compte rendu intégral

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires :

M. Joël Guerriau,

Mme Marie Mercier.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Salutations à trois sénateurs représentant les français établis hors de France

M. le président. Avant d’entamer les questions d’actualité au Gouvernement, je souhaite saluer trois de nos collègues représentant les Français établis hors de France, qui ont décidé de ne pas se représenter lors des élections de dimanche prochain : Richard Yung, Claudine Lepage et Robert del Picchia. Je salue leur engagement résolu à faire entendre la voix de nos compatriotes établis hors de France, ainsi qu’à défendre le rayonnement international de notre pays. (Applaudissements.)

3

Questions d’actualité au Gouvernement

M. le président. Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, l’ordre du jour appelle les questions d’actualité au Gouvernement.

Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.

Au nom du bureau du Sénat, j’appelle chacun de vous, mes chers collègues, à observer au cours de nos échanges l’une des valeurs essentielles du Sénat : le respect, qu’il s’agisse du respect des uns et des autres ou de celui du temps de parole.

crise des sous-marins (i)

M. le président. La parole est à M. Richard Yung, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées des groupes RDSE et UC.)

M. Richard Yung. Madame la ministre des armées, ma question porte sur l’annulation du contrat de sous-marins par l’Australie.

Je pense que la France a eu raison de montrer sa colère et de rappeler ses ambassadeurs. Il y a la manière brutale et la dissimulation, et il y a le montant – 52 milliards d’euros, ce n’est pas rien !

Mais l’essentiel n’est pas là. Il est dans l’attitude des États-Unis, qui ont contraint l’Australie, comme ils avaient obligé les Suisses à acheter leurs chasseurs F-35 plutôt que le Rafale. Biden, que nous avions porté aux nues, fait au fond ce que fait tout président des États-Unis. Ce n’est d’ailleurs pas la première fois que les États-Unis montrent le peu de cas qu’ils font de leurs alliés, ou prétendus tels : rappelez-vous Obama et la Syrie en 2013…

En l’occurrence, on peut se demander si les États-Unis ne se sont pas tiré une balle dans le pied. Ils perdent la confiance des grands pays européens, qui nous ont manifesté leur soutien hier à l’occasion de l’Assemblée générale des Nations unies à New York, et ils gagnent peu de choses : un associé mineur, le Royaume-Uni, et un comparse, l’Australie, qui en fait n’aura pas ses sous-marins avant 2040…

Pourtant, nous aurions pu participer à une stratégie globale pour la région, mais y a-t-il encore une alliance devant tant de duplicité ?

Madame la ministre, mes questions sont les suivantes.

Quelle stratégie alternative peut-il y avoir pour la France, qui cherche à construire une alliance régionale dans la zone indo-pacifique ?

Nous sommes par ailleurs nombreux à penser que c’est l’occasion de renforcer la politique européenne de défense. Savez-vous ce qu’en pensent les responsables allemands ? En avez-vous parlé avec eux ?

Enfin, notre coopération militaire avec la Grande-Bretagne – je pense aux accords de Lancaster House – peut-elle survivre à ce Trafalgar ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées des groupes RDSE et UC. – M. Jean-Pierre Sueur applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre des armées.

Mme Florence Parly, ministre des armées. Monsieur le sénateur, permettez-moi tout d’abord de saluer votre engagement sans faille, au cours de ces dix-sept dernières années, sur les questions internationales, européennes et de défense. (Mme Patricia Schillinger applaudit.)

Vous le savez, la France est un pays de la zone indo-pacifique : nous avons des territoires dans ces deux océans, plus de deux millions de nos concitoyens y vivent, des militaires français y sont déployés en permanence et 93 % de notre zone économique exclusive appartient à cette région. Nous y avons donc évidemment des intérêts.

L’annulation de ce contrat n’invalide pas notre stratégie. Ce que nous proposons aux acteurs de la région indo-pacifique, c’est une sorte d’alternative au modèle chinois et notre objectif est clair : refuser d’être l’otage de la rivalité entre la Chine et les États-Unis. Notre stratégie intègre les dimensions environnementale, sécuritaire et commerciale, ainsi que la question de la liberté de navigation – je rappelle que 60 % de la richesse mondiale transite par cet espace maritime.

