Mme la présidente. La parole est à M. Dominique de Legge, au nom de la commission des affaires européennes, en remplacement de M. Jean-François Rapin, président de la commission des affaires européennes. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Dominique de Legge, au nom de la commission des affaires européennes, en remplacement de M. Jean-François Rapin, président de la commission des affaires européennes. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je veux tout d’abord excuser le président Jean-François Rapin et remercier notre collègue Jean-Marie Mizzon pour son analyse et pour la clarté de ses propos.

Il nous a indiqué que la contribution de la France au budget européen était stabilisée. Je veux tout de même signaler que, compte tenu de la mise en œuvre du cadre financier pluriannuel pour la période 2021-2027, cette contribution sera amenée, à terme, à augmenter.

Nous aurons de surcroît, à partir de 2028, à rembourser l’emprunt contracté à l’occasion du lancement du plan de relance européen.

Il existe, bien sûr, une échappatoire à cette perspective : la mise en place de nouvelles ressources propres. Cependant, chacun sait que ce sujet soulève des questions politiques et institutionnelles importantes. Le Sénat l’a souligné dans des résolutions européennes, comme l’a fait notre collègue Jean-Marie Mizzon en parlant d’une équation toujours non résolue.

C’est un fait, et la commission des affaires européennes entend s’y intéresser tout particulièrement l’an prochain, dans le cadre de la présidence française du Conseil de l’Union européenne. Monsieur le secrétaire d’État, peut-être pouvez-vous nous apporter des précisions sur ce point ?

Mardi dernier, le ministre Jean-Yves Le Drian a évoqué trois mots d’ordre pour qualifier les ambitions de la future présidence française : relance, puissance, appartenance.

Acceptons-en l’augure, mais je veux ici affirmer que, si les attentes du Sénat sont grandes, ses doutes n’en sont pas moins grands quant à la capacité de la France de tirer le meilleur parti de cette présidence, en raison du calendrier électoral.

Pour ce qui est de la relance, nous pouvons dire que nous l’avons financée à crédit, tant au niveau national qu’au niveau européen.

La puissance, elle, reste largement à construire et exige une véritable volonté politique. Une telle volonté semble malheureusement faire défaut chez certains de nos partenaires de l’Union, alors que les menaces qui pèsent sur l’Europe s’affirment chaque jour un peu plus. Il est temps de réagir !

Quant à l’appartenance, elle ne saurait se résumer à renouveler son adhésion à un club d’endettés désireux de se relancer ! Il faut parvenir à traduire en actes l’affirmation de l’autonomie stratégique de l’Union, c’est-à-dire donner corps et sens au projet européen, en pensant d’abord à nos concitoyens ; à défaut, ces derniers s’en détourneront. Nous avons tous les jours des exemples indiquant que ce risque est réel. Cela vaut pour le Pacte vert et la transition écologique comme pour les enjeux migratoires ou la défense, pour ne citer que quelques exemples.

La commission des affaires européennes et l’ensemble des commissions permanentes, dont je salue la mobilisation, entendent utiliser pleinement le volet parlementaire de la présidence française pour veiller à la défense des intérêts de la France et faire en sorte que les attentes des citoyens européens soient pleinement prises en compte par les institutions européennes. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC. – M. Emmanuel Capus applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Requier.

M. Jean-Claude Requier. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, cela a été dit, l’examen de l’article 18 intervient sous le signe de l’imminente présidence française de l’Union européenne. Au cours du débat que le Sénat y a consacré mardi, certains de mes collègues ont souligné la peu idéale concordance entre cet événement et la prochaine élection présidentielle.

Voyons les choses autrement : reprise économique, pandémie, migration, transition écologique, sécurité internationale, ces sujets n’ont pas de frontières et, pour la plupart, appellent une réponse à l’échelle du continent européen – c’est une évidence, en tout cas aux yeux du RDSE, profondément attaché, chacun le sait, à la construction communautaire.

