Mme Sarah El Haïry, secrétaire dÉtat. Cet amendement vise à supprimer la restriction de communication des éléments d’identification des lanceurs d’alerte à l’autorité judiciaire.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Di Folco, rapporteur. La directive du 23 octobre 2019 protège strictement la confidentialité de l’identité des auteurs de signalement.

Elle prévoit que tout élément permettant d’identifier l’auteur d’un signalement ne peut être révélé qu’avec le consentement de celui-ci ou « lorsqu’il s’agit d’une obligation nécessaire et proportionnée imposée par le droit de l’Union ou le droit national dans le cadre d’enquêtes menées par les autorités nationales ou dans le cas de procédures judiciaires […] ».

Or le texte de l’Assemblée nationale autorisait la divulgation de l’identité de l’auteur du signalement à l’autorité judiciaire sans autre condition. Pour mieux protéger les lanceurs d’alerte et mieux nous conformer à la directive, la commission a prévu que cette exception ne s’appliquerait que lorsque les personnes chargées du recueil ou du traitement des signalements sont tenues de dénoncer les faits à l’autorité judiciaire.

L’avis est donc défavorable sur cet amendement du Gouvernement, tendant à revenir sur cette garantie imposée par le droit européen.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 80.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 4.

(Larticle 4 est adopté.)

Article 4
Dossier législatif : proposition de loi visant à améliorer la protection des lanceurs d'alerte
Article 4 bis (nouveau)

Après l’article 4

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 54, présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian, est ainsi libellé :

Après l’article 4

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article 2 de la loi n° 2013-316 du 16 avril 2013 relative à l’indépendance de l’expertise en matière de santé et d’environnement et à la protection des lanceurs d’alerte est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« …° Émet des recommandations générales sur les principes déontologiques propres à l’expertise scientifique et technique dans les domaines de la santé et de l’environnement, procède à leur diffusion et évalue les suites données à ses recommandations par les établissements publics d’expertise scientifique et technique dans les domaines de la santé et de l’environnement. Elle peut pour cela entendre confidentiellement les agents des établissements et organismes publics dans les domaines de la santé et de l’environnement. Elle traite les alertes qui lui sont transmises en matière de santé publique et d’environnement en application des dispositions du chapitre II de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique et transmet l’alerte au Défenseur des droits, en particulier si l’auteur du signalement indique un risque de représailles ou de discrimination. »

La parole est à Mme Mélanie Vogel.

Mme Mélanie Vogel. Les procédures d’alerte en matière de santé environnementale sont encore insuffisantes, malgré le travail salutaire effectué par la Commission nationale de la déontologie et des alertes en matière de santé publique et d’environnement (CNDASPE) – que vous connaissez toutes et tous ! –, qui est chargée de signaler les atteintes à la santé publique et à l’environnement.

Son rôle d’alerte recouvre plusieurs types de signalement : dénonciation d’activités illégales ou illicites, émission de signaux sur un danger ou sur un risque méconnu ou sous-estimé.

Le principe de précaution est encore trop souvent ignoré quand il s’agit de protection de la santé de nos concitoyens ou de l’environnement. Par exemple, l’exposition des populations à certaines substances de la pétrochimie a un impact direct sur la fertilité des individus et les pouvoirs publics réagissent souvent trop tard.

Les actions de régulation de nombreuses activités sont détournées par des secteurs économiques qui investissent la recherche et la production d’expertises pour amoindrir les preuves d’une éventuelle atteinte à la santé ou à l’environnement.

Face à ces risques, la CNDASPE ne détient cependant pas de prérogatives légales en la matière, ce qui fragilise son statut. Par cet amendement, nous proposons donc de renforcer celui-ci en permettant à la commission de recueillir directement les dépositions d’agents publics chargés de missions de régulation et d’expertise et de transmettre elle-même l’alerte au Défenseur des droits.

