compte rendu intégral

Présidence de M. Georges Patient

vice-président

Secrétaires :

Mme Françoise Férat,

M. Joël Guerriau.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu intégral de la séance du jeudi 20 janvier 2022 a été publié sur le site internet du Sénat.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté.

2

Questions orales

M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.

prise en charge du financement des accompagnants des élèves en situation de handicap

M. le président. La parole est à Mme Françoise Gatel, auteur de la question n° 1982, transmise à Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.

Mme Françoise Gatel. J’appelle l’attention du Gouvernement sur une politique très positive qu’il a mise en œuvre : l’école inclusive.

Nous savons tous, cependant, que subsistent un certain nombre de difficultés, notamment depuis la décision du Conseil d’État en 2020. Celle-ci précise que, sur le temps périscolaire – cantine et garderie –, il appartient aux autorités qui en sont organisatrices, c’est-à-dire aux communes, de mettre à disposition les accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH) dont la présence est prescrite par les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH).

Cela nous pose de véritables difficultés, monsieur le secrétaire d’État, car la MDPH décide, mais ce sont les communes qui doivent trouver le personnel et le financer.

Or au-delà du financement, il est difficile de trouver du personnel sur le temps du midi, pour une durée d’une heure ou d’une heure et demie, et cela freine l’accueil des enfants handicapés à l’école.

Nous devons donc, à mon sens, réfléchir à l’évolution de ce service. Sous réserve de l’accord des départements, et dès lors que ceux-ci disposeront des financements nécessaires, ne pourrait-on pas expérimenter la mise en place d’un service mutualisé d’AESH à leur niveau ? Cela offrirait de plus des perspectives de carrière et de formation à ces personnels qui jouent un rôle extrêmement important auprès des enfants handicapés et des familles.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Adrien Taquet, secrétaire dÉtat auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de lenfance et des familles. Madame la sénatrice, je vous réponds au nom de Mme la secrétaire d’État chargée des personnes handicapées, Sophie Cluzel.

Depuis 2017, l’école inclusive est, non pas une « obsession », mais une priorité du Gouvernement, car l’école de la République se doit d’accueillir tous les enfants de la République ; qui pense le contraire n’est pas républicain.

Le service public de l’école inclusive a pour objectif d’assurer une scolarité de qualité à tous les élèves, de la maternelle au lycée. En 2021, ce sont ainsi plus de 400 000 élèves en situation de handicap qui ont été scolarisés. Aux côtés des professeurs et de l’ensemble des personnels, 125 000 AESH interviennent quotidiennement, vous l’avez rappelé.

Vous nous interrogez sur le financement de ces postes et, plus précisément, sur la pertinence d’engager une évolution de ce dispositif afin de le confier en totalité aux départements.

Je ne reviendrai pas sur ce qui a été accompli ces dernières années s’agissant notamment du statut de ces personnels.

Votre proposition peut s’entendre sur le plan de la responsabilité globale d’une politique de solidarité, dans la mesure où le département intervient dans le champ de l’enfance et du handicap depuis la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, dont nous célébrerons l’anniversaire.

En effet, le département assure désormais la tutelle administrative et financière des maisons départementales des personnes handicapées, lesquelles délivrent des prescriptions d’aide humaine aux élèves en situation de handicap.

La proposition que vous formulez aurait pu, après avoir fait l’objet d’une concertation approfondie avec l’ensemble des parties, être discutée dans le cadre du projet de loi relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale, dit 3DS, adopté en première lecture au Sénat puis à l’Assemblée nationale.

M. Adrien Taquet, secrétaire dÉtat. Ce débat n’a pas eu lieu, mais il y en a eu de nombreux autres. Dès lors, la ligne de partage entre ce qui relève de la compétence de l’État et du service public de l’éducation, d’une part, et de celle de la collectivité qui organise le service périscolaire, d’autre part, doit être préservée.

M. le président. Il faut conclure, monsieur le secrétaire d’État.

M. Adrien Taquet, secrétaire dÉtat. Toutefois, la réflexion que vous appelez de vos vœux, madame la sénatrice, pourrait être menée dans les semaines ou dans les mois à venir.