Nous ne sommes pas seuls, monsieur le sénateur, dans la zone indo-pacifique. Nous y avons des partenaires importants : l’Inde, le Japon, la Malaisie ou encore l’Indonésie.

En outre, pour la première fois de son histoire, l’Union européenne s’est emparée de cette question, en se dotant d’une stratégie indo-pacifique écrite à vingt-sept – j’y insiste, c’est une première ! Cette stratégie trouvera un écho dans la « Boussole stratégique », ce premier livre blanc de la défense européenne qui sera l’une des priorités de la présidence française de l’Union européenne, qui commencera dans quelques mois.

Ainsi, monsieur le sénateur, nous affirmons la nécessité pour l’Europe non seulement de protéger son espace propre, mais aussi d’être capable de se projeter au-delà de ses frontières chaque fois et partout où ses intérêts sont en jeu. Je pense que c’est une bonne nouvelle pour les Français et pour les Européens. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – M. Pierre Louault applaudit également.)

crise des sous-marins (ii)

M. le président. La parole est à M. Rachid Temal, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Rachid Temal. Monsieur le Premier ministre, jamais depuis l’avènement de la Ve République, la France n’a connu une telle humiliation.

Oui, la France est humiliée. Bien sûr, nous condamnons, comme vous, les agissements de nos alliés américains, britanniques et australiens, mais force est de constater que cette affaire dite des sous-marins australiens en dit long sur votre gouvernance et votre bilan.

Le contrat du siècle : évaporé !

La France dans la zone indo-pacifique : écartée !

La France sur la scène internationale : rabaissée !

Monsieur le Premier ministre, vous devez la transparence et la vérité aux Français comme à la représentation nationale. Pour cela, vous devez répondre à des questions simples.

Comment comprendre que ni l’Élysée, ni Matignon, ni le Quai d’Orsay, ni nos ambassades, ni nos services n’aient rien vu, su ou entendu de ce qui se tramait, à savoir la rupture du contrat et la nouvelle alliance dite Aukus ?

Quel ministre croire, puisque les versions des ministres français et australiens sont différentes ?

Quels sont, après les propos du Président de la République, l’avenir de l’OTAN et la place de la France au sein de cette organisation ? Et quel avenir pour la défense européenne ?

Enfin, quelles sont les conséquences pour nos intérêts dans la zone indo-pacifique et pour nos compatriotes qui y vivent – Mme la ministre des armées a rappelé qu’ils étaient deux millions, notamment en Nouvelle-Calédonie –, alors même que la Chine s’arme de plus en plus ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre des armées.

Mme Florence Parly, ministre des armées. Monsieur le sénateur, permettez-moi d’être étonnée, pour ne pas dire choquée, d’entendre dans cet hémicycle un représentant de la Nation donner le sentiment d’instrumentaliser ce qui arrive à la France pour des raisons de politique intérieure. (Protestations sur les travées des groupes SER et Les Républicains.)

Ne devriez-vous pas, au contraire, considérer que, ce qui est en débat, c’est la place de la France dans le monde, ses relations avec ses partenaires et ses alliés, au premier rang desquels les États-Unis ? C’est en effet une question sérieuse qui me paraît nécessiter la mobilisation de chacun ! (Nouvelles protestations sur les mêmes travées. – Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

Les Français auront l’occasion de s’exprimer sur les débats de politique intérieure dans quelques mois. Alors, si vous le voulez bien, revenons à l’affaire qui nous intéresse !

Vous le savez, il s’agit d’une rupture de confiance, car rompre un contrat ne correspond pas à une simple érosion. Vous connaissez le sens des mots, une rupture, c’est brutal et cela ne s’anticipe pas ! C’est ce qui s’est passé.

Jean-Yves Le Drian et moi-même avons tenu le 30 août dernier avec nos homologues australiens une réunion en format dit 2+2 – un format que nous mettons en place avec des partenaires stratégiques comme l’Australie –, lors de laquelle l’importance majeure de ce contrat de sous-marins a été confirmée. Vous pourriez convenir, monsieur le sénateur, qu’il s’agit d’une forme de duplicité !

Par ailleurs, le Premier ministre australien a écrit au Président de la République le 15 septembre – au moment de l’annonce de la rupture du contrat ! – que les sous-marins de type Attack sont les meilleurs du monde dans la classe océanique.