M. le président. L’amendement n° 71 rectifié, présenté par Mme Préville, est ainsi libellé :

Après l’article 4

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article 2 de la loi n° 2013-316 du 16 avril 2013 relative à l’indépendance de l’expertise en matière de santé et d’environnement et à la protection des lanceurs d’alerte est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« …° Émet des recommandations générales sur les principes déontologiques propres à l’expertise scientifique et technique dans les domaines de la santé et de l’environnement, procède à leur diffusion et évalue les suites données à ses recommandations par les établissements publics d’expertise scientifique et technique dans les domaines de la santé et de l’environnement. Elle peut pour cela entendre confidentiellement les agents des établissements et organismes publics dans les domaines de la santé et de l’environnement. Elle traite les alertes qui lui sont transmises en matière de santé publique et d’environnement en application des dispositions du titre II de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique et transmet l’alerte au Défenseur des droits, en particulier si l’auteur du signalement indique un risque de représailles ou de discrimination. »

La parole est à Mme Angèle Préville.

Mme Angèle Préville. L’alerte sanitaire et environnementale recouvre plusieurs types de signalements : la dénonciation d’activités illégales ou illicites et l’émission de signaux sur un danger ou un risque méconnu ou sous-estimé – souvent appelés « signaux faibles » –, qui nécessitent, le cas échéant, de prendre des mesures visant à en limiter les conséquences potentielles sans attendre d’avoir des certitudes, au nom du principe de précaution.

Instituée en 2013, la CNDASPE est devenue un acteur majeur de l’alerte environnementale, mais ne détient cependant pas de prérogative légale en la matière, ce qui fragilise son statut. Par cet amendement, nous proposons de renforcer celui-ci en offrant notamment à la commission la possibilité d’entendre les agents de manière confidentielle. Cela permettrait de rendre plus effective l’évaluation du suivi des recommandations qui ont été formulées et de compléter celui-ci, qui se fait actuellement par la transmission d’un bilan annuel par les établissements et organismes publics.

En effet, le rôle de la commission est notamment de s’assurer que l’ensemble des requêtes et procédures dont elle a pris l’initiative soient instruites dans les règles et les délais prévus par le droit.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Di Folco, rapporteur. Ces amendements, qui visent à élargir les attributions de la Commission nationale de la déontologie et des alertes en matière de santé publique et d’environnement, nous semblent largement satisfaits par le droit en vigueur, puisque cette commission est déjà compétente pour émettre les recommandations générales sur les principes déontologiques propres à l’expertise scientifique et technique dans les domaines de la santé et de l’environnement.

Les amendements mentionnent par ailleurs la faculté pour elle d’entendre confidentiellement les agents des établissements et organismes publics dans les domaines de la santé et de l’environnement. Je ne suis pas certaine de comprendre la portée de cet ajout. La CNDASPE peut entendre qui elle souhaite et n’est obligée de révéler l’identité d’aucun de ses interlocuteurs. En revanche, elle n’a effectivement pas le pouvoir de contraindre des personnes à effectuer devant elle une déposition, ce qui est bien normal pour une commission administrative.

Si l’objectif visé est de délier du secret professionnel les agents et salariés qui déposent devant elle, alors il aurait fallu rédiger différemment ces amendements.

Enfin, il n’est pas opportun d’inscrire dans la loi de 2013 que la commission traite des alertes qui lui sont transmises en matière de santé et d’environnement, en application de la loi Sapin II. Précédemment, lors de l’examen de l’article 3, nous avons décidé d’habiliter le Gouvernement à désigner lui-même les autorités externes compétentes en fonction des matières. Laissons-lui la souplesse nécessaire : la CNDASPE n’a pas nécessairement vocation à se voir attribuer compétence pour traiter seule de toutes les alertes relatives à la santé ou à l’environnement, ce qui constituerait une charge de travail impossible à absorber.

Avis défavorable sur les deux amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Sarah El Haïry, secrétaire dÉtat. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 54.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 71 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Article additionnel après l'article 4 - Amendements n° 54 et n° 71 rectifié
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Article 5

Article 4 bis (nouveau)

Après l’article 9 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 précitée, il est inséré un article 9-1 ainsi rédigé :

« Art. 9-1. – Le fait d’adresser de mauvaise foi un signalement à une autorité mentionnée aux 1° à 4° du II de l’article 8 est puni des peines prévues au premier alinéa de l’article 226-10 du code pénal. »

M. le président. L’amendement n° 81, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Sarah El Haïry, secrétaire dÉtat. Le présent amendement vise à supprimer cet article, qui crée une nouvelle incrimination, laquelle n’est pas nécessaire dans la mesure où les faits qu’elle vise sont déjà réprimés.

