M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, sur l’article.

M. Ronan Dantec. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’intervention précédente montre à quel point nous mettons le doigt dans quelque chose d’extraordinairement dangereux. Même ici, certains pensent encore que le gaz de schiste peut être une solution.

Se lancer dans l’exploitation du gaz de schiste un peu partout dans le monde signifie que nous n’aurons plus d’agriculture, plus de forêts en France, et que notre monde s’écroulera parce que le réchauffement climatique s’accélérera.

Madame la ministre, il s’agit d’un débat incroyablement important et complexe. Ce projet de loi d’urgence face à une crise internationale grave nécessite de trouver des compromis.

Aussi, le groupe GEST n’a pas pris position hier soir contre la réouverture de la centrale à charbon de Saint-Avold : nous l’avons fortement encadrée, mais nous avons considéré que, au vu de la crise qui est la nôtre, même si la réouverture de cette centrale est plutôt liée au « baisser de rideau » des centrales nucléaires, il fallait apporter des réponses de court terme.

Avec les terminaux méthaniers, nous mettons le doigt dans des situations de long terme. Je donnerai quelques chiffres provenant des agences américaines pour l’illustrer : le gaz de schiste américain est responsable, depuis les années 2010, d’une très forte augmentation des taux de méthane dans l’atmosphère. Alors que ceux-ci étaient à peu près stables de 2000 à 2010, l’accélération de la production de gaz de schiste américain conduit à des concentrations très fortes de méthane dans l’atmosphère, avec un pouvoir d’augmentation de l’effet de serre considérablement plus important que le CO2 classique.

Le cabinet Carbone 4 a travaillé sur ces questions de manière fine : même si ce n’est pas un très bon gaz – il y a des fuites sur le réseau, il contient un tout petit peu de gaz de schiste –, le gaz russe a un impact carbone au moins deux fois plus faible que celui du gaz américain. Ce point est parfaitement documenté. En outre, le gaz américain a un impact carbone dix fois plus important que le gaz norvégien. (Marques dimpatience sur les travées du groupe Les Républicains.)

Notre position est très claire : ne mettons pas le doigt dans le gaz de schiste, le climat n’y survivrait pas !

M. le président. La parole est à M. Thomas Dossus, sur l’article.

M. Thomas Dossus. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, mon intervention vaudra également pour l’article 14, dont l’objet est proche de celui du présent article.

Après avoir rouvert une centrale à charbon hier, nous nous apprêtons aujourd’hui à faciliter l’installation d’un terminal méthanier, ce qui est extrêmement dangereux pour la suite.

Nous sommes donc sur le point d’aider TotalEnergies, peu importe si cette entreprise ne paie aucun impôt en France, accumule des superprofits et arrose ses actionnaires. Peu importe si, depuis 1971, Total est au courant du caractère criminel de son activité sur le climat et finance la diffusion de fausses informations pour ralentir toute forme de régulation.

Aujourd’hui, on nous demande d’oublier les évaluations environnementales, les consultations publiques, les études d’impact, les risques pour les citoyens et la biodiversité. Tout cela n’a aucune importance. Aujourd’hui, notre addiction démentielle aux énergies fossiles nous pousse à changer de dealer, puisque nous passons du gaz de Poutine au gaz de schiste américain.

Pourtant, la Première ministre a déclaré ici même il y a quelques semaines : « Nous voulons être la première grande nation écologique à sortir des énergies fossiles. »

Cela a été dit, le gaz liquéfié qui transitera par ce terminal sera du gaz de schiste, qui a un impact bien plus important sur le réchauffement climatique, quasiment autant que le charbon. Bravo !

On nous parle d’urgence, mais ce terminal ne nous permettra pas de passer l’hiver prochain, puisque, nous le savons, il ne sera pas prêt avant la fin de l’année 2023. Nous savons aussi que la guerre en Ukraine nous oblige à faire des choix difficiles.

Oui, nous sommes dans une situation de crise et d’urgence, parce que, pendant cinq ans, vous n’avez pas agi pour prendre en compte les urgences climatiques et la transition énergétique. Les climatologues qui sont auditionnés régulièrement par nos commissions nous le répètent : chaque jour compte, chaque décision compte !