La campagne présidentielle devra donc être l’occasion de rappeler à nos concitoyens, et surtout aux plus eurosceptiques d’entre eux, cette interdépendance entre le destin de la France et celui de l’Europe.

Regardons la reprise économique, dont la France profite particulièrement ; une telle dynamique aurait-elle été possible sans le plan de relance Next Generation EU et l’effort coordonné de mutualisation des dettes ?

La stratégie vaccinale européenne mérite également d’être évoquée. L’approche collective a permis de sécuriser l’approvisionnement en doses sur notre continent. Ainsi, une grande majorité des États membres de l’Union européenne figurent parmi les pays les mieux vaccinés au monde.

Cela dit, je n’oublie bien sûr pas les terrains sur lesquels des efforts restent à faire en faveur d’une approche plus coopérative.

Je pense à la sécurité internationale, domaine dans lequel la France se trouve parfois seule aux avant-postes pour prendre des initiatives, comme c’est le cas avec Barkhane dans la bande sahélo-saharienne, où nous assurons la sécurité collective de l’Europe.

Je songe également à la question migratoire. Disons-le : celle-ci éprouve bien souvent la solidarité européenne. Il suffit de constater combien piétine le paquet Migration et asile. Pourtant, les défis sont immenses, entre le désespoir qui pousse les migrants à quitter leur pays et l’instrumentalisation honteuse qui est faite de ce drame par certains États, hier le Maroc, aujourd’hui la Biélorussie.

Mes chers collègues, pour amplifier ces politiques, comme chaque année, notre pays doit s’acquitter de sa quote-part au budget de l’Union européenne. Nos collègues rapporteurs ont rappelé les chiffres : en 2022, le prélèvement sur les recettes de l’État au profit de l’Union s’élèverait à 26,4 milliards d’euros, soit 800 millions d’euros de moins qu’en loi de finances initiale pour 2021.

Au regard de cette somme, la question du juste retour est dans les esprits ; cette équation, bien souvent vue sous l’angle comptable, omet pourtant tous les bénéfices indirectement induits, ce que certains États membres – ceux que l’on dit « frugaux » – ont tendance à oublier. Quoi qu’il en soit, il faudra en finir un jour avec les rabais, lesquels vont à l’encontre du principe de solidarité qui est au fondement du projet européen.

Le remboursement de l’emprunt pourrait être l’occasion d’approfondir le financement du budget de l’Union européenne. Mon groupe partage les orientations qui sont sur la table depuis l’accord du Conseil européen de juillet 2020 : taxe numérique, produit du système d’échange de quotas d’émission ou encore mécanisme d’ajustement carbone aux frontières.

Nous souhaitons, enfin, la mise en œuvre rapide d’une taxe sur les transactions financières ainsi que la définition d’une assiette commune de l’impôt sur les sociétés. Attendre 2026 pour une éventuelle entrée en vigueur nous paraît un horizon trop lointain et trop incertain.

Monsieur le secrétaire d’État, je sais que l’Europe aime le temps long, au risque de se faire parfois bousculer par des crises. Dans ces conditions, nous comptons sur la présidence française pour accélérer le traitement de ces dossiers.

Dans cette attente, le groupe du RDSE votera l’article 18. (M. le président de la commission des finances, M. le rapporteur spécial et M. Gérard Larcher applaudissent.)

Mme la présidente. La parole est à M. Patrice Joly.

M. Patrice Joly. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, chaque année, nous débattons de la contribution de la France au budget de l’Union européenne. Ce moment, sans doute trop court, nous permet aussi d’aborder l’état de l’Union. Cette année, ce débat prend une dimension particulière, à la veille de la présidence française du Conseil de l’Union européenne – cela a été dit.

Dans la crise sanitaire que nous traversons, l’Union européenne a su prendre des initiatives pour surmonter les risques de déstabilisation économique et financière. Elle a ainsi gelé l’application des règles de la discipline budgétaire, notamment les fameux seuils de 3 % du PIB pour le déficit public et de 60 % du PIB pour la dette publique, et assoupli les critères encadrant l’octroi d’aides d’État.

