Sommaire

Présidence de Mme Pascale Gruny

Secrétaires :

Mme Marie Mercier, M. Jean-Claude Tissot.

1. Procès-verbal

2. Circulation et retour des biens culturels appartenant aux collections publiques. – Adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission

Discussion générale :

Mme Catherine Morin-Desailly, auteure de la proposition de loi et rapporteure de la commission de la culture

Mme Nathalie Elimas, secrétaire d’État auprès du ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports, chargée de l’éducation prioritaire

M. Lucien Stanzione

M. Julien Bargeton

M. Jean-Pierre Decool

M. Max Brisson

M. Thomas Dossus

M. Pierre Ouzoulias

Mme Annick Billon

M. Jean-Claude Requier

M. Olivier Paccaud

Clôture de la discussion générale.

Article 1er

Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteure

M. Pierre Ouzoulias

M. Max Brisson

M. Julien Bargeton

M. Pierre Ouzoulias

M. Max Brisson

Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteure

Adoption de l’article.

Article 2

Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteure

M. Pierre Ouzoulias

M. Max Brisson

Adoption de l’article.

Vote sur l’ensemble

M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture

Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteure

Adoption de la proposition de loi dans le texte de la commission.

3. Limitation de l’engrillagement des espaces naturels et protection de la propriété privée. – Adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Discussion générale :

M. Jean-Noël Cardoux, auteur de la proposition de loi

M. Laurent Somon, rapporteur de la commission des affaires économiques

Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité

M. Christian Redon-Sarrazy

M. Bernard Buis

M. Franck Menonville

Mme Anne Chain-Larché

M. Daniel Salmon

M. Fabien Gay

M. Jean-Paul Prince

M. Christian Bilhac

M. Laurent Burgoa

Clôture de la discussion générale.

Article 1er

Amendement n° 6 de Mme Patricia Schillinger. – Adoption.

Amendement n° 4 de Mme Patricia Schillinger et sous-amendement n° 19 de la commission. – Adoption du sous-amendement et de l’amendement modifié.

Amendements identiques nos 8 de M. Daniel Salmon et 13 rectifié de M. Christian Bilhac. – Retrait de l’amendement n° 13 rectifié ; rejet de l’amendement n° 8.

Amendement n° 5 de Mme Patricia Schillinger. – Adoption.

Amendement n° 2 de M. François Bonneau. – Non soutenu.

Amendement n° 9 de M. Daniel Salmon. – Rejet.

Amendement n° 12 de M. Jean-Paul Prince. – Rejet.

Amendement n° 15 de la commission. – Retrait.

Amendement n° 3 rectifié bis de M. Jacques Le Nay. – Adoption.

Amendement n° 16 de la commission. – Adoption.

Adoption de l’article modifié.

Article 1er bis (nouveau)

Amendement n° 10 rectifié de M. Daniel Salmon. – Rejet.

Amendement n° 14 rectifié de M. Christian Bilhac. – Adoption.

Amendement n° 7 rectifié de Mme Patricia Schillinger. – Retrait.

Adoption de l’article modifié.

Après l’article 1er bis

Amendement n° 11 de M. Daniel Salmon. – Rejet.

Articles 1er ter et 1er quater (nouveaux) – Adoption.

Article 1er quinquies (nouveau)

Amendement n° 17 de la commission. – Adoption.

Adoption de l’article modifié.

Article 1er sexies (nouveau)

Amendement n° 18 de la commission. – Adoption.

Adoption de l’article modifié.

Article 2

Amendement n° 1 rectifié de M. Arnaud Bazin. – Non soutenu.

Adoption de l’article.

Article 3 (supprimé)

Article 4 – Adoption.

Vote sur l’ensemble

Adoption de la proposition de loi dans le texte de la commission, modifié.

4. Ordre du jour

compte rendu intégral

Présidence de Mme Pascale Gruny

vice-président

Secrétaires :

Mme Marie Mercier,

M. Jean-Claude Tissot.

Mme le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à dix-sept heures.)

1

Procès-verbal

Mme le président. Le compte rendu intégral de la séance du jeudi 6 janvier 2022 a été publié sur le site internet du Sénat.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté.

2

 
Dossier législatif : proposition de loi relative à la circulation et au retour des biens culturels appartenant aux collections publiques
Discussion générale (suite)

Circulation et retour des biens culturels appartenant aux collections publiques

Adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi relative à la circulation et au retour des biens culturels appartenant aux collections publiques
Article 1er

Mme le président. L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, de la proposition de loi relative à la circulation et au retour des biens culturels appartenant aux collections publiques, présentée par Mme Catherine Morin-Desailly, MM. Max Brisson, Pierre Ouzoulias et plusieurs de leurs collègues (proposition n° 41, texte de la commission n° 303, rapport n° 302).

Mes chers collègues, je vous rappelle que le port du masque – correctement ajusté sur le nez ! – est obligatoire dans l’hémicycle, y compris pour les orateurs s’exprimant à la tribune, conformément à la décision de la conférence des présidents réunie le 1er décembre dernier. J’invite par ailleurs chacune et chacun à veiller au respect des gestes barrières.

Dans la discussion générale, la parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, auteure de la proposition de loi et rapporteure.

Mme Catherine Morin-Desailly, auteure de la proposition de loi et rapporteure de la commission de la culture, de léducation et de la communication. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le Sénat a toujours joué un rôle moteur dans la réflexion sur les modalités d’une gestion plus éthique de nos collections publiques.

C’est la chambre haute qui fut à l’initiative, grâce à notre ancien collègue, Nicolas About, de la loi relative à la restitution par la France de la dépouille mortelle de Saartjie Baartman, dite « la Vénus hottentote », à l’Afrique du Sud, loi qui a été promulguée en 2002.

C’est elle aussi qui, par mon intermédiaire, fut à l’initiative de la loi visant à autoriser la restitution par la France des têtes maories à la Nouvelle-Zélande et relative à la gestion des collections, définitivement adoptée en 2010.

C’est le Sénat encore qui fut à l’initiative, dans le cadre de cette seconde loi, de la création de la Commission scientifique nationale des collections, pour encadrer les déclassements de biens appartenant aux collections et pour définir une doctrine générale en matière de déclassement et de cession.

Notre ancien collègue Philippe Richert, rapporteur de cette loi et rapporteur en 2021 du projet de loi relatif aux musées de France, jugeait cet outil indispensable pour faire progresser la réflexion sur la possibilité d’aliéner des biens appartenant aux collections sans compromettre le patrimoine de la Nation.

Malheureusement, la volonté du législateur n’a, une fois encore, guère été suivie d’effet. La réflexion sur un sujet dont l’importance devenait pourtant prégnante n’a nullement avancé en raison des préventions manifestées par le ministère de la culture et par une partie des conservateurs, qui, il faut bien le dire, ont été formés d’abord pour garder les objets dont ils sont chargés.

La Commission scientifique nationale des collections a même fait les frais de la politique de rationalisation du nombre des commissions consultatives et a été supprimée, sur l’initiative du Gouvernement, par la loi d’accélération et de simplification de l’action publique, dite « loi ASAP », il y a un an, contre notre volonté. Cette décision me paraît d’autant plus regrettable que je suis convaincue, avec mes collègues, que les problèmes de fonctionnement de la commission auraient pu être corrigés facilement par voie réglementaire.

Voilà ce qui explique que nous nous retrouvions aujourd’hui sans aucune doctrine pour répondre aux demandes de restitution pendantes, et sans aucun garde-fou pour contrôler les velléités de répondre positivement et hâtivement aux demandes, qu’elles soient ou non fondées.

Le mouvement des demandes de restitution n’a pas été correctement anticipé malgré les alertes lancées par le législateur depuis dix ans. Notre pays est donc acculé à prendre dans l’urgence des décisions dictées uniquement par des considérations diplomatiques, en contradiction avec les objectifs mêmes qui sous-tendent le principe d’inaliénabilité des collections.

Cette situation a conduit la commission de la culture à engager en 2020, sous mon égide, un travail approfondi sur les questions du retour des biens culturels vers leur pays d’origine, afin de dresser le bilan de l’action de la France et de formuler un certain nombre de recommandations.

Max Brisson et Pierre Ouzoulias, dont je tiens à saluer une nouvelle fois le travail remarquable, étaient les rapporteurs de cette mission d’information dont j’assumais la présidence. La proposition de loi dont nous débattons constitue, en réalité, l’aboutissement de ces travaux.

Le retour des biens culturels n’est pas une question facile, reconnaissons-le, tant elle met en présence des enjeux multiples et souvent contradictoires. Elle suppose de parvenir à concilier le droit de chacun à avoir accès, dans son pays, à son propre patrimoine et au patrimoine commun de l’humanité, sans obérer les capacités de nos propres musées à remplir leurs missions.

Les demandes de restitution questionnent la légitimité de la conception universelle de nos musées. Elles ébranlent le principe d’inaliénabilité des collections, qui constitue, depuis des siècles, leur colonne vertébrale, en prévenant le risque qu’elles ne soient dilapidées par la seule volonté du prince.

La recherche d’une solution solide et pérenne pour répondre aux demandes légitimes de restitution est pourtant nécessaire.

Les débats autour de cette question s’intensifient ces dernières années, notamment dans les instances internationales comme l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture, l’Unesco. Les revendications se multiplient : notre pays a reçu récemment des demandes de la part de sept États africains, à savoir le Bénin, le Sénégal, la Côte d’Ivoire, l’Éthiopie, le Tchad, le Mali et Madagascar. La loi que nous avons votée l’an passé n’a d’ailleurs pas intégralement répondu à celles qui émanaient du Bénin et du Sénégal.

La France n’est bien sûr pas le seul pays concerné. Toutes les anciennes puissances coloniales le sont aussi. La réflexion progresse d’ailleurs chez plusieurs de nos voisins.

Ainsi, l’Allemagne vient de consacrer des moyens financiers importants pour faire la lumière sur la provenance d’une partie de ses collections. Elle a par ailleurs conclu, il y a quelques mois, un accord avec le Nigéria en vue de lui restituer des centaines de bronzes du Bénin, présents dans ses collections et pillés par l’armée britannique à la fin du XIXe siècle.

Quant à la Belgique, elle est en passe d’adopter une loi-cadre pour faciliter la restitution des objets de ses collections qui ont été acquis de manière illégitime.

Pour autant, il n’y a pas de réponse unique. D’une part, chaque pays a son histoire coloniale propre, et, d’autre part, nous n’avons pas tous le même régime de protection de nos collections et la solution retenue par tel pays n’est pas forcément transposable dans tel autre.

C’est pourquoi la France doit absolument engager un travail de fond dans ce domaine, d’autant que le discours du Président de la République, Emmanuel Macron, à Ouagadougou, le 28 novembre 2017, et le rapport – quelque peu contesté et contestable – de Felwine Sarr et Bénédicte Savoy, qui s’est ensuivi, placent clairement notre pays au pied du mur.

Quelle méthode doit présider à l’examen des demandes de restitution ? Telle est la question qui nous est posée et à laquelle il nous faut répondre.

Il est clair que la manière dont ont été conduites les dernières restitutions n’a pas été satisfaisante.

Premier constat, le Parlement a été dépossédé de son pouvoir,…

M. Pierre Ouzoulias. Absolument !

Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteure. … alors qu’il est pourtant le seul habilité à autoriser la sortie de biens culturels des collections. Le législateur a la compétence exclusive de faire exception au principe d’inaliénabilité des collections, qui est de valeur législative.

Malgré ce principe, soit le Parlement a été sollicité pour entériner la restitution de biens culturels que le Président de la République ou le Gouvernement s’était déjà engagé à rendre – ce fut le cas pour le sabre revendiqué par le Sénégal et pour le trésor d’Abomey revendiqué par le Bénin –, soit il a été contourné, dès lors que l’on a remis aux pays concernés les biens qu’ils revendiquaient sous la forme d’un dépôt.

Ce fut la méthode retenue par le Gouvernement pour restituer, à la veille de dates symboliques pour les pays concernés, le dais en forme de couronne revendiqué par Madagascar ou les crânes algériens revendiqués légitimement par l’Algérie. Une autre manière d’opérer, sans doute plus digne, restait à mon avis possible.

Deuxième constat, l’instruction des demandes a été menée dans une grande opacité, donnant le sentiment que les considérations diplomatiques l’emportaient sur tout le reste. Le travail scientifique que les musées ont effectivement réalisé pour instruire les demandes de restitution n’a, hélas, jamais été rendu public.

Troisième constat, les pays demandeurs – ils nous l’ont dit – ont été frustrés par le processus. Ils observent un manque de clarté de la procédure et un déficit de concertation dans l’instruction. Le risque, à terme, est que les restitutions ne se résument à des opérations sans suite et ne se traduisent pas, comme nous le souhaitons, par le lancement de coopérations dans le domaine culturel et patrimonial, dont toutes les parties pourraient pourtant bénéficier.

Pour éviter ces dysfonctionnements, il faut disposer d’une véritable méthode permettant de traiter les demandes de restitution avec la plus grande rigueur et la plus grande transparence, au plus près de la vérité historique. C’est le seul moyen de préserver le principe d’inaliénabilité des collections et de garantir une cohérence et une permanence aux décisions que notre pays sera amené à prendre sur les demandes de restitution, malgré les alternances politiques et au-delà de celles-ci.

La proposition de loi dont nous débattons vise à nous doter d’une telle méthode, qui se veut avant tout transparente, collégiale et scientifique.

L’article 1er vise à créer un Conseil national de réflexion sur la circulation et le retour des biens culturels extra-européens. Cette instance doit permettre de combler les faiblesses de la procédure actuelle, que nous avons identifiées, et de compenser l’inertie du ministère de la culture sur les questions de restitution.

Vous vous souvenez peut-être que telle était déjà la solution que le Sénat avait adoptée, sur ma proposition, dans le cadre du projet de loi relatif à la restitution de biens culturels à la République du Bénin et à la République du Sénégal.

Ce conseil aura une triple mission : premièrement, rendre un avis sur les demandes de restitution, afin d’apporter aux pouvoirs publics un éclairage scientifique dans leur prise de décision ; deuxièmement, mener une réflexion prospective en matière de circulation et de retour des biens culturels ; troisièmement, formuler des recommandations sur la méthodologie et le calendrier des travaux consacrés à la recherche de provenance des biens culturels conservés dans les collections publiques.

La commission de la culture juge en effet essentiel qu’un coup d’accélérateur soit donné à la recherche de provenance d’un certain nombre de pièces de nos collections. Ce travail commence tout juste dans les musées et il s’agit clairement d’un élément crucial pour répondre correctement aux demandes de retour et aux questionnements actuels sur la légitimité de nos collections.

C’est en connaissant mieux et en faisant mieux connaître le parcours des pièces qui composent nos collections que nous pourrons restaurer leur image et leur conception universaliste. Nous pourrons également démontrer ainsi que l’essentiel des pièces originaires de pays tiers n’a pas été acquis de manière illégitime.

La réalisation de ce travail dans des délais raisonnables suppose néanmoins des moyens humains dont les musées manquent cruellement ; leurs représentants nous l’ont dit lors des auditions. Il faut que le Gouvernement en fasse une priorité politique et lui alloue des moyens adéquats.

Par ailleurs, pour tenir compte des problèmes de fonctionnement rencontrés par la Commission scientifique nationale des collections, le champ de compétences du conseil porte clairement sur les demandes de restitution et sa composition se trouve réduite à douze membres, ce qui garantira son efficacité.

Il s’agit, pour l’essentiel, de personnalités qualifiées, choisies pour leurs compétences scientifiques parmi les conservateurs, les archéologues, les historiens, les historiens de l’art, les anthropologues, les ethnologues ou encore les juristes. Elles seront nommées par le ministère de la culture et le ministère de la recherche, ce qui contribuera à remettre au centre du jeu ces deux ministères de tutelle, tout en les incitant à engager une véritable réflexion sur ces questions.

La création d’une instance scientifique pérenne apparaît opportune pour apporter plus de transparence à la procédure, pour recentrer l’examen des demandes sur la vérité historique et pour garantir une plus grande permanence dans les décisions de la France, malgré les alternances politiques.

Ce type d’instance a déjà fait la preuve de son efficacité dans d’autres domaines. Pensons au rôle joué par la Commission nationale du patrimoine et de l’architecture dans le dossier concernant la cathédrale Notre-Dame de Paris, ou encore au rôle joué par la Commission pour l’indemnisation des victimes de spoliations, la CIVS, sur la question des œuvres spoliées. Nous aurions là une véritable garantie en matière de transparence et de contrôle, sur des sujets complexes, comme celui des restitutions, qui échappent aujourd’hui très largement au ministère de la culture.

Cette instance n’est pas non plus un « gadget » redondant, compte tenu de l’examen des demandes mené par les musées, contrairement aux arguments avancés par le Gouvernement et les députés de la majorité lors des discussions qui ont eu lieu l’an dernier sur le projet de loi relatif à la restitution de biens culturels à la République du Bénin et à la République du Sénégal.

D’une part, il s’agit d’un véritable outil de protection pour éviter que les seuls intérêts politiques et activistes prennent le pas sur les considérations culturelles, historiques et scientifiques. Il s’agit également d’une protection contre les pressions dont les autorités politiques – nous en faisons partie – pourraient faire l’objet.

S’il est vrai que les membres du conseil ne seront sans doute pas toujours experts des biens qu’ils auront à examiner, ils auront tout loisir d’entendre des spécialistes avant de rendre leur avis, comme le font les commissions parlementaires. Ils auront également l’obligation d’entendre le personnel scientifique du pays demandeur, afin d’assurer la bonne prise en compte de ses positions et de garantir la construction d’un dialogue propice à la mise en place de coopérations globales dans le domaine culturel et scientifique.

D’autre part, ce conseil pourra contribuer à la formation progressive d’une doctrine en matière de restitution, sur la base de ses avis, ainsi que dans le cadre de la mission de réflexion prospective qui lui est dévolue.

Cette mission pourra être menée de manière autonome ou en s’appuyant sur les saisines des ministres ou des commissions parlementaires dont le conseil fera l’objet. C’est la raison pour laquelle la commission estime que la création de cette instance n’est pas du tout incompatible avec la perspective d’une éventuelle loi-cadre sur le sujet, puisque le Président de la République a confié à M. Jean-Luc Martinez une mission en ce sens, il y a quelques semaines.

Nous ne savons absolument pas à quel moment ce travail pourra aboutir. Il y a un an encore, le Gouvernement estimait qu’une loi-cadre n’était pas envisageable et qu’il serait extrêmement difficile d’établir une critériologie suffisamment précise et exhaustive pour convenir à la multiplicité des cas susceptibles de se présenter.

Il craignait que l’adoption de critères ne fasse obstacle à des restitutions qui seraient pourtant souhaitables. C’est en tout cas ce qui figure dans l’étude d’impact du projet de loi relatif à la restitution de biens culturels à la République du Bénin et à la République du Sénégal.

On peut s’interroger sur ce brusque revirement, compte tenu de l’état d’avancement du travail sur la recherche de provenance. La commission estime qu’il serait regrettable d’attendre l’adoption de ladite loi-cadre pour renforcer la transparence de la procédure de restitution et sa méthode.

Le conseil national peut faire progresser de manière collégiale cette nécessaire réflexion sur les critères de restitution, dès à présent. La meilleure méthode n’est-elle pas de mener cette réflexion de manière collégiale, plutôt que de la confier à un seul homme, qui plus est ancien président-directeur de l’établissement public du musée du Louvre, quelles que soient ses grandes qualités et sa longue expérience, au risque qu’il se voie reprocher sa partialité ?

Si la loi-cadre vient à être adoptée, le conseil national se révélera utile comme instance de contrôle, dans la mesure où le Parlement ne sera alors plus saisi des différentes restitutions.

J’en viens à présent à l’article 2, dont l’objet est de faciliter la restitution de certains restes humains conservés dans les collections publiques.

Cet article a été intégralement réécrit par la commission lors de l’élaboration de son texte, même si l’objectif reste strictement identique.

Le besoin de faciliter la restitution de certains restes humains est réel. Plusieurs pièces conservées dans les collections publiques mériteraient d’être restituées. Divers cas ont été portés à notre connaissance pendant les auditions, comme celui d’un groupe d’Inuits emmenés en Europe en 1880 pour être exposés dans des spectacles, morts de la variole, puis enterrés, et dont les squelettes ont été exhumés cinq ans plus tard à des fins de recherches scientifiques.

Notre collègue Pierre Ouzoulias nous parlera aussi des crânes de femmes arméniennes, victimes du génocide de 1915, ou des restes de tous les sujets anonymes, originaires de nombreux pays, prélevés dans des cimetières identifiables et dont la présence dans nos collections est choquante.

À la suite de la loi relative à la restitution des têtes maories, un groupe de travail pluridisciplinaire, animé par Michel Van Praët, muséologue français, professeur émérite des universités et l’un des grands savants du Museum national d’histoire naturelle a été mis en place par le ministère de la culture et le ministère de l’enseignement supérieur, à la demande de la Commission scientifique nationale des collections, pour examiner les voies possibles de restitution des restes humains sans avoir à recourir au vote de lois spécifiques. Il s’agissait de concrétiser une mesure votée à l’unanimité de la représentation nationale.

Ce groupe de travail, constitué de membres dont la liste est très diversifiée, a produit deux rapports, en 2015 et en 2018, qui ont permis de dégager un accord autour d’un certain nombre de critères de restituabilité.

Sur la base de ces critères et de ceux qui avaient guidé l’examen de la loi relative à la restitution des têtes maories, l’article 2 définit un cadre général fixant la procédure et les conditions de restitution des restes humains par l’administration qui en est propriétaire.

Il s’agit d’une procédure en deux étapes.

La première, qui est destinée à faire automatiquement sortir des collections un certain nombre de restes humains, dès lors qu’ils répondent à une série de critères, se traduit par une inscription provisoire sur un inventaire transmis aux États d’origine des restes.

La seconde prévoit la restitution par l’administration des restes humains, lorsqu’elle est demandée, sous réserve que ce retour réponde à une série de conditions supplémentaires.

L’adoption de cette disposition constituerait une réelle avancée pour permettre à notre pays de répondre plus rapidement aux demandes de restitution portant sur des restes humains identifiés et pour accélérer l’identification des cas sensibles présents dans les collections. Il serait d’ailleurs important que les pays d’origine soient associés aux différentes étapes de la procédure.

L’article 2 offre donc à notre pays une méthode pour traiter de cette problématique délicate selon un processus fondé d’un point de vue scientifique, ainsi que dans le respect de la dignité humaine et des croyances des autres peuples. Il permet de régler un certain nombre de cas et d’en régulariser d’autres a posteriori, par exemple celui de la mise en dépôt des crânes algériens en juillet 2020, ceux-ci ayant été, depuis lors, inhumés par les autorités algériennes au cimetière d’El Alia, dans la banlieue d’Alger.

Je crois savoir que le ministère de la culture préférait la rédaction initiale de cet article, qui visait à créer une procédure judiciaire permettant, au cas par cas, l’annulation de l’acquisition par les musées de certains restes humains, en vue de leur restitution, comme l’avait préconisé le groupe de travail pluridisciplinaire en 2018, en s’inspirant de la procédure d’annulation de l’acquisition des biens culturels qui se révéleraient avoir fait l’objet d’un trafic illicite.

Souvenez-vous, mes chers collègues, cette procédure avait été mise en place par la loi relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine, dite « loi LCAP ».

Toutefois, lors des auditions, le ministère de la justice a été très clair quant aux fragilités juridiques de ce dispositif, susceptibles de le rendre inopérant. En tout état de cause, il aurait fallu qu’un décret d’application fixe les critères pour permettre au juge de prononcer l’annulation.

Or le fait que le décret d’application relatif à la disposition similaire qui figure dans la loi LCAP n’ait toujours pas été publié, plus de trois ans après l’adoption du texte, nous a inspiré quelques craintes.

Enfin, compte tenu de l’encombrement des tribunaux, nous avons estimé qu’il n’y aurait pas grand intérêt à transférer cette charge au juge. Par ailleurs, le juge administratif peut toujours être saisi en cas de restitution litigieuse par l’administration, ou même en cas d’inaction de sa part.

C’est pourquoi la commission estime que la rédaction de l’article 2, telle qu’elle vous est soumise, constitue la meilleure voie pour avancer en matière de restitution de restes humains, ce qui représente un enjeu essentiel pour manifester la volonté sincère de notre pays de progresser en matière de gestion plus éthique de nos collections.

Tel est donc le contenu des deux articles qui composent cette proposition de loi, dont l’objectif essentiel est de doter notre pays d’une méthode pour traiter les questions de retour et de circulation des biens culturels vers les pays d’origine. Elle s’inscrit en cela dans la continuité des réflexions menées par le Sénat – nous pouvons en tirer une légitime fierté collective –, depuis vingt ans, en matière de collections publiques. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains, SER, GEST et CRCE.)

Mme le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Nathalie Elimas, secrétaire dÉtat auprès du ministre de léducation nationale, de la jeunesse et des sports, chargée de léducation prioritaire. Madame la présidente, madame la rapporteure – chère Catherine Morin-Desailly –, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, je vous prie, au préalable, de bien vouloir excuser ma collègue Roselyne Bachelot, ministre de la culture, qui ne peut être avec nous cette après-midi compte tenu du changement d’ordre du jour, puisqu’elle participe au lancement du volet culturel de la présidence française du Conseil de l’Union européenne, à Bruxelles, en ce moment même.

Comme vous le savez, un travail considérable a été engagé depuis plusieurs années par le ministère de la culture sur la restitution de biens culturels des collections publiques, en particulier des œuvres d’art issues du continent africain et d’un contexte colonial.

Le Président de la République s’était prononcé, à Ouagadougou, en faveur du renouvellement et de l’approfondissement de la coopération culturelle entre la France et les pays africains. Il avait souhaité notamment que « d’ici à cinq ans, les conditions soient réunies pour des restitutions temporaires ou définitives du patrimoine africain en Afrique ».

M. Max Brisson. Nous n’y sommes pas !

Mme Nathalie Elimas, secrétaire dÉtat. Une première étape historique a été franchie, à la fin de l’année dernière, au service de cette ambition, grâce à l’adoption de la loi du 24 décembre 2020 relative à la restitution de biens culturels à la République du Bénin et à la République du Sénégal.

Pour la première fois dans son histoire, la France a décidé le retour dans leur terre d’origine de biens culturels d’une valeur patrimoniale et symbolique de première importance pour les pays intéressés. Fait remarquable, le principe de cette restitution au Bénin et au Sénégal a été soutenu par l’ensemble des parlementaires, tous bords confondus. In fine, la Haute Assemblée n’a pas approuvé le texte qui lui était soumis, mais pour un motif qui n’était pas lié au projet de restitution lui-même – j’y reviendrai.

En quelques années, quel chemin a été parcouru ! Rappelons que, en 2016, le Gouvernement avait opposé un refus à la demande qui lui avait été adressée par les Béninois. Cette évolution est due à l’immense travail collectif qui a été mené par le Gouvernement, par les musées et bien évidemment par les parlementaires. Je veux particulièrement saluer l’implication du Sénat, qui a largement contribué, par ses réflexions, à éclairer les débats.

Nous pouvons être fiers de cette loi, qui a d’ailleurs eu un grand retentissement en Europe, en particulier en Allemagne, en Belgique ou aux Pays-Bas, pays concernés par des problématiques comparables.

Depuis sa promulgation, nos engagements ont été tenus de bout en bout.

Les vingt-six œuvres du trésor d’Abomey ont fait leur retour au Bénin, en novembre dernier, après une dernière exposition à la fin du mois d’octobre, au musée du quai Branly-Jacques Chirac, dans le cadre d’une très réussie semaine culturelle du Bénin. Une cérémonie de restitution a eu lieu au musée, présidée par le Président de la République, avant la signature par les ministres de la culture français et béninois du transfert de propriété officielle au Bénin, le 9 novembre dernier. Une exposition aura lieu au printemps prochain, au Bénin.

Quant au sabre dit « d’El Hadj Oumar Tall », son dépôt à Dakar par le musée de l’Armée a pris fin en décembre dernier, pour se transformer en transfert de propriété.

Pendant toute cette période, de manière plus générale, nos musées nationaux ont été extrêmement mobilisés sur la question des restitutions. C’est grâce à leur travail sur l’histoire de leurs collections que d’autres restitutions, après celles qui ont été faites au Bénin et au Sénégal, pourront être réalisées à l’avenir.

De nombreux séminaires de recherche se sont tenus sur la question, et nous avons procédé au recrutement de plusieurs chercheurs de provenance. Dans le même temps, des partenariats entre les musées français et africains se sont noués.

Le Nouveau Sommet Afrique-France, voulu par le chef de l’État, s’est tenu le 8 octobre 2021 à Montpellier. Il a contribué à ce que des musées européens et africains progressent dans leur coopération en matière de recherche de provenance et de circulation des collections.

Par ailleurs, les restitutions, je tiens à le rappeler, ne constituent qu’un aspect et non pas l’enjeu principal de la nouvelle coopération patrimoniale que nous voulons construire avec les musées africains. C’est ainsi que le musée du quai Branly-Jacques Chirac organisera, en partenariat avec le musée Picasso, une grande exposition sur Picasso qui se tiendra, en avril prochain, au musée des civilisations noires, à Dakar.

Mesdames, messieurs les sénateurs, la loi du 24 décembre 2020 constitue un commencement plutôt qu’elle ne signe un aboutissement. D’autres demandes de restitution nous ont été adressées par l’Éthiopie, le Mali, le Tchad, Madagascar ou encore la Côte d’Ivoire. À chaque fois, nous engageons une discussion avec le pays demandeur et ses experts. La ministre de la culture s’est ainsi récemment entretenue avec son homologue de Madagascar à ce sujet.