Aujourd’hui, on prend des décisions, mais on ne sort pas d’une addiction en changeant de dealer : remplacer le gaz de Poutine par le gaz américain ou émirien est une pure folie ! Où est la sobriété dans ce projet de loi ? Où est la réduction de la consommation, que ce soit en gaz, en eau ou en électricité ? (Marques dimpatience sur les travées du groupe Les Républicains.) Pas un mot dans ce texte. C’est un scandale !

M. le président. Mes chers collègues, tout le monde l’a souligné : les questions énergétiques sont très sérieuses.

Mme Jacqueline Eustache-Brinio. C’est un texte sur le pouvoir d’achat !

M. le président. Il est normal que les interventions en rendent compte.

Nous faisons respecter les temps de parole, mais que chacun respecte les autres et que le Parlement se respecte lui-même.

M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, sur l’article.

M. Fabien Gay. Madame la ministre, nous savons que la situation est complexe et que chaque décision que nous prenons a des incidences.

Ainsi, nous partageons tous la volonté de sortir de la dépendance au gaz russe, mais il faut bien s’approvisionner quelque part ! Moi-même, je ne suis pas un grand fan de ce terminal méthanier flottant mais, si c’est une ambition à court terme, à très court terme même, on peut l’envisager.

En revanche, on vous l’a déjà dit, madame la ministre, cela ne peut pas se faire à coups de dérogations au droit de l’environnement, à la sécurité et aux droits des travailleuses et des travailleurs.

La question qui nous est posée est grave : depuis que le terminal méthanier de Gaz de France a fermé au Havre, il n’y a plus de personnel qualifié. Où recruter ? Qui formera les personnels ? Il est question de débarquer le gaz et de le regazéifier : dans quelles conditions de sécurité et avec quel personnel qualifié ? Qui plus est, cela ne peut pas se faire au détriment du droit de l’environnement.

Il faut que vous nous apportiez des réponses, madame la ministre, d’autant que cela concerne la population d’un bassin qui, ma collègue Céline Brulin l’a souligné, n’y comprend plus rien : il y a six mois, on fermait la centrale à charbon du Havre, en affirmant que c’était bon pour le climat, et six mois après, on installe un terminal méthanier flottant…

Je sais que ce sujet n’est pas simple, mais, sur ces questions, il faudra qu’à l’occasion de l’examen de cet article et du suivant vous nous apportiez les réponses les plus précises possible.

M. le président. L’amendement n° 210, présenté par MM. Salmon, Labbé, Benarroche, Breuiller, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme de Marco, M. Parigi et Mmes Poncet Monge et M. Vogel, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Daniel Salmon.

M. Daniel Salmon. Cet amendement vise à interpeller Mme la ministre. En effet, les dispositions de l’article 13 démontrent l’incapacité du Gouvernement, mais aussi des gouvernements précédents, à anticiper et à prendre en compte une crise énergétique qui ne date pas d’aujourd’hui.

Pour ce gouvernement, l’économie de guerre justifie la levée, la suspension et la minimisation des réglementations environnementales et fait perdurer notre dépendance aux énergies fossiles. On oublie vite, très vite, que notre pays subit l’emballement du réchauffement climatique avec la sécheresse, les incendies, les canicules, alors que des milliers de scientifiques nous disent depuis des années et des années que nous n’avons plus beaucoup de temps pour réagir.

Il faut changer fondamentalement notre modèle de production et de consommation. Certes, nous ne pouvions pas tout anticiper, mais nous ne mettons pas pleinement à profit ce moment particulier, qui est grave et cruel, pour nous engager sur un autre chemin – et rapidement.

Cet article n’apporte pas non plus une solution à la précarité énergétique, pas plus qu’à la baisse du pouvoir d’achat. Au contraire, il maintient une vulnérabilité sociale, compte tenu de la flambée des prix des énergies fossiles.

Les solutions sont pourtant connues : ce sont celles qui sont défendues historiquement par les écologistes (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.) – pardon pour ce manque d’humilité ! – : un effort national de décroissance énergétique par la sobriété – dont on parle enfin –, le développement immédiat et massif des énergies renouvelables, l’isolation des logements prise en charge à 100 % pour les ménages modestes.