M. le président. La parole est à Mme Françoise Gatel, pour la réplique.

Mme Françoise Gatel. Merci de votre réponse, monsieur le secrétaire d’État. Nous avons su faire preuve d’audace dans le cadre du projet de loi 3DS, s’agissant du transfert de personnels d’État vers les collectivités, quand le bon sens le commandait ; nous n’avons toutefois pas pu le faire sur ce sujet, parce qu’il appartient au Gouvernement de lever le gage.

Je souhaite qu’une réflexion soit engagée sur les AESH, car, comme vous l’avez très justement indiqué, on ne peut pas imposer cela aux départements sans que ceux-ci soient volontaires et que les conditions le permettent.

En tout état de cause, je forme le vœu que l’on ouvre ce débat afin de conduire une expérimentation dans quelques départements.

reconnaissance du métier de prothésiste dentaire clinicien

M. le président. La parole est à M. Michel Savin, auteur de la question n° 2079, adressée à M. le ministre des solidarités et de la santé.

M. Michel Savin. Monsieur le secrétaire d’État, l’ordonnance n° 2017-50 du 19 janvier 2017 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles dans le domaine de la santé et transposant en droit français la directive 2013/55/UE du 20 novembre 2013 modifiant la directive 2005/36/CE relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles a été définitivement ratifiée par le Parlement le 16 février 2021, lui donnant force de loi.

Cette ordonnance s’accompagne de trois textes d’application parus au Journal officiel, lesquels ouvrent la voie à l’accès partiel aux professions médicales ou paramédicales, comme les techniciens de laboratoire médical, les pédicures-podologues, les orthophonistes, les opticiens, les aides-soignants, les ambulanciers ou encore les assistants dentaires.

Ces textes permettent à un professionnel d’un pays de l’Union européenne d’exercer sa profession dans un autre pays même si celle-ci n’est pas encore reconnue en tant que telle. C’est le cas, par exemple, des prothésistes dentaires cliniciens et des hygiénistes dentaires.

De ce fait, ces métiers devraient être intégrés dans le code de la santé publique français.

Or, aujourd’hui, un prothésiste dentaire clinicien installé dans un pays de l’Union européenne et souhaitant revenir exercer en France ne parvient pas à obtenir de réponse de l’administration.

Aussi, monsieur le secrétaire d’État, je souhaite connaître la position du Gouvernement sur ce type de demandes d’installation.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Adrien Taquet, secrétaire dÉtat auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de lenfance et des familles. Monsieur le sénateur, l’accès partiel désigne cette possibilité, pour un professionnel formé dans un État membre de l’Union européenne – ou un État partie à l’Espace économique européen –, d’exercer une partie des activités relevant du champ d’une profession réglementée en France.

Conformément au droit européen et à sa transposition à l’article L. 4002-3 du code de la santé publique, l’accès partiel à une profession de santé peut-être accordé lorsque trois conditions sont remplies.

Premièrement, le professionnel doit disposer, dans son État d’origine, des qualifications professionnelles spécifiques à l’exercice de la profession de santé concernée.

Deuxièmement, il faut que les mesures de compensation qui pourraient être demandées ne suffisent pas à couvrir la différence substantielle entre l’activité professionnelle légalement exercée dans l’État d’origine et la profession correspondante en France.

Troisièmement, enfin, l’activité professionnelle pour laquelle l’intéressé sollicite cet accès doit pouvoir objectivement être séparée d’autres activités relevant de la profession en France.

La mise en œuvre de cette procédure est appréciée au cas par cas, au regard des qualifications professionnelles détenues par le demandeur. Dès lors, les conditions dans lesquelles les métiers de prothésiste dentaire clinicien et d’hygiéniste dentaire pourraient permettre un tel accès partiel nécessitent un examen approfondi.

Je rappelle également que le mécanisme d’accès partiel ne s’applique que lorsque celui qui en fait la demande en France est titulaire d’une qualification professionnelle délivrée par un État membre ou partie autre que la France.

Enfin, comme l’a rappelé la Cour de justice des Communautés européennes le 9 février 1994, la reconnaissance d’un titre de la part d’un État membre n’engage pas les autres États membres à reconnaître le même titre avec les mêmes prérogatives.

Ce sujet est technique et complexe, mais les services du ministère se tiennent à votre disposition, monsieur le sénateur, si vous souhaitez poursuivre cet échange.