Pour traiter ces différentes demandes, notre méthode reste la même. Elle consiste à mettre nos musées au cœur de l’instruction des dossiers et à instaurer un dialogue étroit avec le pays demandeur, afin de parvenir à une analyse partagée de l’historique des pièces restituées.

C’est cet historique qui permet de déterminer l’éventuelle origine violente de l’entrée des œuvres dans les collections publiques nationales, laquelle est susceptible de justifier leurs restitutions. Or seul le travail des musées est en mesure de l’établir, lorsque c’est possible.

Ces derniers mois, des travaux ont été menés au sujet de la restitution du tambour atchan, à la demande de la Côte d’Ivoire : le musée du quai Branly a conclu avec certitude que ce tambour avait été acquis dans le contexte d’une prise coloniale. C’est la raison pour laquelle nous avons annoncé sa restitution future et entamé des discussions sur les coopérations qu’il serait possible de mettre en œuvre autour de cette restitution. Des projets similaires sont en cours avec le Tchad et le Mali.

Le travail des musées sur chaque cas et les échanges avec les professionnels africains contribuent à approfondir une doctrine sur ce qui peut être restitué, ou non, et comment. Chaque cas est particulier et s’inscrit dans une histoire coloniale particulière, mais il nourrit une réflexion globale.

De même, les échanges renforcés entre les pays européens concernés par des demandes de restitution permettent de trouver des points de convergence sur les méthodes de travail à appliquer – je pense notamment à l’instruction des œuvres par les musées ou à la définition du parcours de celles-ci –, malgré des histoires très diverses.

C’est de cette réflexion globale que résultera, le moment venu, ainsi que l’a souhaité le Président de la République, la proposition au Parlement d’un dispositif-cadre, qui permettra de procéder plus facilement, en fonction de critères définis précisément, à de nouvelles restitutions d’objets culturels issus du contexte colonial africain.

Pour nous aider à concevoir un tel dispositif, le Président de la République a confié à Jean-Luc Martinez, ancien président-directeur du Louvre et ambassadeur pour la coopération internationale dans le domaine du patrimoine, une mission visant à approfondir les consultations que la loi de 2020 a permis d’entamer.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite insister sur deux points essentiels pour le ministère de la culture et le Gouvernement en général.

Tout d’abord, les musées et leurs experts doivent être au cœur du dispositif d’instruction des demandes de restitution et, plus largement, des politiques sur la recherche de provenance.

Ensuite, il est crucial que les professionnels – musées français et européens, musées et experts africains – travaillent en réseau. L’histoire des pièces et de leur arrivée dans les musées doit être au cœur de toute instruction. Cette dernière ne peut être réalisée avec précipitation, car elle doit s’inscrire dans le temps long de la recherche.

Les éléments de doctrine et de contexte que je viens de rappeler à cette tribune expliquent l’opposition réitérée du Gouvernement à la création d’une instance extérieure aux musées, qui serait chargée de se prononcer sur les projets de restitution.

Certes, nous partageons avec les auteurs de cette proposition de loi l’objectif d’associer les scientifiques et les experts pour éviter tout fait du prince – nous l’avons démontré dans le traitement des dossiers béninois, sénégalais et ivoirien –, mais cette collaboration ne peut se concevoir indépendamment du travail des musées ni s’y substituer, les musées étant les mieux placés et donc les meilleurs experts de leurs propres collections.

Aussi, un conseil des restitutions – nous avons déjà eu l’occasion de le dire l’année dernière – ne serait au mieux qu’un doublon si on lui confiait la mission d’instruire les dossiers au fond.

Venons-en maintenant à la question de la restitution des restes humains, abordée à l’article 2.

C’est un sujet de nature tout à fait différente, car il touche à la dignité de la personne. Nombre de travaux ont été conduits ces dernières années dans ce domaine, notamment sous l’égide de Mme Morin-Desailly, avec l’implication sans faille du ministère de la culture et du Muséum national d’histoire naturelle, qui est concerné au premier chef par la question.

Contrairement aux restitutions d’objets, il existe plusieurs précédents de restitution de restes humains par la loi, notamment le retour de la dépouille de Saartjie Baartman en Afrique du Sud ou la restitution des têtes maories à la Nouvelle-Zélande. Nous sommes en outre saisis de nombreuses demandes émanant de pays comme l’Australie, l’Argentine ou Madagascar.

La ministre de la culture a encore récemment eu l’occasion d’évoquer le sujet avec Bruno David, le président du Muséum national d’histoire naturelle. Elle est déterminée à trouver une solution contribuant à faciliter les restitutions sans avoir à passer systématiquement par la loi.

L’affaire est néanmoins complexe. Elle ne l’est pas moins, dans son genre, que celle des restitutions d’objets que nous venons d’évoquer.

Là encore, il n’existe pas de critères simples pour définir le caractère restituable ou non des objets. En effet, il ne saurait s’agir de considérer comme « restituables » tous les restes humains ou objets composites incluant des restes humains conservés dans les collections publiques.

Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteure. Ce n’est pas ce qui est prévu !

Mme Nathalie Elimas, secrétaire dÉtat. Leur place dans les musées peut se justifier, notamment certains restes archéologiques ou objets constitués à partir de restes humains ainsi transformés, comme dans certaines collections anthropologiques.

M. Pierre Ouzoulias. Nous avons écarté ces cas de figure du dispositif ! (Mme la rapporteure le confirme.)

Mme Nathalie Elimas, secrétaire dÉtat. Sur ce point, on ne peut qu’être favorable à l’article 2, puisqu’il entend délimiter assez strictement le champ des restes humains restituables. Certains critères retenus à cette fin nous semblent parfaitement pertinents et rejoignent ceux qui ont été identifiés dans les travaux conduits sous l’égide du ministère de la culture.

Ainsi, pour que des restes soient restitués, premièrement, il faut que leur origine ait été identifiée dans le cadre d’un processus scientifique. Deuxièmement, les conditions de leur collecte doivent porter atteinte au principe de dignité de la personne. Troisièmement, ces restes doivent appartenir à des groupes humains encore existants, dont les cultures sont actives, et leur restitution ne peut avoir comme finalité une exposition muséale. Quatrièmement, et enfin, ils doivent enfin avoir fait l’objet d’une demande officielle de restitution par l’État concerné.

Toutefois, dans le texte qui vous est soumis, mesdames, messieurs les sénateurs, il nous semble qu’il manque au moins un critère : celui d’un âge maximal des restes humains, pour que ceux-ci soient restituables. Il nous semble nécessaire de considérer qu’au-delà d’une certaine ancienneté, par exemple cinq cents ans, un reste humain ne peut plus être restitué, car le lien avec le peuple d’origine apparaît forcément distendu et plus difficilement rattachable à une population actuelle.

En outre, d’autres critères figurant dans ce texte sont insuffisamment protecteurs pour les institutions patrimoniales. Par exemple, le fait qu’un reste humain n’ait pas fait l’objet de recherches depuis dix ans n’a pas de sens, car cela ne signifie nullement qu’il ne soit plus susceptible de faire l’objet de recherches à l’avenir.

J’ajoute que certaines conditions posées au retour des restes humains sont discutables : la coopération avec les pays d’accueil n’est pas un critère aussi primordial dans ce cas que pour les objets muséaux, qui peuvent faire l’objet de projets conjoints.

Dernier point, l’élaboration d’une liste intermédiaire de biens restituables fragilise le principe d’inaliénabilité en instaurant une nouvelle catégorie, en droit, dans les collections publiques.

Le cas des œuvres répertoriées « Musées nationaux récupération », ou MNR, issues de la récupération artistique après la Seconde Guerre mondiale, ne saurait lui être comparé. Ces biens figurent en effet sur une liste à part, parce qu’ils n’ont jamais intégré la domanialité publique, et cela du fait que, à l’origine il y a eu dépossession illégale de leur propriétaire privé.

S’agissant d’objets faisant partie intégrante des collections publiques, l’établissement d’une telle liste crée une catégorie dont le statut en droit paraît un peu nébuleux : ils ne sont ni dans les collections publiques ni vraiment en dehors ; ils possèdent en quelque sorte un statut d’attente.

Cet inventaire nécessiterait en outre un travail colossal, dans lequel le Muséum national d’histoire naturelle (MNHN), qui est le principal concerné, tout comme les autres musées de France qui ont des collections d’anthropologie physique, n’aurait certainement pas les moyens de s’engager.

Il conviendrait, sur ce point en particulier, de consulter le président du MNHN, ce qui à notre connaissance n’a pas été fait. (M. Pierre Ouzoulias proteste.)

Dans ce contexte, malgré une volonté partagée d’aboutir un jour à un texte permettant de régler ce sujet spécifique et de faciliter les restitutions quand elles sont justifiées, le Gouvernement ne soutiendra pas, à ce stade, la présente proposition de loi. (M. Julien Bargeton applaudit.)

Mme le président. La parole est à M. Lucien Stanzione.

M. Lucien Stanzione. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la restitution des biens culturels est un sujet complexe, qui mêle des intérêts et des acteurs divers et bien souvent opposés et qui suscite de nombreuses interrogations, notamment sur les plans historique, économique, géopolitique, diplomatique, éthique et spirituel.

Ce sujet fait aujourd’hui l’objet d’un débat, et cet enjeu occupe une place croissante dans l’espace médiatique.

Cicéron plaidait déjà en faveur d’une protection du patrimoine et de la restitution des œuvres d’art spoliées à la province de Sicile par Verrès, gouverneur romain accusé d’abus de pouvoir et de vol d’œuvres d’art.

Depuis l’Antiquité, la saisie d’œuvres d’art est le premier facteur de circulation des biens culturels. En 1815, après la défaite de Napoléon, les puissances alliées ont exigé le retour de plusieurs œuvres subtilisées dans le cadre des campagnes militaires menées par notre pays.

De la même manière, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, en Allemagne, plusieurs des biens amassés par les nazis sont visés par des demandes de restitution. Les études sur la provenance des œuvres dans les collections allemandes permettent de rendre certains biens culturels à des États étrangers, mais aussi à des particuliers, aux héritiers ou ayants droit des nombreuses familles juives spoliées par le régime nazi.

Si l’on creuse la notion d’objet culturel, on s’aperçoit qu’elle se définit au travers de l’instrument juridique mobilisé et de la matière considérée : sa valeur peut être archéologique, artistique, scientifique, technique, religieuse, laïque, historique ou encore symbolique.

Le bien culturel est porteur de sens ; il est la mémoire et l’empreinte de la culture dont il est issu. Il compose le patrimoine culturel d’une société qui lui permet de forger son identité, sa mémoire collective. C’est ce patrimoine culturel que l’on souhaite transmettre aux générations futures.

Les écueils juridiques sont nombreux et mettent en lumière la particularité et la complexité du sujet. À titre d’exemple, on peut estimer que le principe fondamental de prescriptibilité, quand on l’applique aux demandes de restitution, est peut-être inadapté.

Les restes humains, qui revêtent une importance spéciale au regard de l’éthique et de la morale, doivent faire l’objet d’un traitement particulier.

Je pense à deux cas très représentatifs.

Tout d’abord, j’évoquerai la restitution à la Nouvelle-Zélande de la tête d’un guerrier maori, qui se trouvait depuis la fin du XIXsiècle dans les collections du Muséum d’histoire naturelle de Rouen.

En 2007, la décision du conseil municipal de la ville, qui ordonnait la restitution de la tête maorie à la Nouvelle-Zélande, a été annulée, sur requête du ministère de la culture, par le tribunal administratif de Rouen, qui s’est fondé sur le principe d’inaliénabilité des collections publiques. Les têtes maories n’ont pu être restituées qu’en 2010, après le vote d’une loi dont Mme Catherine Morin-Desailly était déjà l’auteur.

Le second exemple concerne Saartjie Baartman, qui, au début du XIXe siècle, a été emmenée à Londres afin d’y être exhibée pour ses particularités physiques. Elle passa quatre ans au Royaume-Uni avant d’être transférée en France par un organisateur de spectacles. Décédée en 1815, sa dépouille a été cédée au Muséum national d’histoire naturelle, où elle y a été exposée jusqu’en 1970.

Dans les années 1990, Nelson Mandela a demandé le retour de la dépouille de Saartjie Baartman, surnommée « la Vénus Noire » ou « la Vénus hottentote », pour qu’elle soit inhumée dignement dans son village natal. Sa requête n’a suscité aucune réaction, avant qu’une loi publiée le 6 mars 2002, soit douze ans plus tard, ne crée les conditions de ce retour.

La question plus globale du devenir des restes humains conservés dans les collections nationales est toutefois restée durablement en suspens.

De même, si les instruments juridiques européens sont nombreux, notre droit se révèle aujourd’hui impuissant à faire face aux demandes de manière systématique.

Le texte que nous examinons a vocation à pallier ces manques. On ne peut que s’en féliciter, surtout quand on sait que, selon le rapport établi par M. Felwine Sarr et Mme Bénédicte Savoy en 2018, quelque 90 % du patrimoine africain seraient conservés hors du continent.

À mes yeux, l’histoire coloniale reste à écrire, à exposer, à expliciter. Elle relève encore d’un impensé qui ressurgira tant qu’elle ne sera pas prise en compte et abordée aux niveaux institutionnel et politique.

Cette histoire nous apprend à comprendre l’émotion, la souffrance et les liens entre le passé et le présent, la fameuse dimension « postcoloniale » que l’on a tant de difficultés, en France, à considérer comme partie prenante des enjeux scientifiques et des questions de société auxquels nous sommes confrontés.

On ne peut pas évacuer la question des restitutions, qui met au cœur du débat le patrimoine, la culture et l’histoire et qui insuffle une nouvelle dynamique d’échanges et de respect.

D’ailleurs, l’histoire récente en matière de restitution d’œuvres d’art nous montre que, au-delà du blocage législatif, il existe une sorte de coutume, qui a consisté à restituer des biens, en dehors de toute règle établie, en fonction d’intérêts pas toujours très explicites. Pourtant, le Parlement est le seul organe habilité à ordonner et à autoriser ces restitutions. Que dire de telles pratiques ? Je vous laisse seuls juges, mes chers collègues.

Je ne puis que me réjouir de voir que nos discussions ont pris un nouveau tournant et que la réflexion sur la spécificité et les racines du bien culturel semble acquérir une nouvelle place dans le droit des restitutions.

À défaut de la reconnaissance morale, voire philosophique, d’un droit des peuples spoliés, nous nous dirigeons vers une reconnaissance de la particularité des biens culturels. L’objet culturel a des racines, et ce sont ces racines qui doivent être reconnues et qui doivent présider à la décision conduisant au retour du bien.

S’accrocher aux principes en matière de prescription des demandes ou à l’idée que nos collections nationales sont inaliénables ne peut plus être notre seule matrice. Pour aller plus loin, il faut créer les conditions, grâce à ce texte, mais aussi à d’autres dispositions à venir, pour que, dans tous les lieux détenant des œuvres, il y ait une réelle anticipation des demandes de restitution.

Enfin, il conviendra de trouver la meilleure manière de conserver une trace de l’œuvre artistique qui aura rejoint son territoire d’origine, sous la forme de photographies exposées, voire de copies, par exemple, afin que la valeur symbolique et universelle de l’œuvre d’art puisse continuer à être partagée par le plus grand nombre.

Je tiens à souligner l’immense et excellent travail de la rapporteure Catherine Morin-Desailly, ainsi que celui de nos collègues Max Brisson et Pierre Ouzoulias, que j’ai eu grand plaisir à côtoyer.

Le texte que nous examinons aujourd’hui ouvre une nouvelle ère. C’est pourquoi le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain le soutient et le votera avec conviction ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE, ainsi quau banc des commissions.)

Mme le président. La parole est à M. Julien Bargeton.

M. Julien Bargeton. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, au préalable, je souhaite préciser que je ne parlerai pas des restes humains, d’une part, parce que je partage les interrogations éthiques des intervenants qui m’ont précédé sur le sujet, et, d’autre part, parce qu’il s’agit selon moi d’un sujet à part entière et que je ne dispose que de six minutes pour m’exprimer.

En signant en 1566 l’édit de Moulins, Charles IX a prescrit une règle essentielle : il a fait de l’inaliénabilité du domaine public, en France, le principe régissant les collections muséales. Mais, depuis lors, le temps a passé, et notre pays fait face aujourd’hui à des demandes multiples, réitérées, de restitutions d’œuvres d’art, notamment de la part d’États africains au regard de notre histoire coloniale.

Même si, comme cela a été dit, ce phénomène appartient à une histoire ancienne, puisque le Sénat de Rome reprochait déjà à certains généraux les pillages commis durant les conquêtes – j’aurais aussi pu citer le déboulonnage du quadrige de la porte de Brandebourg à Berlin –, il est réactivé aujourd’hui.

Évidemment, il existe un lien très étroit entre l’histoire culturelle d’un pays et la constitution du patrimoine des musées. Certains auteurs l’ont très bien montré : je pense à Krzysztof Pomian dans son très bel ouvrage Le Musée, une histoire mondiale, ou bien à l’historienne Anne-Marie Thiesse, qui décrit parfaitement le rapport direct entre la construction de l’État-nation, notamment au XIXe siècle, et la création des grands musées. (M. Pierre Ouzoulias acquiesce.) On songe immédiatement au musée du Louvre en 1793, mais il existe beaucoup d’autres exemples.

La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui est une réponse explicite au projet de loi relatif à la restitution de biens culturels à la République du Bénin et à la République du Sénégal, qui a été adopté en 2020. Elle reprend notamment, dans son article 1er, une disposition que le Sénat avait introduite en première lecture dans ce texte et qui avait été par la suite supprimée par l’Assemblée nationale.

Mes chers collègues, j’ai beaucoup entendu parler de « fait du prince » ou de « décisions du Président de la République » à ce sujet. Permettez-moi de revenir sur ces allégations, car elles sont fausses.

Il est exact que la Ve République garantit un certain nombre de pouvoirs propres au Président de la République, comme celui de nommer le Premier ministre, par exemple – il est prévu à l’article 8 de notre Constitution –, ou le droit de grâce, même s’il doit faire l’objet d’un contreseing ministériel. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi quau banc des commissions.)

M. Olivier Paccaud. Cela n’a rien à voir, ces pouvoirs sont justement prévus par la Constitution !

M. Max Brisson. N’importe quoi !

M. Julien Bargeton. Or ce n’est pas du tout ce dont il est question ici ! Absolument pas !

Mes chers collègues, on peut toujours débattre de la méthode choisie par le Gouvernement pour opérer ces restitutions, mais on ne peut en aucun cas parler de « fait du prince ».

Jugez plutôt : en 2018, tout d’abord, le Président de la République a commandé un rapport à deux spécialistes,…

M. Max Brisson. Quel rapport ?

M. Julien Bargeton. … Felwine Sarr et Bénédicte Savoy.

Sur cette base, l’exécutif a présenté un projet de loi en 2020, et si la navette parlementaire n’a malheureusement pas permis d’aboutir à un texte commun, ce n’est pas le fait du prince, je le répète, c’est tout simplement la démocratie parlementaire !

Certes, il n’y a pas eu d’accord, mais c’est bien le Parlement qui, en définitive, a autorisé la restitution des biens au Bénin et au Sénégal.

M. Max Brisson. Et pour Madagascar ?

M. Julien Bargeton. D’ailleurs, le Gouvernement partage l’idée d’une loi-cadre,…

M. Max Brisson. Voilà qui est nouveau !

M. Julien Bargeton. … puisqu’il a justement confié à Jean-Luc Martinez, archéologue reconnu, spécialiste du sujet, ancien président-directeur du musée du Louvre, la mission de réfléchir à une doctrine et de définir des critères de restitution.

Cette future loi-cadre, qui est sans doute nécessaire, pourrait effectivement s’appuyer sur le conseil national que vous proposez. Toutefois, même si je suis personnellement très ouvert à cette forme de discussion, les membres de notre groupe s’abstiendront : nous pensons en effet qu’il est préférable d’attendre le rapport de Jean-Luc Martinez avant de créer une telle structure.

Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteure. Il n’est pas le seul à écrire des rapports : cela fait dix ans que nous travaillons sur ces questions !

M. Julien Bargeton. On peut bien sûr y travailler ensemble. Réfléchissons par exemple à la composition de cette instance. Par exemple, doit-elle être composée exclusivement de conservateurs ?

Il faudra aussi réfléchir à une doctrine, car chacun voit bien qu’il existe un sous-texte politique : les décisions de restitution ont un rapport avec l’histoire des pays. Un débat politique de fond sur la doctrine est donc nécessaire. Enfin, il conviendra de réfléchir aux procédures à mettre en œuvre.

Tous ces débats sont légitimes, d’autant que je sais bien qu’ils commencent à dater, mais je vous demande d’être patients, mes chers collègues. Un rapport va bientôt être remis : il faut simplement accepter de se donner un peu de temps supplémentaire pour définir l’organisation, le fonctionnement, les règles, en un mot mettre en place une procédure pérenne de restitution des biens culturels extra-européens. D’après moi, cela vaut vraiment la peine d’attendre.

À partir du travail déjà engagé, du projet de loi adopté en 2020, qui a suscité de nombreux débats ici, de la présente proposition de loi et du rapport de M. Martinez, nous pourrons établir, ensemble, le cadre juridique idoine et la procédure pertinente, puis décider de la composition et des modalités d’évaluation et de contrôle de l’instance qui sera compétente sur cette question du retour des œuvres d’art, notamment au regard notamment de la doctrine, dont on voit bien qu’elle suscite un certain nombre d’interrogations, et de l’histoire des différents pays d’où émanent les demandes de restitution. C’est ainsi que nous parviendrons à avancer sur le sujet.

Notre groupe ne s’opposera pas à ce texte, parce qu’il estime qu’il est nécessaire d’aller de l’avant. Par conséquent, il s’abstiendra. Il s’agit d’une abstention constructive, destinée à préparer la suite, parce que ce débat le mérite.

Pour autant, il nous paraît prématuré de voter la proposition de loi dans sa version actuelle.

Mme le président. La parole est à M. Jean-Pierre Decool.

M. Jean-Pierre Decool. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, au travers d’une série de sculptures annonciatrices de la naissance du cubisme, Picasso traduisait un sentiment qu’il a défini en ces termes : « Mes plus grandes émotions artistiques, je les ai ressenties lorsque m’apparut soudain la sublime beauté des sculptures exécutées par les artistes anonymes d’Afrique. »

L’art ne connaît pas de frontière ; sa vocation est universelle. Les collections qui remplissent nos musées forment un patrimoine accessible à tous. L’art se nourrit des arts, et nombre d’œuvres sont issues d’une influence multiple, irréductible à une culture ou à une civilisation.

En révolutionnant l’approche occidentale de l’art, l’art africain a engendré l’art moderne. (M. le président de la commission de la culture, de léducation et de la communication approuve.) La France possède dans ses collections publiques près de 90 000 œuvres d’art africain. Dans des sociétés dépourvues d’écriture, l’art faisait office de livre, support de la parole et vecteur de traditions et de croyances.

Alors que d’innombrables œuvres en bois ou en terre ont disparu, des milliers d’objets du quotidien sortis des malles de missionnaires, de médecins ou d’administrateurs ont bénéficié d’une conservation et d’une mise en valeur exceptionnelle au sein de nos collections.

Nos musées sont des bibliothèques pour toute personne qui sait voir au-delà de la matière brute et lire l’histoire, la tradition ou la grandeur d’un peuple, qui est symbolisée au travers d’une sculpture de bois tendre et de kaolin.

La puissance fascinante d’un masque fang du Gabon, fabriqué loin des regards, dans la solitude de la brousse, et exhibé lors des rites d’initiation, a autant contribué à écrire l’histoire culturelle de l’humanité qu’une danseuse de Degas ou un mobile de Calder.

M. Pierre Ouzoulias. Très bien !

M. Jean-Pierre Decool. Biens inaliénables de l’État, les œuvres de nos collections doivent, pour en sortir, faire l’objet d’une démarche démocratique, régie par un cadre juridique clair.

Fixer un cadre et une méthode, tel est l’objet de cette proposition de loi remarquablement présentée par Catherine Morin-Desailly.

Ce texte est l’aboutissement des travaux menés au Sénat en décembre 2020. Il vient combler les lacunes entourant les procédures actuelles de restitution. Face aux revendications croissantes de nombreux pays, notre groupe partage la volonté des auteurs du texte et de la commission de la culture de doter la France des outils juridiques appropriés.

Lors de son discours tenu à Ouagadougou, le Président de la République a inscrit la France dans la démarche engagée par l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture, l’Unesco, pour favoriser l’accès des pays à leur patrimoine culturel.

Si nous comprenons cette approche, certaines décisions récentes de restitution ont pu surprendre. Le Parlement n’est pas une simple chambre d’enregistrement des décisions du Gouvernement. Il convient de rappeler que la richesse des débats et l’indispensable confrontation des idées et des valeurs de chacun sont des éléments essentiels de notre démocratie.

L’article 1er prévoit d’instaurer une instance scientifique chargée d’émettre un avis sur les demandes de restitution, en amont de la réponse politique. Le Sénat avait avancé cette idée lors de l’examen du projet de loi relatif à la restitution de biens culturels à la République du Bénin et à la République du Sénégal.

Le futur Conseil national de réflexion sur la circulation et le retour de biens culturels extra-européens comportera douze membres et aura la possibilité d’associer des scientifiques issus du pays demandeur, afin de contribuer à la réflexion.

L’essentiel des œuvres n’a pas vocation à être rendu à leur pays d’origine, mais un travail de fond sur la recherche de la provenance des œuvres sera effectué au cours des prochaines années. Enfin, en plus d’une mission consultative, cette instance jouera un rôle de réflexion, destinée à éclairer le Gouvernement et le Parlement sur toute question entrant dans le champ de ses compétences.

À la lumière de ces éléments, le groupe Les Indépendants votera en faveur de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE, ainsi quau banc des commissions. – MM. Olivier Paccaud et Lucien Stanzione applaudissent également.)

Mme le président. La parole est à M. Max Brisson.

M. Max Brisson. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous ne serions pas dans l’hémicycle ce soir sans le travail acharné de notre collègue Catherine Morin-Desailly. Je veux saluer la constance avec laquelle elle porte au Sénat la question de la circulation des biens culturels. Elle le fait sans jamais se départir d’une ligne directrice : donner à notre pays des règles claires et protectrices sur un sujet où la raison devrait toujours l’emporter sur la passion.

Je souhaite également saluer Pierre Ouzoulias pour son travail et sa participation à l’élaboration d’un point de vue équilibré et constant.

Ensemble, nous avons rédigé un rapport d’information à l’origine de la proposition de loi dont nous débattons aujourd’hui. Celle-ci s’inscrit dans le cadre d’un quinquennat qui fut marqué sur le sujet par une rupture politique majeure.

Rappelons en effet que, à Ouagadougou, en 2017, le Président de la République affirmait : « Je veux que d’ici cinq ans – nous y sommes ! – les conditions soient réunies pour des restitutions temporaires ou définitives du patrimoine africain en Afrique ». Dans le prolongement de ce discours, en novembre 2018, le rapport Savoy-Sarr recensait 46 000 œuvres d’art provenant d’Afrique, susceptibles d’être rapatriées.

Le mouvement, qui avait de quoi inquiéter, semblait inexorablement lancé. Fort heureusement, le Président de la République s’est heurté à un obstacle de taille : le droit français.

Bien sûr, sa volonté de restituer des œuvres d’art n’est ni une nouveauté ni une singularité de ce quinquennat. Toutefois, la manière employée fut parfois pour le moins singulière, sinon déroutante, en particulier lorsque, pour répondre aux problèmes diplomatiques du moment, il a été procédé, sur ordre du chef de l’État, au transfert d’un bien sous couvert de prêt, plaçant la communauté des musées devant le fait accompli.

C’est ainsi que le Gouvernement a renvoyé en catimini la couronne du dais de la reine Ranavalona III aux autorités malgaches. C’était au moment même où nous discutions, ici, du projet de loi de restitution des œuvres au Bénin et au Sénégal. J’avais alors, tout en émettant des réserves sur ce projet de loi, appelé à établir une méthode pour aborder cette question avec recul et distance. Mme Roselyne Bachelot avait balayé fermement cette proposition.

Certes, au Sénat, nous entendions et entendons toujours la demande des pays africains. Nous ne la contestions pas et ne la contestons toujours pas. Mais nous étions et nous demeurons profondément mal à l’aise d’observer le Gouvernement céder à une vision moralisatrice de notre histoire, tel que l’impose le rapport Savoy-Sarr, dont on sait combien il a faussé le débat.

Nous aurions tellement préféré que le Gouvernement restât fidèle à l’héritage du président Jacques Chirac, lui qui avait chevillé au corps le dialogue des cultures.

Oui, en lui étant fidèle, l’après-discours de Ouagadougou aurait pu être pour la France le moment de l’élaboration d’une véritable politique d’échanges et de circulation, qui aurait apporté une ligne de conduite constante sur un sujet ô combien important. Rien de tout cela ne s’est produit, bien au contraire !

En juin dernier, coup de théâtre : le Président de la République, prenant ministres et conseillers à rebrousse-poil de toutes les déclarations ministérielles antérieures, annonçait la nécessité d’une loi-cadre sur le sujet des restitutions ; Mme Roselyne Bachelot avait dit le contraire à cette tribune.

Lorsque l’on parle de loi-cadre sur les restitutions, il faut d’abord rappeler que, pour nous, toute restitution est un cas à part. Voilà pourquoi le Sénat a toujours estimé que c’était au Parlement de se prononcer en dernier ressort sur chaque cas, mais que, pour cela, il devait être éclairé par un travail de recherche qui permette, pour chaque œuvre, d’en connaître le parcours et, par l’intervention d’experts, le contexte ayant présidé à son dépôt et à sa conceptualisation artistique.