Vous comprendrez bien, monsieur le sénateur, qu’on ne peut pas réécrire l’histoire a posteriori ou alors on s’érige en juge ou en procureur – je comprends que c’est l’intention du Sénat… (Huées prolongées sur les travées de tous les groupes, sauf sur celles du groupe RDPI. – De très nombreux sénateurs martèlent leurs pupitres.)

M. le président. Poursuivez, madame la ministre, mais les provocations n’ont pas une utilité absolue pour éclairer le débat !

Mme Florence Parly, ministre. Comme vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, c’est toujours avec plaisir que je réponds aux questions du Sénat, en particulier lorsque je suis auditionnée par ses commissions. Et je le ferai sur cette affaire, comme je l’ai toujours fait. (Brouhaha persistant sur de nombreuses travées, couvrant la voix de lorateur. – M. François Patriat applaudit.)

Il me semble que, dans cette affaire,…

M. le président. Nous voilà suffisamment éclairés, madame la ministre !

Mme Florence Parly, ministre. … un peu d’unité nationale ne ferait pas de mal ! (Nouvelles huées sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Rachid Temal, pour la réplique.

M. Rachid Temal. Madame la ministre, malheureusement, votre réponse tombe, encore une fois, à côté !

Comment pouvez-vous dire que, lorsque des parlementaires font leur travail de contrôle, ils se comportent comme des procureurs ?

Nous posons simplement des questions qui sont légitimes ! Dès le 2 juin dernier, un article paru dans un grand journal australien évoquait des difficultés sur ce contrat et vous n’avez rien dit ou fait.

La gesticulation diplomatique de votre gouvernement n’est pas à la hauteur d’un pays comme la France. C’est pour cette raison que nous demandons, aujourd’hui plus que jamais, la constitution d’une commission d’enquête sénatoriale, qui devra établir la vérité et tirer les enseignements de cette affaire. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes CRCE, GEST, INDEP, RDSE et UC.)

situation du « pass’sport » destiné à soutenir les clubs sportifs

M. le président. La parole est à M. Éric Gold, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

M. Éric Gold. Ma question s’adresse à Mme la ministre déléguée chargée des sports.

Madame la ministre, la pratique sportive a été considérablement affaiblie depuis le début de la crise sanitaire. Les clubs sportifs amateurs sont à la peine : la chute du nombre de licenciés et de bénévoles met en péril leurs finances et l’organisation des compétitions. La baisse de l’activité physique a été qualifiée de bombe à retardement sanitaire dans un rapport de l’Assemblée nationale.

Si la réponse du Gouvernement, par l’intermédiaire du Pass’Sport, apparaît comme une initiative intéressante, avec une aide de 50 euros sur l’adhésion à une association sportive pour les 6-17 ans sous certaines conditions, l’enveloppe dédiée de 100 millions d’euros semble largement insuffisante pour toucher les plus de 5 millions de jeunes concernés. En outre, les débuts du Pass’Sport sont particulièrement timides – et c’est un euphémisme…

Si certains attendent de savoir, en fonction de l’évolution de la situation sanitaire, si les compétions auront bien lieu cette année, d’autres se heurtent aux difficultés des associations dans la mise en place de la mesure.

L’Agence nationale du sport demande en effet aux clubs la création d’un « compte asso » pour le remboursement des 50 euros qui ne sont pas demandés aux bénéficiaires du Pass’Sport. Or, à ce jour, seuls 40 000 clubs, sur les 180 000 en activité, ont créé un tel compte. Et pour cause : certains, sans salarié et en manque de bénévoles, ne peuvent tout simplement pas le faire. En outre, dans un pays où 17 % de la population est touchée par l’illectronisme, imposer la création d’un compte internet rend nécessairement la mesure moins populaire.

Le décret, publié le 10 septembre, en est à ses tout débuts, mais c’est maintenant que se joue la saison, c’est maintenant que se constituent les équipes et que les associations ont enfin l’occasion de sortir la tête de l’eau.

Je présenterai, le 14 octobre, avec mes collègues du groupe du RDSE, une proposition de loi visant à créer une aide supplémentaire sur les adhésions aux associations sportives, culturelles et récréatives, et à relever la réduction d’impôt en vigueur sur les dons à ces associations.