M. le président. La parole est à M. Michel Savin, pour la réplique.

M. Michel Savin. Vous avez raison, monsieur le secrétaire d’État, ces sujets sont techniques et complexes, c’est la raison pour laquelle il n’est pas normal que l’administration n’ait pas donné de réponse au bout d’un an.

Peut-être faut-il de nouveau la solliciter, afin que des explications soient apportées à ces professionnels français qui sont expatriés et qui veulent revenir travailler en France ?

Il s’agit de garantir leur activité professionnelle, laquelle est reconnue techniquement puisque ces personnes disposent des diplômes nécessaires. Si vous pouviez intervenir auprès de l’administration de sorte qu’elles obtiennent une réponse définitive, cela constituerait une avancée importante.

traitement par filtration biominérale de l’eau d’une piscine publique

M. le président. La parole est à M. Frédéric Marchand, auteur de la question n° 2081, adressée à M. le ministre des solidarités et de la santé.

M. Frédéric Marchand. Monsieur le secrétaire d’État, le traitement biologique de l’eau de piscine publique, écartant ou limitant l’usage de produits chimiques, notamment au travers du système innovant de traitement par filtration biominérale, permet une filtration plus rapide que les systèmes classiquement utilisés pour filtrer l’eau des baignades artificielles.

Plusieurs collectivités françaises, pionnières en la matière et soucieuses du bien-être de leurs habitants, en particulier la ville de Coudekerque-Branche, dans le Nord, ont intégré dans leur projet de piscine publique un traitement biologique de l’eau par filtration biominérale.

L’interprétation des textes en vigueur par les différentes agences régionales de santé (ARS) suscite toutefois des interrogations : le traitement au chlore des bassins dépend de la réglementation des piscines, alors que le traitement biologique, au sujet duquel un décret a été pris début avril 2019 sur rapport du ministère des solidarités et la santé, dépend, quant à lui, de la réglementation de la baignade.

Les porteurs de projet ont donc un impérieux besoin d’obtenir une clarification de la situation, ce que ne permet pas le décret d’avril 2019. Celui-ci limite en effet considérablement la fréquentation maximale instantanée et journalière des piscines, ce qui ne rend pas l’exploitation de la piscine publique économiquement viable. Dans le cadre du dispositif France Expérimentation, un dossier a été déposé afin d’augmenter ces plafonnements en baignade artificielle en système fermé.

La direction générale de la santé, au vu du caractère innovant des systèmes de filtration biominérale, a émis un avis de principe favorable quant à leur utilisation, et cet avis a été confirmé par un courrier du ministre des solidarités et de la santé en date de mai 2021.

Toutefois, le protocole expérimental que doit présenter France Expérimentation dans un cadre interministériel, soumis ensuite à l’expertise de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) n’a toujours pas été délivré à ce jour. Alors que les chantiers de construction des équipements sont en cours, ce vide juridique met en péril la réalisation définitive et l’ouverture des sites.

Ce traitement innovant, permettant de se baigner à la piscine comme dans un lac de montagne, est de toute évidence une source de progrès pour les habitants, pour les usagers, mais aussi pour les personnels des centres aquatiques, et il va dans le sens de la transition écologique.

Monsieur le secrétaire d’État, dans quel délai l’encadrement de cette démarche expérimentale pourra-t-il être défini, et toutes les incertitudes, levées ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Adrien Taquet, secrétaire dÉtat auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de lenfance et des familles. Monsieur sénateur, vous appelez l’attention du ministère sur l’utilisation de ce traitement par filtration biominérale développé par la société Aquatic Science France pour des projets d’ouverture de centres aquatiques portés par plusieurs collectivités.

Ces projets, eu égard à leur nature, doivent répondre aux règles sanitaires applicables aux baignades dites « artificielles ». Par ailleurs, compte tenu de la nécessité de déroger à certaines dispositions réglementaires relatives à la fréquentation de baigneurs et au caractère innovant du procédé de traitement envisagé, les porteurs de projets ont été invités à les soumettre au dispositif France Expérimentation.

Un accord de principe pour la mise en place d’expérimentations a été accordé par le cabinet du Premier ministre fin octobre dernier, sous réserve que les travaux préparatoires à venir permettent de s’assurer que le projet ne présente pas de risque sanitaire pour les baigneurs. La mise en expérimentation pourrait alors être définitivement actée.