La démarche présidentielle a donc enclenché un nouveau processus, bien tardif. L’ambassadeur thématique Jean-Luc Martinez a été désigné pour réfléchir au sujet. Malheureusement, au moment de son audition, nous n’avons pu connaître le contenu de sa lettre de mission. De même, l’exécutif, auditions après auditions, n’a jamais semblé faire cas, bien loin du discours de M. Julien Bargeton à l’instant, ni du rapport adopté par notre commission ni de la proposition de loi présentée aujourd’hui. Quel mépris !

M. Julien Bargeton. Il y a une majorité à l’Assemblée nationale, voilà tout ! Ce n’est pas parce que le Sénat n’est pas écouté que le Parlement est bafoué !

M. Max Brisson. Pourtant, en écoutant le président du musée du quai Branly-Jacques Chirac, nous avons été confortés dans ce que nous ressentions, à savoir combien est important le travail méthodique d’éclairage, de contextualisation, de recherche de provenance de chaque objet ; combien est important ce travail en coopération avec les scientifiques des pays demandeurs ; combien cela pourrait faire tomber les visions idéologiques visant à soumettre l’histoire de chaque œuvre au prisme d’une vision globale empruntant les lunettes déformantes du présent pour la soumettre aux exigences présupposées de notre époque.

M. Julien Bargeton. Voilà le débat démocratique !

M. Max Brisson. Oui, chaque objet a une histoire propre, qui ne peut se réduire à une vision généraliste et être passée sans dégât au tamis de nos débats du XXIe siècle. Ce travail minutieux, nous le devons au respect de la vérité historique.

Or, justement, se doter d’une institution permettant d’élaborer un éclairage historique, archéologique et muséologique, tel est l’objet de l’article 1er de la proposition de loi que j’ai l’honneur de porter avec Catherine Morin-Desailly et Pierre Ouzoulias. Le Gouvernement aurait dû, madame la secrétaire d’État, la faire sienne, plutôt que la snober.

M. Pierre Ouzoulias. Tout à fait !

M. Max Brisson. En effet, quoi qu’en pensent les tenants d’une histoire réécrite, les contextes varient selon la nature du bien, les conditions d’acquisition et les voies d’entrée dans les collections publiques.

En revanche, une loi-cadre ne me paraît guère envisageable en l’état actuel des travaux réalisés dans nos musées, tant que quelques règles communes ne seront pas dégagées. Telle pourrait être la fonction de la commission de réflexion proposée dans notre texte.

Bien entendu, des moyens importants devront suivre ; c’est la condition sine qua non pour étayer la vérité et repousser l’idéologie. Que l’on n’accorde aucun moyen au musée du quai Branly montre la faiblesse de la volonté politique d’agir en la matière depuis cinq ans, ce qui laisse à penser que le chef de l’État, une nouvelle fois, a surtout privilégié l’effet d’annonce, et non une politique structurante, inexistante tout au long du quinquennat.

M. Pierre Ouzoulias. Exactement !

M. Max Brisson. Par cette proposition de loi, le Sénat quant à lui compte s’inscrire dans une position constante : la nécessité d’une analyse objective du contexte d’acquisition, fondée sur une méthode partagée. Sans cela, le fait du prince continuera de sévir au service de la diplomatie, mais plus encore de la réécriture de notre histoire dans sa globalité,…

M. Max Brisson. … ainsi que de l’histoire de chaque objet, soumis, malgré lui, à l’instrumentalisation politique de notre siècle.

Voilà pourquoi je vous invite, mes chers collègues, à voter la proposition de loi dont nous débattons aujourd’hui. (Applaudissements sur toutes les travées, à lexception de celles du groupe RDPI.)

M. Julien Bargeton. Dites simplement que vous êtes contre les restitutions !

Mme le président. La parole est à M. Thomas Dossus.

M. Thomas Dossus. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le 28 novembre 2017, devant les étudiants de l’université de Ouagadougou, le Président de la République prenait un engagement qui se voulait fort. Lors de ce discours, il reconnaissait qu’il était inacceptable que l’Afrique soit dépossédée d’une large partie de son patrimoine culturel et s’engageait à permettre, d’ici à 2022, « des restitutions temporaires ou définitives du patrimoine africain en Afrique ».

Voilà tout juste un an, nous examinions un projet de loi actant le retour du trésor de Béhanzin et le sabre avec fourreau dit « d’Oumar Tall », respectivement au Bénin et au Sénégal.

Nous sommes encore loin d’un processus dynamique d’une diplomatie culturelle plus active avec le continent africain.

En prenant en compte les demandes émises par tous les pays et connues à ce jour – Tchad, Mali, Éthiopie, Madagascar, etc. –, ce sont en effet plus de 13 000 biens qui devraient être examinés comme « candidats au retour » sur leur terre d’origine. Le texte de l’année dernière a été le seul et unique du quinquennat en provenance du Gouvernement sur ce sujet.

Certes, le cadre législatif ne facilite pas les choses, puisque chaque restitution émanant des collections nationales doit faire l’objet d’un texte de loi spécifique.

Déjà en 2018, les universitaires Felwine Sarr et Bénédicte Savoy ont évoqué cette situation dans leur Rapport sur la restitution du patrimoine culturel africain : vers une nouvelle éthique relationnelle. Ils y reconnaissent que l’usage de ces lois d’exception « limite à l’extrême les cas de restitution » et qu’il conviendrait d’amorcer des démarches plus durables et globales avec les pays concernés.

Il y a bien nécessité de sortir des lois d’exception et d’établir une coopération culturelle plus intense avec le continent africain. Cela passe par une forte évolution des mécanismes de restitution actuels, tributaires du fait du prince, souvent en dehors de toute considération scientifique ou patrimoniale. La présente proposition de loi va dans ce sens, ce que nous saluons.

Ce texte prévoit la création d’un Conseil national de réflexion sur la circulation et le retour des biens culturels extra-européens. L’instance aura pour mission de donner son avis sur les demandes de restitution et sera composée d’experts de nombreuses sciences humaines et historiques chargés d’évaluer ces demandes.

Nous espérons qu’il permettra d’objectiver les motivations des restitutions et d’en accélérer le processus – non pas que nous soyons pressés de nous débarrasser de ce patrimoine, mais parce qu’il est temps de construire la coopération culturelle avec le continent africain sur des bases saines, affranchies autant que faire se peut des considérations purement diplomatiques ou politiques du moment.

La proposition de loi procède d’une intention louable, la méthode est la bonne et elle pallie les manquements du Gouvernement.

Toutefois, comme l’année dernière, je ne puis m’empêcher d’appeler à ce que nous allions encore plus loin. Nous espérons qu’à terme le Parlement pourra se fonder sur ce conseil nouvellement créé et valider, par exemple à l’occasion du vote d’une loi annuelle, les restitutions que celui-ci aura proposées. Ainsi, nous pourrions satisfaire à la fois l’inaliénabilité des collections et la nécessité d’un cadre stable de restitution.

Oui, nous avons besoin d’un cadre stable pour ces restitutions. C’est le ciment indispensable d’une nouvelle approche avec le continent africain, une « nouvelle éthique relationnelle », comme le disent Felwine Sarr et Bénédicte Savoy.

Le débat sur la dépossession de notre patrimoine culturel français est caduc. Il s’agit désormais d’instaurer un dialogue avec les pays d’origine de ces biens, afin qu’ils deviennent, comme nous l’avons été avant eux, les gardiens d’un patrimoine pour toute l’humanité.

C’est cet idéal qu’il nous faut viser inlassablement, celui du dialogue entre chacune des cultures pour le bien de toutes et tous, celui du partage vu comme un enrichissement mutuel, et non une dépossession, celui de la justice et de la culture comme offrande faite au monde.

C’est un combat de tous les instants, de toutes les politiques, fait de petits pas et de grandes avancées. La présente proposition de loi participe de ce mouvement. C’est pourquoi le groupe Écologiste - Solidarité et Territoires votera en sa faveur. (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi quau banc des commissions.)

Mme le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias.

M. Pierre Ouzoulias. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, « Est-ce là, où la religion ne permettait même pas aux hommes libres d’entrer pour prier, que tu as osé, toi, lancer les esclaves au pillage d’un sanctuaire ? Est-ce sur ces objets, dont le droit sacré te forçait à détourner même les yeux, que tu n’as pas hésité à porter les mains ? […] Croyez-moi, juges, […] si pendant ces dernières années nos alliés et les peuples étrangers ont subi nombre de malheurs et d’injustices, il n’en est pas qui soient et qui aient été plus pénibles pour des Grecs que ces pillages de sanctuaires et de villes ».

Ainsi s’exprimait Cicéron lors du procès de Verrès, le gouverneur concussionnaire de la Sicile, qui avait pillé toutes ses œuvres d’art. L’histoire des collections est souvent celle du vol, du dol, de la captation, du détournement ou de l’accumulation d’objets collectés sans grand souci de leurs origines et des conditions de leur réunion.

Les temps ont changé, et il n’est plus possible de satisfaire la curiosité du public ou ses plaisirs esthétiques dans l’ignorance de leurs fonctions antérieures, des systèmes sociaux auxquels ils ont appartenu et des destins parfois tragiques qu’ils ont accompagnés. L’existence de ces objets et de ces œuvres ne commence pas avec leur exhibition.

Cette exigence éthique et scientifique de reconnaissance des circonstances des collectes est très loin d’être satisfaite pour une part majeure des œuvres des collections nationales.

Ce récolement général devrait être la première étape indispensable de toute démarche de restitution. C’est un travail de fond qui doit être réalisé de façon collégiale, par la mobilisation de plusieurs disciplines et en collaboration avec les scientifiques des pays d’origine de ces pièces. Disons-le sans ambages : au pire, il n’a pas commencé, au mieux, les moyens dérisoires qui lui sont consacrés éloignent d’autant son achèvement.

Tant que cet inventaire ne sera pas suffisamment avancé, l’aliénation d’objets des collections nationales continuera d’obéir aux vicissitudes des petits arrangements entre États, aux sollicitations entre amis, aux traditions surannées des cadeaux diplomatiques, et il sera demandé au Parlement, tout en lui refusant le besoin d’en connaître, de voter sans renauder des lois de circonstance organisant dans l’urgence et la quasi-clandestinité leur dépossession.

M. Max Brisson. Très bien !

M. Pierre Ouzoulias. Il en fut ainsi des restitutions d’œuvres au Bénin et au Sénégal. Le Sénat approuva leur principe, mais s’opposa, par une large majorité, à leurs modalités.

Lors des auditions réalisées par notre commission pour l’examen de ce texte, il n’a toujours pas été possible d’appréhender les modalités d’instruction de ces demandes. Nous n’avons pas obtenu officiellement la copie des lettres adressées par les gouvernements du Bénin et du Sénégal, et il ne nous a pas été possible de déterminer pourquoi certaines œuvres revendiquées par le Bénin ne lui ont pas été restituées.

Ce retour des œuvres béninoises aurait dû être le prétexte d’une collaboration culturelle ambitieuse entre nos deux pays. Il s’est plutôt apparenté à une froide opération notariale de transfert de propriété, qui a frustré les deux parties.

Les restitutions devraient être l’un des éléments d’un échange culturel conçu comme un pont entre deux mondes qui regardent leur passé pour mieux construire leur avenir en commun. La forme législative appropriée de cette coopération pourrait être celle d’une convention internationale. Réduire la restitution à un article législatif constatant la radiation d’objets sur l’inventaire d’un musée est indigne de la valeur symbolique portée par les demandes.

M. Max Brisson. Et c’est peu démocratique ! (M. Julien Bargeton proteste.)

M. Pierre Ouzoulias. L’impéritie des services de l’État à engager le récolement des collections, l’absence de méthode pour l’instruction des demandes et le manque d’ambition politique et culturelle de la précédente loi de restitution ont conduit les signataires du présent texte à proposer la constitution d’un Conseil national de réflexion sur la circulation et le retour des biens culturels extra-européens.

Constatant la nécessité de donner un nouvel élan à la politique de réparation des spoliations antisémites des œuvres entre 1933 et 1945, le ministère de la culture s’est doté, en avril 2019, d’une nouvelle mission rattachée au secrétaire général du ministère. Sans confondre les deux offices, le Sénat considère que le conseil national proposé par ses soins a la même utilité pour insuffler, coordonner et rendre public les programmes d’échanges d’œuvres.

Vous nous expliquez, madame la secrétaire d’État, que les restitutions ne sont pas le fait du prince. Montrez-le ! (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER, RDSE et Les Républicains, ainsi quau banc des commissions.)

Mme le président. La parole est à Mme Annick Billon.

Mme Annick Billon. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je voudrais en préambule remercier Mme la rapporteure, notre chère Catherine Morin-Desailly, ainsi que les rapporteurs de la mission d’information, Pierre Ouzoulias et Max Brisson, de la qualité et de la pertinence de leurs travaux, qui permettent une évolution nécessaire de la loi sur un sujet d’actualité récurrent.

Le présent texte s’inscrit dans la droite ligne et la continuité des travaux menés de longue date par le Sénat sur ce sujet. Le groupe Union Centriste se mobilise sur la question depuis vingt ans.

En effet, les deux premières lois de restitution de restes humains appartenant à des collections publiques françaises ont été adoptées sur l’initiative de Nicolas About et Catherine Morin-Desailly. Il s’agit de la loi du 6 mars 2002 relative à la restitution par la France de la dépouille mortelle de Saartjie Baartman à l’Afrique du Sud et de la loi du 18 mai 2010 visant à autoriser la restitution par la France des têtes maories à la Nouvelle-Zélande et relative à la gestion des collections.

Dès 2007, Catherine Morin-Desailly a été mobilisée sur la question du retour des biens culturels. À cette date, alors qu’elle était adjointe à la culture du maire centriste de Rouen Pierre Albertini, elle avait fait adopter à l’unanimité une délibération pour restituer à la Nouvelle-Zélande la tête maorie appartenant au musée de la ville. Mais le ministère de la culture de l’époque avait contesté la délibération votée devant la juridiction administrative.

Outre le texte législatif ponctuel qu’il aura donc fallu pour permettre ce retour, dès cette époque était apparue la nécessité d’établir une procédure et des critères objectifs pour traiter des réclamations étrangères de biens appartenant à des collections publiques.

Faute de quoi, en dépit de leur protection par le principe d’inaliénabilité, les collections encourent un risque majeur d’arbitraire. Sans critère scientifique objectif, le fait du prince prévaut, ce qui revient à faire dépendre le sort des collections de l’aléa diplomatique.

La loi de restitution des têtes maories avait mis en place une instance scientifique : la Commission scientifique nationale des collections (CSNC). Celle-ci était chargée de contrôler les déclassements et les cessions de biens appartenant aux collections publiques, ainsi que de définir une doctrine générale sur ces questions.

La CSNC n’a toutefois pas joué son rôle, puisqu’elle s’est déclarée incompétente pour juger des demandes de restitution. Elle a été supprimée, sur l’initiative du Gouvernement, par la loi du 7 décembre 2020 d’accélération et de simplification de l’action publique.

Le problème reste donc aujourd’hui entier. Mais il se pose avec plus de force que jamais, puisque les demandes de restitutions n’ont cessé de se multiplier au cours des dernières années.

C’est bien ce qui a conduit le Président de la République à s’emparer du sujet lors du discours de Ouagadougou, le 28 novembre 2017, et à commander le rapport Sarr-Savoy.

Cette actualité a accouché d’une troisième loi de restitution, la loi du 24 décembre 2020 relative à la restitution de biens culturels à la République du Bénin et à la République du Sénégal, qui concernait pour la première fois des œuvres et objets d’art, non des restes humains.

Le Sénat avait alors adopté un amendement visant à créer un conseil national chargé de réfléchir aux questions de circulation et de retour d’œuvres d’art extra-occidentales. Cette création s’est opposée à un veto catégorique de la part du Gouvernement et de sa majorité. La CMP n’a pu aboutir en raison de cette mesure.

Le 16 décembre 2020, en adoptant les conclusions de sa mission d’information sur la restitution des biens culturels appartenant aux collections publiques, le Sénat a formulé quinze propositions, qui constituent une doctrine unique en la matière.

La présente proposition de loi concrétise les deux propositions faites par la mission d’information relevant du domaine législatif : d’une part, la création du Conseil national de réflexion sur la circulation et le retour des biens culturels extra-européens ; d’autre part, l’extension de la procédure judiciaire prévue à l’article L. 124-1 du code du patrimoine pour faciliter la restitution de certains restes humains appartenant aux collections publiques.

La première de ces propositions, la plus importante, tire les leçons de l’échec de la CSNC, en donnant clairement compétence à l’institution créée de se prononcer sur les demandes de restitution et en resserrant sa composition autour de douze membres, au lieu d’un collège pléthorique.

C’est le seul garde-fou possible pour éviter que les collections ne se transforment en « étagères à goodies », dans lesquelles l’exécutif n’aurait qu’à piocher au gré de ses intérêts diplomatiques. Pour ce faire, le texte pérennise autant que possible le principe de l’inaliénabilité des œuvres. Le patrimoine et l’histoire qui lui est associée ne doivent pas devenir des instruments politiques ou des variables d’ajustement dans les relations diplomatiques.

Il s’agit, plus globalement, de réduire au maximum le risque d’arbitraire pesant sur les procédures de restitution.

L’ambition de ce texte est de proposer un cadre précisant clairement les critères de restitution des œuvres. Ceux-ci devront être déterminés de façon objective et scientifiquement établis.

Nous nous réjouissons de voir que, au travers de cette proposition de loi, c’est l’humain qui prime. Nous affirmons nos valeurs. Les biens artistiques et culturels ne sont pas des biens comme les autres. Ils doivent respecter la dignité humaine et favoriser la transmission des valeurs entre générations.

Le groupe Union Centriste votera, bien entendu, ce texte. Et comme il me reste un peu de temps pour m’exprimer dans cette discussion générale, je souhaite renouveler mes remerciements au trio qui nous réunit ce soir, à savoir Catherine Morin-Desailly, la rapporteure, ainsi que Max Brisson et Pierre Ouzoulias pour le travail qu’ils ont mené sur le sujet.

J’ai un seul regret, celui que le Gouvernement ait été incapable de s’emparer de cette proposition de loi dès à présent… Mais je ne doute pas que cela viendra ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains et CRCE.)

Mme le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier.

M. Jean-Claude Requier. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la déclaration universelle sur la diversité culturelle de l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (Unesco) affirme la « spécificité des biens et services culturels qui, parce qu’ils sont porteurs d’identité, de valeurs et de sens, ne doivent pas être considérés comme des marchandises ou des biens de consommation comme les autres ».

Dans ces conditions, selon une conception identitaire, on peut comprendre la nécessité du retour d’un bien vers celui à qui il fait sens, tout comme on peut accepter la valorisation des biens culturels dans une perspective universaliste, car la culture s’épanouit au contact des autres.

Bien entendu, au regard de notre histoire, en particulier de celle qui nous lie au continent africain, il est clair que ces deux approches peuvent se heurter.

Aussi, la proposition de loi a le grand mérite de mettre en place un cadre rigoureux de nature à traiter, dans la transparence et sans arrière-pensées, les demandes de retour de biens culturels dans leurs pays d’origine. Le RDSE est tout à fait favorable à son adoption.

Madame la secrétaire d’État, ce débat peut-il ouvrir la voie à la loi-cadre voulue par le Président de la République ? La réflexion, en effet, ne sera pas épuisée aujourd’hui…

Au fond, quelle est la finalité du retour d’un bien culturel dans son pays d’origine ? S’agit-il pour le donateur de l’utiliser comme un levier de soft power – « puissance douce », en français ? La multiplication des conventions de dépôt engagées par le Gouvernement participe sans doute au dialogue politique avec les pays d’Afrique.

Par ailleurs, lorsque l’on sait qu’une grande majorité de biens culturels ont été acquis dans des conditions inacceptables, s’agit-il de faire acte de repentance ? On peut accéder à ce besoin moral de réparer, mais doit-on pour autant qualifier sans nuance les musées européens de « musées des autres », comme le fait le polémique rapport dit « Savoy-Sarr » ?

À cet égard, dans le texte qui nous occupe ce soir, le choix du mot « retour », plutôt que celui de « restitution », va dans le sens d’un apaisement nécessaire autour de cette question sous-jacente des spoliations. Le retour fait référence à l’histoire et à la géographie, sans se focaliser sur les conditions d’acquisition.

Pour le législateur, la meilleure façon d’éviter ces écueils est de mieux encadrer la politique de retour des biens culturels, en donnant avant tout un rôle accru aux experts, comme nous le faisons dans le présent texte.

Pour autant, à terme, une réflexion plus vaste sera nécessaire. Comme l’a rappelé notre collègue Bernard Fialaire lors de l’examen de la loi relative à la restitution de biens culturels à la République du Bénin et à la République du Sénégal, le « retour » d’un bien culturel doit relever avant tout d’une réflexion culturelle.

Le principe d’inaliénabilité, qui protège les collections publiques, apparaît bloquant, alors que, en réalité, il n’est pas absolu. En effet, ce n’est pas la nature d’un bien qui fait obstacle à l’aliénation ; c’est son affectation au domaine public. La procédure de déclassement le confirme.

Dans une future loi-cadre, on attend un dépassement de ces notions. En réponse à des demandes de pays qui auraient un attachement historique ou identitaire à des biens culturels, il faut mettre en avant la notion de don, qui intègre l’idée de la propriété inaliénable du bien culturel au niveau de son essence, et non de sa matérialité.

Ce droit doit en effet se construire à partir de la dimension culturelle d’un bien, pour dépasser son titre de propriété.

M. Pierre Ouzoulias. Très bien !

M. Jean-Claude Requier. Certains biens ont d’ailleurs acquis une vocation culturelle en sortant de leurs frontières, en se confrontant avec d’autres cultures. Cela relativise l’endroit où ils se trouvent.

Une œuvre a une vocation universelle et elle appartient au patrimoine universel de l’humanité, qui pourrait en être le nu-propriétaire. L’usufruit, quant à lui, trouverait sa place en fonction de son intérêt culturel, soit dans un musée à vocation universelle de dialogue interculturel, soit dans son pays d’origine si sa présence est nécessaire à l’approfondissement de l’identité de ce pays.

M. Pierre Ouzoulias. Très bonne idée !

M. Jean-Claude Requier. La circulation des biens serait ainsi facilitée, sous réserve de l’amélioration des politiques muséales ou de conservation des pays d’accueil des biens culturels. Le corapporteur spécial de l’aide publique au développement que je suis ne serait pas opposé à un véritable renforcement des moyens de la coopération en matière d’ingénierie culturelle.

En attendant, mes chers collègues, dans le sillage de Bernard Fialaire, le RDSE approuvera ce texte visant à un dépassement des frontières, à un patrimoine culturel partagé et à une meilleure concorde entre les peuples. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE, GEST et CRCE, ainsi quau banc des commissions.)

M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture, de léducation et de la communication. Très bien !

Mme le président. La parole est à M. Olivier Paccaud. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Olivier Paccaud. Madame le président, madame le rapporteur, monsieur le président de la commission, madame la secrétaire d’État, cher Max Brisson, cher Pierre Ouzoulias, mes chers collègues, à de trop nombreuses reprises depuis cinq ans, le pouvoir exécutif a fait peu de cas de la représentation nationale et de la souveraineté du Parlement.

En matière de patrimoine aussi, le Gouvernement s’est montré peu soucieux du rôle des parlementaires dans la préservation et la sauvegarde de nos collections nationales. Oubliant qu’elles ne lui appartiennent aucunement, le chef de l’État a pris la mystérieuse habitude d’agir seul et discrètement pour traiter les demandes de restitution, métamorphosant le Parlement en chambre d’enregistrement.

M. Olivier Paccaud. S’il est louable que la France se saisisse de la question de la circulation des biens culturels, les méthodes retenues par l’exécutif semblent plus que contestables. Outre le mépris affiché envers les assemblées, le pouvoir exécutif fait fi de l’expertise scientifique et de la voix des acteurs de la culture. Or on ne peut mesurer la pertinence et l’opportunité de telles démarches sur les seuls critères politiques, diplomatiques et – pourquoi pas ? – médiatiques.

Fût-il éclairé, un Président de la République ne saurait être un monarque absolu. D’ailleurs, dans le royaume de France, même sous Louis XIV, les prérogatives royales étaient encadrées. (M. Julien Bargeton sexclame.)

À plusieurs occasions et en l’espace d’une seule année, les parlementaires ont été placés devant le fait accompli : entre novembre 2019 et novembre 2020, trois restitutions à des pays étrangers ont été effectuées. Ce sont autant d’humiliations pour le Parlement, qui détient pourtant des prérogatives exclusives pour autoriser la sortie définitive de ces biens.

Nonobstant l’intégrité de nos collections, c’est donc aussi le principe de séparation des pouvoirs lui-même qui est ainsi bousculé.

M. Olivier Paccaud. Lors de son déplacement à Ouagadougou, en novembre 2017, le Président de la République expliquait vouloir poser les jalons d’une nouvelle politique patrimoniale avec l’Afrique. Dont acte ! Mais encore faut-il ne pas tomber dans le piège du fait du prince, car ce n’est pas à un élu, quel qu’il soit, de déterminer l’avenir de nos collections publiques. Le patrimoine n’est pas politique et son sort ne doit pas fluctuer au gré des alternances et de l’air du temps.

Ce texte aspire ainsi à éclairer scientifiquement et sur le temps long la gestion de nos biens culturels. La teneur et la portée symbolique de ces questions nous obligent à ne pas les traiter dans la précipitation. Elles exigent un travail long et collectif de coopération avec les pays demandeurs.

Chaque requête, d’où qu’elle vienne et quelle que soit sa nature, doit être examinée au cas par cas, car le seul contexte colonial ne peut suffire – tant s’en faut – à fonder la légitimité du retour d’un bien culturel, auquel cas l’ensemble de ces démarches s’assimileraient à des actes de repentance ou de contrition.

M. Julien Bargeton. Les masques tombent…

M. Olivier Paccaud. Si l’histoire et les conflits de mémoire sont au cœur de ce débat, leur dimension passionnelle ne doit pas nous faire oublier un principe essentiel, multiséculaire, qui a été rappelé précédemment : l’inaliénabilité de nos collections publiques. C’est ce principe qui, depuis l’édit de Moulins de 1566, préserve notre patrimoine des prédations étrangères et de l’impéritie des gouvernements.

Au sein de cet hémicycle, nous siégeons d’ailleurs sous le regard de Michel de l’Hospital, qui fut l’un des rédacteurs de l’édit de Moulins.

Inscrire dans la loi cette instance de réflexion contribuerait à consacrer ce principe et à s’assurer que la circulation des œuvres ne soit pas laissée à la seule discrétion d’un chef d’État dirigiste et peu scrupuleux du droit, malgré des arrière-pensées peut-être louables.

Lors des débats sur le projet de loi relatif au retour de biens culturels à la République du Bénin et à la République du Sénégal, les députés de la majorité reprochaient au conseil que nous souhaitons créer son caractère redondant. Ils estimaient également que sa création serait susceptible de complexifier les procédures. Mais c’est oublier que lesdites démarches sont à juste titre complexes, qu’elles imposent des échanges, des concertations et une réflexion prospective sur la manière dont notre pays doit se saisir de ces questions.

Une instance comparable existe d’ailleurs d’ores et déjà pour les questions relatives au patrimoine architectural. Depuis 2016, la Commission nationale du patrimoine et de l’architecture est obligatoirement consultée dans le cadre de projets d’aliénation d’immeubles protégés au titre des monuments historiques appartenant à l’État. Cette consultation ne fonctionne pas forcément bien, mais elle est prévue.

Outre ce conseil de réflexion, le cas particulier de la restitution des restes humains, cher à Catherine Morin-Desailly, n’est pas à négliger. Ce ne sont évidemment pas des biens culturels comme les autres : c’est pourquoi il appartient au législateur d’aménager et de faciliter les procédures les concernant. C’est à cette fin que le Parlement doit consentir, dans le cas précis des restes humains et sur la base de critères stricts, à ne pas être systématiquement consulté.

Vous l’aurez compris, madame la secrétaire d’État, cette proposition de loi a vocation à rappeler que nos choix en matière de circulation des biens culturels dépassent le champ diplomatique et les intérêts transitoires susceptibles de motiver la sortie d’une œuvre de nos collections publiques.

Aucune revendication mémorielle, nulle doléance communautaire ne doit déterminer, même partiellement, le sort de nos biens patrimoniaux. Le Parlement se devra toujours d’y veiller. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et CRCE, ainsi quau banc des commissions. – M. Lucien Stanzione applaudit également.)

Mme le président. La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

proposition de loi relative à la circulation et au retour des biens culturels appartenant aux collections publiques

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi relative à la circulation et au retour des biens culturels appartenant aux collections publiques
Article 2

Article 1er

Le titre Ier du livre Ier du code du patrimoine est complété par un chapitre VII ainsi rédigé :

« CHAPITRE VII

« Conseil national de réflexion sur la circulation et le retour de biens culturels extra-européens

« Art. L. 117-1. – Le Conseil national de réflexion sur la circulation et le retour de biens culturels extra-européens a pour missions :

« 1° De donner son avis, avant toute réponse officielle de la part des autorités françaises, sur les revendications de biens culturels présentées par des États étrangers qui ne relèvent pas du chapitre II du présent titre et ne portent pas sur des restes humains. Il est saisi à cette fin par le ministère des affaires étrangères dès la réception d’une telle revendication. Son avis est rendu public ;

« 2° De fournir aux pouvoirs publics des réflexions prospectives et des conseils en matière de circulation et de retour des biens culturels extra-européens, hors restes humains. Il peut être consulté à cette fin par les ministres intéressés, ainsi que par les présidents des commissions compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat ;

« 3° (nouveau) De formuler des recommandations sur la méthodologie et le calendrier des travaux consacrés à la recherche de provenance des biens culturels conservés dans les collections publiques.