Elle a agi également par le biais d’outils tels que les prêts sans conditionnalité du Mécanisme européen de stabilité (MES), le mécanisme commun de réassurance, le plan de relance européen, d’un montant de 750 milliards d’euros, adossé à une capacité d’emprunt commune et assorti d’un échéancier de remboursement étalé, ou encore l’allègement des conditionnalités d’accès aux fonds.

Toutes ces décisions ont eu un fort impact sur le budget de l’Union européenne, contribuant à limiter l’augmentation attendue de la participation française à ce budget.

Cette pandémie a également révélé la nécessité d’un changement de politique de grande envergure. Nous n’avons plus le choix : nous devons désormais nous prémunir contre les crises à venir et protéger les plus vulnérables. Il nous faudra atténuer, voire résoudre, les crises, qu’elles soient sociales, économiques, écologiques ou démocratiques, et résorber les inégalités qui fragilisent nos sociétés.

Il est aujourd’hui urgent de redéfinir un cadre budgétaire et monétaire européen durable et de rebâtir nos politiques à la hauteur des enjeux qui sont devant nous.

Il s’agit aussi de faire face aux besoins de financement du plan de relance, lesquels nécessitent de dégager quelque 15 milliards d’euros de ressources nouvelles par an entre 2028 et 2058. À cet égard, une question devient de plus en plus prégnante, celle des ressources propres.

Aujourd’hui, l’Union européenne doit trouver d’autres financements que la contribution des États membres ou l’emprunt sur les marchés financiers.

La Commission européenne a d’ailleurs proposé, le 14 juillet dernier, l’instauration d’un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières et le renforcement du système d’échange de quotas d’émission. Ces ressources propres favorables à l’environnement prolongeraient la démarche et l’esprit qui ont présidé à la mise en place de la taxe sur les déchets non recyclés.

Cependant, d’autres ressources doivent être mobilisées ; la nouvelle taxe sur les activités numériques – les bénéfices des multinationales se verraient désormais appliquer un taux d’imposition effectif minimum de 15 % –, doit ainsi être mise en œuvre rapidement. Cette taxe ne laisse pas néanmoins de nous poser question.

L’Icrict, la commission indépendante pour la réforme de l’impôt international sur les sociétés, rassemblant des économistes tels que Thomas Piketty, ainsi que l’Observatoire européen de la fiscalité, plaidait pour un taux global de 25 %, qui permettrait à la France de récupérer un montant de l’ordre de 25 milliards d’euros de recettes, accroissant de manière significative notre capacité budgétaire.

Cet accord international condamne-t-il toute possibilité d’atteindre rapidement un taux d’imposition de 21 %, conforme à l’ambition affichée par le Président de la République ? Quelle initiative la présidence française prendra-t-elle en ce sens ?

Le scandale des Pandora Papers, qui a révélé que 11 300 milliards de dollars étaient placés dans des paradis fiscaux, nous rappelle l’urgence pour les États membres de coopérer entre eux afin de renforcer la transparence et ainsi de mettre un terme à ces pratiques fiscales dommageables.

Chaque année, les gouvernements européens perdent plus de 1 000 milliards d’euros de recettes en raison des pratiques de fraude et d’évasion fiscales de la part d’entreprises et de particuliers, soit un ordre de grandeur équivalent au budget de l’Union européenne pour toute la durée de la période de six années en cours.

Ce scandale, qui fait suite à de multiples autres révélations de même nature intervenues ces dernières années, nous rappelle l’importance de mettre en œuvre des règles communes et ambitieuses sur le plan fiscal à l’échelle européenne. De telles règles nous permettraient – c’est notre responsabilité qui est en jeu – de lutter contre les inégalités fiscales, donc sociales.

Rappelons que le 1 % des individus les plus riches détient 20 % à 25 % de la richesse totale en France, en Allemagne, en Espagne ou encore en Scandinavie. Dès lors, pourquoi ne pas taxer aujourd’hui leur richesse nette et leur capital de manière progressive, à l’échelle de l’Union européenne ?

