compte rendu intégral

Présidence de Mme Pascale Gruny

vice-président

Secrétaires :

Mme Esther Benbassa,

M. Daniel Gremillet.

Mme le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à dix heures trente.)

1

Procès-verbal

Mme le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Article additionnel après l'article 24 - Amendement n° 1060 rectifié (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023
Quatrième partie

Financement de la sécurité sociale pour 2023

Suite de la discussion d’un projet de loi

Mme le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, considéré comme adopté par l’Assemblée nationale en application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution, de financement de la sécurité sociale pour 2023 (projet n° 96, rapport n° 99, avis n° 98).

Candidatures à une éventuelle commission mixte paritaire

Discussion générale
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Article 24 bis (nouveau)

Mme le président. J’informe le Sénat que des candidatures pour siéger au sein de l’éventuelle commission mixte paritaire sur ce texte ont été publiées.

Ces candidatures seront ratifiées si la présidence n’a pas reçu d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.

Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus, au sein du chapitre II du titre Ier de la quatrième partie, à l’examen de l’article 24 bis.

QUATRIÈME PARTIE (suite)

DISPOSITIONS RELATIVES AUX DÉPENSES DE LA SÉCURITÉ SOCIALE POUR L’EXERCICE 2023

TITRE Ier (suite)

DISPOSITIONS RELATIVES AUX DÉPENSES

Chapitre II (suite)

Renforcer l’accès aux soins

Quatrième partie
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Article 24 ter (nouveau)

Article 24 bis (nouveau)

Le code de la santé publique est ainsi modifié :

1° L’article L. 1110-4-1 est ainsi rétabli :

« Art. L. 1110-4-1. – Les usagers du système de santé bénéficient de la permanence des soins dans les conditions prévues au présent code.

« Les établissements de santé et les autres titulaires de l’autorisation mentionnée à l’article L. 6122-1 ainsi que les médecins, les chirurgiens-dentistes, les sages-femmes et les infirmiers diplômés d’État sont responsables collectivement de la permanence des soins mentionnée aux articles L. 6111-1-3 et L. 6314-1. » ;

2° À la seconde phrase du premier alinéa du I de l’article L. 1435-5, après le mot : « médecins », sont insérés les mots : « , l’ordre des chirurgiens-dentistes, l’ordre des sages-femmes, l’ordre des infirmiers » ;

3° À l’article L. 6111-1-3, après la première occurrence du mot : « santé », sont insérés les mots : « et les autres titulaires de l’autorisation mentionnée à l’article L. 6122-1 » ;

4° L’article L. 6314-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les chirurgiens-dentistes, les sages-femmes et les infirmiers diplômés d’État mentionnés à l’article L. 162-9 du code de la sécurité sociale, dans le cadre de leur activité libérale, et aux articles L. 162-12 et L. 162-32-1 du même code ont vocation à concourir à la mission de service public de permanence des soins dans les conditions définies à l’article L. 1435-5 du présent code. Tout autre chirurgien-dentiste, sage-femme ou infirmier ayant conservé une pratique de sa profession a vocation à y concourir, selon des modalités fixées contractuellement avec l’agence régionale de santé. Les mesures d’application du présent alinéa, notamment les modalités de rémunération des professionnels de santé concernés, sont fixées par décret. »

Mme le président. L’amendement n° 59, présenté par Mme Imbert, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Corinne Imbert, rapporteure de la commission des affaires sociales pour lassurance maladie. Cet amendement vise à supprimer l’article 24 bis.

En effet, celui-ci tend à étendre aux chirurgiens-dentistes, aux sages-femmes et aux infirmiers la permanence des soins ambulatoires (PDSA), en faisant notamment en sorte que les infirmiers participent à la régulation.

Si l’idée est intéressante et que l’interprofessionnalité doit être encouragée, un article additionnel au projet de loi de financement de la sécurité sociale ne constitue pas le moyen approprié pour délibérer d’une mesure aussi structurante.

De plus, les modalités de mise en œuvre du dispositif demeurent largement inconnues à ce stade.

Les autres professions de santé auraient-elles vocation à se substituer aux médecins de garde ?

À l’inverse, si l’idée est de demander à plusieurs professionnels d’assurer simultanément une permanence, quels sont les besoins réels ? Justifient-ils une telle présence ? Comment nous assurer de la bonne coordination de ces professionnels et de la qualité des soins ?

Enfin, quid de l’obligation de participation des médecins généralistes à la permanence des soins ?

En toute hypothèse, une telle mesure doit faire l’objet d’une concertation en amont : les ordres et les organisations représentatives devraient être consultés.

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de lorganisation territoriale et des professions de santé. Supprimer cet article, madame la rapporteure, reviendrait à supprimer l’introduction de la notion de responsabilité collective dans la participation à la permanence des soins, tant au sein des établissements qu’en santé de ville. Or celle-ci permet de garantir à la population un accès aux soins non programmés.

En effet, une telle disposition vise à rappeler que les médecins doivent s’organiser entre eux pour assurer cette permanence – et la juste contribution de chacun –, dans un équilibre entre établissements de santé publics, établissements de santé privés et professionnels libéraux.