Il s’agit, d’une part, de l’infraction de dénonciation calomnieuse, visée à l’article 226-10 du code pénal, qui permet de sanctionner « la dénonciation, effectuée par tout moyen et dirigée contre une personne déterminée, d’un fait qui est de nature à entraîner des sanctions judiciaires, administratives ou disciplinaires et que l’on sait totalement ou partiellement inexact ».

Il s’agit, d’autre part, de l’infraction de diffamation prévue à l’article 29 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, qui permet de sanctionner « toute allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé ».

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Di Folco, rapporteur. La directive prévoit « des sanctions effectives, proportionnées et dissuasives applicables aux auteurs de signalement lorsqu’il est établi qu’ils ont sciemment signalé ou divulgué publiquement de fausses informations ».

Or le délit de dénonciation calomnieuse n’est constitué que si les faits dénoncés sont passibles de sanctions judiciaires, administratives ou disciplinaires et si le destinataire est lui-même investi d’un pouvoir de sanction ou peut saisir l’autorité compétente.

Compte tenu du large champ de l’alerte en droit français et de la nature des autorités externes qui sont désignées par décret, cette incrimination pénale ne couvre pas l’ensemble des signalements effectués de mauvaise foi. C’est ce qui justifie l’insertion de cet article.

Avis défavorable sur l’amendement.

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Mme Nathalie Goulet. Pour le coup, je suis très favorable à la position de la commission. Lors d’une procédure, la dénonciation calomnieuse arrive à la fumée des cierges, autrement dit très tardivement. Aussi, il me paraît tout à fait bienvenu de préciser que le fait d’adresser de mauvaise foi un signalement est puni des peines prévues à l’article 226-10 du code pénal, comme l’autorise l’article 23 de la directive.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 81.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 4 bis.

(Larticle 4 bis est adopté.)

TITRE III

MESURES RENFORCANT LA PROTECTION DES LANCEURS D’ALERTE

Article 4 bis (nouveau)
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Article 6

Article 5

I. – Après l’article 10 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 précitée, il est inséré un article 10-1 ainsi rédigé :

« Art. 10-1. – I A (nouveau). – Les personnes ayant signalé ou divulgué publiquement des informations dans les conditions prévues aux articles 6 et 8 ne sont pas civilement responsables des dommages causés du fait de leur signalement ou de leur divulgation publique dès lors qu’elles avaient des motifs raisonnables de croire, lorsqu’elles y ont procédé, que le signalement ou la divulgation publique de l’intégralité de ces informations était nécessaire à la sauvegarde des intérêts en cause.

« Les personnes ayant signalé ou divulgué des informations dans les conditions prévues aux mêmes articles 6 et 8 bénéficient de l’irresponsabilité pénale prévue à l’article 122-9 du code pénal.

« I. – Aucune personne ne peut, pour avoir signalé ou divulgué des informations dans les conditions prévues aux articles 6 et 8, faire l’objet de mesures de représailles, ni de menaces ou de tentatives de recourir à ces mesures, notamment sous les formes suivantes :

« 1° Suspension, mise à pied, licenciement ou mesures équivalentes ;

« 2° Rétrogradation ou refus de promotion ;

« 3° Transfert de fonctions, changement de lieu de travail, réduction de salaire, modification des horaires de travail ;

« 4° Suspension de la formation ;

« 5° Évaluation de performance ou attestation de travail négative ;

« 6° Mesures disciplinaires imposées ou administrées, réprimande ou autre sanction, y compris une sanction financière ;

« 7° Coercition, intimidation, harcèlement ou ostracisme ;

« 8° Discrimination, traitement désavantageux ou injuste ;

« 9° Non-conversion d’un contrat de travail temporaire en un contrat permanent, lorsque le travailleur pouvait légitimement espérer se voir offrir un emploi permanent ;