« Il peut consulter toute personne susceptible de l’éclairer dans l’accomplissement de ses missions. Dans l’exercice de la mission mentionnée au 1° du présent article, il procède systématiquement à la consultation du personnel scientifique de l’État demandeur.

« Art. L. 117-2. – Le Conseil national de réflexion sur la circulation et le retour de biens culturels extra-européens comprend un nombre maximal de douze membres, dont au moins :

« 1° Trois représentants des personnels mentionnés à l’article L. 442-8 ;

« 1° bis (nouveau) Une personnalité qualifiée nommée en raison de sa compétence en matière d’archéologie ;

« 2° Une personnalité qualifiée nommée en raison de sa compétence en matière d’histoire ;

« 3° Une personnalité qualifiée nommée en raison de sa compétence en matière d’histoire de l’art ;

« 4° Une personnalité qualifiée nommée en raison de sa compétence en matière d’ethnologie ou d’anthropologie ;

« 5° Une personnalité qualifiée nommée en raison de sa compétence en matière de droit du patrimoine culturel.

« Ses membres sont nommés conjointement par le ministre chargé de la culture et le ministre chargé de la recherche.

« Art. L. 117-3. – Un décret en Conseil d’État précise les conditions d’application du présent chapitre. Il est pris dans un délai de quatre mois à compter de la promulgation de la loi n° … du … relative à la circulation et au retour des biens culturels appartenant aux collections publiques. »

Mme le président. La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteure. Nous entrons dans l’examen du texte, mais, aucun amendement n’ayant été déposé, nous n’aurons pas l’occasion d’approfondir le sujet. À ce stade, je souhaite donc revenir sur la raison pour laquelle nous voulons la création de ce Conseil national de réflexion sur la circulation et le retour de biens culturels extra-européens.

Très sincèrement, madame la secrétaire d’État, faut-il attendre une loi-cadre ? Et au-delà du principe d’un tel texte, dont on peut discuter, combien de temps faudra-t-il ?

M. Pierre Ouzoulias. Cinq siècles ! (Sourires.)

Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteure. Nous avons longuement auditionné Emmanuel Kasarhérou, qui conduit un certain nombre de recherches sur la provenance des biens culturels. Compte tenu de la faiblesse des moyens attribués à la recherche, il se pose la même question.

Si vous avez raison de soutenir les musées, madame la secrétaire d’État, nous nous étonnons qu’il n’ait pu recruter qu’une seule personne dans le cadre de ses recherches et que l’essentiel du travail ait été effectué par des vacataires et quelques boursiers de bonne volonté…

Dans l’intervalle, j’estime que nous devons nous doter d’une méthode nous permettant de répondre aux demandes. À défaut, le fait du prince s’exercera.

Si nous légiférons sur l’initiative du président de notre commission, c’est d’ailleurs parce que nous avons entendu le Président de la République se prévaloir du fait du prince lors de la cérémonie de restitution au quai Branly. Nous le prenons au mot et nous formulons immédiatement des propositions utiles à la Nation et à notre travail partagé.

En effet, que vous le vouliez ou non, cher Julien Bargeton, le fait du prince est une réalité. La restitution de biens à la République du Bénin et à la République du Sénégal a été décidée et annoncée avant même que le Parlement en ait débattu. N’ayant pas même été saisi, il n’a pu organiser de débat transparent devant la Nation.

Le sabre restitué n’est certainement pas le vrai sabre. Les représentants du musée de l’Armée nous l’ont dit : nous avons rendu un sabre qui n’est pas celui que l’on imagine ! De même, on sait bien que la prétendue couronne surmontant le dais de la dernière reine des Malgaches n’est pas un objet authentique. Nous en venons à mépriser les pays demandeurs – ils nous l’ont indiqué lors de nos auditions.

Telles sont les raisons pour lesquelles nous voulons instaurer ce conseil national : il permettra rigueur, transparence, collégialité et efficacité.

Mme le président. Mes chers collègues, je vous remercie de veiller au respect de votre temps de parole.

La parole est à M. Pierre Ouzoulias, sur l’article.

M. Pierre Ouzoulias. Madame la secrétaire d’État, vous avez indiqué que la France avait rendu au Bénin des biens de première importance. C’est faux : le bien de première importance que revendiquait le Bénin est la statue du dieu Gou, qui est restée au Louvre.

Vous nous avez expliqué, par une forgerie administrative, que c’est la demande du Bénin qui avait été mal formulée. Nous vous avons demandé la copie de cette requête, mais nous ne l’avons jamais obtenue.

Par ailleurs, nous apprenons à l’occasion de ce débat ce que nous n’avions pas compris lors de nos auditions : vous affirmez, madame la secrétaire d’État, que cette proposition de loi arrive trop tôt et qu’il faut d’abord définir une doctrine et un cadre. Autrement dit, vous considérez que le rapport Sarr-Savoy ne l’a pas déjà fait. Il eût été plus simple de nous le dire plus tôt : nous aurions ainsi pu travailler sur des bases beaucoup plus saines.

M. Max Brisson. C’est juste !

M. Pierre Ouzoulias. Vous confiez à M. Martinez le soin de s’engager dans un travail de fond. Mais avec quels moyens ? Vous n’avez nullement évoqué cette question. À ma connaissance, M. Martinez n’est assisté que d’un secrétaire. Que pourront-ils réaliser à deux ?

De plus, sans jeter le discrédit sur personne, j’estime qu’il serait beaucoup plus sage de mener un travail collégial.

Lorsque M. Martinez était président du Louvre, ce musée a reçu un don de 24 millions d’euros de l’Azerbaïdjan. Dans ces conditions, vous semble-t-il possible de lui confier l’instruction du dossier de restitution des crânes arméniens ?

Mme le président. La parole est à M. Max Brisson, sur l’article.

M. Max Brisson. Madame la secrétaire d’État, vous avez évoqué un « immense travail collectif » mené sur l’ensemble du quinquennat. Je le cherche ! Si ce travail existait, nous disposerions aujourd’hui d’une méthode, et nous n’en serions pas là.

Aux dires de Mme Bachelot, la loi sur la restitution du trésor d’Abomey, que vous avez longuement évoquée, était « une loi de circonstance », sans que la représentation nationale ait été éclairée sur ce point. Lors des débats, Mme Bachelot s’est évertuée à nous convaincre que chaque restitution devait être traitée au cas par cas. Or, par un véritable tour de passe-passe, vous en faites aujourd’hui je ne sais quelle loi fondatrice d’une méthode qui n’existe pas.

Le Sénat propose la création d’un conseil national, c’est-à-dire d’une institution permettant la transparence démocratique, car le retour des œuvres ne peut se faire en catimini.

M. Max Brisson. L’éclairage scientifique public doit étayer la décision politique dans le cadre d’un débat public. L’origine des œuvres, leur conceptualisation artistique, leur parcours doivent être connus. Pour cela, une méthode est nécessaire : le conseil dont nous proposons la création peut l’établir. C’est pourquoi il est si déroutant que vous rejetiez cette proposition.

En tout état de cause, si une loi-cadre voyait le jour, la création d’un conseil similaire s’imposerait de même, peut-être sous une autre forme. Mais, au fond, ce que vous refusez, c’est que le Sénat en soit à l’origine.

M. Lucien Stanzione. Très bien !

Mme le président. La parole est à M. Julien Bargeton, sur l’article.

M. Julien Bargeton. Cet article 1er reprend l’article 3 du projet de loi relatif au retour de biens culturels à la République du Bénin et à la République du Sénégal introduit par le Sénat, article qui avait fait l’objet d’un désaccord en commission mixte paritaire.

À l’issue de la discussion générale, que constate-t-on ? Que s’il y a un accord de l’ensemble des groupes – sauf du nôtre, qui s’abstiendra –, c’est pour des raisons totalement différentes, voire opposées.

En réalité, vous mettez la charrue avant les bœufs, car personne ne s’accorde sur les objectifs de cette commission : M. Dossus nous a ainsi expliqué qu’il fallait restituer le maximum d’œuvres, tandis que MM. Brisson et Paccaud ont exprimé leurs préventions et indiqué exactement l’inverse.

M. Max Brisson. Non ! Ne parlez pas à notre place !

M. Olivier Paccaud. Nous ne sommes pas contre les restitutions !

M. Julien Bargeton. Si ! Assumez vos propos, chers collègues.

M. Max Brisson. Vous faites des amalgames !

M. Olivier Paccaud. Vous interprétez !

M. Julien Bargeton. Non, je dis la réalité !

M. Max Brisson. C’est une pure invention et une provocation !

M. Julien Bargeton. Or, avant de créer cette commission, encore faudrait-il vous entendre sur la doctrine qu’elle doit appliquer.

Je sais bien que l’on ne sort de l’ambiguïté qu’à son détriment, mais la réalité est qu’il n’y a pas d’accord dans cette assemblée sur les critères de restitution et que vous masquez cette absence par un accord sur l’établissement d’une procédure et la création d’un conseil.

À titre personnel, je ne suis pas opposé à ce que ce conseil national puisse servir de base à une loi-cadre ; c’est pourquoi je m’abstiendrai sur ce texte. Mais cela suppose d’avoir déterminé au préalable un cadre de doctrine et la composition de cette instance, car, comme vous le savez, le diable se cache dans les détails.

Ayons d’abord ce débat politique, au sens le plus noble du terme.

M. Max Brisson. Il faut que le Gouvernement prévoie les moyens nécessaires !

Mme le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.

Cher collègue, je vous demande d’être bref, car vous avez déjà pris la parole sur l’article.

M. Pierre Ouzoulias. Madame la présidente, si le Gouvernement avait déposé des amendements, nous aurions eu un débat de qualité ! Nous sommes hélas contraints de débattre au travers de prises de parole sur les articles et d’explications de vote.

Je tiens toutefois à répondre à M. Bargeton. Nous pouvons avoir des appréciations différentes.

M. Julien Bargeton. Voilà ! Merci de le dire…

M. Pierre Ouzoulias. Mais ces appréciations ont été exprimées devant notre commission. En revanche, M. Martinez a refusé de nous indiquer la sienne.

M. Julien Bargeton. Nous aurons son rapport !

M. Pierre Ouzoulias. Dans ces conditions, comment pourrions-nous avoir un débat démocratique ?

L’institution d’un conseil national nous permettra de confronter nos différentes positions dans le cadre d’un débat démocratique, transparent et contradictoire. C’est pourquoi je préfère largement cette option à celle qui consiste à confier à M. Martinez le soin de trancher.

Je note qu’il est rare qu’un fonctionnaire refuse, ainsi qu’il l’a fait, de s’exprimer devant une commission parlementaire. J’estime que c’est un prélude à la suppression de l’École nationale d’administration, madame la secrétaire d’État : bientôt, les hauts fonctionnaires deviendront des affidés du Gouvernement et refuseront de s’exprimer devant le Parlement.

Mme le président. La parole est à M. Max Brisson, pour explication de vote.

M. Max Brisson. Je voterai l’article 1er, mais, afin de purger définitivement ce débat, je tiens à affirmer clairement que je n’ai pas d’opposition aux restitutions.

M. Pierre Ouzoulias. Voilà qui est clair !

M. Max Brisson. Le président Chirac a été le fondateur du quai Branly ; il a tenu sur le dialogue des cultures des propos remarquables.

Quand je compare le travail accompli par le président Chirac et ses prises de position à ce qui se fait aujourd’hui, je puis vous dire que je n’ai pas honte, bien au contraire ! La formation politique à laquelle j’appartiens n’a donc aucune leçon à recevoir de vous. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, INDEP et CRCE. – M. Lucien Stanzione applaudit également.)

Ayant affirmé clairement que nous ne sommes pas opposés aux restitutions, nous demandons l’instauration d’une méthode, afin de nous prémunir contre les postures idéologiques, c’est-à-dire pour que chaque œuvre soit considérée en fonction de son origine, de son mode d’appropriation, de son dépôt, de sa conceptualisation artistique et de son itinéraire, car elle le mérite.

Nous refusons d’agir sans méthode, car cela reviendrait à adopter une démarche globale réductrice de la vérité historique de chaque objet. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Julien Bargeton. Vous voyez bien que ce n’est pas ce que dit M. Dossus…

Mme le président. Monsieur Bargeton, je vous prie d’éviter d’interrompre vos collègues et de demander la parole si vous souhaitez leur répondre.

La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteure. J’appelle l’ensemble de mes collègues à voter cet article 1er.

Au cours de nos auditions, nous n’avons pas eu la démonstration qu’il existait une véritable volonté d’avancer vers la définition d’une méthode.

La longue audition de M. Martinez fut un dialogue de sourds : il ne nous a rien dit ! Nous ne connaissons même pas le contenu de sa lettre de mission ; nous ignorons notamment si la question des restes humains y figure. Lui-même n’avait pas lu les rapports publiés par le Sénat depuis une dizaine d’années. Il n’avait connaissance – excusez du peu ! – ni de la question des restes humains ni des critères de restituabilité ni du travail de la Commission scientifique nationale des collections.

Emmanuel Kasarhérou nous a alertés sur la question des moyens : nous savons que l’État a ses contraintes budgétaires, et nous le respectons. Il faut donc trouver les voies et moyens d’une solution de rechange, et surtout d’une méthode susceptible de contenter chacun.

En définitive, le ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, que nous n’avons pas suffisamment évoqué aujourd’hui et qui partage la tutelle d’une majorité d’établissements, adopte souvent une position quelque peu plus nuancée, progressiste et subtile que celle du ministère de la culture.

M. Pierre Ouzoulias. Très bien !

Mme le président. Je mets aux voix l’article 1er.

(Larticle 1er est adopté.)

Article 1er
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Explications de vote sur l'ensemble (début)

Article 2

Après la section 3 du chapitre II du titre Ier du livre Ier du code du patrimoine est insérée une section 3 bis ainsi rédigée :

« Section 3 bis

« Restes humains patrimonialisés

« Art. L. 112-23-1. – I. – Les corps humains ou éléments de corps humains, appartenant au domaine public mobilier au sens de l’article L. 2112-1 du code général de la propriété des personnes publiques, cessent de faire partie des collections dès lors que sont réunies les conditions suivantes :

« 1° Il s’agit de restes humains dûment identifiés appartenant à des groupes humains encore vivants dont les cultures et les traditions sont actives ;

« 2° Les conditions de leur collecte ou leur présence dans les collections portent atteinte au principe de dignité de la personne humaine ;

« 3° Ils n’ont pas fait l’objet de recherches scientifiques depuis au moins dix ans.

« II. – Les restes des personnes mentionnés au I restent conservés dans les collections jusqu’à leur restitution éventuelle. Il est procédé à leur récolement et inscription provisoire sur un inventaire. Une copie de cet inventaire est adressée aux États d’origine de ces restes.

« L’autorité administrative dispose d’un délai de deux ans pour remettre aux intéressés les restes des personnes mentionnés au même I à compter de la date à laquelle leur restitution a été demandée par leur État d’origine ou, pour ceux d’origine française, par un groupe humain mentionné au 1° dudit I, sous réserve que leur retour :

« 1° Soit justifié au regard du principe de dignité et de respect de toutes les cultures, tel que protégé par la convention de l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles du 20 octobre 2005 ;

« 2° N’ait pas pour objet leur exposition ;

« 3° S’inscrive dans un processus de coopération scientifique et culturelle avec l’État demandeur.

« III. – Un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’application du présent article. »

Mme le président. La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteure. Cet article extrêmement important est l’aboutissement d’un travail de très longue date et de longue haleine.

J’ai un immense respect pour les experts de la Commission scientifique nationale des collections, en particulier pour les membres du groupe de travail de Michel Van Praët, qui ont travaillé aux critères de restituabilité de certains restes humains. Vous avez indiqué que leur travail était nébuleux, madame la secrétaire d’État. Il est au contraire très précis – je vous renvoie à l’excellent rapport établi par ce groupe de travail.

Vous avez également affirmé que nous n’avions pas auditionné certaines personnes, en particulier les représentants du Muséum national d’histoire naturelle. C’est faux : Michel Guiraud, directeur des collections du Muséum, faisait partie de ce groupe de travail. Toutes les parties prenantes ont donc bien été associées à ce travail d’établissement des critères de restituabilité.

Vous avez évoqué le critère d’un âge minimal. Je vous rejoins sur ce point. Nous avons d’ailleurs retenu ce critère de manière implicite, puisque le texte précise que les restes humains doivent appartenir « à des groupes humains encore vivants dont les cultures et les traditions sont actives ».

En tout état de cause, je ne comprends pas pourquoi le ministère s’est refusé à amender ce texte ; nous l’avons pourtant sollicité à plusieurs reprises en sens, car nous étions tout à fait disposés à améliorer ce travail. Or on le balaye d’un revers de la main.

J’estime cela d’autant plus déplorable que la mission d’information menée par le Sénat l’année dernière, pardonnez-moi de le dire, a permis de bien sérier l’ensemble des questions.

Cet article extrêmement important permettra de répondre à certaines demandes en souffrance depuis trop longtemps. Les pays qui nous les ont adressées méritent une réponse claire, nette et précise.

Mme le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, sur l’article.

M. Pierre Ouzoulias. Nous avons longuement auditionné M. André Delpuech, conservateur au musée de l’Homme et fonctionnaire d’une intégrité absolue, dont je tiens à saluer le courage. En effet, lors de son témoignage devant notre commission, il nous a clairement décrit la situation actuelle, à savoir qu’environ 1 000 restes humains sont conservés au musée de l’Homme. Il l’a fait d’autant plus facilement que, aujourd’hui, il est mis à la porte, sans doute à cause de sa liberté de ton.

Il nous a confié l’effroi que provoquait chez lui, conservateur, la conservation d’un certain nombre de restes dans ces collections. Il nous a indiqué les risques diplomatiques immenses qu’une telle conservation emportait – je pense notamment aux crânes de cinq Arméniennes récupérés à Deir ez-Zor, sur le charnier du génocide de 1915. Comment peut-on conserver des choses pareilles ?

En 1894, Jaurès déclarait : « Nous en sommes venus au temps où l’humanité ne peut plus vivre avec, dans sa cave, le cadavre d’un peuple assassiné. » Je le paraphraserai pour ma part ainsi : « Nous en sommes venus au temps où nos musées ne peuvent plus conserver dans leurs placards les crânes d’Arméniennes assassinées lors du génocide de 1915. » (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et GEST. – MM. Lucien Stanzione et Olivier Paccaud applaudissent également.)

Mme le président. La parole est à M. Max Brisson, sur l’article.

M. Max Brisson. Je m’associe pleinement aux propos d’une grande tenue de Pierre Ouzoulias. Le sujet est particulièrement sensible et il est urgent d’agir, car il n’est pas honorable de continuer d’exposer des restes humains dans nos musées.

Je souhaite également m’associer au coup de colère de notre rapporteure. Madame la secrétaire d’État, un travail remarquable a été mené sur le long terme, entre autres par Catherine Morin-Desailly ; il n’est ni convenable ni acceptable de le qualifier de « nébuleux » comme vous l’avez fait.

Alors que le cabinet du garde des sceaux, avec lequel nous avons échangé, a bien voulu nous permettre d’amender ce travail, le ministère de la culture, que vous représentez curieusement ce soir, a, pour sa part, affiché un mépris inacceptable à notre endroit.

Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteure. C’est scandaleux !

M. Max Brisson. Nos travaux – Pierre Ouzoulias a rappelé le cadre dans lequel nous les avons conduits – s’inscrivent dans le prolongement d’une longue réflexion menée par le Sénat. L’absence totale de prise de considération de nos travaux sur le sujet, alors qu’ils sont d’une grande importance, et le mépris affiché par le Gouvernement pendant les auditions en sont d’autant moins tolérables.

M. Pierre Ouzoulias. Très bien !

Mme le président. Je mets aux voix l’article 2.

(Larticle 2 est adopté.)

Vote sur l’ensemble

Article 2
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Explications de vote sur l'ensemble (fin)

Mme le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. le président de la commission.

M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture, de léducation et de la communication. Je souhaite remercier Catherine Morin-Desailly, qui porte ce sujet depuis de nombreuses années. Je félicite d’ailleurs Annick Billon d’avoir rappelé que, lorsqu’elle était adjointe déléguée à la culture au maire de Rouen, Catherine Morin-Desailly s’était déjà saisie de ce sujet et qu’elle avait entrepris une restitution. Cela devrait conduire à relativiser grandement les remarques qui ont été formulées précédemment.

Je remercie également Pierre Ouzoulias et Max Brisson.

Ce sujet d’une rare complexité doit être abordé avec beaucoup de sérieux et de modestie. En la matière, nulle simplicité et nulle facilité ne sont permises.

Les trois auteurs de cette proposition de loi nous proposent un texte d’équilibre. Le chemin n’est pas simple, mais, au travers des deux articles du texte, des réponses équilibrées sont apportées à la question de la méthodologie, ainsi qu’à celle de la spécificité des restes humains.

Je salue la qualité de leur travail, qui s’inscrit dans le cadre d’une réflexion de longue date menée par le Sénat, que ce soit au travers de la mission d’information conduite l’année dernière ou via des travaux entrepris antérieurement. Ce n’est pas pour nous flatter, madame la secrétaire d’État, mais je crois sincèrement que, sur ce sujet, le Sénat a un temps d’avance : au travers de cette proposition de loi, il apporte sa contribution à la réflexion collective.

Je me suis interrogé, avec les trois auteurs de ce texte, sur l’opportunité d’inscrire son examen à l’ordre du jour de notre assemblée en cette fin de session : fallait-il au contraire attendre quelques mois, afin de débattre de ce sujet dans le cadre d’une nouvelle session, peut-être avec une nouvelle majorité à l’Assemblée nationale et certainement avec de nouveaux interlocuteurs ?

Mme le président. Monsieur le président de la commission, je vous interromps pour vous prier de bien porter votre masque sur le nez.

M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture. Veuillez m’excuser, madame la présidente ! (M. le président de la commission rajuste son masque.)

Nous avons fait le choix de demander l’examen de cette proposition de loi dès aujourd’hui, car nous considérions qu’elle constitue un apport important à la réflexion qui est en cours. Le Gouvernement a lancé une mission et le Président de la République a annoncé une loi-cadre. Les deux articles de cette proposition de loi pourront constituer les deux premiers articles de cette future loi-cadre.

Encore une fois, je remercie les trois auteurs de ce texte : par leur temps d’avance, leur travail et leur réflexion, ils rendent possible une avancée collective que j’estime très importante. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et CRCE. – M. Lucien Stanzione applaudit également.)

Mme le président. La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteure. Pour reprendre les termes de mon collègue Max Brisson, le Sénat est « snobé ».

Malgré les nombreux travaux que nous menons depuis tant d’années, et en dépit de la bonne volonté dont a fait preuve notre assemblée pour faire avancer ce sujet dans le sens inéluctable qui est celui de l’intérêt général et de la préservation de bonnes relations avec les pays étrangers demandeurs, ce texte est balayé d’un revers de la main.

Il aurait pourtant pu faire l’objet d’un approfondissement dans le cadre de la navette parlementaire. Le Gouvernement aurait pu l’amender, madame la secrétaire d’État, notamment son article 2, ce qui nous aurait permis d’avancer. Vous avez choisi de ne pas le faire.

Permettez-moi de revenir sur la question des restes humains. Je suis consternée par la volonté affichée par le ministère de la culture, année après année, gouvernement après gouvernement, de ne rien faire. La mise en place de la Commission scientifique nationale des collections a pris trois ans. Puis, aucun moyen n’a été alloué au groupe de travail spécifique sur les restes humains, pourtant demandé par le Parlement, à l’unanimité de la représentation nationale.

J’ai appris récemment qu’il avait été envisagé d’inscrire les critères de restitution établis par ce groupe de travail dans la loi n° 2016-925 du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine, dite « loi LCAP », mais que cette option avait été écartée. Si les critères de restitution des œuvres illicitement acquises figurent pour leur part dans ce texte, nous avons appris lors de nos auditions que le décret n’avait pas été publié.

Madame la secrétaire d’État, vous nous dites aujourd’hui que nos critères sont nébuleux, qu’il faut travailler davantage, qu’il y a des manques. Et en conséquence, vous n’amendez pas ce texte !

Tout cela est à la fois consternant et déplorable, et vous devrez en répondre, d’une part, aux pays demandeurs, et, d’autre part, à toutes les personnalités qui ont travaillé à ces critères, parmi lesquelles on compte tout de même Yves Coppens, Michel Guiraud, Yves Le Fur, Michel Van Praët ou encore Mme Claire Chastanier, adjointe au sous-directeur des collections de la direction générale des patrimoines, ici présente.

Quand j’entends que ces personnalités n’ont pas suffisamment travaillé et que les critères qu’elles ont établis ne suffisent pas pour rédiger une loi-cadre, les bras m’en tombent !

En tout état de cause, je défends avec force le texte que j’ai rédigé avec mes collègues Max Brisson et Pierre Ouzoulias et que soutiennent de nombreux cosignataires, car je pense qu’il contribuera malgré tout à faire avancer utilement le débat. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains et CRCE. – M. Lucien Stanzione applaudit également.)

Mme le président. Personne ne demande plus la parole ?…

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, l’ensemble de la proposition de loi relative à la circulation et au retour des biens culturels appartenant aux collections publiques.

(La proposition de loi est adoptée.) – (Applaudissements sur toutes les travées, à lexception de celles du groupe RDPI.)

M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture. Bravo !

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : proposition de loi relative à la circulation et au retour des biens culturels appartenant aux collections publiques
 

3

 
Dossier législatif : proposition de loi visant à limiter l'engrillagement des espaces naturels et à protéger la propriété privée
Discussion générale (suite)

Limitation de l’engrillagement des espaces naturels et protection de la propriété privée

Adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi visant à limiter l'engrillagement des espaces naturels et à protéger la propriété privée
Article 1er

Mme le président. L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe Les Républicains, de la proposition de loi visant à limiter l’engrillagement des espaces naturels et à protéger la propriété privée, présentée par M. Jean-Noël Cardoux et plusieurs de ses collègues (proposition n° 43, texte de la commission n° 314, rapport n° 313).

Dans la discussion générale, la parole est à M. Jean-Noël Cardoux, auteur de la proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jean-Noël Cardoux, auteur de la proposition de loi. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, après deux années de travail, je suis en mesure de présenter au Sénat une proposition de loi pour lutter contre le développement de l’engrillagement des milieux naturels.

Ce phénomène n’est pas nouveau, mais il s’est accéléré considérablement depuis la loi de février 2005, laquelle – on se demande pourquoi ! – a permis aux propriétaires d’enclos attenant à une maison d’habitation de chasser le gibier à poil toute l’année, sans plan de gestion et sans contribution aux dégâts de gibier.

Avant 2005, il s’agissait d’un phénomène peu développé, motivé avant tout par une volonté de protection contre les intrusions ; après 2005, année de rupture, les enclos se sont multipliés, essentiellement pour pouvoir bénéficier des mesures dérogatoires, avec bien souvent des tableaux de chasse excessifs.

Depuis deux ans, un tapage médiatique peu opportun a incité de nombreux propriétaires, craignant une interdiction, à se clore à titre préventif. Si la Sologne est la championne de France des grillages, elle est loin d’être la seule région concernée : la Brenne, la Bourgogne et le sud de l’Île-de-France ne sont pas en reste. Le sud du pays, territoire relevant surtout d’associations communales de chasse agréées (ACCA), avec peu de propriétés privées, est moins concerné.

Voilà pourquoi la date de février 2005 a été choisie, en accord avec la Fédération nationale des chasseurs, qui soutient ce texte – je l’en remercie –, comme point de départ de la suppression des grillages existants, posés, pour la plupart, par opportunité cynégétique.

Il faut néanmoins espérer que les territoires non concernés par cette date et ne pouvant plus bénéficier de dérogation engagent un désengrillagement volontaire, grâce à la mise en place, souhaitable, de mesures incitatives, en dehors des obligations réelles environnementales (ORE) : application stricte du plan de gestion forestière (PSG), bénéfice de l’écocontribution pour l’implantation de haies, exonération de taxe foncière.

Il n’est pas possible, économiquement comme techniquement, de tout supprimer d’un trait de crayon, comme certains le demandent : pour être crédible, une loi doit être applicable. Ce texte doit toutefois permettre une prise de conscience, ainsi qu’une évolution rapide et irréversible.

Il provoque des réactions opposées, certains jugeant qu’il va trop loin et d’autres pas assez ; j’en déduis qu’il s’agit d’un texte d’équilibre, raisonnable, posant des perspectives d’évolution.

Au contraire des propositions de loi présentées à l’Assemblée nationale, il s’agit non pas d’interdire, mais d’équilibrer.

Cette proposition de loi représente néanmoins un virage fondamental, car, tout d’abord, elle respecte le code de l’environnement et la libre circulation des espèces dans les milieux naturels. On peut d’ailleurs se demander pourquoi la non-application de ce code n’a pas été relevée s’agissant de certains grillages posés depuis quelques années.

Ensuite, elle interdit en tout lieu l’engrillagement non franchissable par les animaux à partir de la publication de la loi. Si elle est votée, elle imposera donc un arrêt franc.

En outre, elle supprime les dérogations aux conditions de pratique de la chasse, quel qu’en soit le territoire.