Ces recettes nouvelles pourraient être consacrées au remboursement des euro-obligations émises lors de la crise sanitaire, à la constitution d’un fonds commun de sauvetage ou à la transition environnementale, qui est notre horizon.

Cet impôt concernerait l’accumulation passée ; les rendements de l’investissement actuel et de l’innovation ne seraient donc pas affectés. Il ne représenterait donc un frein ni à l’investissement ni à la reprise. Ce 1 % des Européens aiderait ainsi les 99 % restants !

Des voies s’offrent à nous ; à nous de les saisir. Aujourd’hui, le groupe socialiste votera la contribution proposée dans ce budget pour 2022, qui est indispensable à la solidarité européenne, tout en appelant également à la construction d’une Europe forte, unie, fondée sur l’équité sociale et engagée dans les transitions, la transition écologique notamment. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST. – M. le rapporteur spécial applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Emmanuel Capus.

M. Emmanuel Capus. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’an dernier, j’avais ouvert mon propos en évoquant la violence de la crise que nous traversions et les blocages qui subsistaient dans les négociations du nouveau cadre financier pluriannuel 2021-2027.

Force est de constater que la crise est loin d’être terminée et que d’autres blocages, héritiers de situations latentes, se sont créés au sein de l’Union européenne.

Ce qui n’a pas changé non plus, c’est le montant de la contribution annuelle française au budget de l’Union, qui dépasse à nouveau les 26 milliards d’euros.

L’Union européenne fait énormément pour nos territoires et pour chacun d’entre nous au quotidien, grâce à des financements importants ; de surcroît, jour après jour, nous lui demandons d’agir toujours davantage.

Nous sommes d’ailleurs, depuis des années, l’un des principaux bénéficiaires des dépenses de l’Union. C’est particulièrement le cas pour la politique agricole commune (PAC), qui tient une place prépondérante dans les fonds européens que nous recevons et contribue à la force de notre agriculture et à notre souveraineté alimentaire.

Il en va de même du plan de relance européen, fruit de notre endettement commun. Ce plan aussi était bloqué par les négociations relatives au cadre financier pluriannuel, auquel il est adossé. Je me contenterai de faire deux remarques, qui me semblent cruciales, à propos de ce dossier.

Pour ce qui est de la bonne utilisation du plan de relance, premièrement, comme c’est le cas pour les fonds européens, il faut aller chercher les crédits du plan. Chaque territoire, chaque projet peut et doit avoir accès aux financements européens : c’est la clé de nos transformations.

La question des ressources propres, deuxièmement – j’ai déjà fait cette remarque l’an dernier –, est de loin l’une des plus importantes que soulève notre contribution.

Dans cet hémicycle, en février dernier, nous avons ratifié la décision « ressources propres » ; elle prévoit notamment un calendrier. Certaines délibérations devront se tenir durant la présidence française du Conseil de l’Union européenne. Nous comptons sur le Gouvernement, monsieur le secrétaire d’État, pour mener des discussions efficaces et faire émerger des solutions pérennes. L’enjeu est trop important pour être remis à plus tard.

L’année 2028 sera la première du remboursement de notre dette commune ; autant dire que c’est demain. Surtout, 2028 marquera le début d’un nouveau cadre financier pluriannuel, qu’il faudra négocier, qui se traduira par de nouvelles contributions annuelles françaises. Il y va donc de l’argent de la prochaine génération, qui fera face à de nombreux défis.

Alors que notre jeunesse nous exhorte à prendre des décisions dans d’autres domaines, notamment sur le climat, avec la COP26 qui s’est achevée, nous devons prendre nos responsabilités sur les volets économique et financier. Là aussi, il y a urgence : des ressources propres solides sont nécessaires.