Par ailleurs, l’élargissement à d’autres professions se fera dans le strict respect des compétences de chacun et sera déclenché par la régulation médicale.

Cet été a par exemple été expérimentée, dans le cadre de la « boîte à outils » prévue, la possibilité d’envoyer un infirmier au domicile du patient sur orientation du Samu (service d’aide médicale urgente), afin de réaliser une téléconsultation assistée – les retours ont été plutôt positifs.

Pour toutes ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 59.

(Lamendement est adopté.)

Mme le président. En conséquence, l’article 24 bis est supprimé.

Article 24 bis (nouveau)
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Article 24 quater (nouveau)

Article 24 ter (nouveau)

I. – Pour une durée de trois ans et à titre expérimental, l’État peut autoriser les infirmiers en pratique avancée à prendre en charge directement les patients dans le cadre des structures d’exercice coordonné mentionnées aux articles L. 1411-11-1, L. 1434-12, L. 6323-1 et L. 6323-3 du code de la santé publique. Un compte rendu des soins réalisés par l’infirmier en pratique avancée est adressé au médecin traitant et reporté dans le dossier médical partagé.

II. – Un décret, pris après avis de la Haute Autorité de santé, détermine les modalités de mise en œuvre de l’expérimentation mentionnée au I du présent article. Les ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale arrêtent la liste des territoires participant à cette expérimentation, dans la limite de trois régions. Si l’avis prévu à la première phrase du présent II n’a pas été transmis au Gouvernement dans un délai de trois mois à compter de la notification du projet de décret à la Haute Autorité de santé, cet avis est réputé avoir été rendu.

III. – Au plus tard six mois avant le terme de l’expérimentation, le Gouvernement remet au Parlement un rapport d’évaluation, qui se prononce notamment sur la pertinence d’une généralisation.

Mme le président. L’amendement n° 60, présenté par Mme Imbert, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Corinne Imbert, rapporteure. Cet amendement vise à supprimer l’article 24 ter.

Qu’on ne se méprenne pas, il ne s’agit pas d’un amendement contre les infirmiers en pratique avancée (IPA). Nous souhaitons simplement pointer, madame la ministre, l’incohérence du Gouvernement.

Cet article additionnel, introduit par la rapporteure générale à l’Assemblée nationale, non débattu dans l’hémicycle, mais figurant dans le texte transmis en application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution, vise à expérimenter l’accès direct aux infirmiers en pratique avancée.

Dans le même temps, la proposition de loi portant amélioration de l’accès aux soins par la confiance aux professionnels de santé, déposée mi-octobre à l’Assemblée nationale et qui sera examinée le 23 novembre en commission, porte également sur le sujet de l’accès direct aux infirmiers en pratique avancée.

Or les termes de cette proposition de loi ne sont pas identiques à ceux de l’article 24 ter – j’ai vérifié. Mais je trouve dommage, bien que ce soit un vrai sujet et que je sois favorable à l’accès direct aux infirmiers en pratique avancée, que nous introduisions cette mesure par la voie d’un article n’ayant même pas été débattu.

L’accès direct aux infirmiers en pratique avancée constitue une mesure structurante, qui ne serait pas sans effet sur le rôle de pivot actuellement reconnu au médecin traitant ni, plus largement, sur l’organisation du parcours de soins.

Si l’accès aux soins représente évidemment un enjeu important, nous devons veiller à ce que la répartition des compétences entre professionnels garantisse également la qualité des soins sur l’ensemble du territoire.

Cette question mérite d’être étudiée de manière transversale à l’occasion d’une loi relative à l’organisation du système de soins. Un article additionnel au projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) n’est pas le véhicule approprié.

J’y insiste, que l’on ne se méprenne pas sur nos intentions quant à cet amendement.

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée. Madame la rapporteure, je comprends l’intérêt de cet amendement et le message que vous entendez faire passer.

Malgré tout, vous le savez bien, nous devons avancer pour apporter à nos concitoyens des réponses en matière d’accès aux soins.

Les infirmiers de pratique avancée sont en train de se déployer à un rythme de plus en plus soutenu. L’article 24 ter vise donc à mettre en place une expérimentation, réalisée dans le cadre des structures d’exercice coordonné, afin d’étudier les conditions réelles et les éventuelles répercussions de cette mesure.

Dans ce cas précis, cette expérimentation permettra de prendre en compte les pistes d’amélioration dans les relations entre les IPA et les médecins traitants pour s’assurer d’une organisation optimale du parcours de soins.

Par ailleurs, nous pourrons ainsi dynamiser le déploiement de cette jeune profession, dont les compétences cliniques ont été renforcées par une formation universitaire robuste.

Pour toutes ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.

Mme le président. La parole est à Mme Véronique Guillotin, pour explication de vote.

Mme Véronique Guillotin. Si je comprends l’argumentaire de Mme la rapporteure, je suis très favorable au maintien de cet article, qui tend donc à expérimenter l’accès direct aux infirmiers de pratique avancée.