« 10° Non-renouvellement ou résiliation anticipée d’un contrat de travail temporaire ;

« 11° Préjudice, y compris les atteintes à la réputation de la personne, en particulier sur les réseaux sociaux, ou pertes financières, y compris la perte d’activité et la perte de revenu ;

« 12° Mise sur liste noire sur la base d’un accord formel ou informel à l’échelle sectorielle ou de la branche d’activité, pouvant impliquer que la personne ne trouvera pas d’emploi à l’avenir au niveau du secteur ou de la branche d’activité ;

« 13° Résiliation anticipée ou annulation d’un contrat pour des biens ou des services ;

« 14° Annulation d’une licence ou d’un permis ;

« 15° Orientation vers un traitement psychiatrique ou médical.

« Tout acte ou décision pris en méconnaissance du premier alinéa du présent I est nul de plein droit.

« II. – A. – En cas de recours contre une mesure de représailles mentionnée au I, dès lors que le demandeur présente des éléments de fait qui permettent de supposer qu’il a signalé ou divulgué des informations dans les conditions prévues aux articles 6 et 8, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est dûment justifiée. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

« Dans les mêmes conditions, le demandeur peut demander au juge de lui allouer, à la charge de l’autre partie, une provision pour frais de l’instance en fonction de la situation économique respective des parties et du coût prévisible de la procédure ou, lorsque sa situation financière s’est gravement dégradée en raison du signalement ou de la divulgation publique, une provision visant à couvrir ses subsides. Le juge statue à bref délai.

« B (nouveau). – À l’occasion d’une instance civile ou pénale, lorsque le défendeur ou le prévenu présente des éléments de fait qui permettent de supposer qu’il a signalé ou divulgué publiquement des informations dans les conditions prévues aux articles 6 et 8 et que la procédure engagée contre lui vise à entraver son signalement ou sa divulgation publique, il peut demander au juge de lui allouer, à la charge du demandeur ou de la partie civile, une provision pour frais de l’instance en fonction de la situation économique respective des parties et du coût prévisible de la procédure ou, lorsque sa situation financière s’est gravement dégradée en raison du signalement ou de la divulgation publique, une provision visant à couvrir ses subsides. Le juge statue à bref délai.

« III à V. – (Supprimés) ».

II. – L’article 122-9 du code pénal est ainsi rédigé :

« Art. 122-9. – N’est pas pénalement responsable la personne qui porte atteinte à un secret protégé par la loi en signalant ou en divulguant publiquement des informations dans les conditions prévues aux articles 6 et 8 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, ou qui soustrait des informations ou des documents en vue d’un tel signalement ou d’une telle divulgation publique, et ce dès lors qu’elle avait des motifs raisonnables de croire, lorsqu’elle y a procédé, que le signalement ou la divulgation publique de l’intégralité de ces informations était nécessaire à la sauvegarde des intérêts en cause.

« L’irresponsabilité prévue au premier alinéa du présent article s’applique à la complicité et au recel des mêmes infractions.

« Elle ne s’applique ni aux atteintes à la vie privée, ni aux atteintes aux systèmes de traitement automatisé de données réprimées, respectivement, par la section 1 du chapitre VI du titre II du livre II et par le chapitre III du titre II du livre III du présent code. »

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 84, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéas 2 à 20

Remplacer ces alinéas par sept alinéas ainsi rédigés :

« Art. 10-1. – I. – Aucune personne ne peut, pour avoir signalé ou divulgué des informations dans les conditions prévues aux articles 6 et 8, faire l’objet de mesures de représailles, ni de menaces ou de tentatives de recourir à ces mesures, notamment sous les formes suivantes :

« 1° Sanctions et mesures discriminatoires mentionnées au premier alinéa de l’article L. 1132-3-3 du code du travail, à l’article L. 135-1 du code général de la fonction publique et au I de l’article L. 4122-4 du code de la défense ;

« 2° Préjudice, y compris les atteintes à la réputation de la personne, ou pertes financières, y compris la perte d’activité ou de revenu ;

« 3° Résiliation anticipée ou annulation d’un contrat pour des biens ou des services ;

« 4° Annulation d’une licence ou d’un permis ;

« 5° Orientation abusive vers un traitement psychiatrique ou médical.