Non, la réponse pour sécuriser rapidement notre approvisionnement en gaz naturel ne peut se faire au détriment de l’urgence écologique !

M. le président. Il faut conclure !

M. Daniel Salmon. Mes collègues l’ont déjà rappelé, on y reviendra : le gaz de schiste est pire que les énergies fossiles, avec un bilan carbone détestable.

M. le président. Quel est l’avis de la commission des affaires économiques ?

M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis. Le terminal méthanier flottant est vital pour affronter la crise énergétique de l’hiver prochain, comme celle des hivers suivants.

L’article 13 n’autorise pas la France à disposer d’un terminal méthanier flottant, mais encadre strictement sa mise en œuvre pour éviter qu’elle ne soit anarchique. Un terminal méthanier flottant étant un navire raccordé au réseau de gaz, il n’y a pas besoin de légiférer pour en disposer.

Cet article consolide les pouvoirs du ministre chargé de l’énergie, du préfet du département et de l’autorité portuaire vis-à-vis de ces terminaux ; il fixe des conditions très strictes en matière d’investissement, de normes environnementales et de démantèlement. Ces avancées sont positives et doivent être soutenues. En commission, nous avons bien encadré le dispositif.

Enfin, pour ceux qui auraient des doutes sur l’opportunité de recourir à un terminal méthanier flottant, l’article 13 n’est pas codifié et l’article 14 sera caduc au bout de cinq ans. (Mme la ministre acquiesce.)

La rédaction est suffisamment souple pour répondre à l’urgence, sans préempter le futur. C’est la raison pour laquelle la commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Le Gouvernement demande également le retrait de cet amendement ; à défaut, il y sera lui aussi défavorable.

Le premier volet de notre politique de décarbonation, de sortie des énergies fossiles et de réponse à la crise énergétique à laquelle nous faisons face, c’est la sobriété. Vous avez d’ailleurs souligné, monsieur le sénateur, que ce terme faisait désormais partie du paysage, je m’en réjouis : je le promeus, tout comme la Première ministre et le Président de la République.

Le plan de sobriété n’est pas de nature législative : c’est un ensemble de mesures incitant au changement de comportement à tous les échelons, en commençant par l’administration, les ministères et les fonctionnaires.

M. Thomas Dossus. C’est de la communication !

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Pas du tout : des mesures très précises ont d’ores et déjà été prises et d’autres sont en voie de l’être par les acteurs institutionnels et ceux qui ont la capacité de gérer des millions de mètres carrés et des centaines de milliers de collaborateurs.

Ce n’est donc pas un petit geste, comme je l’entends parfois : il s’agit bien au contraire de savoir comment, structurellement, on réalise cette économie d’énergie de 10 %.

D’ailleurs, le Président de la République a fait référence au plan de RTE (Réseau de transport d’électricité) dans son discours de Belfort ; il a longuement insisté sur le besoin de réduire notre consommation énergétique – 40 % de diminution de notre consommation à usage constant. Cela suppose à la fois de la sobriété et de l’efficacité énergétiques : les deux sont indéniablement liées, et c’est l’un des trois piliers de notre politique énergétique.

J’en profite pour indiquer que, depuis le début de l’année, nous constatons une baisse de l’ordre de 5 % à 10 % de la consommation de gaz naturel en France, même si ces résultats ne sont pas intégralement liés à la sobriété.

Sur les émissions de CO2, nous déployons une politique de court terme, qui consiste à remplacer un fournisseur par un autre – un dealer par un autre, comme je l’ai entendu. (Sourires.)

Nous faisons aussi en sorte d’être capables d’importer ce que nous recevions de la Russie, mais aussi d’importer pour diriger des flux de gaz naturel vers nos voisins de l’Est. Tous les pays n’ont pas, en Europe, une façade maritime. Par conséquent, ceux qui ont des terminaux méthaniers réorientent certains flux en direction de l’Est ; tout le gaz importé par les terminaux méthaniers français n’a pas vocation à rester sur le territoire français – c’était d’ailleurs le cas avant, quand certains flux partaient vers l’Espagne. Nous prenons donc notre part de cet effort et alimentons un circuit plus large.