Enfin, elle offre une période de transition suffisante de sept ans pour permettre aux enclos postérieurs à 2005 de se mettre en conformité.

Initialement fixé à dix ans, le délai a été réduit à sept ans par la commission, ce qui est acceptable. Certains proposaient cinq ans, mais le désengrillagement a un coût significatif, qu’il faut pouvoir étaler dans le temps, surtout pour les chasses commerciales, dont environ 10 % sont concernées, lesquelles ont un rôle à jouer dans l’équilibre cynégétique national, en développant une activité économique soutenue et en mettant en œuvre, depuis quelques années, une amélioration sensible de l’éthique de chasse.

Ces chasses commerciales existent, elles permettent à certains chasseurs qui n’ont pas de terrain de chasser et elles font des efforts d’amélioration. Il importe donc de leur donner un temps suffisant pour se mettre en conformité.

À ce sujet, si la régulation des espèces, en particulier des sangliers, doit être assurée par les chasseurs, ce n’est pas la seule justification de la chasse, qui est pour ses adeptes un mode de vie à part entière, comme je l’ai développé dans un récent petit ouvrage intitulé Vivre le vivant.

Ce texte prévoit une sanction, une contravention de cinquième classe, pour les pénétrations non autorisées dans les propriétés privées, qui est une contrepartie incontournable en faveur des propriétaires devant désengrillager leur terrain ; il permet également, dans la perspective de se protéger, de clore un périmètre de cent cinquante mètres autour d’une habitation.

L’exemple de l’Office national des forêts (ONF), qui gère le domaine privé de l’État et doit limiter les intrusions intempestives dans les forêts domaniales, avec les risques qui en résultent, d’incendie en particulier, est la preuve de la nécessité de cette mesure. Les propriétaires auxquels on demande de retirer leurs grillages, ou qu’on incite à le faire, doivent tout de même pouvoir mettre en place un élément dissuasif contre les intrusions.

Cette proposition de loi permet aussi aux gardes de l’Office français de la biodiversité (OFB) de pénétrer dans les territoires clos sans commission rogatoire, sauf dans les habitations.

Elle accorde des pouvoirs supplémentaires aux agents des fédérations de chasseurs. C’est important : les agents de l’OFB étant très sollicités, il est normal que ces agents viennent en complément.

Elle sanctionne le non-respect de ces dispositions par des peines s’alignant sur celles qui sont encourues pour la détérioration des milieux naturels et proscrit la pratique de l’agrainage en tas destiné à attirer le gibier.

Cette dernière interdiction figure, sur l’initiative du Sénat, dans la loi de 2019 portant création de l’Office français de la biodiversité, modifiant les missions des fédérations des chasseurs et renforçant la police de l’environnement, mais n’est pas sanctionnée, à défaut de décret d’application. En revanche, les schémas départementaux de gestion cynégétique permettent l’agrainage linéaire dissuasif à certaines périodes de l’année, pour une légitime protection des cultures ; nos amis agriculteurs le savent bien.

La simple énumération de ces mesures montre le travail en profondeur effectué par tous ceux qui ont participé à l’élaboration de cette proposition de loi. Je remercie tout particulièrement Sophie Primas, la présidente de la commission des affaires économiques, Laurent Somon, notre rapporteur qui a eu un rôle moteur pour proposer des ajustements opportuns, ainsi que Mme Annie Charlez, ancienne responsable juridique de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS), qui nous a apporté son précieux concours. Je remercie, enfin, le Gouvernement, qui a donné un éclairage constructif.

Mes chers collègues, je vous invite bien entendu à approuver le texte adopté par la commission. Ensuite, la balle sera dans le camp de l’Assemblée nationale, je ne sais pas quand, car les élections arrivent. Il me semble pourtant que, en adoptant ce texte, vous engageriez un phénomène irréversible pour limiter ces engrillagements et permettre un dialogue constructif avec les promeneurs sur le partage du milieu naturel et sur la désartificialisation des espaces cynégétiques.

Je serais très heureux que le Sénat soit à l’origine d’une telle évolution. (Applaudissements.)

Mme le président. La parole est à M. le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Laurent Somon, rapporteur de la commission des affaires économiques. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, Jean-Noël Cardoux vient de vous présenter les raisons qui l’ont conduit à déposer cette proposition de loi et les principales dispositions de celle-ci.

Je voudrais tout d’abord le remercier, car c’est fort de sa très grande connaissance de la chasse, des milieux naturels et des espèces sauvages que nous pouvons examiner ce soir ce texte complet, équilibré et courageux, pour lutter contre l’emprisonnement de la nature, tout en assurant la protection de la propriété privée.

Il s’agit aussi de s’opposer à l’artificialisation des milieux naturels et de défendre une chasse durable, éthique, exigeante et respectueuse des équilibres biologiques. Cette proposition de loi vient d’ailleurs en complément d’amendements que le Sénat avait adoptés dans la loi du 24 juillet 2019 portant création de l’Office français de la biodiversité, modifiant les missions des fédérations des chasseurs et renforçant la police de l’environnement, pour limiter très strictement les lâchers de sangliers et l’agrainage.

En tant que rapporteur pour la commission des affaires économiques, je voudrais insister sur deux aspects : l’esprit dans lequel nous avons travaillé et les compléments que nous avons apportés au texte, avec l’accord de son auteur.

Sur ce texte, la commission a travaillé avec le souci du rassemblement, afin de faciliter sa future adoption à l’Assemblée nationale.

Il m’a semblé qu’il ne fallait pas aborder la proposition de loi de manière partisane ou conflictuelle entre chasseurs et non-chasseurs, propriétaires et promeneurs, mais essayer de forger le consensus le plus large possible sur un sujet qui doit tous nous rassembler, même si certains voudraient aller plus ou moins loin sur tel ou tel point, j’en ai bien conscience. J’ai donc auditionné le maximum de parties prenantes.

J’ai été frappé à la fois par les attentes très fortes de citoyens qui militent, parfois depuis trente ans, contre ce phénomène et par la maturité du débat et des solutions prêtes à être adoptées, que le rapport de Dominique Stevens et Michel Reffay, diligenté par le Gouvernement en 2019, a contribué à faire émerger.

Cela explique que, en dehors de Jean-Noël Cardoux, trois collègues députés se soient également saisis du sujet : Guillaume Peltier, Bastien Lachaud et François Cormier-Bouligeon.

Venant d’horizons politiques très différents, ils ont chacun, avec leur expérience de terrain, formulé des propositions et fait avancer la question. Je les ai rencontrés, car j’avais à cœur de les écouter, de tenir compte de leur travail et, autant que possible, de rapprocher le texte du Sénat des attentes d’ores et déjà exprimées à l’Assemblée nationale, car il nous faudra, dès que possible, aboutir à un texte commun.

Dans le même esprit, madame la secrétaire d’État, j’ai travaillé avec vos services. J’ai pu prendre en compte leurs difficultés et leurs besoins pour assurer le contrôle et l’application de la loi, et ils m’ont apporté leur expertise. Je tiens à les en remercier.

Ces travaux ont, en outre, été partagés avec des collègues d’autres groupes politiques, afin que nous puissions nous forger une opinion partagée. Cela s’est traduit en commission par le dépôt d’un certain nombre d’amendements identiques ; cela se traduira également, ce soir, par de nombreux avis favorables sur des amendements venus des différents bords de notre assemblée.

Finalement, le texte qui vous est présenté ce soir a été largement adopté par la commission, traduisant la volonté d’avancer ensemble, malgré nos différences, vers une solution attendue pour mettre fin à l’engrillagement des milieux naturels.

Forte de ce travail en partenariat que je viens d’expliquer, la commission a adopté plusieurs modifications au texte initial. Celles-ci résultent toutes d’observations et de demandes que nous avons recueillies lors des auditions et s’articulent autour de deux objectifs : mieux définir les caractéristiques des clôtures autorisées ; mieux assurer l’application de la loi, donc la lutte contre l’artificialisation des milieux naturels.

Concernant tout d’abord les caractéristiques des clôtures, en se fondant sur des exemples concrets, la commission a été attentive à ce que celles-ci assurent le passage de la faune au sol et ne puissent ni blesser ni devenir des pièges pour les animaux.

La commission a également précisé les exceptions pour lesquelles des clôtures hermétiques à la faune seront autorisées. Il s’agira des clôtures agricoles, sylvicoles et d’intérêt public.

Concernant les clôtures sylvicoles, elles seront autorisées pour protéger la régénération de la forêt, mais pas dans le cas d’un massif sous plan simple de gestion, ce qui aurait été un dévoiement. Il semble, d’ailleurs, que beaucoup de zones actuellement engrillagées n’en respectent pas les prescriptions.

S’agissant des clôtures d’intérêt public, il s’agit bien entendu d’assurer la sécurité des routes, des voies ferrées et des grandes infrastructures.

On pourrait s’étonner que le législateur descende dans tous ces détails, mais l’élaboration d’une norme nationale résulte d’une large demande et apparaît aujourd’hui comme une nécessité pour aider les maires dans l’application des plans locaux d’urbanisme (PLU) ou les régions dans celle de leurs schémas d’aménagement.

La commission s’est ensuite attachée à faciliter l’application de ces nouvelles dispositions.

Elle a réduit de dix ans à sept ans le délai de mise en conformité, estimant que, si le premier était trop long, il ne fallait négliger ni les délais d’application de la loi ni les conséquences matérielles et pécuniaires de la remise en cause de droits légalement acquis ou d’exploitations commerciales.

La commission a également souhaité favoriser l’effacement des clôtures antérieures à 2005, en permettant que l’écocontribution puisse être mobilisée pour les remplacer par des haies.

Il était ensuite nécessaire de prévoir des sanctions en cas de refus d’appliquer ces nouvelles normes. La commission a estimé que l’engrillagement de la nature était assimilable à une atteinte au patrimoine naturel, aux milieux comme aux espèces, et qu’il devait être sanctionné comme tel dans le code de l’environnement.

C’est pourquoi elle a retenu la possibilité de prononcer une peine maximale de trois ans de prison et de 150 000 euros d’amende. Cette peine apparaît proportionnée aux enjeux qui s’attachent à la clôture de grands territoires, laquelle n’est pas toujours motivée par la chasse. Dans les cas où cette dernière en est le mobile, l’engrillagement des espaces naturels pourra entraîner la suspension du permis de chasser du titulaire du droit de chasser.

Par ailleurs, comme des enclos subsisteront pendant le temps de mise en conformité, ou, plus durablement, parce qu’ils sont antérieurs à 2005, la commission a voulu combler un vide en permettant aux agents de l’OFB de les contrôler sans se voir opposer la protection du domicile. Je vous proposerai tout à l’heure un amendement visant à étendre cette possibilité aux agents assermentés des fédérations. L’objectif est que, là où s’exerce la chasse, la police de la chasse puisse opérer sans entrave.

En outre, il a paru nécessaire de compléter ces dispositions contre l’artificialisation des milieux et de la chasse, dont les enclos sont les archétypes, par une sanction en cas d’infraction aux règles d’agrainage et d’affouragement. Celle-ci pourra entraîner la suspension du permis de chasser du titulaire du droit de chasser.

Enfin, la commission a souhaité accueillir favorablement la volonté des fédérations de chasseurs de s’impliquer plus fortement dans la police de la chasse, compte tenu des moyens limités de l’Office français de la biodiversité et afin de démultiplier ses efforts sur le terrain. Dans cet esprit, les compétences des agents assermentés des fédérations seront étendues au contrôle de la conformité des clôtures et au respect des plans de gestion des enclos.

Je voudrais, pour finir, apporter deux précisions juridiques sur la rétroactivité de la loi et sur la création d’une contravention de cinquième classe pour la protection de la propriété privée.

La rétroactivité de la loi était nécessaire, car légiférer pour l’avenir aurait fait courir le risque d’une fuite en avant de l’engrillagement, comme on le constate depuis que ce sujet a été médiatisé. Cette rétroactivité doit être aussi importante que possible, pour revenir sur la dégradation des milieux naturels qui est constatée dans plusieurs régions.

La proposition de loi porte la volonté de restaurer les corridors biologiques, mais, dans le respect de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, il est nécessaire qu’elle soit limitée dans le temps, proportionnée et justifiée par un motif d’intérêt général suffisant. C’est pourquoi la référence à la loi du 23 février 2005, qui avait accordé un certain nombre de dérogations aux enclos, a été retenue.

Par ailleurs, le texte ne remet pas en cause le droit de se clore, mais le conditionne à la libre circulation de la faune et préserve la possibilité d’ériger des barrières plus importantes pour la protection des cultures, des forêts et du domicile, jusqu’à cent cinquante mètres autour de celui-ci, soit un parc d’un peu plus de sept hectares.

Par ailleurs, cet abaissement des clôtures est compensé par la création d’une contravention de cinquième classe en cas de violation de la propriété rurale et forestière. Je tiens à préciser qu’il ne s’agit donc pas d’un délit et que le prononcé de cette contravention est dans la main des juges, qui sauront faire preuve de discernement et de sagesse.

La commission a donc estimé que la sanction présentait les garanties nécessaires au regard des craintes qui ont pu s’exprimer. Je dois ajouter que, lors des auditions, les associations de terrain en Sologne ont été unanimes pour soutenir cette mesure, car elles constatent des difficultés croissantes liées à la croyance que la nature et ses fruits sont à tout le monde, avant leurs propriétaires et locataires légitimes.

Je dois dire que les problèmes posés par ce type de comportement ne s’arrêtent pas, nous le savons bien, aux frontières de cette belle région !

En conclusion, madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je formule le vœu que le texte qui sera voté ce soir par le Sénat, sous l’impulsion de Jean-Noël Cardoux et de notre commission, permette une réelle avancée, par des mesures efficaces et pragmatiques, et puisse être rapidement repris et largement voté à l’Assemblée nationale.

Les amoureux de la Sologne, chasseurs ou non, propriétaires et promeneurs, attendent que cette région retrouve le charme qui a captivé Alain-Fournier, Maurice Genevoix ou Victor Hugo, qui ont porté ses paysages et son atmosphère au niveau de l’art universel.

La poésie a cette force de nous remettre en contact avec le sensible, de nous faire retrouver dans les mots et la rime l’essence de la vie, le goût de la contemplation, de la méditation et de l’imaginaire, un peu comme les amoureux de la nature devant un paysage de Sologne et l’espoir de surprendre un animal.

Comme le disait une personne auditionnée, « ici, on aime la chasse, parce que l’on aime la nature ». C’est dans cet esprit que nous avons décidé, dans cette proposition de loi, de retrouver un peu de ce sens perdu, parfois incompris. (Applaudissements.)

Mme le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Bérangère Abba, secrétaire dÉtat auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Madame la présidente, madame la présidente de la commission des affaires économiques, monsieur le rapporteur, monsieur le sénateur Jean-Noël Cardoux, je vous remercie de nous donner l’occasion de discuter de ce sujet essentiel, qui a trouvé son moment, gagné une certaine maturité et pris sa place dans le débat public.

Il est en effet nécessaire de légiférer, nous le savons et nous en avons convenu quand nous nous sommes rencontrés en avril dernier à ce propos, monsieur Cardoux. Il nous fallait nous attaquer résolument à cette question, qui fait l’objet d’une attente forte, laquelle trouve également un écho à l’Assemblée nationale, sous différents angles.

Elle y est abordée de plusieurs façons : la proposition de loi du député François Cormier-Bouligeon, par exemple, concerne la chasse en enclos et fait écho à votre inquiétude au sujet de l’engrillagement. Une alerte a évidemment été lancée en Sologne, territoire riche de ses paysages qui s’est vu défiguré au fil des années par ces pratiques, qui n’ont cessé de s’y développer.

En 2019 déjà, le Conseil général de l’environnement et du développement (CGEDD) et le Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAER) avaient rendu un rapport et établi un premier diagnostic. Leur constat était sans appel : plus de 3 000 kilomètres de grillages, au minimum, avaient été recensés sur les trois départements du Loiret, du Cher et du Loir-et-Cher. Le phénomène s’était nettement amplifié depuis l’évaluation précédente réalisée en 2011.

Nous ne pouvons laisser se développer l’engrillagement en Sologne, non plus que prendre le risque de son extension à d’autres territoires.

Cet engrillagement est parfois le fait de pratiques purement cynégétiques ou relève de la protection de la propriété privée ; j’exclus d’office de ma réflexion les clôtures nécessaires à la protection des routes ou des voies ferrées, à la régénération forestière ou encore aux activités agricoles, qui ne sont, évidemment, pas l’objet de cette proposition de loi.

Les impacts de l’engrillagement sont désormais bien connus.

Le premier se matérialise par des ruptures de continuité écologique dans un contexte de changement climatique appelant, au contraire, à la fluidité. Il est essentiel que les espèces puissent se déplacer sans contrainte. Or nos espaces sont malheureusement déjà trop fragmentés, en raison de l’urbanisation ou des infrastructures ; cela emporte des conséquences sanitaires : la maladie de Lyme, par exemple, se développe davantage dans des espaces fragmentés.

La trame verte et bleue est l’outil qui vise à assurer cette libre circulation. Elle est portée sur les documents d’urbanisme au niveau régional et, plus finement, dans les plans locaux d’urbanisme. En son sein, tout aménagement nouveau devrait être écologiquement transparent.

Nous avons beaucoup progressé sur ce point, avec, par exemple, le développement des passages à faune, mais il reste nombre de points noirs à résorber. La future stratégie nationale pour la biodiversité, que je vous présenterai dans quelques semaines, traitera largement de ce sujet. Ces efforts ne sauraient être entravés par le phénomène insidieux de l’engrillagement.

Le deuxième impact est évidemment paysager : ces clôtures défigurent nos campagnes ; c’est un des premiers motifs de mobilisation en Sologne. Je remercie, d’ailleurs, tous ceux qui se sont emparés de ce sujet, pour le faire connaître et le documenter.

Le troisième impact porte sur la capacité à lutter contre les incendies, car l’engrillagement peut entraver la circulation des engins de secours. Le risque d’incendie se développe, malheureusement, dans le contexte de réchauffement climatique, et il touche des régions qui se pensaient jusqu’à présent épargnées. Nous devons donc veiller à ce que les engins puissent accéder à ces zones et mieux adapter nos forêts à ce risque. Ces clôtures ne font que compliquer ce travail.

Enfin, on ne peut ignorer le sujet plus éthique de ces chasses, qui n’en sont pas lorsqu’elles se pratiquent en enclos. Il n’est pas question ici, toutefois, de légiférer sur cette approche, une évaluation objective de l’impact de l’engrillagement sur la nature ne doit surtout pas se confondre avec un débat autour de la chasse opposant les défenseurs et les détracteurs de cette dernière.

Ce texte se focalise sur la question de l’engrillagement et de ses impacts sur les continuités écologiques ; il répond, en ce sens, à certaines des critiques qui visent la chasse en enclos et nous appelle sans doute à aller plus loin, en incitant, notamment, les établissements concernés à adopter des pratiques différentes.

L’article 1er de la proposition de loi crée, d’une part, une obligation de mise en conformité des clôtures installées postérieurement à l’année 2005 dans les seules continuités écologiques identifiées dans la trame verte ; il interdit, d’autre part, l’installation de nouvelles clôtures étanches dans l’espace naturel.

Je souscris totalement à cette approche, laquelle ne permet toutefois de couvrir que certaines des situations auxquelles nous voulons mettre un terme. Nous ne disposons pas actuellement d’une cartographie des différents types de clôtures avant et après 2005. Il est donc très difficile d’apprécier l’effet de cette mesure et de déterminer si elle sera suffisante.

On sait toutefois qu’elle agira sur une partie importante de la Sologne. C’est le premier des objets de cette proposition de loi, et nous y serons bien sûr vigilants dans l’examen des amendements.

Le texte intègre ensuite dans le droit commun de la chasse les terrains enclos attenants à une habitation. C’est un point important, que je soutiens pleinement. Le régime dérogatoire dont bénéficient ces espaces est un moteur important de l’engrillagement ; un rapport d’audit de 2019 préconisait déjà cette disposition. Je vous félicite et vous remercie de l’avoir intégrée, mesdames, messieurs les sénateurs.

En contrepartie, il est prévu à l’article 4 de permettre aux propriétaires de mobiliser l’écocontribution pour financer efficacement l’effacement de clôtures, ainsi que de pénaliser fortement l’intrusion sur le terrain d’autrui.

Cette mobilisation de l’écocontribution ne peut s’entendre que dans un projet global de renforcement de la qualité de ces milieux, ce que la rédaction de votre commission a bien pris en compte, et je vous en remercie.

S’agissant, toutefois, de votre volonté de sanctionner lourdement les intrusions, un tel dispositif ne me paraît pas pertinent. Il me semble tout d’abord contre-intuitif au regard de la nécessité d’une reconnexion à la nature.

Dans nombre de pratiques de loisir, on ignore parfois que l’on se situe sur un terrain privé ; on peut donc imaginer que cette disposition serait un frein. Au contraire, on pourrait imaginer, par exemple, qu’elle ne concerne pas tous les publics. La contravention prévue, parce qu’elle ne tient pas compte de l’intentionnalité du geste, pourrait également apparaître comme quelque peu disproportionnée.

La commission a cependant apporté des améliorations notables sur la question des contrôles, notamment, lesquels pourront être effectués dans les enclos autour des habitations. Il est évidemment nécessaire de respecter le domicile de chacun, donc de bien les proportionner. Pour autant, cela ne doit pas conduire à soustraire des surfaces entières au contrôle de l’activité de chasse. Il était donc pertinent de disposer de règles claires et différenciées pour deux types d’espaces : l’habitation et les terrains qui l’entourent. C’est chose faite !

La commission a ensuite proposé de lourdes sanctions à l’encontre de ceux qui ne respecteraient pas cette mise en conformité et cette obligation d’abaisser ou de remonter leur clôture. Il me semblait également important d’être dissuasif, notamment au regard du coût des grillages eux-mêmes. Vous avez également répondu sur ce point.

Notre discussion sur ce texte appelle à mon sens plusieurs points de vigilance, concernant, tout d’abord, la prévention des dégâts agricoles et forestiers. En effet, le grand gibier, lorsqu’il est surabondant, cause des dégâts ou menace la régénération des forêts, et l’enlèvement de ces grillages ne doit pas accentuer ces problèmes en périphérie des espaces concernés. Nous y serons vigilants.

Dans cet esprit, j’estime également que nous devons supprimer, ou restreindre le plus possible, les lâchers de gibier.

Je prendrai prochainement des mesures réglementaires, en ce sens : un décret renforcera l’obligation de respecter une densité maximale de sangliers dans les enclos. Ce texte a déjà fait l’objet d’une concertation avec les acteurs ; au-delà d’un animal par hectare, il s’agit d’élevage, et les règles à appliquer doivent donc en tenir compte. Interdire la surdensité est une façon de dissuader l’engrillagement, et cela me semble conforme à une certaine éthique de ces chasses, que nous appelons de nos vœux.

Évidemment, ce décret doit renforcer les mesures sanitaires, avec la mise en place de quarantaines et de plans de gestion des animaux introduits dans les enclos ; dans le cadre des chasses commerciales, un dispositif de marquage des animaux sera également rendu obligatoire.

Mesdames, messieurs les sénateurs, en conclusion, je suis persuadée que cette proposition de loi sera une contribution réellement significative et efficace à la lutte contre l’engrillagement.

Ce texte exigera la mobilisation des élus, car les documents d’urbanisme doivent être complétés et mis à jour pour qu’il puisse porter pleinement ses effets. Il devra aussi être rapidement évalué à l’aune des résultats escomptés : nous nous y attacherons.

Je le répète, nous devrons sans doute aller plus loin pour lutter contre certaines pratiques, comme les chasses en enclos – ces chasses qui n’en sont pas, dans la mesure où bien souvent elles ne laissent aucune chance à l’animal. D’ailleurs, la plupart des chasseurs les remettent en question, car ils ne s’y reconnaissent pas.

Le débat que vous ouvrez aujourd’hui, avec ces dispositions extrêmement positives et ô combien nécessaires, est donc le premier pas d’une démarche que nos concitoyens attendent de nous : l’encadrement de la chasse française. (MM. Jean-Claude Requier et Jean-Noël Cardoux applaudissent.)

Mme le président. La parole est à M. Christian Redon-Sarrazy. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Christian Redon-Sarrazy. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous sommes réunis pour examiner une proposition de loi déposée par notre collègue Jean-Noël Cardoux et cosignée par les membres de plusieurs groupes politiques du Sénat.

Les précédents orateurs l’ont rappelé : plusieurs propositions de loi portant sur le même sujet ont été déposées à l’Assemblée nationale, mais le présent texte a la particularité d’avoir été adopté à l’unanimité par notre commission des affaires économiques.

La libre circulation de la faune sauvage est une obligation pour les propriétaires et gestionnaires d’espaces naturels, dans le cadre de la trame verte et bleue. Toutefois, depuis plusieurs années, le développement incontrôlé des clôtures en milieu naturel – autrement dit, l’engrillagement – vient la troubler fortement.

L’origine de cette tendance se trouverait en grande partie dans la volonté de propriétaires privés de créer des enclos de chasse sur leurs parcelles, via l’édification de « clôtures imperméables au passage de l’homme et des mammifères ».

Au total, 670 kilomètres de clôtures visibles du domaine public quadrillent ainsi la grande Sologne. Le phénomène y a pris une telle ampleur que l’on emploie désormais le terme de « solognisation ».

L’ensemble de ce territoire assiste à l’édification de clôtures de plus d’un mètre quatre-vingt. Le but, c’est l’emprisonnement du gibier dans des espaces clos permettant la pratique de la chasse toute l’année, souvent sans contrôle des agents de l’Office français de la biodiversité (OFB) et sans plan de chasse, ce qui en fait des zones de non-droit.

Jusque dans les années 1990 ou 2000, ces enclos pouvaient être acceptables, car ils restaient peu nombreux. Néanmoins – ce constat a également été rappelé –, dans certaines régions, ils se sont développés dans des proportions insupportables pour les habitants. Non seulement ces clôtures grillagées sont devenues de plus en plus hautes, mais elles se sont multipliées sans respect des usages locaux et au mépris des nouveaux textes destinés à assurer la continuité écologique et la libre circulation des animaux sauvages.

Dans un rapport remis en août 2019 à la ministre de la transition écologique et solidaire et au ministre de l’agriculture et de l’alimentation, le Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD) et le Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) faisaient état de l’impact de ces clôtures sur la faune.

Le rapport précisait notamment que ces enclos « participent à la fragmentation des habitats, notamment forestiers, très présents en Sologne ».

Il ajoutait : « L’effet environnemental direct des clôtures, le plus notoire sur l’environnement, s’exerce sur les possibilités de déplacements des grands animaux sauvages, favorisent leur densité, induisent du piétinement, limitent l’apport de nutriments aux sols, accroissent la dégradation du couvert forestier et la prédation directe sur de nombreuses espèces. […]

« Les clôtures hermétiques, incluant des grilles à mailles fines en parties basses, affectent également le déplacement et la prise en compte d’autres impératifs biologiques que sont l’alimentation et la reproduction d’autres espèces », notamment la survie des jeunes bêtes par séparation des parents en raison de clôtures, « mais aussi la circulation de toute la petite faune ».

En résumé, « tout concourt à démontrer que les enclos hermétiques ou l’utilisation de grillages imperméables à la faune sauvage sont un non-sens cynégétique, présentent des non-conformités en matière de droit de l’environnement, de droit de l’urbanisme ou de droit rural et échappent partiellement au contrôle des élus et de l’État sur des interprétations juridiques discutables.

« Ces pratiques d’accaparement ou de perturbation de l’espace naturel et de l’espace public ne sont plus acceptables. Après les usagers, elles heurtent désormais les élus locaux et les parlementaires de toute sensibilité politique en Sologne ainsi que les chasseurs eux-mêmes. » Je confirme que ce phénomène s’étend désormais au-delà de la Sologne.

Certes, le code de l’urbanisme, notamment via les plans locaux d’urbanisme (PLU), donne déjà théoriquement le pouvoir aux communes d’imposer des règles, qu’il s’agisse de la nature des clôtures ou des obligations de déclaration préalable de travaux pour toute nouvelle édification de clôtures. Mais, de toute évidence, les dérives observées depuis une vingtaine d’années nécessitent de revoir la législation : il faut donner, notamment aux maires ruraux, l’arsenal législatif nécessaire pour lutter contre l’édification incontrôlée de ces clôtures.

Le présent texte doit donc mettre fin à la prolifération des engrillagements délimitant les propriétés, tout en permettant le maintien des clôtures anciennes réalisées avant la loi du 23 février 2005 relative au développement des territoires ruraux, qui avait fixé certaines règles.

Il doit limiter les enclos au sens strict du terme sans interdire les clôtures végétales ou traditionnelles, assurer la libre circulation des animaux sauvages dans l’espace naturel, notamment sur les trames verte et bleue, assurer le respect des propriétés rurales ou forestières privées par les promeneurs et inciter au désengrillagement en mobilisant l’écocontribution.

Lors de l’examen du texte en commission, on a observé une convergence entre le rapporteur et les sénateurs ayant participé aux auditions, en particulier le représentant du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires, notre collègue Daniel Salmon. Ce consensus a permis l’adoption de nombreux amendements identiques déposés par divers sénateurs.

L’article 1er précise par exemple que les clôtures, à moins d’être nécessaires à l’activité agricole ou forestière, doivent permettre en tout temps la libre circulation des animaux sauvages.

Malheureusement, je le répète, ces nouvelles règles ne s’appliqueront pas aux clôtures datant d’avant la publication de la loi du 23 février 2005. La preuve de l’antériorité de la clôture pourra être apportée par une attestation administrative.