Aussi, madame la ministre, quelles mesures complémentaires et quelles aides aux associations le Gouvernement compte-t-il mettre en place pour soutenir les bénévoles et le sport amateur en général ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des sports.

Mme Roxana Maracineanu, ministre déléguée auprès du ministre de léducation nationale, de la jeunesse et des sports, chargée des sports. Monsieur le sénateur Éric Gold, comme vous l’avez dit, le Pass’Sport est une véritable allocation de rentrée sportive. Il est doté de 100 millions d’euros et j’ai l’honneur d’annoncer sa reconduction dans le cadre du projet de loi de finances pour 2022. C’est une grande et belle avancée, qui illustre l’engagement du Gouvernement pour démocratiser la pratique du sport en France.

Cette réduction de 50 euros sur l’adhésion sportive pour un jeune sur deux incite fortement les enfants et les jeunes à s’inscrire en club, c’est-à-dire à une activité encadrée et sécurisée, qui est essentielle, vous l’avez dit, pour la santé et le bien-être de nos jeunes : 5,4 millions de jeunes de 6 à 17 ans sont concernés et nous recevons les inscriptions de 15 000 enfants directement en ligne. La démarche pour créer le compte asso est simple, elle s’effectue en quelques clics. Nous travaillons avec des tiers payeurs issus du mouvement sportif : ils nous aident à accompagner les associations, dont les bénévoles pourraient être débordés.

Les inscriptions marchent bien. J’ai organisé plusieurs déplacements et participé à des forums d’associations : j’ai ainsi pu constater que les jeunes viennent effectivement se réinscrire. Le Pass’Sport va donc être pleinement utilisé.

Je tiens à rappeler que le Gouvernement est intervenu en faveur du sport français dans toutes ses dimensions – amateurs, professionnels, salles de sport, secteur commercial –, à hauteur de 6,5 milliards d’euros. Un effort unique a donc été mis en place à destination du secteur sportif.

Sachez aussi que mon ministère soutient la Fondation du sport français dans le cadre de l’opération solidaire « Soutiens ton club ». En outre, une plateforme de mécénat permet de défiscaliser les dons des particuliers et des entreprises aux clubs sportifs ; nous accordons une très grande importance à cette défiscalisation et nous comptons sur le mécénat pour soutenir le mouvement sportif.

Au mois de septembre, nous avons lancé une campagne de communication pour « surfer » sur les bons résultats des jeux Olympiques et Paralympiques. Elle a pour objectif de soutenir la pratique sportive dans toutes ses dimensions, à tous les âges et à tous les niveaux de pratique.

M. le président. Il faut conclure !

Mme Roxana Maracineanu, ministre déléguée. Cette campagne a été relayée par le mouvement sportif, les structures commerciales et les clubs professionnels. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

chasse et ruralité

M. le président. La parole est à M. Daniel Salmon, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. Daniel Salmon. Madame la secrétaire d’État chargée de la biodiversité, il y a quelques jours, au sommet mondial de la biodiversité à Marseille, le Président de la République déclarait dans un beau discours sa détermination à porter haut et fort les enjeux de la biodiversité.

Et voilà que nous apprenons que le Gouvernement s’apprête à réautoriser des pratiques de chasse récemment interdites (Ah ! sur des travées du groupe Les Républicains.), avec le piégeage traditionnel de plus de 100 000 oiseaux sauvages appartenant à des espèces en déclin, alors même que le Conseil d’État et la Cour de justice de l’Union européenne ont récemment déclaré ces pratiques illégales et que la France a perdu – rappelons-le – près du tiers de ses oiseaux depuis le début du XXIe siècle.

Vous n’en serez pas surprise, madame la secrétaire d’État, mais il nous paraît totalement inimaginable de tolérer demain, à nouveau, ces chasses non sélectives. L’Espagne a déjà été condamnée par l’Union européenne sur ce fondement.

Certains prétendent que, défendre la chasse, c’est défendre la ruralité (Oui ! sur des travées du groupe Les Républicains.), c’est défendre les traditions. (Oui ! sur des travées du groupe Les Républicains.)