À la fin, en termes d’émissions de CO2, l’équation doit être toujours « descendante ». Tel est bien notre objectif : en aucune façon, nous ne remettons en cause notre trajectoire de diminution de nos émissions de CO2 ni les engagements que nous avons pris dans le cadre des accords de Paris. Je rappelle que nous les avons même relevés en adoptant le paquet Climat – Fit for 55 – à la fin du mois de juin dernier sous la présidence française du Conseil de l’Union européenne et au terme d’une négociation dans laquelle je me suis personnellement engagée. Je pense donc être à même de vous dire qu’il n’y a pas de doute sur cette trajectoire.

Vous avez raison de dire que les centrales à charbon ont une empreinte carbone nettement supérieure à celle des centrales thermiques. C’est pourquoi nous faisons l’effort de compenser l’augmentation des émissions de CO2 qu’engendrera l’activité des centrales à charbon qui tourneront l’hiver prochain.

Sans entrer dans le détail, j’en termine en rappelant que le méthane, qui a un facteur réchauffant plus élevé que le CO2, disparaît progressivement de l’atmosphère beaucoup plus rapidement.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Si !

M. Ronan Dantec. Oh là là…

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 210.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 32 rectifié, présenté par Mme Pantel, MM. Cabanel, Artano et Bilhac, Mme M. Carrère, MM. Corbisez, Fialaire, Gold et Guérini, Mme Guillotin et MM. Guiol et Roux, est ainsi libellé :

Alinéa 1

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

L’augmentation de ces capacités ne peut reposer sur l’importation de gaz naturel liquéfié obtenu par les méthodes de recherche et d’exploitation interdites en application de l’article L. 111-13 du code minier.

La parole est à Mme Véronique Guillotin.

Mme Véronique Guillotin. Je ne suis pas une grande spécialiste des questions énergétiques. Pour autant, il me semble que le sujet est aujourd’hui suffisamment grave pour que ce type d’amendement soit déposé et discuté.

Si notre approvisionnement en énergie dans le contexte de guerre que l’on connaît pose un véritable problème, la situation climatique et environnementale à laquelle on fait face au quotidien est tout aussi préoccupante, voire encore plus dramatique.

Avant même d’engager des mesures d’économie d’énergie, cet article vient renforcer nos capacités d’importation de gaz naturel au moyen d’un nouveau terminal méthanier flottant, non pas pour l’hiver prochain, mais visiblement pour celui d’après.

Ce projet de loi ainsi que le projet de loi de finances rectificative qui arrivera bientôt en discussion actent un recours accru aux énergies fossiles, et l’on peut en comprendre les raisons. Pour remplacer les livraisons de gaz naturel russe, la France devra s’approvisionner davantage auprès d’autres pays, tels que les États-Unis, ce qui ouvre la voie à l’importation de gaz de schiste – c’est là tout le problème ! –, dont la recherche et l’exploitation ont été interdites dans notre pays pour leurs conséquences sur l’environnement et le climat.

Cet amendement vise à ce que l’augmentation des capacités nationales de traitement du gaz naturel liquéfié au travers du nouveau terminal méthanier flottant ne puisse reposer sur l’importation de gaz de schiste.

M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.

L’amendement n° 211 est présenté par MM. Salmon, Labbé, Benarroche, Breuiller, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme de Marco, M. Parigi et Mmes Poncet Monge et M. Vogel.

L’amendement n° 218 rectifié est présenté par M. Montaugé, Mme Artigalas, MM. Bouad et Cardon, Mmes Blatrix Contat et M. Filleul, MM. Kanner, Mérillou, Michau, Pla, Redon-Sarrazy et Tissot, Mmes Lubin, Conconne et Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier, Poumirol et Rossignol, MM. Antiste, Assouline et J. Bigot, Mmes Bonnefoy et Briquet, M. Chantrel, Mme Carlotti, M. Cozic, Mme de La Gontrie, MM. Devinaz, Féraud, Jacquin, P. Joly, Lurel et Marie, Mmes Monier et Préville, M. Raynal, Mme S. Robert, M. Stanzione, Mme Van Heghe, M. Temal et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 1

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Le gaz naturel liquéfié obtenu par des techniques interdites par la section 4 du chapitre Ier du titre Ier du livre Ier du code minier ne peut contribuer à la sécurité d’approvisionnement ni bénéficier de l’exploitation de ces installations pour être importé sur le territoire national.