On peut s’interroger sur le rôle des maires. S’ils sont sollicités pour établir une telle antériorité, ils pourront se trouver en difficulté pour en apprécier les preuves. Dans certains cas, ils pourront aussi être de connivence avec le demandeur.

Quant au délai de mise en conformité, il a été ramené de dix ans à sept ans.

Il ressort de ces différents points que des enclos ne respectant pas ces règles et ayant été édifiés après 2005 pourraient être démontés s’ils n’étaient pas mis en conformité avec la nouvelle législation dans le temps imparti.

La proposition de loi initiale proposait une nouvelle rédaction de l’article L. 424-3 du code de l’environnement pour ce qui concerne le temps de chasse. Actuellement, ces dispositions donnent aux propriétaires d’enclos le droit d’y chasser ou d’y faire chasser toute l’année. Dans le texte de la commission, le quatrième alinéa de l’article 1er bis supprime les droits particuliers en matière de chasse dans ces enclos cynégétiques, afin d’aligner leur statut sur le régime général.

L’article 1er ter vise à permettre aux agents de l’OFB de contrôler les enclos antérieurs à 2005 qui subsisteraient, mais qui auront rejoint le droit commun de la chasse, sans se voir opposer l’assimilation de l’espace enclos à un domicile, comme c’est le cas actuellement, ce qui nuit à leur capacité d’action. Concrètement, de telles dispositions interdisent toute intrusion dans ces espaces clos.

Les articles suivants détaillent les limitations apportées aux lâchers de gibier et les sanctions en cas de non-respect des règles d’agrainage. Ils étendent également le pouvoir des gardes-chasses par la possibilité de dresser procès-verbal en cas de non-conformité des clôtures implantées.

L’article 4 crée la possibilité – et non l’obligation – de contribution de l’OFB à la mise en conformité des clôtures existantes non conformes à l’article 1er du présent texte. Cette faculté est étendue aux clôtures antérieures à 2005, ce qui n’était pas le cas initialement, afin d’inciter les propriétaires concernés à ouvrir leurs enclos et à rétablir les continuités. Peut-être seront-ils soudain animés de bonnes intentions : on peut toujours rêver… (M. le rapporteur sourit.)

Finalement, l’usage de l’écocontribution est limité à la création de haies destinées, bien sûr, à rétablir la trame verte et non à former de nouvelles clôtures.

Pour conclure, cette proposition est la bienvenue pour mettre enfin un terme à ce qui est devenu un non-sens environnemental, cynégétique et sociétal.

Les élus du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain voteront ce texte. Surtout, madame la secrétaire d’État, ils souhaitent le voir poursuivre son parcours législatif dans les quelques semaines de temps parlementaire qui restent à la main de votre gouvernement.

Sinon, l’engrillagement risque de progresser à une cadence encore plus soutenue, les intéressés partant du principe que tout ce qu’ils auront pu ériger avant l’adoption d’une une nouvelle loi sera de toute façon difficile à détruire. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – MM. Daniel Salmon et François Patriat applaudissent également.)

Mme le président. La parole est à M. Bernard Buis.

M. Bernard Buis. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous sommes placés face à un paradoxe.

Depuis quelques années, la prise de conscience écologique a transcendé les partis dits « républicains » : de ce fait, la lutte pour la sauvegarde de la biodiversité fait partie des enjeux majeurs de ce gouvernement et de sa majorité. Ainsi, le Congrès mondial de la nature, qui s’est tenu à Marseille en septembre 2021, a su voter une vingtaine de motions pour la sauvegarde de la biodiversité. Rappelons qu’il a réuni près de 20 000 personnes et 1 300 organisations venues de 160 pays.

Or, au même moment, à 150 kilomètres au sud du jardin du Luxembourg, subsiste un territoire de 5 000 kilomètres carrés au sujet duquel on peut dire : « La maison brûle et nous regardons ailleurs. » Ce territoire, c’est la Sologne. Il peut se vanter d’être la plus vaste zone Natura 2000 d’Europe, mais il détient aussi le triste record de la plus grande muraille de grillages – on parle de 3 000 à 4 000 kilomètres de clôtures.

Pourquoi cette frénésie morbide pour l’engrillagement ? Tout simplement parce que ce territoire est constitué de forêts propices à la chasse, laquelle prend souvent un caractère privé.

De grands propriétaires ont pris l’habitude de clôturer leurs territoires de chasse, ce que le droit français autorise, malgré des effets de bord désastreux pour notre environnement.

Cette pratique, face à laquelle nous sommes réunis aujourd’hui pour légiférer, ne date pas d’hier. Une émission de l’Office de radiodiffusion-télévision française (ORTF) datant de 1972 et conservée par l’Institut national de l’audiovisuel (INA) nous permet de rencontrer une certaine Lucienne, amoureuse inconditionnelle de la Sologne.

Lucienne fustigeait déjà la multiplication des clôtures, qui l’empêchaient de goûter à la joie simple de marcher librement dans la forêt. Le réalisateur de ce reportage le notait, quant à lui, avec lucidité et résignation : « Les grillages […] coupent la forêt, rompent le code. L’animal, l’homme, la vie même sont privés de leurs trajets secrets, de leurs itinéraires vitaux. »

Il avait raison : en tant que tel, l’engrillagement est contraire à nos principes. Il touche au bien-être animal, porte atteinte à nos paysages et conduit indirectement à de vrais risques sanitaires par la prolifération d’animaux sauvages au sein des enclos.

Alors, que faire ? Depuis quelques années, face à la prolifération de ces grillages, les médias, les élus locaux et les associations environnementales tirent la sonnette d’alarme.

Ainsi, en 2018, le conseil régional du Centre-Val de Loire a souhaité s’attaquer au problème en fixant des limites à ces grilles. Elles étaient censées ménager un espace de quarante centimètres au-dessus du sol pour permettre à la petite faune de circuler. Mais cette mesure est restée sans effet ou presque, car aucune sanction n’était prévue.

La proposition de loi qui nous réunit ce soir est un texte raisonné. Je saisis cette occasion pour saluer son auteur, Jean-Noël Cardoux. Concerné directement par le sujet, il a vu au fil des années la situation se dégrader. Je félicite également notre rapporteur, Laurent Somon, qui, fort de son expertise, a réalisé un travail impartial. Merci à eux !

Ainsi, l’article 1er prend pour base la loi du 23 février 2005, qui a en quelque sorte sanctuarisé l’enclos de chasse. Ce dernier se caractérise notamment par la mise en place d’une clôture qui doit être très complète – continue et constante – et faire obstacle à toute communication avec les terrains voisins.

Cette proposition de loi entend encadrer la création de clôtures en milieu naturel et supprimer les clôtures hautes postérieures à 2005.

Un article additionnel cible les excès de la chasse en enclos, non seulement en supprimant le droit d’y chasser le gibier à poil toute l’année, mais aussi, conformément à la loi portant création de l’Office français de la biodiversité, en imposant à ces structures un plan de gestion annuel contrôlé par la fédération départementale des chasseurs.

Avec ces dispositifs, nous faisons un premier pas vertueux vers la fin de l’engrillagement. Cela étant, nous ne vous cacherons pas que, en commission, nous nous sommes interrogés : quels sont les meilleurs moyens d’aboutir ?

En effet, l’engrillagement concerne la Sologne et une partie des étangs de la Brenne. Pour lutter contre cette prolifération régionale, faut-il vraiment procéder par voie législative ? La renégociation des plans locaux d’urbanisme intercommunaux (PLUI) pourrait inclure des dispositions limitant la hauteur des grillages.

De plus, le seuil appliqué par la loi de 2005 est-il suffisamment ambitieux ? On sait qu’une grande majorité des grillages ont été installés avant cette loi. Néanmoins, nous comprenons que ce seuil ne vient pas de nulle part : il est le fruit d’un compromis. Nous l’entendons et, en l’état, nous ne déposerons pas de nouvel amendement visant à le modifier.

Enfin, qu’en sera-t-il du gibier enfermé dans ces enclos une fois qu’il aura été libéré ? Une étude ministérielle lance l’alerte : la situation actuelle est largement artificialisée. Les concentrations locales d’animaux sont telles qu’elles en deviennent « contre nature ».

Pour autant, après réflexion, et comme l’a indiqué en substance Mme la présidente de la commission des affaires économiques, le mieux est l’ennemi du bien. Ce soir, nous ne raviverons pas le débat enflammé et inflammable de la chasse, à quelques semaines d’une échéance électorale de poids : il nous semble que c’est plus sage. (Sourires.)

Néanmoins, par nos amendements, nous proposerons d’aller un peu plus loin que le texte adopté en commission, en renforçant le contrôle de ces structures et en étendant la mise en conformité des clôtures à l’ensemble des espaces compris dans la trame verte.

En résumé, nous voterons cette proposition de loi, qui, face aux dérives de l’engrillagement, envoie un véritable signal. Espérons à présent que la navette parlementaire aboutisse, notamment par l’intermédiaire des travaux du député François Cormier-Bouligeon.

Il est grand temps d’obtenir des résultats tangibles. Il s’agit ni plus ni moins que de sauver ce territoire, jadis si préservé et aujourd’hui littéralement saboté : il y va de notre crédibilité. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi quau banc des commissions.)

Mme le président. La parole est à M. Franck Menonville. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP. – M. Jean-Paul Prince et M. le rapporteur applaudissent également.)

M. Franck Menonville. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous sommes nombreux dans cet hémicycle à nous accorder sur ce point : le présent texte apporte des solutions équilibrées et raisonnables pour stopper l’engrillagement tout en respectant le droit de propriété. Mieux, il offre une réponse globale en prenant en compte tous les aspects du problème.

La dérive à laquelle cette proposition de loi entend mettre un terme est particulièrement grave en Sologne, où près de 4 000 kilomètres de grillage sont recensés. Néanmoins, je rappelle que cette pratique se répand dans d’autres territoires.

Avant d’entrer plus avant dans le détail de ces dispositions, je souhaite souligner la force de conviction de notre collègue Jean-Noël Cardoux pour faire émerger le sujet. Je tiens aussi à saluer l’important travail réalisé par notre rapporteur, Laurent Somon, afin de trouver les justes équilibres.

Le constat est sans appel : non seulement l’engrillagement soulève des problèmes sanitaires, écologiques et de sécurité, mais il altère les paysages.

Plusieurs orateurs ont déjà évoqué les maladies entre espèces. Rappelons-le une fois de plus : la circulation des animaux dans les espaces naturels est essentielle. Elle seule peut garantir le brassage indispensable pour éviter la consanguinité et d’autres problèmes sanitaires. Les clôtures ne doivent donc pas être des obstacles.

En parallèle, l’engrillagement peut empêcher l’homme de profiter de la nature et de sa beauté, entraver le tourisme et dégrader les paysages. Il peut se révéler dangereux, dès lors qu’il fait obstacle à l’intervention des secours en cas d’incendie. Il est aussi révélateur de conflits d’usage ; à ce titre, la commission s’est attachée à trouver le plus large consensus possible, afin d’éviter les conflits entre chasseurs et non-chasseurs, entre propriétaires et promeneurs.

Il est primordial de garantir la continuité écologique. C’est d’ailleurs toute l’ambition de l’article 1er, qui contient une définition claire de la clôture et de ses caractéristiques, tout en adaptant ces dernières aux exigences de la trame verte.

L’éthique de la chasse est un enjeu dont ce texte prend toute la mesure. Les chasseurs aiment la nature. Ils sont les héritiers d’une tradition ancestrale fondée sur un certain nombre de valeurs essentielles, au premier rang desquelles le respect de la nature,…

M. Franck Menonville. … dont il faut préserver l’équilibre.

Les chasseurs concourent également à la régulation des espèces. Il s’agit là d’une nécessité absolue, car certains nuisibles entraînent de véritables ravages dans les territoires, notamment pour les cultures. À titre d’exemple, dans mon département de la Meuse, les dégâts causés par les populations de sangliers en 2019 se sont élevés à plus de 3 millions d’euros : sauf erreur de ma part, il s’agit là du record de France.

Aussi, nous défendons une chasse éthique et durable et nous souhaitons la limitation des chasses dites « commerciales ». C’est précisément l’objet de l’article 1er bis du présent texte. Introduites en commission, ces dispositions vont dans le bon sens.

Enfin, ce texte traduit des positions équilibrées quant au respect de la propriété privée. Je pense plus précisément à l’article 2, qui crée une contravention de cinquième classe punissant les intrusions sans autorisation dans les domaines privés ruraux et forestiers.

Je terminerai mon propos en soulignant trois autres avancées concrètes.

La première, c’est le raccourcissement du temps de mise en conformité, lequel est porté de dix ans à sept ans : ce compromis assure la souplesse nécessaire pour atteindre les objectifs sans contraindre trop fortement les propriétaires, tout en accélérant le processus.

La deuxième, c’est la facilitation du contrôle des enclos par les agents de l’OFB. Loin de porter atteinte à la propriété privée, cette disposition place tout le monde sur un pied d’égalité.

La troisième et dernière, c’est la possibilité d’utiliser les haies dans le cadre de l’écocontribution et de la mise en conformité des clôtures. Bien entendu, cette mesure va dans le bon sens. Elle permettra en particulier de valoriser les paysages – on constate déjà de tels exemples vertueux dans le secteur agricole.

Ainsi, depuis l’élaboration du texte initial, l’ensemble des travaux accomplis ont été menés en bonne intelligence, au service de la résolution pragmatique d’un problème, certes ciblé, mais qui, à terme, pourrait toucher beaucoup plus de territoires.

Dans cette perspective, les élus du groupe Les Indépendants – République et Territoires se prononceront en faveur de cette proposition de loi, adoptée – il faut le rappeler – à l’unanimité de la commission des affaires économiques. Non seulement elle traduit une prise de conscience, mais elle infléchit de manière irréversible le phénomène d’engrillagement.

Il s’agit là d’un texte complet, équilibré et courageux : je tiens, une fois de plus, à féliciter ses auteurs et son rapporteur. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains. – M. Jean-Claude Requier applaudit également.)

Mme le président. La parole est à Mme Anne Chain-Larché. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

Mme Anne Chain-Larché. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, à mon tour, je tiens à remercier notre collègue Jean-Noël Cardoux de son initiative et de l’inscription à l’ordre du jour de notre assemblée de sa proposition de loi visant à modifier les règles d’engrillagement des espaces naturels.

Un tel phénomène est contraire, non seulement à notre conception de l’éthique de la chasse, mais à l’idée de la chasse que nous défendons, ici, au Sénat.

Ce problème, particulièrement prégnant en Sologne, au point que l’on en vient à parler de « solognisation », s’étend désormais à d’autres régions de France, où l’on assiste au développement incontrôlé des clôtures. S’il résulte, pour une large part, de la création d’enclos de chasse et s’il protège la propriété privée, il constitue néanmoins un frein à la libre circulation de la faune sauvage.

La création des enclos de chasse n’est pas nouvelle : elle est permise par une loi de 1844. Mais le phénomène s’est développé dans les années 1990 et a connu une accélération à partir de 2005.

La loi relative au développement des territoires ruraux reconnaît l’existence des parcs de chasse dans le code de l’environnement. Elle sanctuarise également les différents avantages dont ils bénéficient, comme l’exemption de plan de chasse, la non-participation aux remboursements des dégâts de gibier ou encore la faculté de chasser toute l’année quelles que soient les dates d’ouverture et de fermeture de la chasse.

Enfin, depuis que le sujet de l’engrillagement est médiatisé et que des associations se mobilisent, un nouveau mouvement d’accélération a été constaté sur le terrain.

Aujourd’hui, la multiplication de ces clôtures, imperméables au passage de l’homme et des animaux, pose de nombreux problèmes.

Tout d’abord, elle soulève un problème de sécurité. En cas d’incendie de forêt, les pompiers ne peuvent pas accéder aux parcelles. La sécurité routière est également menacée, lorsque les animaux longent plusieurs kilomètres de grillages en bordure de route pour rentrer dans la forêt.

Ensuite, elle pose un problème sanitaire : l’importation et la concentration d’animaux entraînent l’apparition de maladies et de problèmes de consanguinité. (Mme la secrétaire dÉtat le confirme.)

En outre, elle nous expose à un problème écologique : non seulement les animaux ne peuvent plus se déplacer librement, mais la flore sauvage est mise à mal par la concentration excessive de cervidés et de sangliers, même dans des zones protégées comme la Sologne.

Enfin, l’engrillagement porte atteinte aux paysages : la nature s’en trouve physiquement parcellée et cadenassée.

Il faut donc modifier les règles pour enclencher le mouvement inverse, à savoir l’effacement progressif des clôtures. Il s’agit non pas d’interdire les enclos ou encore la chasse en enclos, comme on l’a proposé via les différents textes déposés sur le même sujet à l’Assemblée nationale, mais de remettre de l’ordre et de modifier les règles pour favoriser la biodiversité et rétablir les corridors biologiques.

Comme toujours au sein du groupe Les Républicains, nous sommes résolument tournés vers une écologie, non pas punitive, mais positive.

Aussi, cette proposition de loi prohibe les clôtures ne permettant pas la libre circulation de la faune, c’est-à-dire celles de plus d’un mètre vingt de hauteur, enterrées dans le sol. De plus, elle impose que ces clôtures soient en matériaux naturels ou traditionnels. À cet égard, une norme nationale claire doit être édictée.

Cette nouvelle norme s’imposera aux clôtures érigées à compter de la loi de 2005 précédemment citée.

Là est la force de cette proposition de loi : elle est de nature rétroactive, cette exception étant fondée sur un motif d’intérêt général. Elle pose une borne en retenant la date à partir de laquelle le phénomène s’est emballé. Surtout, sans remettre en cause le droit de clore sa propriété, elle le soumet à la libre circulation de la faune. Elle préserve ainsi la possibilité d’ériger des clôtures plus hautes dans certains cas, par exemple jusqu’à cent cinquante mètres autour du domicile.

Des mesures d’accompagnement pour la mise en conformité sont proposées.

Enfin, la proposition de loi supprime les règles particulières appliquées aux enclos de chasse. Ce faisant, elle prend en compte le fait qu’ils sont souvent érigés pour que l’on puisse s’adonner à cette activité. Ainsi, ils seront désormais soumis au droit commun de la chasse.

Mes chers collègues, la commission des affaires économiques a adopté cette proposition de loi à l’unanimité. Bien sûr, je salue le travail de notre rapporteur, Laurent Somon, qui a renforcé le texte et a permis d’atteindre un consensus.

Permettez-moi de citer quelques-unes des dispositions que nous avons adoptées.

Nous avons précisé et encadré les caractéristiques des clôtures qui seront autorisées. Elles devront permettre d’assurer la circulation de la petite faune. De plus, elles ne devront pas blesser les animaux qui tentent de les franchir ou constituer des pièges pour le gibier.

Nous avons ramené de dix ans à sept ans le délai de mise en conformité des clôtures, car cette seconde échéance nous paraît plus incitative.

Nous avons également prévu que l’écocontribution puisse être utilisée pour l’effacement des clôtures érigées avant 2005. Ces dernières devront être remplacées par des haies.

Au total, nous en sommes convaincus : cette proposition de loi complète et équilibrée répond véritablement à la problématique de l’engrillagement sauvage que subit notre territoire. C’est la raison pour laquelle les membres du groupe Les Républicains, qui, je le rappelle, soutient la chasse, voteront ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

Mme le président. La parole est à M. Daniel Salmon.

M. Daniel Salmon. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, tout d’abord, je me félicite que cette proposition de loi de notre collègue Jean-Noël Cardoux soit inscrite à l’ordre du jour, car elle vise à remédier à un phénomène de plus en plus prégnant.

Je remercie également notre rapporteur, Laurent Somon, qui a mené un travail constructif. Par ses amendements, il a su introduire des évolutions utiles et appropriées visant à mieux encadrer l’engrillagement des forêts françaises.

Initialement constaté en Sologne, cet engrillagement apparaît aujourd’hui en Picardie, dans les Landes ou encore en Normandie. Il crée en marge des règles communes des sortes de zones franches, dont le nombre a fortement augmenté au cours des dernières années.

Ce phénomène est souvent l’expression d’une défiance des propriétaires envers les usagers de la nature. Il traduit aussi, bien entendu, la volonté de créer des zones de chasse exonérées de la législation applicable en la matière.

Sur le fond – on le sait –, ces clôtures sont lourdes de conséquences négatives pour la faune. Elles empêchent la libre circulation des animaux et entraînent une surpopulation artificielle de gibier, laquelle provoque des problèmes sanitaires et des effets négatifs pour tout l’écosystème. En effet, la flore subit, elle aussi, des répercussions notables : on observe notamment l’appauvrissement de la régénération forestière.

La gestion des incendies est également mise à mal. Aujourd’hui, les feux de forêt ne sont plus réservés au sud de la France : ils peuvent se déclarer partout dans notre pays. Or les enclos rendent certaines parcelles inaccessibles aux pompiers.

L’interdiction d’ériger des clôtures est donc une mesure salutaire. Elle permettra d’agir sur les continuités écologiques, sur le déplacement des espèces et sur la qualité des paysages.

La commission a proposé, pour sa part, de garantir la circulation de la faune en bas de clôture en y laissant un espace libre de trente centimètres au-dessus du sol. Il s’agit là d’une disposition essentielle, dont je me félicite.

Le délai proposé pour la mise en conformité fait l’objet d’un amendement du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. Nous proposons plus précisément de le réduire de sept ans à cinq ans. Selon nous, les dispositions du présent texte doivent être appliquées rapidement, de façon à démontrer une véritable volonté d’agir, et cinq années semblent un délai tout à fait raisonnable.

Le rapport gouvernemental intitulé LEngrillagement en Sologne : synthèse des effets et propositions, remis par le Conseil général de l’environnement et du développement durable, préconisait d’aller plus loin que la proposition de loi dont nous débattons aujourd’hui. Malheureusement, deux dispositions qui me semblent importantes ont été exclues du texte.

Le premier point concerne la chasse en enclos. Jusqu’à récemment, cette pratique était méconnue, mais elle n’est pas pour autant anecdotique : elle concerne environ 1 300 parcs et enclos, qui détiennent au total 50 000 à 100 000 animaux – il s’agit, en majorité, de cerfs, de chevreuils, de mouflons et de daims.

Ces espaces clos quadrillés de miradors, de points d’eau et de points de nourrissage permettent une sorte de safari à l’encontre d’animaux issus d’élevage, souvent importés de Pologne ou de Hongrie. Cela pose des questions d’éthique de la chasse, même les chasseurs en conviennent. Et je ne reviens pas sur l’importation d’espèces exogènes, lesquelles, en s’échappant, peuvent s’hybrider avec des espèces locales et entraîner une pollution génétique.

Le second point concerne la pratique dite « de l’agrainage et de l’affouragement », qui n’est malheureusement pas abordée dans ce texte. Cette pratique en enclos ressemble comme deux gouttes d’eau à de l’élevage.

Hors enclos, elle révèle une contradiction avérée. Le nourrissage participe de l’explosion démographique des populations de grand gibier. Cette prolifération entretenue justifie par la suite la chasse de ces animaux, qualifiés de nuisibles.

Permettez-moi d’illustrer la situation. Dans mon département d’Ille-et-Vilaine, alors que 450 sangliers environ avaient été prélevés en 2000, ce chiffre s’est élevé à 4 350 en 2020. Reconnaissons-le, une telle prolifération est surprenante. Si le nourrissage n’en est pas l’unique raison, il y participe.

Aussi, afin de compléter le texte de cette proposition de loi, j’ai déposé deux amendements visant à interdire purement et simplement la pratique des chasses en enclos, ainsi que l’agrainage et l’affouragement. Ce débat ne peut être éludé dans le cadre de nos discussions.

Nous attendons également beaucoup des décrets en cours de consultation et de publication. Madame la secrétaire d’État, vous nous avez en partie rassurés, mais nous attendons des dates précises, car l’horloge tourne, vous le savez aussi bien que moi.

Le groupe écologiste votera ce texte, car il marque des avancées non négligeables en faveur de la protection de la biodiversité et des paysages. Toutefois, il mériterait d’être complété. (Applaudissements au banc des commissions.)

Mme le président. La parole est à M. Fabien Gay.

M. Fabien Gay. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, si le phénomène d’engrillagement, qui concerne essentiellement la Sologne, n’est pas nouveau, il s’observe aujourd’hui en Bretagne, dans l’Allier, en Picardie ou encore dans les Landes. On parle désormais de « solognisation » de tout le territoire.

Or cette pratique fait obstacle aux continuités écologiques, pose des problèmes de sécurité incendie et de sécurité sanitaire, empêche la libre circulation de la faune, cantonne les populations de gibier à l’intérieur des domaines, interdit la promenade et nuit au développement du tourisme rural.

L’effet environnemental direct des clôtures, c’est-à-dire l’effet le plus notoire sur l’environnement, s’exerce sur les possibilités de déplacements des grands animaux sauvages. L’engrillagement favorise leur densité, induisant du piétinement, limitant l’apport de nutriments aux sols et accroissant de fait la dégradation du couvert forestier et la prédation directe de nombreuses espèces.

Pis, comme le souligne le rapport de la mission d’information sur l’engrillagement en Sologne, « il s’agit d’une appropriation renforcée de l’espace et un frein à l’exercice de la police de l’environnement, par une déviance du droit des enclos créant des zones de non-droit, où la gestion “cynégétique” est littéralement aberrante ».

Le rapport mentionne même des installations de miradors et postes de tir mettant en danger les usagers des voies publiques. C’est pourquoi l’apparition d’un nouveau type de clôtures, qui ne servait plus à tenir le bétail à l’écart des parcelles cultivées, a suscité une levée de boucliers de la part de nombreux élus, mais aussi des riverains chasseurs et non-chasseurs.

En effet, l’engrillagement permet la pratique d’une chasse qui, au fond, n’en est plus une. Qui est plus est, elle est réservée à une élite, ce qui nous rappelle que cette activité n’est pas homogène : elle est en réalité clivée socialement et surtout soumise à une réglementation variable selon les types de chasses et de chasseurs.

Pour nous, la chasse en enclos contrevient au principe même d’une chasse populaire, acquis de la République, héritière de la Révolution.

L’engrillagement de territoires où les animaux sont, de fait, parqués rompt un équilibre fragile, une certaine équité entre l’homme et la nature et le principe même de la chasse. C’est pourquoi cette proposition de loi est bienvenue.

En outre, ces barrières entraînent des risques sanitaires, de surdensité et de maîtrise des populations et interrogent sur l’égalité d’application du droit de la chasse, ainsi que sur la légalité de certaines pratiques.

Certes, le texte aurait pu aller plus loin et interdire la chasse dans les enclos hermétiques, à l’exemple de ce qu’a fait la Wallonie, afin de favoriser une chasse durable, qui respecte la fonctionnalité des écosystèmes, la prise en compte des impératifs biologiques des espèces, qu’il s’agisse de reproduction, de nutrition ou de déplacement, et qui tienne compte du fait que la chasse doit se dérouler en espace naturel.

Toutefois, ce texte vise à étendre le droit commun de la chasse à l’ensemble des territoires sur lesquels la chasse est pratiquée et à renforcer l’accès aux enclos cynégétiques à des fins de contrôles.

De plus, le texte de la commission prévoit des sanctions en l’absence de mise en conformité ou en cas d’érection de nouvelles clôtures, qui seront punies de trois ans de prison et de 150 000 euros d’amende.

Enfin, la commission a précisé le texte pour garantir que ces clôtures ménagent le passage de la faune au sol et ne blessent pas ou ne piègent pas le gibier, tout en permettant la protection des cultures et les régénérations forestières – la liste n’est pas exhaustive.

C’est pourquoi nous voterons en faveur de cette proposition de loi. (Applaudissements au banc des commissions.)

Mme le président. La parole est à M. Jean-Paul Prince.

M. Jean-Paul Prince. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à remercier notre collègue Jean-Noël Cardoux pour le dépôt et l’inscription de cette proposition de loi à l’ordre du jour du Sénat. Son contenu et ses objectifs sont importants et attendus dans les territoires concernés, j’y reviendrai.

Ce texte témoigne d’un travail long et minutieux de notre collègue, également président du groupe d’études Chasse et pêche de notre Haute Assemblée, avec qui j’ai plaisir à travailler. Je félicite également le rapporteur du texte, Laurent Somon, qui a su s’emparer du sujet, faire évoluer le texte pour le rendre encore plus complet et lui donner une dimension qui, je l’espère, convaincra aussi les députés, qui se sont récemment inquiétés de la même problématique.

L’engrillagement des espaces naturels est un phénomène déjà ancien. Il existe depuis plus de cinquante ans dans ma commune, mais il a tendance à s’accentuer et à contaminer, si j’ose dise, une part de plus en plus importante de notre territoire.

La Sologne, souvent prise en exemple, est malheureusement caractéristique de ce phénomène, surtout depuis une dizaine d’années, au cours desquelles se sont développées les propriétés d’au moins 1 000 hectares. Comme d’autres ici, je la connais bien, puisque j’y suis né.

Depuis près de trente ans, le développement de l’engrillagement y est dénoncé. Déjà, en 1991, le syndicat mixte de la Sologne, dont j’étais vice-président, pointait du doigt le fait que les clôtures « constituaient un problème pour la circulation du grand gibier, enlaidissaient le paysage, nuisaient à l’image de la Sologne et à son développement touristique et détérioraient la qualité cynégétique des populations ».

Aujourd’hui, on compte près de 4 000 kilomètres de grillage en Sologne : c’est plus que le nombre de kilomètres de routes départementales dans mon département du Loir-et-Cher !