Comme vous l’avez indiqué, monsieur le sénateur, si la direction générale de la santé a émis un avis de principe favorable et si l’intégration de ces dossiers au dispositif France Expérimentation a été actée par le cabinet du Premier ministre, il reste encore à définir et à encadrer les modalités de mise en œuvre concrète de ces projets.

À cet effet, une première réunion, pilotée par les services de France Expérimentation, qui réunira l’ensemble des acteurs concernés, dont les services de la direction générale de la santé, est prévue demain 26 janvier, afin d’échanger sur l’encadrement de cette démarche expérimentale et d’arrêter un calendrier prévisionnel pour donner de la visibilité aux porteurs aux porteurs de projets.

Je ne doute pas que vous continuerez à être associé à ces discussions, ou du moins, à en être tenu informé.

plan douleur

M. le président. La parole est à Mme Catherine Deroche, auteure de la question n° 2085, adressée à M. le ministre des solidarités et de la santé.

Mme Catherine Deroche. Ma question concerne la prise en charge de la douleur. Si la lutte contre la douleur est un objectif consacré dans la loi depuis 2002, force est de constater l’existence d’une crise majeure de santé publique liée à la mauvaise prise en compte de celle-ci.

Dans un rapport récent, la commission des affaires sociales a d’ailleurs renouvelé le constat du déficit de culture palliative et de moyens y afférents dans notre pays.

À l’occasion de l’évaluation du troisième plan national d’amélioration de la prise en charge de la douleur, qui a couvert la période 2006-2010, le Haut Conseil de la santé publique (HCSP) a formulé plusieurs recommandations pour l’élaboration d’un futur plan douleur, mais celui-ci n’a pas été renouvelé.

Pourtant, le besoin est avéré. Les recommandations publiées en novembre 2019 par la Haute Autorité de santé (HAS) sur les parcours de soins de patients douloureux chroniques s’appuient sur des données statistiques : parmi les 12 millions de personnes souffrant de douleurs chroniques dans notre pays, 70 % ne reçoivent pas de traitement approprié et moins de 3 % bénéficient d’une prise en charge dans une structure « douleurs chroniques » d’établissement.

Un nouveau plan serait donc nécessaire. Il pourrait reposer sur trois axes : la recherche sur la douleur, mais aussi sur les pathologies qui la causent ; l’organisation des soins, avec un premier palier de prise en charge constitué par les soins de ville en partenariat avec les structures spécialisées dans la douleur chronique ; la diffusion des bonnes pratiques auprès des professionnels de santé.

Monsieur le secrétaire d’État, pourriez-vous nous indiquer quelles sont les intentions du Gouvernement s’agissant de l’élaboration d’un nouveau plan contre la douleur ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Adrien Taquet, secrétaire dÉtat auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de lenfance et des familles. Madame la sénatrice Deroche, avec un Français sur trois qui souffre de douleurs chroniques, la prise en compte de la douleur peut être qualifiée de véritable phénomène de société. Cela représente, pour des millions de personnes, une dégradation considérable de leur qualité de vie au quotidien. Il s’agit d’un enjeu réel de santé publique et d’un critère de qualité de vie.

En 2016, la loi n° 2016-41 de modernisation de notre système de santé a permis d’améliorer la prise en compte de la douleur et d’avancer en matière de prévention collective et individuelle de la douleur.

Ce texte précise notamment les missions du médecin généraliste relatives à l’administration et à la coordination des soins visant à soulager la douleur, si nécessaire en relation avec des structures spécialisées, en les intégrant pleinement aux missions de l’équipe de soins en la matière.

En 2020, le dispositif national dédié au soulagement de la douleur comptait 278 structures « douleurs chroniques », dont 7 structures exclusivement pédiatriques, et 36 spécialisées en pédiatrie, c’est-à-dire dotées de pédiatres dédiés, sachant que toutes les autres structures accueillent les enfants en première intention.

Ces structures de recours sont destinées à prendre en charge les patients adressés par leur médecin traitant lorsque leurs douleurs demeurent réfractaires aux traitements administrés en ville.

Un groupe de travail a par ailleurs été constitué afin de mener une réflexion sur la modernisation et l’adaptation du financement des prises en charge ambulatoires. Les prestations dites « frontières » en hôpital de jour sont en effet particulièrement fréquentes pour les douleurs chroniques.