Non, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le monde rural n’est pas menacé par l’interdiction de pratiques cruelles et dépassées (Protestations sur des travées du groupe Les Républicains.), qui s’appliquent sur des espèces en déclin.

La majorité des ruraux sont d’ailleurs opposés à ces pratiques de chasse. Les chiffres sont têtus : seuls 26 % des ruraux sont favorables à la chasse telle qu’elle est pratiquée et 70 % des chasseurs sont des urbains – il faut le préciser.

Oui, nous appelons au respect de la ruralité ! Une ruralité bienveillante, vivante et respectueuse de toutes et de tous. (Vives protestations sur des travées du groupe Les Républicains.) Respecter la ruralité, c’est d’abord cesser de soutenir un modèle libéral qui métropolise la France, en détruisant les emplois ruraux.

Mme Cécile Cukierman. Ce n’est pas cela la chasse française !

M. Daniel Salmon. C’est cesser cette agriculture intensive qui met à mal trop de paysans et de paysages. C’est arrêter de détruire les services publics. C’est aussi pouvoir, le dimanche, se promener tranquillement, en paix, en forêt ou sur des chemins ruraux.

Vos mesures clientélistes n’ont rien à voir avec la défense de la ruralité. Madame la secrétaire d’État, quand allez-vous prendre en compte ces territoires délaissés ? (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de la biodiversité.

Mme Bérangère Abba, secrétaire dÉtat auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Monsieur le sénateur Salmon, sur le sujet de la chasse, nous cherchons, en responsabilité, à apaiser le débat. Il est évident que personne ne souhaite voir s’installer une agressivité et une tension entre un monde présumé urbain et un monde rural, mondes qui seraient soi-disant incapables de se comprendre et de s’entendre.

C’est pourquoi nous devons dessiner des solutions pragmatiques.

Il s’agit d’abord de protéger la biodiversité. Vous le savez, nous y travaillons dans le cadre de ce que nous appelons la gestion adaptative et de la notion de sélectivité, qui est extrêmement importante pour le bon état des populations.

Il s’agit aussi de tenir compte du contexte et de pratiques anciennes, qui forment une sorte de patrimoine culturel. Si comme moi vous connaissez bien la ruralité, vous connaissez aussi ce contexte.

À partir de cette situation, des questions juridiques se posent. Sommes-nous, en ce qui concerne la préservation des oiseaux, en conformité avec le droit européen, en particulier avec la directive Oiseaux ? Nous devons encore nous en assurer : en effet, le Conseil d’État a pris une décision sur la forme – la manière dont les arrêtés sont construits –, et non sur le fond. C’est pourquoi nous avons souhaité soumettre de nouveau ces arrêtés. Cela permettra de clore le débat sur l’autorisation de ces différentes pratiques – il y en a plusieurs, ce qui a son importance en termes de sélectivité.

Nous devons aussi observer les conséquences des mesures qui ont déjà été prises. Ainsi, nous avons arrêté la chasse à la glu et suspendu les chasses à la barge à queue noire, au courlis cendré ou au grand-tétras.

Voilà donc notre ligne : un cadre législatif européen sur la sélectivité, un bon état des populations, la sécurité des pratiques et la formation à la chasse. J’ajoute que des questions sociétales peuvent se poser, par exemple sur le bien-être animal – je serai d’ailleurs de nouveau devant vous dans quelques jours pour en débattre.

Au-delà de la démocratisation de certaines pratiques, nous avons assuré un cadre sécurisé et nous sommes très attachés au droit européen et à la conservation des populations. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

pénurie d’infirmiers scolaires

M. le président. La parole est à Mme Colette Mélot, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, ainsi que sur des travées du groupe UC.)

Mme Colette Mélot. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports.

Monsieur le ministre, si la question n’est pas nouvelle, la crise sanitaire a aggravé la pénurie d’infirmiers scolaires dans les établissements.

La profession souffrait déjà avant la crise d’un manque d’attractivité et de mauvaises conditions de travail. En 2018, on dénombrait un infirmier pour 1 300 élèves. Désormais, avec un infirmier pour 1 800 élèves en Seine-Saint-Denis, il est impossible de travailler correctement.