La parole est à M. Daniel Salmon, pour présenter l’amendement n° 211.

M. Daniel Salmon. À défaut de supprimer cet article, il convient a minima d’interdire l’importation de gaz de schiste sur le territoire national. Nous devons réduire nos émissions de gaz à effet de serre dès maintenant, et pas en 2040 quand, peut-être, six EPR (European Pressurized Reactors) seront sortis de terre. Il faut agir tout de suite !

L’exploitation du gaz de schiste, c’est l’inverse de ce que la nature a fait au cours des 400 derniers millions d’années. En effet, pendant cette période, la nature a stocké du carbone dans le sol, dans les terres, dans les roches. Or que fait-on aujourd’hui ? On le libère dans l’atmosphère sans vergogne !

Nous savons pourtant très bien que l’extraction du gaz de schiste est particulièrement polluante et consommatrice d’eau ; qui plus est, elle pollue cette eau dont nous avons tant besoin à l’échelle mondiale.

Cette situation n’est pas soutenable, nous pouvons en convenir, et il nous faut à tout le moins parvenir à faire la différence entre les deux gaz qui viendront de ce terminal méthanier.

J’ai discuté de cette question avec M. le rapporteur pour avis, qui m’a assuré qu’il n’était pas possible de différencier le gaz conventionnel et le gaz de schiste. Alors que l’on arrive à faire la distinction entre de nombreux produits en fonction de leur origine géographique, à obtenir des garanties d’origine, nous devons nous engager et faire en sorte de réussir à séparer ces deux flux de gaz.

Nous ne voulons pas de gaz de schiste en France parce que, comme l’ont expliqué mes collègues, il est particulièrement désastreux pour le climat.

M. le président. La parole est à M. Franck Montaugé, pour présenter l’amendement n° 218 rectifié.

M. Franck Montaugé. Notre groupe s’est depuis longtemps mobilisé afin que l’on n’explore plus les fonds terrestres pour en extraire des hydrocarbures non conventionnels. En cohérence avec cette position, nous ne souhaitons pas que soit importé aujourd’hui du gaz de schiste.

Comme notre collègue Daniel Salmon, je pense qu’il est possible de déterminer l’origine du gaz importé et de savoir d’où il provient. J’ajoute que les grandes entreprises qui importent du gaz, notamment par le biais d’un terminal flottant, sont toutes engagées dans des démarches de responsabilité sociale et environnementale. À cet égard, elles ont pris des engagements, que je pense sincères et honnêtes. Je pense donc que l’on peut aussi exiger d’elles, un peu solennellement, qu’elles n’importent pas de gaz de schiste.

Pour toutes ces raisons, liées aux enjeux climatiques et environnementaux, nous proposons cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission des affaires économiques ?

M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis. Tout d’abord, je le dis très clairement : l’article 13 ne modifie en rien l’interdiction de l’exploitation d’une énergie par fracturation hydraulique, notamment en France. En tant que rapporteur du volet sur la réforme du code minier l’an passé, j’ai même renforcé cette interdiction, en introduisant dans la loi un objectif de souveraineté minière et en prévoyant un rapport sur l’impact environnemental des importations minières. C’est donc un sujet auquel je suis particulièrement sensible.

Cela étant, l’urgence est aujourd’hui de sortir de la dépendance aux hydrocarbures russes, compte tenu de la guerre en Ukraine. C’est une urgence morale avant d’être économique.

Enfin, il est extrêmement difficile, comme je l’ai dit en commission, de distinguer le gaz issu de la fracturation hydraulique d’un autre gaz.

La commission demande donc le retrait de ces trois amendements ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Le Gouvernement demande également le retrait de ces amendements, faute de quoi il émettra un avis défavorable.

Si les différents groupes politiques ici ont bel et bien voté en 2011 l’interdiction de l’exploitation de gaz de schiste et la fracturation hydraulique en France, en revanche, il n’a jamais été prévu d’interdire, sous aucune des trois mandatures précédentes, l’importation de gaz de schiste.

La fracturation hydraulique étant utilisée aujourd’hui dans la plupart des gisements terrestres – onshore – dans le monde, y compris en Russie d’ailleurs, vous m’accorderez qu’il serait difficile de distinguer pour chaque provenance, pour chaque gisement, molécule par molécule, quelle part du gaz est issue de la fracturation hydraulique. Le texte deviendrait en outre très compliqué à appliquer !