Tout comme l’an dernier, en dépit d’incertitudes et de limites, le groupe Les Indépendants votera en faveur de l’article 18 de ce projet de loi de finances. L’Union européenne n’est pas une option ; c’est un levier indispensable pour faire face aux défis actuels. (M. Jean-Claude Requier applaudit.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Pascale Gruny. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Pascale Gruny. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le montant du prélèvement sur recettes opéré au profit de l’Union européenne pour 2022, estimé à 26,4 milliards d’euros, est stable par rapport à celui de l’année dernière, exécuté à 26,5 milliards d’euros.

Cette stabilité est bienvenue après les hausses considérables que notre participation au budget européen a connues ces dernières années, mais elle installe durablement notre contribution à un niveau historiquement élevé ; il s’agit désormais de notre cinquième poste budgétaire après les missions « Enseignement scolaire », « Défense », « Recherche et enseignement supérieur » et « Solidarité, insertion et égalité des chances ».

En d’autres termes, l’État français consentira, l’année prochaine, à transférer à l’Union européenne l’équivalent de 9 % de ses recettes fiscales nettes et de 6 % de ses dépenses nettes.

Le prélèvement sur recettes est donc un geste financier fort, un engagement politique sans équivoque. En responsabilité, puisqu’il s’agit tant de satisfaire à une obligation internationale de la France que de permettre le fonctionnement de l’Union européenne, le groupe Les Républicains y souscrira et votera donc l’article 18 qui nous est soumis aujourd’hui.

Le traditionnel débat sur le prélèvement sur recettes intervient toutefois cette année dans un contexte très particulier, marqué par le lancement effectif du plan de relance européen approuvé en juillet 2020.

Cet accord avait fait tomber l’un des grands tabous de la construction européenne en autorisant pour la première fois un endettement commun à grande échelle. Une condition, toutefois, a été clairement explicitée par les chefs d’État et de gouvernement : le plan de relance, donc le pouvoir d’emprunt sur les marchés conféré à la Commission, doit demeurer « une réponse exceptionnelle à des circonstances temporaires ».

Or le Gouvernement prend désormais des distances de plus en plus marquées avec cette clause, dont l’objectif était d’affirmer que l’Europe ne s’engagerait pas à bas bruit sur la voie du fédéralisme budgétaire à la faveur de sa réponse aux conséquences de la crise sanitaire.

Alors même que les premiers décaissements n’avaient pas encore été effectués, Bruno Le Maire déclarait ainsi au mois de juillet : « nous proposons que l’émission de dette en commun réalisée pour financer le plan de relance devienne un système permanent de financement européen. En échange, chaque État membre accepterait d’être plus responsable en matière de dépense publique ».

En premier lieu, permettez-moi de souligner que l’exigence de sérieux budgétaire figure déjà depuis de nombreuses années au cœur du pacte de stabilité et de croissance et du pacte budgétaire.

Par ailleurs, je crains que l’exemple de ce projet de loi de finances, qui ne cesse d’évoluer au rythme effréné des promesses présidentielles, n’incite guère nos partenaires à se ranger aux propositions françaises.

Quoi qu’il en soit, monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous nous confirmer que la position défendue à Bruxelles par le Gouvernement est bien celle d’une pérennisation du système d’endettement commun ? Dans l’affirmative, pouvez-vous nous donner un ordre de grandeur des volumes financiers que vous visez ?

Autre élément central de l’accord sur le plan de relance, la question des ressources propres est, comme on pouvait s’y attendre, loin d’être réglée. À vrai dire, au-delà de l’accord de principe donné par le Conseil européen, le débat de fond n’a même pas véritablement débuté.

En effet, la feuille de route contenue dans l’accord interinstitutionnel de décembre 2020 prévoyait que la Commission ferait une première série de propositions au plus tard en juin 2021, pour une entrée en vigueur des nouvelles ressources propres au 1er janvier 2023.

Or ce calendrier est déjà dépassé. Le projet de ressource assise sur une redevance numérique, dont une première version avait été présentée en 2018, puis abandonnée faute de consensus, a ainsi été mis en pause à la suite de l’accord conclu à l’OCDE sur la fiscalité des grandes entreprises.

