cette nouvelle lecture offre au moins une occasion supplémentaire de débattre des questions budgétaires avant la suspension estivale, même si le temps imparti pour évoquer ce sujet assez technique est plus que limité.

Depuis un an et demi, la crise du coronavirus a eu des conséquences énormes en matière sanitaire, mais aussi en matière sociale, économique et budgétaire. Alors que nous espérions pouvoir enfin tourner la page, la recrudescence des cas positifs laisse craindre le retour, plus rapide que prévu, de mesures de restriction, et ce malgré les progrès indéniables de la vaccination.

Sur le fond, nous avons globalement approuvé les maintes révisions du budget l’an dernier. En cohérence, mon groupe a voté majoritairement en faveur de ce projet de loi de règlement, même si nous avons noté, à la suite du rapporteur général, le montant important des reports de crédits en 2021.

Cette législature devra assumer le surcroît inédit d’endettement public contracté en 2020-2021, dont l’impact devrait toutefois être nuancé, avec des taux d’intérêt historiquement bas et, peut-être, un léger retour de l’inflation.

La hausse de l’endettement public depuis trente ans est, quant à elle, une responsabilité politique partagée par les différents camps. Il est vain de vouloir en attribuer à tel ou tel l’entière responsabilité. En revanche, c’est notre responsabilité et celle des gouvernements à venir d’y apporter des réponses convaincantes et acceptables par le plus grand nombre.

Dans le budget exécuté en 2020, on constate à la fois le résultat des politiques menées les années précédentes et la rupture due à la crise sanitaire.

On peut saluer un réel effort de « sincérisation » du budget et des hypothèses globalement raisonnables : 2020 a été l’année où le déficit structurel s’est le plus approché de l’objectif de 0,5 % fixé par le traité européen sur la stabilité, la croissance et la gouvernance. En même temps, le déficit final s’élève à 178 milliards d’euros, quasiment le double de celui prévu par la loi de finances initiale, et il devrait être encore plus important en 2021.

On discute beaucoup de montants et de quantités d’argent public, mais il faudrait aussi s’intéresser à la qualité de la dépense publique. En la matière, les indicateurs présentés dans le tome 2 du rapport sur l’évolution de l’économie nationale et sur les orientations des finances publiques, que je n’ai pas le temps de détailler ici, montrent que beaucoup de progrès peuvent encore être réalisés, tant en ce qui concerne la qualité de la dépense pour l’usager que son efficience pour le contribuable.

Pour anticiper un peu sur la rentrée, je précise que nous aurons bientôt l’occasion de débattre plus en profondeur de ces règles budgétaires, avec l’examen de la proposition de loi organique sur la modernisation de la gestion des finances publiques et de la proposition de loi portant diverses dispositions relatives au Haut Conseil des finances publiques et à l’information du Parlement sur les finances publiques.

En conclusion, je vous annonce que les membres du groupe du RDSE voteront en majorité, comme en première lecture, pour l’adoption du projet de loi de règlement.

Mme le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli.

M. Pascal Savoldelli. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe communiste républicain citoyen et écologiste votera contre le projet de loi de règlement. C’est un exercice impropre. Je vais m’arrêter sur un phénomène d’ampleur : la privatisation de la gouvernance publique.

Cet exercice budgétaire traditionnel vise à arrêter les normes financières et juridiques imposées à l’administration, donc les ressources dont dispose la puissance publique pour exercer ses missions. Sous un faux prétexte de « maîtrise des dépenses publiques », renforcé par la LOLF et ses barbarismes peu lisibles de « fongibilité asymétrique » ou de « plafond d’emploi par mission », le secteur public a perdu 180 000 agents entre 2006 et 2018. Il faut y ajouter 220 000 agents transférés des ministères vers les établissements publics, ce qui a contribué au démembrement de l’État.

Après une baisse de 223 fonctionnaires en 2018 et une perte de 233 emplois en 2019, la suppression de 226 postes était encore prévue en 2020, avant la crise, mais il a fallu recruter en urgence 3 048 enseignants pour pallier les besoins… Ce yo-yo politique a une histoire. Le non-remplacement d’un départ à la retraite sur deux dans la fonction publique dans le cadre de la révision générale des politiques publiques en est une illustration.

L’objectif est toujours le même : faire baisser l’emploi public pour tenter de faire baisser les dépenses, sauf que, sous couvert de maîtrise des dépenses publiques, on recourt à des acteurs parfois moins qualifiés et plus onéreux, ce qui aggrave la situation financière. Le recours à des cabinets privés est symptomatique de cette tendance, que l’on pourrait qualifier de cercle vicieux, puisque l’État en est réduit à payer deux fois des consultants : la première pour l’aider à faire des économies ; la seconde pour suppléer aux carences que ces mêmes consultants ont contribué à organiser.

Tout y passe : organisation, management, santé publique. En tout, ce sont 500 contrats passés en trois ans. À la veille de l’examen d’un texte sur ce sujet fondamental, le pilotage de la crise sanitaire n’échappe pas à ce phénomène profond. Sur les dix premiers mois de la pandémie, vingt-six contrats ont été conclus avec ces cabinets. Qui prend les décisions ? En tout état de cause, les responsabilités du Président de la République et de son gouvernement sont engagées.

On nous parle dorénavant d’adapter « des », et non pas « nos », outils de gestion de crise sanitaire, déjà choisis et peu débattus. Le texte modifie ceux sur la sortie de la crise et la prorogation de l’état d’urgence. Crise et état urgence deviennent donc des outils, faussement dénommés adaptations. En bref, il s’agit d’organiser la division par la normalisation d’une situation exceptionnelle. La crise appelle des solutions et pas seulement des adaptations. C’est cruellement vrai avec la santé, secteur qui a le plus pâti d’une privatisation désarmante face au covid.

Les ARS furent des acteurs majeurs de la gestion de la pandémie. Nous en avons souvent débattu dans l’hémicycle. Chargées de coordonner la politique de santé au niveau local, elles constituent un moyen d’imposer austérité et contraintes au secteur hospitalier.

En 2017, l’ARS Auvergne-Rhône-Alpes s’interroge sur la façon de mutualiser les établissements privés et publics. En 2018, elle débourse 300 000 euros pour du coaching. En 2020, quatre ARS commandent au privé une analyse de la situation financière des établissements de santé de leur région. Et la liste est longue, comme l’ont si bien détaillé le collectif « Nos Services Publics » et un très bon dossier dans LObs !

La privatisation de leurs missions contribue à affaiblir la puissance publique, qui perd en compétences, en savoir-faire et en expertise. Le cercle est vicieux, et il est aussi extrêmement coûteux.

Si j’ai conscience de cela, ce n’est pas grâce aux innombrables documents budgétaires prévus par la LOLF, et qui sont censés renforcer l’information des parlementaires et des citoyens. Monsieur le ministre, mes chers collègues, c’est déjà un symptôme ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)