« Toute décision ou acte pris en méconnaissance du premier alinéa du présent I est nul de plein droit. »

La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Sarah El Haïry, secrétaire dÉtat. Cet amendement, dont je reconnais le caractère technique, a pour objet d’énumérer les représailles absolument interdites dans chaque corpus juridique. Ce faisant, il tend à rendre cette liste plus lisible, suivant une recommandation du Conseil d’État.

C’est sur cette base que nous avons procédé, au 1° de notre amendement, au renvoi vers différents codes sectoriels – code du travail, code général de la fonction publique et code de la défense. Pour le Gouvernement, chacun de ces codes a vocation à inclure une liste des représailles interdites adaptée à la situation des personnes auxquelles ces codes s’appliquent.

En outre, au 2° de cet amendement, nous énumérons les représailles interdites « transversales », quelle que soit la situation du lanceur d’alerte. Ainsi, l’ensemble des représailles proscrites par la directive seront couvertes.

Soyons parfaitement clairs : nous avons fait ce choix pour que, de manière très opérationnelle, il n’y ait pas de trou dans la raquette. Mme la rapporteure proposera une solution différente (Mme le rapporteur le confirme.), mais, pour notre part, nous estimons que ce dispositif assure le maillage le plus serré et donc une protection maximale.

M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.

L’amendement n° 11 est présenté par M. Durain, Mme de La Gontrie, M. Bourgi, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche, Leconte, Marie, Sueur et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

L’amendement n° 50 est présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 2

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Le devoir de réserve n’est pas opposable aux agents publics ayant signalé ou divulgué des informations conformément aux articles 6 et 8.

La parole est à Mme Angèle Préville, pour présenter l’amendement n° 11.

Mme Angèle Préville. En son article 21, la directive de 2019 prévoit la nullité de plein droit des obligations de confidentialité, pour autant que les lanceurs d’alerte aient eu des motifs raisonnables de croire que le signalement ou la divulgation publique de telles informations était nécessaire pour révéler une violation.

Toutefois, l’articulation de cette disposition avec la jurisprudence du Conseil d’État est problématique.

En effet, la jurisprudence administrative la plus récente confirme la sévérité du juge administratif à l’égard des agents ébruitant les dissensions internes à l’administration : elle valide généralement les sanctions infligées à l’encontre des agents qui dégradent l’image des services administratifs.

À titre d’exemple, on peut mentionner un arrêt concernant un agent de l’administration pénitentiaire. Dans un entretien accordé en 2007 à un journal local, l’intéressé avait dénoncé le système carcéral : sa sanction disciplinaire a été validée par la cour administrative d’appel de Bordeaux.

De même, a été jugée légale la sanction infligée à un fonctionnaire du service de santé des armées ayant écrit un livre et participé, sans autorisation de sa hiérarchie, à des émissions de télévision pour dénoncer des dysfonctionnements qu’il estimait répréhensibles au regard des dispositions du code pénal.

La rigueur de l’obligation de réserve semble ainsi exposer les agents publics lanceurs d’alerte à des sanctions quasi systématiques dès lors qu’ils s’expriment publiquement, d’autant que la jurisprudence de la Cour de Strasbourg rejoint largement celle du juge français sur ce point : elle rappelle de manière régulière qu’il apparaît « légitime pour l’État de soumettre ses agents à une obligation de réserve ».

Nous proposons donc de préciser l’article 5 du présent texte, pour prévoir une exclusion explicite de l’obligation de réserve lorsque les conditions prévues pour l’obtention du statut de lanceur d’alerte sont remplies.

M. le président. La parole est à Mme Mélanie Vogel, pour présenter l’amendement n° 50.

M. le président. L’amendement n° 59, présenté par Mme Préville, M. Durain, Mme de La Gontrie, M. Bourgi, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche, Leconte, Marie, Sueur et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 4

Après le mot :

objet

insérer les mots :

, de manière directe ou indirecte,

La parole est à Mme Angèle Préville.