Quant au mécanisme d’ajustement carbone aux frontières et à la révision du système d’échange de quotas d’émission, ils figurent bien dans le paquet climatique « Ajustement à l’objectif 55 » présenté le 14 juillet par la Commission.

Celle-ci a toutefois choisi de n’établir, à ce stade, aucun lien entre ces instruments et la décision sur les ressources propres de l’Union, au grand dam, d’ailleurs, du commissaire au budget et à l’administration, Johannes Hahn, qui n’a pas hésité à faire part de son mécontentement.

Comme nous l’avions anticipé lors du précédent examen du prélèvement sur recettes, ces retards sont aussi le reflet des divergences politiques entre les États membres.

D’un pays à l’autre, en effet, les analyses divergent quant aux avantages et aux inconvénients potentiels de l’instauration de ces nouvelles taxes pour le modèle fiscal de chacun, la compétitivité de ses entreprises, le budget de ses ménages ou encore les relations commerciales que l’Union entretient avec ses principaux partenaires.

Les discussions à venir seront donc ardues et rien ne garantit qu’elles aboutissent. Le parcours chaotique de la taxe sur les transactions financières et de l’assiette commune consolidée de l’impôt sur les sociétés nous incite en effet à la prudence : engluées dans des débats sans fin depuis des années, celles-ci sont pourtant censées abonder le budget européen dès le 1er janvier 2026.

L’enjeu n’est pas mince, puisque la charge du remboursement du plan de relance sera de plus de 15 milliards d’euros par an entre 2028 et 2058. Si c’est la ressource propre fondée sur le revenu national brut qui devait finalement être mobilisée pour y faire face, cela se traduirait par une flambée de la contribution française de plus de 2,5 milliards d’euros par an, soit une hausse de près de 10 % par rapport au prélèvement sur recettes que nous examinons aujourd’hui.

Dans ces conditions, le plan européen allouerait certes 40 milliards d’euros de subventions à notre pays, mais il lui demanderait, en contrepartie, de rembourser plus de 70 milliards d’euros. Un bien mauvais calcul, en somme, pour la France, qui sera en outre le principal contributeur au financement des rabais – 53 milliards d’euros sur sept ans – que les États frugaux ont réussi à conserver, et dont ils ont même obtenu l’augmentation, en échange de leur soutien à la relance européenne.

Je conclurai mon propos en évoquant brièvement l’après-plan de relance et la consultation lancée récemment par la Commission européenne sur la révision des règles du pacte de stabilité et de croissance.

La clause dérogatoire générale activée en mars 2020, qui permet aux États membres de s’extraire des règles en matière budgétaire et d’aides d’État, a été prolongée jusqu’à la fin de l’année 2022. Cette orientation budgétaire expansionniste ne pourra toutefois durer éternellement et les finances publiques nationales devront, tôt ou tard, retrouver une trajectoire soutenable, en particulier dans les pays très lourdement endettés, comme la France.

Il importe de préparer l’avenir en pensant aux générations futures qui auront à rembourser notre dette sans forcément en avoir la capacité. Il importe également que la France, qui s’apprête, en janvier prochain, à prendre la présidence du Conseil de l’Union européenne, soit exemplaire en matière de gestion de ses finances publiques.

Le débat sur la manière dont le pacte de stabilité et de croissance devra trouver à s’appliquer de nouveau fera, à n’en pas douter, l’objet de très nombreuses propositions. Il ne faudra toutefois pas perdre de vue certains fondamentaux essentiels pour préserver tant la solidité que la compétitivité de la zone euro.

Si le cadre révisé pourra éventuellement faire preuve de davantage de souplesse et de réactivité, il n’en devra pas moins rester suffisamment strict pour assurer, dans chaque État membre, le retour à des niveaux soutenables de dépense et de dette. Devront surtout continuer d’y être promues les réformes structurelles, propices à la croissance, celle-ci demeurant in fine la condition sine qua non de l’investissement dans la transition écologique et énergétique qui nous engage désormais collectivement. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Fernique.