Qui plus est, la charge de travail des infirmiers scolaires s’est considérablement accrue avec la mise en place des mesures sanitaires et l’augmentation importante des besoins d’accompagnement des élèves affectés par la crise.

Autre facteur aggravant, leur rémunération est largement inférieure à celle proposée par les établissements de santé.

La situation est telle que 66 % des infirmiers scolaires envisagent de changer de métier et nous savons que nombre d’entre eux ont déjà franchi le pas, accentuant la charge de ceux qui restent, faute de remplaçants.

Monsieur le ministre, la situation n’est plus tenable. Vous connaissez le rôle fondamental des infirmiers de l’éducation nationale. Outre leur rôle de soignant, ils sont le dernier rempart contre le décrochage scolaire, la dépression, la maltraitance familiale ou le harcèlement. Leurs missions de prévention de ces risques, d’écoute, de détection des situations d’urgence et d’accompagnement sont indispensables au bon fonctionnement de l’enseignement.

Nous ne pouvons faire l’économie d’une juste revalorisation de la profession, au-delà de celle annoncée dans le cadre du Grenelle de l’éducation, qui va dans le bon sens. Cela passe, bien entendu, par une hausse des salaires, mais aussi par une formation adaptée et éventuellement une territorialisation du recrutement dans le cadre d’une réorganisation globale de la santé scolaire.

L’égalité d’accès à la santé des élèves est une composante essentielle de l’égalité des chances.

Pourriez-vous préciser, monsieur le ministre, les actions que le Gouvernement entend mettre en place pour lutter contre la pénurie d’infirmiers de l’éducation nationale ? (Applaudissements sur des travées du groupe INDEP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports.

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de léducation nationale, de la jeunesse et des sports. Madame la sénatrice Colette Mélot, je vous remercie pour cette question, qui permet de mettre l’accent sur les infirmiers et les infirmières scolaires, lesquels, comme vous l’avez très bien dit, représentent un corps essentiel pour l’éducation nationale.

Leur rôle est extrêmement important au quotidien et il l’est encore plus dans la période que nous vivons depuis dix-huit mois. Ces infirmières – j’utiliserai le féminin, parce que les femmes sont très majoritaires dans ce corps – pratiquent bien évidemment des actes de santé, mais elles jouent en réalité un rôle beaucoup plus large, que l’on peut qualifier d’éducatif.

Les infirmières scolaires participent pleinement au travail d’équipe de l’ensemble des acteurs de l’école, sous l’autorité du chef d’établissement. Contre le harcèlement et les difficultés de tous ordres que rencontrent les enfants et les adolescents, elles sont là et participent à ce travail d’équipe.

Oui, madame la sénatrice, il faut qu’elles soient revalorisées, mais faisons un tableau juste. Il y a en réalité une stabilité du nombre d’infirmières scolaires en France depuis 2018 – elles sont 8 024 au moment où je vous parle – et le nombre de lauréats au concours est resté à peu près le même. Il serait toutefois préférable qu’elles soient un peu plus nombreuses ; c’est pourquoi nous ouvrons des postes en grand nombre pour le concours de l’année prochaine.

Notre objectif est aussi de les revaloriser – je suis en complet accord avec vous, madame la sénatrice. Dans le cadre du Grenelle de l’éducation – je vous remercie de l’avoir rappelé –, une revalorisation de 400 euros annuels a été décidée ; cette revalorisation a été enclenchée en 2021 et nous continuerons bien entendu à aller de l’avant.

En ce qui concerne l’adéquation avec les mesures prises pour les autres personnels de santé qui exercent ailleurs qu’à l’éducation nationale, vous avez raison : il existe un risque de distorsion. Si le Ségur de la santé se traduit par des revalorisations pour les autres infirmières que celles qui exercent à l’éducation nationale, il y a un risque de fuite. C’est pourquoi Amélie de Montchalin, ministre de la transformation et de la fonction publiques, et moi-même avons travaillé à ce que cette revalorisation ait aussi lieu dans le cadre de l’éducation nationale. Et je peux vous dire, en présence d’Amélie de Montchalin, que nous préparons pour 2022 une revalorisation des infirmières scolaires en lien avec le Ségur de la santé. (Mme Amélie de Montchalin, ministre, marque son accord. – Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

exclusion du nucléaire du plan de relance européen