En réalité, ce que vous êtes en train de dire, c’est que l’on ne pourrait plus importer de gaz d’origine terrestre et que nous ne devrions nous reposer que sur le gaz norvégien. Je peux d’ores et déjà vous dire que nous ne pourrions pas faire tourner nos terminaux méthaniers et faire face à une possible interruption des livraisons de gaz russe, ce qui est assez paradoxal, car une partie du gaz russe qui nous est livrée est d’ores et déjà produite par fracturation hydraulique.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 32 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 211 et 218 rectifié.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. L’amendement n° 212, présenté par MM. Salmon, Labbé, Benarroche, Breuiller, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme de Marco, M. Parigi et Mmes Poncet Monge et M. Vogel, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Remplacer les mots :

pendant une durée fixée par l’arrêté

par les mots :

au plus tard jusqu’au 1er janvier 2025

La parole est à M. Daniel Salmon.

M. Daniel Salmon. Face à la situation assez dramatique que nous connaissons, nous ne parvenons plus à trouver de bonnes solutions et nous allons de repli en repli. Je vous propose donc un nouvel amendement de repli, qui vise à ne pas autoriser le recours au terminal méthanier au-delà du 1er janvier 2025.

On le sait, il nous faut sortir des énergies fossiles. Nous avons deux ans pour mettre fin aux 17 % d’importations en provenance de la Russie. Il faut se donner les moyens d’y arriver, je l’ai déjà dit, et orienter notre économie vers la sobriété. On doit y arriver, c’est une question de volonté.

M. le président. Quel est l’avis de la commission des affaires économiques ?

M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis. Tout d’abord, j’indique très précisément que le terminal méthanier flottant du Havre est bien prévu à titre temporaire, une durée de cinq ans étant fixée à l’article 14. L’amendement est donc en partie satisfait.

L’article 13 est un article général, voulu par le Conseil d’État. Il fixe un cadre protecteur d’ensemble. Si nous abrogeons l’article en 2027, alors le ministre chargé de l’énergie, le préfet de département et l’autorité portuaire ne pourront plus contrôler les terminaux méthaniers flottants à l’avenir. La situation sera donc anarchique, du fait d’un vide juridique.

Enfin, je rappelle que nous avons déjà bien encadré le dispositif en commission : l’opérateur du terminal aura l’obligation de proposer un plan d’investissement complet, y compris concernant la fin de la gestion du terminal, ce qui n’a pas toujours été le cas.

La commission demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. J’émets également un avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 212.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L’amendement n° 177 est présenté par M. Gay, Mme Lienemann et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

L’amendement n° 219 rectifié est présenté par M. Montaugé, Mme Artigalas, MM. Bouad et Cardon, Mmes Blatrix Contat et M. Filleul, MM. Kanner, Mérillou, Michau, Pla, Redon-Sarrazy et Tissot, Mmes Lubin et Conconne, M. Lurel, Mme Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier, Poumirol et Rossignol, MM. Antiste, Assouline et J. Bigot, Mmes Bonnefoy et Briquet, M. Chantrel, Mme Carlotti, M. Cozic, Mme de La Gontrie, MM. Devinaz, Féraud, Jacquin, P. Joly et Marie, Mmes Monier et Préville, M. Raynal, Mme S. Robert, M. Stanzione, Mme Van Heghe, M. Temal et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l’alinéa 4

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

…. – Un décret en Conseil d’État précise les obligations incombant au gestionnaire du terminal méthanier flottant en matière de sécurité des installations de systèmes de déconnexion d’urgence et de gestion des évaporations et émissions afin de réduire celles-ci autant que possible, sans que ces obligations ne puissent être inférieures à celles applicables aux terminaux méthaniers à terre. Ce décret précise également les obligations incombant à l’opérateur portuaire en matière d’outils et de moyens de sécurité incendie, d’évacuation, de gestion de catastrophes et de formation de son personnel en conséquence de l’installation d’un tel terminal méthanier flottant.

La parole est à M. Fabien Gay, pour présenter l’amendement n° 177.