Une autre réflexion, sur les parcours patients, est également en voie de finalisation.

Enfin, la récente création d’une formation spécialisée transversale en médecine de la douleur doit permettre de mieux former tous les professionnels de demain à ces enjeux.

J’ajoute qu’un cinquième plan national de développement des soins palliatifs et d’accompagnement de la fin de vie, couvrant la période 2021-2024, a bien été annoncé. Structuré autour de quinze actions et de trois axes, il permettra de favoriser l’appropriation des droits en faveur des personnes malades et des personnes en fin de vie, de conforter l’expertise en soins palliatifs et de définir des parcours de soins gradués et de proximité.

Notre objectif est clair, madame la sénatrice : plus un seul département ne doit être dépourvu de structure palliative à l’horizon 2024.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Deroche, pour la réplique.

Mme Catherine Deroche. Je note bien les efforts nécessaires réalisés en matière de soins palliatifs, mais tous les patients atteints de douleurs chroniques ne relèvent pas – heureusement pour eux ! – de soins de fin de vie.

Il s’agit d’un vrai sujet, qui concerne des gens qui sont éloignés de l’emploi et dont la vie sociale, familiale et professionnelle est très complexe. La crise des opioïdes aux États-Unis a offert un exemple paroxystique du mésusage de certains médicaments.

Les structures « douleurs chroniques », qu’elles soient pédiatriques ou non, sont en nombre insuffisant et, pour la plupart, saturées.

Comme l’indiquent les rapports du HCSP, de la HAS, du ministère et de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), il faut maintenant passer à l’action, notamment sur la prise en charge.

fléchage des investissements du ségur de la santé

M. le président. La parole est à M. Didier Marie, auteur de la question n° 2087, adressée à M. le ministre des solidarités et de la santé.

M. Didier Marie. Monsieur le secrétaire d’État, je souhaite vous alerter sur la situation des hôpitaux publics en Normandie, où la population est vieillissante, et l’espérance de vie, plus faible qu’ailleurs. Cette région est la deuxième de France métropolitaine qui présente les indicateurs de densité médicale les plus défavorables, avec 292 médecins pour 100 000 habitants et une répartition des professionnels de santé qui pose de véritables difficultés d’inégalité d’accès aux soins.

L’enjeu du renforcement de l’attractivité des établissements de santé y représente également un défi majeur, puisque les hôpitaux publics normands sont ceux qui manquent le plus de personnel, en particulier en médecine d’urgence, en psychiatrie, en gériatrie et en médecine générale.

Ces hôpitaux étaient déjà en difficulté financière avant le covid, mais la pandémie a aggravé la situation. D’après une récente enquête de la Fédération hospitalière de France (FHF), les dépenses dues au covid s’élèvent ainsi à 49 millions d’euros en 2021, alors que 28 millions d’euros seulement seraient couverts à ce jour pour onze établissements, dont les plus importants : les centres hospitalo-universitaires (CHU) de Rouen et de Caen, l’hôpital de Dieppe, ainsi que celui d’Elbeuf-Louviers-Val-de-Reuil.

En juillet 2020, le Gouvernement a annoncé un plan d’investissement de 19 milliards d’euros pour la période 2021-2030, qui a été décliné localement par le ministre des solidarités et de la santé. Cet effort est bienvenu, mais les montants annoncés méritent d’être analysés.

Pour le centre hospitalier Elbeuf-Louviers-Val-de-Reuil, le ministre a par exemple annoncé 11 millions d’euros d’aides à l’investissement, alors qu’il ne s’agit principalement que d’un rebasage de la dette, à raison de 1 million d’euros pendant neuf ans, soit 9 millions d’euros. Seulement 2 millions d’euros de subventions seront donc réellement consentis afin d’étendre le secteur de la réanimation. C’est insuffisant.

Monsieur le secrétaire d’État, le Gouvernement prévoit-il de réévaluer les subventions d’investissement là où celles-ci semblent insuffisantes ? Envisage-t-il d’accompagner les hôpitaux par une compensation des surcoûts liés à la crise sanitaire, en attendant une hypothétique réforme de la tarification ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Adrien Taquet, secrétaire dÉtat auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de lenfance et des familles. Monsieur le sénateur, merci d’avoir mis en lumière le plan d’investissement ambitieux de 19 milliards d’euros adopté par le Gouvernement dans le cadre du Ségur de la santé en faveur de notre système de santé.