M. Jacques Fernique. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, cet article 18 retrace l’évaluation du montant dû par notre pays au budget de l’Union, déterminé par des paramètres très techniques. Il est surtout l’occasion de débattre des enjeux relatifs à la capacité budgétaire de l’Union.

Car c’est bien vers une véritable capacité budgétaire que l’Union s’est engagée, en juillet 2020, au cœur de la pandémie et de la crise, en déplafonnant le budget européen du fameux 1 % du PIB, en décidant d’un emprunt commun pour la relance et en lançant la démarche pour l’introduction de nouvelles ressources propres. C’est bien une véritable capacité budgétaire européenne, j’y insiste, qui a été rendue possible.

Ainsi, le cadre financier pluriannuel dans lequel nous sommes engagés est d’une ampleur nettement différente du précédent. Le choix commun de consacrer directement près du tiers de nos moyens au climat sera déterminant pour tenir l’objectif d’une réduction d’au moins 55 % des émissions de gaz à effet de serre de l’Union d’ici à 2030.

Mais fixer des quotas et ajuster des taxonomies complexes ne suffiront pas à éviter la déroute climatique : il faudra surtout mobiliser, c’est-à-dire être moteur d’une réelle dynamique planétaire. En l’espèce, disons-le : Glasgow, quel gâchis ! Quelle incapacité de l’Europe à se montrer unie, résolue et entraînante !

L’Europe aura surtout étalé publiquement ses divisions sur le caractère positif ou négatif des investissements gaziers, pétroliers et nucléaires, entre la France, qui arrange son alliance entre tenants du nucléaire et tenants des hydrocarbures, et cinq États, dont l’Allemagne, qui la critiquent vertement. On est loin de la cohésion européenne des COP précédentes !

Il va pourtant bien falloir retrouver un tel esprit de cohésion si l’Union veut affronter les trois défis majeurs que sa résolution budgétaire nouvelle de juillet 2020 lui impose.

Il s’agit, tout d’abord, d’assurer le déploiement effectif de la relance sans que se dénaturent les orientations majeures, climat, énergie, santé, économie durable et résiliente, transition numérique, justice sociale, ni que se dévaluent les valeurs qui cimentent l’Union, lesquelles sont de plus en plus contestées, et pas seulement par des dirigeants polonais ou hongrois.

Il y va ensuite, au-delà de la relance, de la nécessaire pérennisation d’une volonté d’emprunter pour investir dans les transitions d’avenir et la neutralité carbone. La clause dérogatoire générale du pacte de stabilité et de croissance devrait être levée dans un an ; il serait contre-productif de rétablir les verrous d’hier. La présidence française est attendue sur ce point et l’approche qu’adoptera la future coalition outre-Rhin sera déterminante.

Enfin, troisième défi : la création de nouvelles ressources propres. L’emprunt commun nous y oblige, à moins d’augmenter les contributions des États ou de ratiboiser les politiques de l’Union. L’accord pour le déploiement des ressources propres ne paraît pourtant pas avancer clairement aujourd’hui. Le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières pourrait être reporté à une échéance bien lointaine ; la taxe sur les transactions est dans le brouillard ; quant à celle qui doit s’appliquer aux grandes entreprises du numérique, elle patine, dans le contexte nouveau de l’accord fiscal international, les perspectives restant confuses.

Ce qui est bien moins confus, après la publication des Pandora Papers, c’est la réalité de l’évasion fiscale : voilà, là aussi, des ressources à collecter avec détermination.

Un financement pérenne et autonome de l’Union européenne constitue le levier principal si l’on veut libérer les politiques d’avenir des égoïsmes nationaux, et aussi des rabais, ces fameux rabais que notre Président de la République disait hier « archaïques, injustes et illisibles » – son opinion a bien peu pesé, puisqu’ils sont aujourd’hui augmentés…

Le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires votera la contribution française au budget européen et reste résolument exigeant quant aux futures étapes du déploiement de celui-ci. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – MM. Patrice Joly et Serge Mérillou applaudissent également.)