En conséquence, les acteurs de terrain, en particulier le Pays de Grande Sologne, ont lancé en 2011 une concertation, laquelle a conduit au rapport d’Yves Froissart. Ce dernier a pu alimenter l’étude menée à la mi-2019 par le Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux et par le Conseil général de l’environnement et du développement durable, en appui au préfet de la région Centre-Val de Loire. Comme Jean-Noël Cardoux, j’ai pu témoigner lors de la réalisation de ces travaux.

Les constats dressés, comme les propositions formulées, ont été essentiels pour la prise de conscience générale autour de ce problème. Ils ont aussi permis d’alimenter la proposition de loi qui nous est aujourd’hui soumise. Les mesures énoncées dans ce rapport, ainsi que celles qui sont reprises dans la proposition de loi, balaient l’ensemble des sujets, ce qui était nécessaire.

En effet, nous avons besoin d’une réponse complète, claire et de bon niveau, si nous voulons éviter une course à l’engrillagement avant la date de mise en œuvre des limitations et interdictions contenues dans le texte.

Le développement de l’engrillagement est l’un des symboles de l’évolution de la ruralité dans notre pays, mais aussi de l’accroissement d’une forme d’égoïsme dans notre société. Il caractérise non seulement une défense excessive du droit de propriété et un manque de respect des terrains d’autrui, mais aussi une perte de la culture rurale et cynégétique, ainsi qu’une atteinte à la biodiversité.

Notre rapporteur souligne également une forme de dislocation des relations sociales traditionnelles dans les campagnes. L’engrillagement est donc l’une des expressions de cette perte du vivre-ensemble.

Malheureusement, il a d’autres conséquences plus palpables et contre lesquelles il faut lutter.

Les constats réalisés par la mission de Michel Reffay et de Dominique Stevens sont clairs : une fermeture de l’espace qui dégrade la qualité paysagère, la valeur patrimoniale et la fonctionnalité de toute la Sologne et nuit à son image et à sa perception par la société ; une appropriation renforcée de l’espace et un frein à l’exercice de la police de l’environnement, par une déviance du droit des enclos créant des zones de non-droit où la gestion « cynégétique » est aberrante ; un risque sanitaire lié à l’introduction d’animaux, au cloisonnement des populations, à la fragmentation des habitats, à la surpopulation manifeste de certains enclos et parcs, sans contrôle vétérinaire ; une entrave à la libre circulation des grands animaux sauvages, avec des conséquences sur les populations animales, les types de chasse pratiqués et, indirectement, les habitats naturels ; des problèmes de sécurité routière induits par la canalisation des grands animaux du fait des clôtures, avec une suraccidentalité ; des dégâts dus au gibier concentré sur les propriétés non closes ; une mise en péril de l’état forestier en présence de surpopulation de suidés et cervidés ; enfin, des installations de miradors et postes de tir mettant en danger les usagers des voies publiques.

La proposition de loi visant à limiter l’engrillagement des espaces naturels et à protéger la propriété privée que nous examinons tend à poser des règles pour mettre fin à ces difficultés, avec pour conséquence l’amélioration de la sécurité incendie, la protection de la sécurité sanitaire, l’arrêt de la destruction de la faune et de la flore, ainsi que le développement du tourisme rural.

Les différentes mesures proposées sont globales et vont dans la bonne direction : l’interdiction des clôtures ne laissant pas passer la faune et n’utilisant pas des matériaux naturels est au cœur de ce texte. Il s’agit finalement de redonner de l’air à nos campagnes et à nos forêts, sans priver les propriétaires de leur bien.

Je proposerai d’ailleurs, par voie d’amendement, d’aller encore un peu plus loin en interdisant les merlons de terre longeant nos routes. Ces derniers sont apparus voilà quelques années, derrière les grillages. Ils sont longs de plusieurs kilomètres et hauts de deux mètres ; des lignes de tir permettent de tirer vers la route ! Après quelques années, la végétation envahit ces merlons, et l’on n’y voit plus rien.

Malgré l’avis défavorable émis par la commission, j’espère que mon amendement sera adopté, le sujet étant d’importance. En effet, ces merlons ont les mêmes conséquences néfastes pour la faune, pour le patrimoine naturel et pour le paysage que les clôtures que nous interdisons.

L’abaissement des clôtures postérieures à 2005 permet de contourner le phénomène d’opportunité, que l’on a pu constater, visant à engrillager rapidement, par peur de la nouvelle réglementation. Les exceptions prévues et recalibrées par le rapporteur étaient aussi importantes.

Les mesures d’accompagnement que sont l’utilisation de l’écocontribution pour financer les continuités écologiques, le délai de mise en conformité de sept ans et la contravention de violation de propriété permettent d’équilibrer le texte et les mesures d’interdiction précédentes. Ces compensations doivent créer les conditions d’acceptabilité de ce texte pour les propriétaires.

Enfin, les apports de la commission des affaires économiques concernant les contrôles de l’intérieur des enclos par les agents de l’OFB, l’Office français de la biodiversité, et des clôtures par les agents assermentés des fédérations me semblent également aller dans le bon sens.

En conclusion, vous l’aurez compris, je soutiens pleinement le texte de cette proposition de loi, et le groupe Union Centriste votera en sa faveur. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, RDSE et RDPI, ainsi quau banc des commissions.)

Mme le président. La parole est à M. Christian Bilhac.

M. Christian Bilhac. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, après avoir rappelé que la gestion durable du patrimoine faunique et de ses habitats relève de l’intérêt général, l’article L. 420-1 du code de l’environnement prévoit que « les chasseurs contribuent au maintien, à la restauration et à la gestion équilibrée des écosystèmes en vue de la préservation de la biodiversité ».

Or une pratique de la chasse contraire à ces principes se répand et s’aggrave ces dernières années : des milliers de kilomètres de clôtures sont érigés dans les milieux naturels, empêchant la libre circulation des animaux sauvages et méconnaissant les dispositions relatives à la continuité écologique. En Sologne, le territoire se trouve morcelé, en pleine zone Natura 2000, la plus importante par sa taille au niveau européen, et l’attractivité du territoire s’en voit affectée.

Dans certains domaines privés de chasse, on trouve des animaux provenant d’élevages à forte concentration. Il n’y a donc plus, pour le chasseur, de recherche du gibier, plus d’acte de chasse à proprement parler.

Le président de la Fédération nationale des chasseurs a même évoqué le massacre de 300 sangliers et cervidés en trois heures dans un enclos. Je suis chasseur, mais je ne me retrouve pas dans ces pratiques. Ce carnage va à l’encontre non seulement de toute éthique, mais aussi de la gestion adaptative des espèces, ce qui entrave le brassage génétique des populations.

Une telle situation est encouragée par un droit de la chasse dérogatoire qui s’applique dans les enclos cynégétiques, permettant de chasser le gibier à poil sans limitation du nombre de prélèvements et à tous moments.

S’il est légitime d’ériger des clôtures autour d’une habitation pour protéger la propriété privée, l’extension du « privilège de l’enclos » sur des terrains de plus en plus vastes, qui bénéficie aux chasses commerciales, est inacceptable. Il s’agit d’une forme de confiscation des animaux sauvages, res nullius, lesquels, par essence, n’appartiennent à personne.

Le législateur ne peut pas fermer les yeux sur ce massacre de la faune et du paysage. Pour quelles raisons ces enclos, qui mettent en péril la faune, devraient-ils bénéficier d’un droit supérieur à celui des autres chasseurs ? Outre cette inégalité de traitement, l’éthique de la chasse en prend un coup.

Aussi, je salue l’initiative de notre collègue Jean-Noël Cardoux et, surtout, la concertation menée en Sologne, qui a révélé la volonté de la très grande majorité des acteurs de mettre fin à l’engrillagement.

Avec son Sraddet, son schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires, le Centre-Val de Loire a tenté, en 2018, de faire cesser ce développement anarchique, en encadrant la hauteur et les caractéristiques des clôtures. Si cela peut contribuer à freiner l’apparition de nouvelles clôtures, celles qui existent et le « privilège de l’enclos » ne peuvent être remises en cause sans une modification de la loi.

Certains proposent d’aller plus loin et d’interdire toute chasse en enclos. Pourquoi pas ? Toutefois, le texte qui nous est proposé permet déjà d’assurer la régression de l’engrillagement.

Les motifs d’intérêt général justifient que l’on puisse revenir sur des situations déjà constituées, avec une rétroactivité de la loi limitée et proportionnée. L’article 4 du texte permet d’accompagner financièrement le remplacement des clôtures par des haies.

Les enclos antérieurs au 23 février 2005 auraient pu être concernés par la mise en conformité à des normes les rendant compatibles avec la protection de l’environnement et des paysages. Néanmoins, dans un premier temps, la démarche de l’auteur de la proposition de loi me semble aller dans le sens d’une meilleure sécurité juridique. À ce stade, il est préférable d’éviter tout risque d’inconstitutionnalité. Surtout, nous pourrons ainsi avancer sur ce sujet dans un climat apaisé.

Nous avons connaissance d’initiatives parlementaires concurrentes à l’Assemblée nationale, et j’invite nos collègues députés à se saisir de ce texte sans attendre, afin que ces mesures puissent s’appliquer au plus vite. En effet, un délai de sept ans est d’ores et déjà prévu pour la mise en conformité.

J’avais déposé un amendement visant à limiter ce délai à cinq ans. Je vous l’annonce, mes chers collègues, je le retirerai, parce que j’ai compris que le fragile équilibre issu de la négociation ne doit pas être remis en cause. Permettez-moi néanmoins de former un vœu : que ce délai de sept années soit remplacé par la date butoir de 2029, afin d’éviter que les changements visés ne s’étalent sur dix ans.

Le groupe du RDSE votera bien sûr ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE, RDPI, UC et Les Républicains.)

Mme le président. La parole est à M. Laurent Burgoa. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Laurent Burgoa. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, l’objectif de cette proposition de loi est clair : faire face au développement inquiétant des clôtures grillagées en forêt, tout en protégeant mieux la propriété privée.

Trop souvent, cet engrillagement résulte de la création d’enclos de chasse, qui constituent un frein à la circulation de la faune sauvage. C’est assez simple à comprendre : si vous empêchez le gibier de sortir d’un espace, vous l’empêchez également d’y entrer, donc de s’y alimenter et de s’y reproduire.

Nous connaissions la problématique de l’artificialisation des sols, nous devons désormais prendre note du développement croissant de cet engrillagement.

On pourrait me rétorquer que ces enclos sont rarement efficaces à 100 % et qu’ils ont très souvent des failles qui permettent, du moins à certaines espèces, de circuler. Or une telle situation est tout aussi inquiétante ! En effet, des lâchers ont lieu au sein de ces enclos. Dans l’hypothèse que je viens d’évoquer, ils pourraient provoquer une prolifération excessive de certaines espèces. Or, n’en déplaise à certains, nous avons un réel besoin de régulation.

Notons par ailleurs que ces parcs de chasse à caractère commercial ne participent pas aux remboursements des dégâts causés aux agriculteurs. Le développement de cette activité, au détriment des fédérations de chasse, pourrait nuire à ce budget si important pour nos cultivateurs, mais aussi pour les chasseurs attachés à préserver le sens même de leur passion, à savoir la régulation.

Notons aussi que ces parcs bénéficient aujourd’hui d’une exemption de plan de chasse. En effet, ils peuvent ne pas respecter les dates d’ouverture et de fermeture, ce qui ne correspond pas à l’idée que je me fais de cette pratique, qui doit rester populaire et connectée à son environnement.

Vous l’aurez compris, je salue ici la volonté du texte de supprimer ces dérogations, afin de garantir une chasse responsable.

Enfin, il arrive cependant que cet engrillagement soit une réponse au non-respect de la propriété privée. En effet, certains néoruraux oublient qu’un espace forestier peut être une propriété privée et qu’il n’existe pas un droit à s’y promener en dehors des chemins ruraux.

On observait autrefois une large tolérance. Hélas, de plus en plus de tensions naissent. Le développement de certaines pratiques, comme le quad ou le passage répété de vététistes, nuit aux différentes espèces et aux plantations, dégradant la propriété elle-même.

Cette proposition de loi entend rappeler que le droit de propriété a valeur constitutionnelle. Elle crée ainsi une amende de 1 500 euros pour le fait de pénétrer sans autorisation dans une propriété rurale ou forestière.

Il est important de le rappeler, mes chers collègues, car ces clôtures, lorsqu’elles sont installées par des particuliers, le sont non pas par plaisir, mais par nécessité. Elles ont un coût important, dénaturent souvent les paysages et, surtout, peuvent freiner l’avancée des pompiers en cas de feu de forêt. Je pense ici bien sûr à mon département du Gard, mais aussi aux autres départements du sud de la France.

De fait, je crois utile de le préciser, pour ce qui concerne les clôtures existantes, les propriétaires auront sept ans pour se mettre en conformité avec les dispositions du texte. Les clôtures d’intérêt public, par exemple autour des chemins de fer et des aéroports, ou encore les clôtures agricoles, resteront autorisées.

Précisons également que l’écocontribution pourra être utilisée pour effacer les clôtures et les remplacer par des haies.

Cette proposition de loi est donc un juste équilibre entre préservation de la continuité écologique et respect du droit de propriété, lequel est parfois méconnu, avec une confusion entre droit à proprement parler et tolérance. Au travers de ce texte, nous faisons toute la lumière sur cette notion, ce qui ne semble pas inutile, afin d’apaiser certaines relations dans le monde rural.

Je tiens à saluer ici le travail de notre collègue rapporteur, Laurent Somon, qui a su préserver un consensus, tout en apportant des précisions utiles, afin de nous assurer la bonne application du texte.

Enfin, je veux remercier chaleureusement notre collègue Jean-Noël Cardoux d’avoir pris à bras-le-corps cette problématique et d’avoir su conjuguer mesure, sens de l’écoute et détermination.

Mes chers collègues, c’est donc sans hésitation que je voterai, ainsi que les autres membres du groupe Les Républicains, en faveur de ce texte. Vous le savez, notre groupe est favorable à la chasse et à son éthique. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

Mme le président. La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

proposition de loi visant à limiter l’engrillagement des espaces naturels et à protéger la propriété privée

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi visant à limiter l'engrillagement des espaces naturels et à protéger la propriété privée
Article 1er bis (nouveau)

Article 1er

Le code de l’environnement est ainsi modifié :

1° Le 2° du II de l’article L. 371-1 est complété par six phrases ainsi rédigées : « Hors celles posées autour des parcelles agricoles ou nécessaires à la protection des régénérations forestières ou d’intérêt public, les clôtures implantées dans ces espaces naturels permettent en tout temps la libre circulation des animaux sauvages. Elles sont posées 30 centimètres au-dessus de la surface du sol, leur hauteur est limitée à 1,20 mètre et elles ne peuvent être ni vulnérantes ni constituer des pièges pour la faune. Ces clôtures sont en matériaux naturels ou traditionnels tels que définis par le schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires prévu à l’article L. 4251-1 du code général des collectivités territoriales ou du plan d’aménagement et de développement durable de la Corse prévu aux articles L. 4424-9 à L. 4424-15-1 du même code, ou du schéma d’aménagement régional pour la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique, Mayotte et La Réunion prévu à l’article L. 4433-7 dudit code ou du schéma directeur de la région Île-de-France prévu à l’article L. 123-1 du code de l’urbanisme. Les clôtures existantes au 1er janvier 2021 sont mises en conformité au cours des sept années suivant la publication de la loi n° … du … visant à limiter l’engrillagement des espaces naturels et à protéger la propriété privée. Ces dispositions ne s’appliquent pas aux clôtures réalisées avant la date de publication de la loi n° 2005-157 du 23 février 2005 relative au développement des territoires ruraux. Il appartient au propriétaire d’apporter par tous moyens la preuve de l’antériorité de la construction de la clôture avant la date de publication de la même loi, y compris par une attestation administrative ; »

2° Avant le dernier alinéa de l’article L. 371-2, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :

« À l’exception des clôtures posées autour des parcelles agricoles ou nécessaires à la protection des régénérations forestières ou d’intérêt public et afin d’assurer le maintien, ou la remise en bon état, des continuités écologiques, l’implantation des clôtures dans le milieu naturel est soumise à déclaration, sous réserve que leur hauteur soit inférieure ou égale à 1,20 mètre, qu’elles soient posées 30 centimètres au-dessus de la surface du sol et qu’elles ne soient ni vulnérantes ni qu’elles constituent des pièges pour la faune. Ces clôtures sont édifiées avec des matériaux naturels ou traditionnels tels que prévus par le schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires prévu à l’article L. 4251-1 du code général des collectivités territoriales.

« Par ailleurs, les habitations situées en milieu naturel peuvent être entourées d’une clôture étanche, édifiée à moins de 150 mètres des limites de l’habitation. » ;

3° L’article L. 371-3 est ainsi modifié :

a) Le II est complété par une phrase ainsi rédigée : « Il veille à la limitation de l’implantation de clôtures portant atteinte au bon état des continuités écologiques, à l’exception de celles posées autour des parcelles agricoles ou nécessaires à la protection des régénérations forestières ou d’intérêt public. » ;

b) Le d du III est complété par les mots : « notamment par la limitation de l’implantation de clôtures dans le milieu naturel » ;

4° (Supprimé)

Mme le président. L’amendement n° 6, présenté par Mme Schillinger, M. Buis, Mme Evrard et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, est ainsi libellé :

Alinéa 2, première phrase

1° Supprimer les mots :

2° du

2° Remplacer les mots :

six phrases ainsi rédigées

par les mots :

un alinéa ainsi rédigé

3° Remplacer les mots :

ces espaces naturels

par les mots :

une trame verte

La parole est à M. Bernard Buis.

M. Bernard Buis. Cet amendement a pour objet d’étendre la mise en conformité des clôtures à l’ensemble des espaces compris dans la trame verte, et non pas uniquement aux seuls corridors écologiques.

Cet amendement est conforme à notre politique en faveur de la préservation de la biodiversité visant à maintenir et à remettre en bon état les continuités écologiques.

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Laurent Somon, rapporteur. Mon cher collègue, vous proposez l’extension des prescriptions en matière de clôtures à la trame verte, qui est, je le rappelle, le réseau de continuité écologique constitué des réservoirs de biodiversité et des corridors qui les relient.

Cette disposition permet une attache juridique plus large pour ce qui concerne les trames vertes, ce qui paraît tout à fait pertinent. La commission y est donc favorable.

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Bérangère Abba, secrétaire dÉtat. Je serai également favorable à cette notion de continuité. Nous devons englober les espaces essentiels que sont les corridors écologiques – je pense également aux territoires situés le long de certains cours d’eau – dans toute la trame verte.

Le Gouvernement a donc émis un avis favorable sur cet amendement.

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 6.

(Lamendement est adopté.)

Mme le président. L’amendement n° 4, présenté par Mme Schillinger, M. Buis et Mme Evrard, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 2, première phrase

Remplacer les mots :

Hors celles posées autour des parcelles agricoles ou nécessaires à la protection des régénérations forestières ou d’

par les mots :

À l’exception des clôtures posées autour des parcelles agricoles, nécessaires à la protection des régénérations forestières, ainsi que des clôtures nécessaires à la défense nationale, à la sécurité publique ou à tout autre

II. – Alinéa 4, première phrase

Remplacer les mots :

ou nécessaires à la protection des régénérations forestières ou d’intérêt public

par les mots :

, nécessaires à la protection des régénérations forestières, ainsi que des clôtures nécessaires à la défense nationale, à la sécurité publique ou à tout autre intérêt public,

La parole est à M. Bernard Buis.

M. Bernard Buis. Le présent amendement de clarification vise à rendre prioritaires nos intérêts de défense nationale et de sécurité publique. Une telle dérogation nous semble nécessaire pour notre besoin de protection.

Mme le président. Le sous-amendement n° 19, présenté par M. Somon, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéas 5 et 10

Après les mots :

régénérations forestières

insérer les mots :

, des jardins ouverts au public

La parole est à M. le rapporteur, pour présenter ce sous-amendement et pour donner l’avis de la commission sur l’amendement n° 4.

M. Laurent Somon, rapporteur. Ce sous-amendement vise à introduire une exception autorisant les clôtures hautes pour les jardins ouverts au public. Ceux-ci, par exemple autour des demeures historiques, sont devenus des attractions touristiques attirant un grand nombre de visiteurs et nécessitant des investissements importants.

Si certains jardins sont déjà clos de murs, d’autres sont directement ouverts sur des forêts. Il s’agit donc de les préserver des dégâts de gibier, mais aussi de participer à l’essor économique de ces sites et à la valorisation du patrimoine.

La commission est donc favorable à l’amendement n° 4, sous réserve de l’adoption du sous-amendement n° 19.

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Bérangère Abba, secrétaire dÉtat. Nous devons préserver et exclure des dispositions du texte les clôtures nécessaires à la défense nationale et à la sécurité publique, ainsi que les clôtures des jardins ouverts au public.

Le Gouvernement est donc favorable à l’amendement n° 4, ainsi qu’au sous-amendement n° 19.

Mme le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 19.

(Le sous-amendement est adopté.)

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 4, modifié.

(Lamendement est adopté.)

Mme le président. Je suis saisie de deux amendements identiques.

L’amendement n° 8 est présenté par MM. Salmon, Labbé, Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme de Marco, M. Parigi et Mmes Poncet Monge, Taillé-Polian et M. Vogel.

L’amendement n° 13 rectifié est présenté par MM. Bilhac, Artano, Cabanel, Corbisez, Fialaire, Gold et Guérini, Mme Guillotin, M. Guiol, Mme Pantel et M. Requier.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 2, quatrième phrase

Remplacer le mot :

sept

par le mot :

cinq

La parole est à M. Daniel Salmon, pour présenter l’amendement n° 8.

M. Daniel Salmon. Donner du temps au temps finit par diluer la loi. On parle beaucoup, ces derniers temps, de « transition », mais cela ne veut pas dire remettre aux calendes grecques des décisions qui ne peuvent plus attendre et doivent être prises aujourd’hui…

Cinq ans, c’est amplement suffisant si la volonté d’appliquer la loi est au rendez-vous. Ne prévoyons pas des délais trop longs !

Mme le président. La parole est à M. Christian Bilhac, pour présenter l’amendement n° 13 rectifié.

M. Christian Bilhac. Comme je l’ai annoncé précédemment, je vais retirer cet amendement.

Je souhaiterais néanmoins que les sept ans ne se transforment pas en neuf ans. Je plaide donc pour que l’on retienne, sinon dans le texte, du moins « moralement », la date du 1er janvier 2029. Il s’agit d’éviter que, au bout du compte – supposons que la navette s’éternise à l’Assemblée nationale ou que les décrets d’application tardent à être pris –, les sept ans issus de la négociation ne deviennent neuf ans.

Je retire donc cet amendement, madame la présidente.

Mme le président. L’amendement n° 13 rectifié est retiré.

Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 8 ?

M. Laurent Somon, rapporteur. Il s’agit de réduire le délai de mise en conformité des clôtures postérieures à 2005 de sept ans à cinq ans.

La proposition de loi initiale fixait un délai de dix ans. À la suite des auditions, nous avons estimé que ce délai était trop long et nous l’avons réduit à sept ans, jugeant qu’il ne fallait négliger ni les délais d’application de la loi ni les coûts entraînés par la remise en cause de situations qui étaient légalement acquises depuis quinze ans.

On doit également prendre en considération l’impact d’une telle disposition sur les exploitations commerciales. Ce délai permettrait en outre, le cas échéant, le lissage de l’écocontribution, qui pourrait ainsi être mobilisée au service de la réfection des clôtures au fil du temps.

La commission émet donc un avis défavorable.

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Bérangère Abba, secrétaire dÉtat. Les débats ont été extrêmement riches. Nous avons veillé, vraiment, à prendre en compte les situations particulières qui pourraient se présenter et à prévoir un accompagnement de l’État, matériel, technique et financier pour la résorption de ces grillages. Le délai de cinq ans me semble donc tout à fait accessible et raisonnable.

Le Gouvernement émet par conséquent un avis favorable.

Mme le président. La parole est à M. Jean-Noël Cardoux, pour explication de vote.

M. Jean-Noël Cardoux. Je ne voterai pas cet amendement.

Comme je l’ai expliqué lors de la discussion générale, j’ai travaillé deux ans sur ce texte. Et un tel travail a nécessité de nombreux contacts, de nombreuses négociations et de nombreux engagements. Je vous prie de croire qu’il n’a pas été facile de faire avancer des gens qui étaient habitués à certaines pratiques…

Voilà pourquoi, au départ, nous avions estimé que ce délai de dix ans était raisonnable. La commission a réduit ce délai à sept ans, et j’ai pleinement adhéré à cette position ; descendre encore sous ce nouveau seuil serait manquer au respect des engagements que j’ai pris à l’égard de certaines chasses économiques.

J’ai indiqué dans mon propos liminaire que les chasses commerciales, bien gérées, étaient utiles à l’activité cynégétique : elles permettent à des gens qui n’ont accès à aucun territoire de chasse de chasser dans toute la France et elles représentent une manne touristique.

J’ai été, il fut un temps, expert-comptable ; les durées d’amortissement, je connais ! (Sourires.) J’avais prévu un délai de dix ans parce que, en général, on amortit un aménagement sur dix ans. Donner cinq ans à une exploitation pour qu’elle se mette aux normes, cela signifie, pour elle, d’importants coûts. Un tel délai me paraît donc hasardeux et risque de mettre en porte-à-faux un certain nombre d’exploitants.

Voilà pourquoi je préconise de maintenir le délai de sept ans. Je remercie notre collègue Bilhac, qui, ayant compris mes raisons, a retiré son amendement.

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 8.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme le président. L’amendement n° 5, présenté par Mme Schillinger, M. Buis, Mme Evrard et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Après la quatrième phrase :

Insérer une phrase ainsi rédigée :

Tout propriétaire procède à la mise en conformité de sa clôture dans des conditions qui ne portent pas atteinte à l’état sanitaire, aux équilibres écologiques, aux activités agricoles ou forestières du territoire.

La parole est à M. Bernard Buis.

M. Bernard Buis. Les sangliers et cervidés contenus dans les espaces clos à visée cynégétique sont souvent responsables de dégâts dans notre biodiversité et sur nos espaces agricoles.

Par cet amendement, nous demandons donc aux propriétaires de procéder à la mise en conformité de leurs clôtures en veillant spécifiquement à la protection des équilibres écologiques et des activités agricoles ou forestières du territoire concerné.

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Laurent Somon, rapporteur. Ce sujet a été largement évoqué. Il s’agit de préciser les conditions dans lesquelles le propriétaire doit procéder à la mise en conformité de ses clôtures.

Ces conditions visent notamment à prévenir les dégâts dont pourraient être responsables les sangliers et les cervidés précédemment contenus sur le territoire de sa propriété.

La commission émet donc un avis favorable.

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Bérangère Abba, secrétaire dÉtat. Nous avons entendu les inquiétudes du monde agricole, déjà largement touché par les dégâts de grand gibier.

Il nous semble nécessaire de prendre en compte les déséquilibres écologiques ou sanitaires qui pourraient être induits par les changements prévus par ce texte.

Le Gouvernement a donc émis un avis favorable sur cet amendement.

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 5.

(Lamendement est adopté.)

Mme le président. L’amendement n° 2 n’est pas soutenu.

L’amendement n° 9, présenté par MM. Salmon, Labbé, Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme de Marco, M. Parigi et Mmes Poncet Monge, Taillé-Polian et M. Vogel, est ainsi libellé :

Alinéa 2, dernière phrase

Supprimer les mots :

, y compris par une attestation administrative

La parole est à M. Daniel Salmon.

M. Daniel Salmon. Il me semble que rien ne garantit que l’attestation administrative se fonde sur des documents : elle peut requérir une simple déclaration sur l’honneur.

Or j’aimerais épargner aux maires des pressions supplémentaires. Nous estimons que le propriétaire doit apporter par lui-même des preuves d’antériorité en s’appuyant en priorité sur des documents d’urbanisme qu’il a en sa possession ou qu’il obtient à l’issue d’une recherche.

Je voudrais à tout le moins avoir la certitude que l’attestation administrative, loin d’être le fruit d’un simple échange entre le propriétaire et le maire délivrant cette attestation, s’appuie réellement sur des documents. À défaut, la validité même de l’attestation me paraîtrait bien légère.

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Laurent Somon, rapporteur. Il s’agit effectivement de supprimer la mention de l’attestation administrative.

Mon cher collègue, votre amendement vise à revenir sur cette précision introduite par la commission. Or il nous a semblé qu’il était nécessaire de préciser les voies de preuve.

De nos débats, il est ressorti que cette attestation pourrait certes être délivrée par les maires sur la base des déclarations préalables de travaux inscrites, dès qu’une clôture est réalisée, dans les registres de la mairie, mais qu’il serait aussi possible d’arguer du statut particulier, au regard du droit de la chasse, de ces territoires qui bénéficiaient, depuis la date de la construction de la clôture, de dérogations en matière de périodes de chasse, de plan de chasse et de participation à la réparation des dégâts de gibier.

Les associations de chasse auraient elles aussi, de ce fait, la faculté de prouver que telle ou telle clôture est antérieure à 2005.

La commission émet donc un avis défavorable.

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Bérangère Abba, secrétaire dÉtat. Inciter le propriétaire à rechercher la preuve de l’antériorité par ses propres moyens me semble primordial. Cela n’empêchera évidemment pas ledit propriétaire de se tourner vers l’autorité administrative en tant que de besoin.

Le Gouvernement émet donc un avis favorable.

Mme le président. La parole est à M. Jean-Noël Cardoux, pour explication de vote.