En Normandie, 650 millions d’euros seront ainsi consacrés au soutien de 68 hôpitaux et de très nombreux établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad). La reconstruction totale du CHU de Caen qui est en cours a notamment fait l’objet de l’aide la plus forte accordée à une opération hospitalière en métropole.

Une large concertation a été menée tout au long du processus de décision avec l’ensemble des collectivités. À l’issue de celui-ci, en décembre 2021, la conférence régionale de la santé et de l’autonomie de Normandie a émis un avis favorable quasi unanime sur les choix effectués dans le cadre de cette stratégie régionale d’investissement.

Je me permets également de souligner l’engagement de la région, à hauteur de 200 millions d’euros, et les manifestations d’intérêt d’autres collectivités, tout à fait bienvenues.

L’ARS de Normandie financera pour sa part des projets de modernisation des Ehpad à hauteur de 60 millions d’euros. En 2021, 16,5 millions d’euros ont ainsi été alloués à la conduite des dix premières opérations.

Les accords du Ségur comportaient aussi des mesures de revalorisation des rémunérations prises pour reconnaître l’engagement sans faille des professionnels des établissements sanitaires et médico-sociaux, pour un montant de 8,2 milliards d’euros au niveau national. En Normandie, 91 000 soignants ont ainsi vu leurs salaires revalorisés.

Vous le constatez, monsieur le sénateur, l’impact du Ségur pour la Normandie est évident et puissant ; il permettra d’améliorer les parcours de soins de l’ensemble de ses habitants.

M. le président. La parole est à M. Didier Marie, pour la réplique.

M. Didier Marie. Monsieur le secrétaire d’État, j’entends bien vos propos, mais il reste deux problèmes à traiter.

Le premier est le rebasage des déficits des hôpitaux, lesquels se sont élevés à 112 millions d’euros en 2021 et devraient atteindre 95 millions d’euros en 2022.

Le second concerne le plan d’investissement, effectivement nécessaire, qui doit être réévalué hôpital par hôpital, car certains d’entre eux ne sont pas suffisamment pourvus.

lutte contre la cigarette et évaluation des alternatives

M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia, auteur de la question n° 2076, adressée à M. le ministre des solidarités et de la santé.

Mme Catherine Procaccia. Monsieur le secrétaire d’État, la presse s’est fait l’écho d’une baisse des ventes de cigarettes en 2021, laissant penser que cette diminution voudrait dire qu’il y a moins de fumeurs en France. C’est oublier, pourtant, l’importance des achats frontaliers, en augmentation par rapport à 2020, année durant laquelle les déplacements étaient interdits.

Si le plan national de lutte contre le tabac 2018-2022 a eu des effets, le nombre de fumeurs est reparti à la hausse l’an dernier : un Français sur trois fume toujours, soit près de 15 millions de personnes. Nous restons de loin le pays d’Europe de l’Ouest qui fume le plus, deux fois plus que le Royaume-Uni, par exemple, alors que nos deux pays connaissaient la même prévalence tabagique il y a vingt ans.

La baisse des dernières années ne doit pas non plus occulter le report significatif des fumeurs vers les alternatives, telles que la cigarette électronique et le tabac à chauffer.

J’estime toutefois qu’il est utopique de penser que 15 millions de personnes veulent et peuvent s’arrêter de fumer.

À la veille d’un nouveau plan pluriannuel, la responsabilité du Gouvernement est de faire évaluer ces alternatives sans combustion, afin de vérifier si celles-ci sont moins dangereuses pour la santé, sans jamais oublier qu’elles ne doivent pas jouer un rôle initiateur, en particulier pour les jeunes.

Cela irait dans le sens de l’avis rendu début janvier par le Haut Conseil de la santé publique, qui appelait à étudier ces alternatives afin de déterminer si elles pourraient constituer une sorte de troisième voie entre cigarette et sevrage.

Comment, et à quelle échéance, le Gouvernement entend-il faire évaluer ces alternatives sans combustion, notamment le vapotage et le tabac à chauffer, dans le cadre du futur plan de lutte contre le tabac ?