Mme Angèle Préville. En réécrivant l’article L. 1132-3-3 du code du travail, la commission des lois du Sénat a supprimé la possibilité de faire reconnaître des discriminations indirectes contre les lanceurs d’alerte.

La discrimination indirecte est définie comme la situation dans laquelle une disposition, un critère ou une pratique apparemment neutre désavantagerait particulièrement des personnes par rapport à d’autres pour des motifs prohibés, comme le fait d’avoir lancé l’alerte, à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un but légitime et que les moyens pour atteindre ce but ne soient appropriés et nécessaires.

La suppression de la possibilité de reconnaître ce type de discrimination contre les lanceurs d’alerte crée une grave rupture d’égalité entre lanceurs d’alerte et salariés discriminés pour d’autres motifs. Or une telle différence de traitement ne peut être objectivement justifiée, comme l’exige la jurisprudence du Conseil constitutionnel.

De plus, cette suppression peut encourager les employeurs à mettre en œuvre des mécanismes de discrimination inédits pour éviter des censures de la part des conseils de prud’hommes.

Les élus du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain proposent de rétablir le champ initial de protection. Ils veulent ainsi permettre aux juges de reconnaître l’existence de discriminations indirectes contre les lanceurs d’alerte.

Rappelons que le lanceur d’alerte est naturellement plus exposé aux discriminations. Il mérite donc une meilleure protection, y compris dans le monde du travail, bien sûr. En les privant, du fait de leur statut de lanceur d’alerte, d’une reconnaissance de discrimination indirecte dont les salariés peuvent déjà bénéficier, on les fragiliserait beaucoup.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Di Folco, rapporteur. Madame la secrétaire d’État, je suis navrée de vous le dire : je suis tout à fait défavorable à l’amendement n° 84. À l’évidence, nous n’avons pas la même vision de la lisibilité.

Sur la forme, il me semble essentiel que l’ensemble de ces mesures soient réunies dans une seule disposition : la multiplicité des renvois nuit à la lisibilité du régime et pourrait dissuader certaines personnes de lancer une alerte, faute de vision claire quant aux protections qui leur seraient accordées.

Surtout, sur le fond, cette rédaction nous expose à un certain nombre de dangers. En procédant par des renvois au code du travail et au statut général de la fonction publique, on laisse sans protection les personnes qui ne relèvent ni du premier ni du second. Nous sommes bien face à ce que l’on appelle trivialement des trous dans la raquette.

C’est le cas des travailleurs indépendants, notamment des travailleurs des plateformes, ainsi que des agents publics soumis à un statut particulier – on pourrait citer d’autres exemples encore. Pourtant, ces personnes sont tout aussi susceptibles de lancer une alerte que des salariés ou des agents publics relevant du statut général.

Mes chers collègues, adopter la rédaction du Gouvernement, c’est se résoudre à laisser certains lanceurs d’alerte sans protection contre d’éventuelles représailles. Je vous propose donc de vous en tenir au choix de la commission, qui comble ces lacunes et qui est guidé par la volonté de protéger tous les lanceurs d’alerte, quelle que soit leur catégorie professionnelle.

Pour ce qui concerne les amendements identiques nos 11 et 50, je précise que le devoir de réserve impose uniquement aux agents publics de faire preuve de modération dans leur comportement et leur expression. Ces obligations ne sont en aucun cas incompatibles avec le fait de lancer une alerte. Surtout, comme tout citoyen, les agents publics bénéficient des protections prévues par cette proposition de loi. Une sanction injustifiée, fondée sur la méconnaissance du devoir de réserve, aurait le caractère de représailles et serait, de fait, illégale.

Enfin, l’amendement n° 59 tend à préciser que les représailles peuvent être directes ou indirectes. Pour des raisons de clarté, la commission a fait le choix de coller à la terminologie de la directive, laquelle n’établit pas de distinction selon la nature des représailles. Quoi qu’il en soit, la liste des mesures prohibées me paraît suffisamment détaillée et explicite. Il ne fait aucun doute qu’elle recouvre les discriminations directes et indirectes. À mon sens, cet amendement est satisfait.

En résumé, la commission est défavorable aux amendements nos 84, 11, 50 et 59.