M. Jean-Noël Cardoux. Autorité administrative ne veut pas nécessairement dire maire !

Comme l’a justement fait observer M. le rapporteur, il existe une preuve très simple que les directions départementales des territoires ou les fédérations départementales des chasseurs pourront apporter.

En effet, ces territoires clos étaient jusqu’à présent dispensés de plan de chasse ; il suffit de récupérer les documents administratifs de l’époque pour savoir à partir de quelle date les enclos n’ont plus déposé de demande de plan de chasse. C’est là sans aucun doute une attestation administrative.

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 9.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme le président. L’amendement n° 12, présenté par M. Prince, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 2

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

La construction de murets en terre dépassant 50 centimètres de hauteur le long des voies communales, départementales ou nationales est interdite.

II. – Alinéa 4

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

La construction de murets en terre dépassant 50 centimètres de hauteur le long des voies communales, départementales ou nationales est interdite.

La parole est à M. Jean-Paul Prince.

M. Jean-Paul Prince. Comme je l’indiquais précédemment, cet amendement tend à interdire la construction de murets en terre ou de merlons de terre dépassant cinquante centimètres.

Sur le territoire de ma commune se trouve une propriété longée par des routes départementales. De grands merlons de terre de plus de deux mètres de haut, protégés par des épines, y sont installés depuis cinq ans. C’est complètement désastreux ! Et je sais que les lignes de tir sont orientées vers la route. De surcroît, on ne peut pas exclure qu’un grillage se trouve à l’intérieur du merlon, puisque tout est caché désormais.

Je serais donc ravi que mon amendement recueille un avis favorable ! (Sourires.)

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Laurent Somon, rapporteur. Je vous avoue, mon cher collègue, que nous sommes restés quelque peu dubitatifs devant les dispositions de votre amendement.

Il ne semble pas que ce type de muret de terre soit de nature à constituer un obstacle pour la faune. Quant à savoir si des clôtures se nichent derrière le muret, ce texte permettra justement un contrôle des agents de l’OFB, voire de ceux des fédérations de chasse.

Je crains également que cette disposition n’englobe les talus bretons et les talus normands, dont j’ai pu lire qu’ils étaient très intéressants du point de vue de la ressource en eau, en matière d’infiltration, de réduction du ruissellement et de lutte contre la pollution.

La commission émet donc un avis défavorable.

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Bérangère Abba, secrétaire dÉtat. Monsieur le sénateur Prince, tout en étant sensible, évidemment, à vos arguments, je ne vous cache pas que nous avons besoin d’expertiser cette question, la situation étant, semble-t-il, très disparate d’une région à l’autre.

Reste que les chasseurs n’ont pas à tirer vers des voies de circulation ; le problème que vous avez pointé devra être objectivé.

J’ai par ailleurs saisi la direction générale des infrastructures, des transports et de la mer de ce sujet, afin que nous y voyions plus clair. Si cela devait se révéler indispensable, nous agirions en ce sens, monsieur le sénateur.

En l’état, j’émets un avis défavorable sur cet amendement.

Mme le président. La parole est à M. François Patriat, pour explication de vote.

M. François Patriat. Je soutiendrai l’amendement de M. Prince.

Certes on sait qu’il existe, en Bretagne ou ailleurs, des talus dont la raison d’être, évidente, est écologique. Mais ceux qui construisent aujourd’hui des merlons en Sologne, par exemple, le font, en premier lieu, pour dissimuler en partie un engrillagement, et en second lieu pour permettre un tir sécurisé en direction des routes – j’ai pu moi-même le vérifier.

Des gens se sont essayés à construire des merlons, dans d’autres territoires, pour se protéger du bruit venant des autoroutes, par exemple ; pour l’avoir fait, ils ont été condamnés. Le long de l’A31, chez vous, madame la secrétaire d’État, des gens avaient construit des merlons. On les a fait démolir, avec astreintes et amendes à la clé.

Pour ce qui est du cas qui nous occupe, de surcroît, la construction de merlons dissimule une véritable atteinte à la qualité de l’environnement, compte tenu de la végétation anarchique qui pousse sur ces structures et dénature le milieu.

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 12.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme le président. L’amendement n° 15, présenté par M. Somon, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 2

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…° Le 3° du même II est complété par les mots : « du présent code » ;

La parole est à M. le rapporteur.

M. Laurent Somon, rapporteur. Je le retire, madame la présidente ; l’adoption de l’amendement n° 6 l’a rendu inutile.

Mme le président. L’amendement n° 15 est retiré.

L’amendement n° 3 rectifié bis, présenté par MM. Le Nay, Laugier, Levi, Mizzon, Henno, Longeot et P. Martin, Mme Férat, MM. Delcros, Kern et J.M. Arnaud, Mmes Billon, Gatel et Doineau et MM. Détraigne et Canévet, est ainsi libellé :

Alinéa 5

1° Remplacer les mots :

situées en milieu naturel peuvent être entourées

par les mots :

et les sièges d’exploitation d’activités agricoles ou forestières situés en milieu naturel peuvent être entourés

2° Compléter cet alinéa par les mots :

ou du siège de l’exploitation

La parole est à M. Jacques Le Nay.

M. Jacques Le Nay. Il s’agit d’un amendement de précision visant à tenir compte du fait que les sièges d’exploitation d’activités agricoles ou forestières sont de plus en plus dissociés des habitations, c’est-à-dire du lieu de résidence des exploitants.

La distance proposée – cent cinquante mètres – est adéquate pour permettre la sécurisation d’un périmètre suffisamment large comprenant les infrastructures, le matériel de production, d’élevage ou de transformation ou les entrepôts de livraison inhérents à l’activité agricole ou forestière.

L’ajout de la notion de siège d’exploitation est une précaution indispensable pour répondre aux exigences de sécurité en milieu naturel des personnes, des animaux et des biens.

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Laurent Somon, rapporteur. Il s’agit d’étendre aux sièges d’exploitation d’activités agricoles ou forestières situés en milieu naturel la possibilité d’être entouré d’une clôture hermétique, étant entendu que, aujourd’hui, ces activités sont le plus souvent localisées hors des zones urbanisées.

Cette possibilité d’une clôture étanche est reconnue par la PPL aux seuls domiciles, dans un rayon de cent cinquante mètres autour des murs de l’habitation. Il est effectivement de plus en plus fréquent que ces exploitations soient dissociées de l’habitation. Or nous souhaitons prendre en compte les réalités du monde rural, ce que font les auteurs de cet amendement pragmatique.

La commission émet donc un avis favorable.

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Bérangère Abba, secrétaire dÉtat. Je rejoins M. le sénateur Le Nay et M. le rapporteur sur cette nécessité d’exclure les sièges d’exploitation agricole ou forestière de nos dispositions.

J’émets donc également un avis favorable.

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 3 rectifié bis.

(Lamendement est adopté.)

Mme le président. L’amendement n° 16, présenté par M. Somon, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 5

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…° À la première phrase du dernier alinéa du même article L. 371-2, après le mot : « alinéa », sont insérés les mots : « du présent article » ;

La parole est à M. le rapporteur.

M. Laurent Somon, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel, madame la présidente.

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Bérangère Abba, secrétaire dÉtat. Favorable.

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 16.

(Lamendement est adopté.)

Mme le président. Je mets aux voix l’article 1er, modifié.

(Larticle 1er est adopté.)

Article 1er
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Article additionnel après l'article 1er bis - Amendement n° 11

Article 1er bis (nouveau)

L’article L. 424-3 du code de l’environnement est ainsi modifié :

1° Le I est ainsi rédigé :

« I. – Un terrain attenant à une habitation entouré d’une clôture continue et constante faisant obstacle à toute communication avec les héritages voisins et empêchant complètement le passage de ce gibier et celui de l’homme et antérieure au 23 février 2005 fait l’objet, dans des conditions définies par décret en Conseil d’État, d’un plan de gestion annuel contrôlé par la fédération départementale des chasseurs et garantissant la prévention de la diffusion des dangers sanitaires entre les espèces de gibier, les animaux domestiques et l’homme, ainsi que la préservation de la biodiversité et des continuités écologiques. » ;

2° La première phrase du premier alinéa du II est complétée par les mots : « ou clôturés dans les conditions prévues aux articles L. 371-1 à L. 371-3 du même code ».

Mme le président. Je suis saisie de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 10 rectifié, présenté par MM. Salmon, Labbé, Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme de Marco, M. Parigi et Mmes Poncet Monge, Taillé-Polian et M. Vogel, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 1, au début

Insérer la mention :

I. –

II. – Alinéa 3

Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :

« I. – L’enclos est défini comme toute possession attenante ou non à une habitation et entourée même très partiellement, d’une clôture continue et constante faisant obstacle à toute communication avec les héritages voisins et empêchant complètement le passage de la faune et celui de l’homme, sur tout ou partie du périmètre ou à l’intérieur de ladite possession. Toute action de chasse y est interdite.

« Sur leurs possessions à l’exception du domicile, les propriétaires, possesseurs ou leur ayant droit sont tenus d’en laisser l’accès, à tout moment, aux fonctionnaires et agents chargés des contrôles prévus à l’article L. 170-1 et aux officiers et agents mentionnés à l’article L. 172-1 du présent code. »

III. – Compléter cet article par trois paragraphes ainsi rédigés :

II. – Le 1° du I entre en vigueur à compter de la publication de la présente loi.

III. – À partir de la date mentionnée au II, la pratique de la chasse en enclos est sanctionnée par les peines prévues à l’article 521-1 du code pénal.

IV. – Un décret en Conseil d’État détermine les conditions d’application du présent article.

La parole est à M. Daniel Salmon.

M. Daniel Salmon. La chasse en enclos mérite-t-elle le terme de « chasse », s’agissant d’animaux qui n’ont pas de réelle échappatoire – pis, d’animaux souvent quasi domestiques, dont les conditions de vie sont parfois proches de l’élevage ? Il faut vraiment en finir avec ce qui peut s’apparenter à de petits – ou gros ! – carnages entre amis.

Cet amendement vise à interdire toutes les chasses en enclos, qu’elles soient ou non commerciales. Une telle disposition inciterait, de surcroît, au démontage des enclos antérieurs à 2005, sur lesquels nous n’avons guère de prise.

J’entends bien que notre définition de l’enclos est un peu lâche, ce qui, s’agissant d’enclos, peut paraître paradoxal… (Sourires.) Je maintiens néanmoins cet amendement, dont l’adoption serait véritablement un levier très important pour faire évoluer ces territoires.

Mme le président. L’amendement n° 14 rectifié, présenté par MM. Bilhac, Artano, Cabanel et Corbisez, Mme N. Delattre, MM. Fialaire, Gold et Guérini, Mme Guillotin, M. Guiol, Mme Pantel et M. Requier, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Remplacer les mots :

de ce gibier

par les mots :

du gibier à poil

La parole est à M. Christian Bilhac.

M. Christian Bilhac. Il s’agit d’un amendement rédactionnel visant à préciser qu’il est question uniquement du gibier à poil.

Mme le président. L’amendement n° 7 rectifié, présenté par Mme Schillinger, M. Buis, Mme Evrard et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, est ainsi libellé :

Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :

…° Il est ajouté un paragraphe ainsi rédigé :

« …. – Sur leurs possessions à l’exception du domicile, les propriétaires, possesseurs ou leur ayant droit sont tenus d’en laisser l’accès, à tout moment, aux fonctionnaires et agents chargés des contrôles prévus à l’article L. 170-1 et aux officiers et agents mentionnés à l’article L. 172-1 du présent code dès lors qu’ils exercent une activité soumise au présent titre. »

La parole est à M. Bernard Buis.

M. Bernard Buis. Les zones de non-droit ne sont pas forcément celles que l’on croit. Le manque de contrôle au sein de ces enclos fermés est particulièrement problématique. Il se révèle donc indispensable de renforcer les pouvoirs de la police de l’environnement.

En complément de l’article 1er ter adopté en commission, nous proposons de faciliter les contrôles mis en place par les fonctionnaires et agents chargés de cette mission, en leur permettant d’effectuer leurs inspections à tout moment.

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Laurent Somon, rapporteur. L’amendement n° 10 rectifié tend à modifier la définition de l’enclos de chasse, à étendre les prérogatives des agents de l’OFB et à interdire la chasse en enclos, soit trois objectifs différents.

Premièrement, il a pour objet de modifier la définition de l’enclos cynégétique. Il ne serait plus exigé que l’enclos, pour en être un, soit entièrement hermétiquement clos, mais seulement qu’il soit, « même très partiellement », entouré d’une clôture. On ne peut donc plus parler d’enclos, ce qui me paraît de nature à entraîner des confusions.

Deuxièmement, il vise à étendre les pouvoirs de l’OFB pour contrôler les enclos. Mais, dès lors que ceux-ci ne sont plus clos, ce n’est plus nécessaire. Par ailleurs, comme vous le savez, après consultation des administrations concernées, la commission a bien traité ce point en introduisant dans le texte l’article 1er ter, qui donne pouvoir à l’OFB de contrôler les enclos clos – pardonnez-moi ce pléonasme. Il n’est donc pas utile d’introduire une disposition supplémentaire qui, à son tour, serait facteur de confusion.

Troisièmement, sur la base d’une définition aussi large de l’enclos – « même très partiellement entouré d’une clôture » –, ce n’est pas la chasse en enclos qui serait interdite dans notre pays, mais toute chasse, pour ainsi dire !

La commission émet donc un avis défavorable.

En ce qui concerne l’amendement rédactionnel n° 14 rectifié, la commission a émis un avis favorable : il s’agit de préciser qu’il est question du seul gibier à poil.

Quant à l’amendement n° 7 rectifié, il a pour objet d’étendre les pouvoirs de l’OFB et d’instaurer des dérogations en faveur des enclos à caractère patrimonial et historique. Deux objectifs très différents, curieusement accolés, sont donc visés ici.

Il s’agit, premièrement, d’étendre les pouvoirs des agents de l’OFB dans les enclos à visée cynégétique, disposition inspirée d’une proposition du rapport de Dominique Stevens et Michel Reffay, qui figurait également dans l’amendement précédent.

Or, comme je viens de l’indiquer et comme il est d’ailleurs écrit dans l’exposé des motifs du présent amendement, ce point a été traité par la commission à l’article 1er ter, à la demande des administrations compétentes. À mon sens, aucun ajout n’est nécessaire.

Les auteurs de cet amendement proposent, deuxièmement, d’accorder des dérogations en matière de droit de chasse, sans préciser lesquelles, aux enclos historiques et patrimoniaux, donc, de fait, aux domaines nationaux. On peut s’interroger sur la finalité et la pertinence de telles dérogations accolées à la mesure précédente.

La volonté de la commission est au contraire que le droit de la chasse s’applique partout sans exception, qu’il s’agisse de dates de chasse, de dispense de plan de chasse ou de participation au paiement des dégâts, cette dernière charge incombant à l’ensemble des chasseurs.

Oserait-on un « faites ce que je dis, pas ce que je fais » ? Il est normal, tout de même, que les domaines historiques soient soumis à la réglementation commune !

La commission émet donc un avis défavorable.

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Bérangère Abba, secrétaire dÉtat. Pour ce qui est de l’amendement n° 10 rectifié, monsieur Salmon, sur le fond, vous connaissez ma position, car je l’ai clairement exprimée : je suis, de manière générale, opposée à la chasse en enclos.

Nous devons cependant – vous en convenez, me semble-t-il – affiner les impacts d’une telle mesure s’agissant d’une activité commerciale qui a cours en France de longue date.

M. Fabien Gay. Toujours les mêmes arguments : c’est comme pour le réchauffement climatique !

Mme Bérangère Abba, secrétaire dÉtat. J’ajoute que, à suivre votre rédaction, on appliquerait un traitement homogène à des pratiques différentes.

Vous rejoignant néanmoins sur le fond, c’est-à-dire sur la nécessité de mettre fin à de telles pratiques, j’émets un avis de sagesse sur cet amendement, compte tenu des fragilités de la rédaction proposée. Cela ne nous empêchera pas de poursuivre ces réflexions, dans le cadre de l’examen de cette proposition de loi, mais aussi via le décret « grand gibier » que je vous présenterai dans les semaines qui viennent, qui permettra de mettre en partie fin aux dérives.

J’émets un avis favorable sur l’amendement n° 14 rectifié : cette précision rédactionnelle relative au gibier à poil est la bienvenue.

Quant à l’amendement n° 7 rectifié, j’en demande le retrait : il me semble que ses dispositions, qui ont trait aux prérogatives de la police de l’environnement, sont déjà satisfaites.

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 10 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 14 rectifié.

(Lamendement est adopté.)

M. Bernard Buis. Je retire mon amendement, madame la présidente !

Mme le président. L’amendement n° 7 rectifié est retiré.

Je mets aux voix l’article 1er bis, modifié.

(Larticle 1er bis est adopté.)

Article 1er bis (nouveau)
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Article 1er ter (nouveau)

Après l’article 1er bis

Mme le président. L’amendement n° 11, présenté par MM. Salmon, Labbé, Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme de Marco, M. Parigi et Mmes Poncet Monge, Taillé-Polian et M. Vogel, est ainsi libellé :

Après l’article 1er bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article L. 425-5 du code de l’environnement est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa est ainsi rédigé :

« Art. L. 425-5. – L’agrainage et l’affouragement sont interdits en tout temps sur l’ensemble des territoires soumis à la chasse. » ;

2° La seconde phrase du second alinéa est supprimée.

La parole est à M. Daniel Salmon.

M. Daniel Salmon. Comment expliquer le nourrissage d’espèces invasives dont on peine à réguler les populations ? Nous sommes ici, pour une large partie, en plein syndrome du pompier pyromane, ce qui est d’ailleurs le meilleur moyen de cultiver les incompréhensions entre les chasseurs et les non-chasseurs.

Quelques rares exceptions pourraient être justifiées, mais les exceptions amènent trop souvent leur lot de dérives. Voilà pourquoi je propose une interdiction claire et nette, qui fera émerger, je n’en doute pas, d’autres solutions pour les quelques cas où l’agrainage et l’affouragement pourraient avoir un intérêt.

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Laurent Somon, rapporteur. Mon cher collègue, l’objet de cet amendement est d’interdire tout agrainage et tout affouragement sur l’ensemble des territoires de chasse.

Cette disposition paraît assez irréaliste et peu pragmatique au regard des besoins de protection des cultures et de l’importance des dégâts de grand gibier ici ou là, comme vous l’avez dit.

L’article L. 425-5 du code de l’environnement interdit déjà le nourrissage en vue de concentrer des sangliers sur un territoire et n’autorise que les opérations d’agrainage dissuasives en fonction des besoins locaux et dans le respect du schéma départemental de gestion cynégétique, auquel seront désormais soumis les différents enclos.

Comme vous le savez, la commission a clairement pris position, dans ce texte, contre l’artificialisation des milieux et adopté une sanction spécifique en cas de non-respect de ces règles, qui vont d’ailleurs s’appliquer à tous les enclos.

La commission émet donc un avis défavorable.

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Bérangère Abba, secrétaire dÉtat. Il peut effectivement sembler tout à fait contre-intuitif de laisser prospérer ce type de pratiques, eu égard à l’explosion au niveau national des pressions et des dégâts de grand gibier.

Cette réflexion a longuement animé les débats que nous avons eus avec la FNC, la Fédération nationale des chasseurs, et avec la profession agricole dans le cadre de la lutte contre les dégâts de gibier.

Je serai amenée à vous présenter très prochainement un important paquet de dispositions techniques que nous mettrons en œuvre en vue de mettre un véritable coup d’arrêt aux dégâts occasionnés par ces populations. Nous devons être aux côtés des agriculteurs face à ce qu’il faut bien appeler un désastre, vu les proportions prises par ce phénomène récemment.

Dans ce cadre, une large réflexion a bien eu lieu sur l’agrainage – à distinguer, évidemment, du nourrissage –, afin de préserver les professions agricoles.

En période de forte sensibilité des cultures, il nous est apparu nécessaire – c’est là l’un des aspects de l’équilibre que nous avons trouvé avec la profession agricole – de maintenir, aussi minimalement que possible, j’y insiste très clairement, une telle protection via un agrainage dit « dissuasif », qui restera extrêmement ponctuel.

J’ai également annoncé et mis en place une expérimentation d’interdiction totale de l’agrainage dans les aires protégées, dans les parcs nationaux notamment, en premier lieu dans le parc national de forêts. Là où nous interdisons définitivement cette pratique, nous prendrons soin, pendant cette période d’expérimentation, de dédommager intégralement les agriculteurs qui pourraient connaître – mais cela reste à observer – une augmentation des dégâts due à cet arrêt de l’agrainage.

Dans l’attente des résultats de cette expérimentation, j’émets un avis défavorable sur cet amendement.

Mme le président. La parole est à M. Jean-Noël Cardoux, pour explication de vote.

M. Jean-Noël Cardoux. Madame la secrétaire d’État, je me permets de rappeler que, voilà deux ou trois ans, à la demande du Premier ministre de l’époque, M. Philippe, Alain Perea et moi-même avions rédigé un rapport sur les dégâts de grand gibier.

Dans ce rapport, nous abordions évidemment le problème des pratiques culturales, celui de l’agrainage en particulier. C’est sur la base de ce rapport que, au moment de l’examen de la loi de 2019, j’avais pris l’initiative, en accord avec Mme Wargon, de présenter un amendement, adopté par le Sénat, visant à interdire le nourrissage en tas en vue d’attirer le gibier, mais à permettre un agrainage dissuasif, cette seconde mesure ayant vocation à venir au secours des agriculteurs en période de forte vulnérabilité des cultures.

L’agrainage en tas ne permet pas seulement de nourrir les animaux : il offre l’occasion à des chasseurs peu scrupuleux de se mettre à l’affût pour les tirer quand ils vont au tas. Personnellement, je n’approuve pas ces pratiques de chasse !

Toutefois, l’agrainage dissuasif, lui, est fait en épandage linéaire, sur de très longues distances ; on peut le faire à la main ou à l’aide de disperseurs attachés à l’arrière de véhicules. Chercher des grains ainsi dispersés, cela prend un certain temps, pendant lequel les animaux n’ont pas l’idée de saccager les cultures…

Je sais que des réflexions sont menées – vous nous l’avez dit –, mais je tenais à donner ces quelques explications quant à la genèse de cette disposition.

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 11.

(Lamendement nest pas adopté.)

Article additionnel après l'article 1er bis - Amendement n° 11
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Article 1er quater (nouveau)

Article 1er ter (nouveau)

À la première phrase du 1° du I de l’article L. 171-1 du code de l’environnement, les mots : « Aux espaces clos et » et les mots : « des domiciles ou de la partie » sont supprimés. – (Adopté.)

Article 1er ter (nouveau)
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Article 1er quinquies (nouveau)

Article 1er quater (nouveau)

Au 1° bis du I de l’article L. 424-8 du code de l’environnement, les mots : « en terrain clos, mentionnés au II de l’article » sont remplacés par les mots : « mentionnés au II de l’article L. 424-3 en terrain clos défini au I du même article ». – (Adopté.)

Article 1er quater (nouveau)
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Article 1er sexies (nouveau)

Article 1er quinquies (nouveau)

Le code de l’environnement est ainsi modifié :

1° Après le 5° de l’article L. 415-3, il est inséré un 6° ainsi rédigé :

« 6° Le fait d’implanter ou de ne pas mettre en conformité des clôtures dans les espaces naturels en violation des articles L. 371-1 à L. 371-3. » ;

2° Après l’article L. 428-15, il est inséré un article L. 428-15-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 428-15-1. – Le permis de chasser ou l’autorisation de chasser mentionnée à l’article L. 423-2 du titulaire du droit de chasser peut être suspendu par l’autorité judiciaire lorsqu’a été constatée l’une des infractions suivantes :

« 1° La non-conformité des clôtures implantées dans les espaces naturels ;

« 2° Le non-respect des règles d’agrainage et d’affouragement prévues à l’article L. 425-5. »

Mme le président. L’amendement n° 17, présenté par M. Somon, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 3

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…° À l’avant-dernier alinéa du même article L. 415-3, après la référence : « 2° », sont insérés les mots : « du présent article » ;

La parole est à M. le rapporteur.

M. Laurent Somon, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel, madame la présidente.

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Bérangère Abba, secrétaire dÉtat. Favorable.

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 17.

(Lamendement est adopté.)

Mme le président. Je mets aux voix l’article 1er quinquies, modifié.

(Larticle 1er quinquies est adopté.)

Article 1er quinquies (nouveau)
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Article 2

Article 1er sexies (nouveau)

Au dernier alinéa de l’article L. 428-21 du code de l’environnement, après le mot : « relatives », sont insérés les mots : « à la conformité des clôtures implantées dans les espaces naturels, au plan de gestion annuel des enclos, ».

Mme le président. L’amendement n° 18, présenté par M. Somon, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

…. - Le même dernier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « Ils disposent à cet effet des mêmes droits d’accès que ceux reconnus aux fonctionnaires et agents chargés de la police de l’environnement au 1° de l’article L. 171-1. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Laurent Somon, rapporteur. La proposition de loi modifiée par la commission prévoit que les agents de développement assermentés des fédérations de chasseurs pourront désormais constater par procès-verbaux les infractions relatives à la conformité des clôtures implantées dans les espaces naturels, ainsi que celles qui sont relatives au plan de gestion annuel des enclos.

L’objet de cet amendement est de tirer la conséquence de cette faculté qui est reconnue auxdits agents de développement, en ajoutant qu’ils disposent à cet effet des mêmes droits d’accès que ceux qui sont reconnus aux fonctionnaires et agents chargés de la police de l’environnement au 1° de l’article L. 171-1 du code de l’environnement.

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Bérangère Abba, secrétaire dÉtat. Je ne suis pas favorable à cet élargissement.

Il me semble que les agents de développement des fédérations de chasseurs disposent déjà de nouveaux droits, prévus à l’article 1er ter de cette proposition de loi. Il leur est donc déjà possible d’assurer les contrôles liés aux nouvelles dispositions de ce texte.

Je pense cependant important de limiter la possibilité de pénétrer chez autrui aux agents de l’OFB, compte tenu de leur statut de fonctionnaires et de leurs liens habituels avec les procureurs.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.

Mme le président. La parole est à M. Jean-Noël Cardoux, pour explication de vote.

M. Jean-Noël Cardoux. Si nous voulons que ce texte, dans l’hypothèse où il serait adopté, soit applicable, il faut que les agents puissent constater la conformité des régularisations qui interviendront.

Or je me suis ouvert récemment de ce problème auprès du directeur général de l’OFB, M. Dubreuil, qui m’a dit que les agents de l’Office, vu leurs sujétions, n’avaient plus le temps d’assumer toutes les tâches de vérification qui leur incombent. En particulier, certaines infractions ne peuvent plus être réprimées, comme la chasse sur autrui ou la non-exécution des plans de chasse.

Ce qui est proposé me paraît donc assez mesuré. Mon sentiment est aussi qu’une réflexion devra être menée, dans un avenir assez proche, pour réviser l’ensemble des compétences des agents de fédérations de chasseurs, dont le travail pourrait utilement compléter l’exercice de leurs missions par les agents de l’OFB.

Voilà pourquoi nous avons proposé cette rédaction : plus les agents constatateurs seront nombreux sur le terrain, plus il sera possible de faire respecter les grandes orientations que nous aurons votées.

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 18.

(Lamendement est adopté.)

Mme le président. Je mets aux voix l’article 1er sexies, modifié.

(Larticle 1er sexies est adopté.)

Article 1er sexies (nouveau)
Dossier législatif : proposition de loi visant à limiter l'engrillagement des espaces naturels et à protéger la propriété privée
Article 3

Article 2

Après l’article 226-4-2 du code pénal, il est inséré un article 226-4-3 ainsi rédigé :

« Art. 226-4-3. – Hors les mesures prévues pour la violation du domicile, pénétrer dans la propriété privée rurale ou forestière d’autrui sans autorisation, sauf les cas où la loi le permet, constitue une contravention de la 5e classe, compte non tenu du remboursement des dommages causés à cette propriété par cette intrusion. »

Mme le président. L’amendement n° 1 rectifié n’est pas soutenu.

Je mets aux voix l’article 2.

(Larticle 2 est adopté.)

Article 2
Dossier législatif : proposition de loi visant à limiter l'engrillagement des espaces naturels et à protéger la propriété privée
Article 4

Article 3

(Supprimé)

Article 3
Dossier législatif : proposition de loi visant à limiter l'engrillagement des espaces naturels et à protéger la propriété privée
Explications de vote sur l'ensemble (début)

Article 4

Le troisième alinéa de l’article L. 421-14 du code de l’environnement est complété par une phrase ainsi rédigée : « Ces actions peuvent contribuer à remplacer par des haies les clôtures non conformes aux articles L. 371-1 à L. 371-3 et celles antérieures au 23 février 2005. » – (Adopté.)

Vote sur l’ensemble

Article 4
Dossier législatif : proposition de loi visant à limiter l'engrillagement des espaces naturels et à protéger la propriété privée
Explications de vote sur l'ensemble (fin)

Mme le président. Personne ne demande la parole ?…

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble de la proposition de loi visant à limiter l’engrillagement des espaces naturels et à protéger la propriété privée.

(La proposition de loi est adoptée.) – (Applaudissements.)

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : proposition de loi visant à limiter l'engrillagement des espaces naturels et à protéger la propriété privée
 

4

Ordre du jour

Mme le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à demain, mardi 11 janvier 2022 :

À quatorze heures trente et le soir :

Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, renforçant les outils de gestion de la crise sanitaire et modifiant le code de la santé publique (texte de la commission n° 333, 2021-2022).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt et une heures.)

Pour la Directrice des comptes rendus du Sénat,

le Chef de publication

ÉTIENNE BOULENGER