Tout d’abord, nous expérimentons dans le cadre de structures coordonnées donnant un gage de sécurité : un compte rendu de soins sera, par exemple, transmis par l’IPA au médecin traitant. Le processus est donc cadré.

Je rappelle que les IPA ont fait trois ans d’études, auxquelles s’ajoutent deux de spécialisation, soit cinq années qui justifient des compétences particulières. De plus, il est nécessaire de libérer du temps médical – il n’est pas inutile de le redire.

Cette profession est en cours de déploiement. Si nous n’agissons pas rapidement, tout un bataillon d’infirmiers en pratique avancée libéraux, prêts à travailler, ne seront pas en mesure de trouver leur place dans la médecine de ville.

Donc, d’un côté, les IPA ne trouvent pas de place dans la médecine de ville, et, de l’autre, les médecins cherchent du temps médical.

Si nous ne plaçons pas un marqueur fort en leur permettant de trouver leur place au sein des exercices coordonnés, je crains que ces infirmiers en pratique avancée ne soient, à l’avenir, de moins en moins nombreux à vouloir se former. (M. Claude Kern approuve.) Dans la région Grand Est, sur 783 IPA déjà formés, un seul exerce actuellement à temps plein dans ce domaine, les autres ne trouvant pas leur place dans les exercices coordonnés.

J’estime donc que cet article doit être maintenu, en proposant toutefois, en gage de leur bonne intégration, que les modalités de coopération entre les IPA et les médecins traitants des exercices coordonnés des maisons de santé soient définies – le comité de liaison des institutions ordinales (Clio) y travaille déjà –, et que l’action de ces infirmiers soit intégrée au sein des projets médicaux.

Mme le président. La parole est à M. Bernard Jomier, pour explication de vote.

M. Bernard Jomier. Nous avons largement eu l’occasion, au cours des dernières années, d’exprimer notre soutien au développement des infirmiers de pratique avancée, tout en pointant le fait que la bonne méthode pour avancer était que les professionnels de santé négocient entre eux l’émergence de nouvelles fonctions parmi eux. C’est par ce travail partagé que nous progresserons et changerons la situation actuelle, à savoir une trop grande concentration de fonctions sur les médecins.

Nous avons vécu des années de blocage, du fait de certaines décisions ministérielles : souvenez-vous du dernier PLFSS, lors de l’examen duquel le ministre de la santé nous bombardait de dispositions inadaptées.

Depuis quelques mois, il se passe quelque chose : peut-être est-ce une nouvelle méthode, auquel cas je la salue. Toujours est-il que les différents ordres se sont mis autour de la table pour aboutir à un texte commun. Certes, ce texte ne règle pas tout ; mais l’ordre des infirmiers, des kinésithérapeutes, des médecins y affirment ensemble la manière dont ils veulent travailler.

Nous en sommes à l’étape de la négociation conventionnelle. Ce n’est donc toujours pas l’heure que le Parlement adopte un dispositif, puisque les négociations sont en cours. Nous l’avons évoqué hier, le grand défaut de ce PLFSS est d’être brouillon, de donner le sentiment d’un texte un peu bâclé.

Non, il n’est pas l’heure d’adopter un article sur le rôle des IPA. Dans six mois, les négociations conventionnelles seront terminées. Nous verrons alors comment les professionnels se seront réparti les tâches. Si nous jugeons alors que le résultat n’est pas satisfaisant, il sera l’heure d’intervenir. (Mme Émilienne Poumirol applaudit.)

Mme le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.

M. Daniel Chasseing. Je partage les propos de Véronique Guillotin et de Bernard Jomier.

D’un côté, nous avons un besoin urgent d’infirmiers de pratique avancé dans certains cabinets. Pour cela, nous devons dessiner les grandes lignes d’une coordination la plus harmonieuse possible entre le médecin et l’IPA. Ce binôme peut apporter de très bonnes choses dans les maisons de santé.

D’un autre côté, pour que la loi soit vraiment exécutoire, il faut bien sûr consulter les médecins et les professionnels afin qu’ils décident du contenu de la loi pour rendre possible une telle coordination.

Nous voyons bien que le dispositif ne peut fonctionner qu’en cas de synergie entre le médecin traitant référent et l’infirmier de pratique avancée. Le cas échéant, certaines maisons médicales en proie à des difficultés pourraient être sauvées.

Mme le président. La parole est à M. Bernard Fialaire, pour explication de vote.

M. Bernard Fialaire. Je soutiendrai l’amendement n° 1021 rectifié de Véronique Guillotin, déposé sur cet article, et ce pour plusieurs raisons.

Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales. Elle ne l’a pas encore présenté !

M. Bernard Fialaire. Les débats que nous tenons depuis plusieurs jours montrent bien que nous sommes dans une situation de crise, dans plusieurs domaines.

Tout d’abord, nous avons un problème de démographie, auquel nous essayons de répondre par une réorganisation, notamment en autorisant les médecins retraités à prolonger leur activité.

Ensuite, une révolution technologique dans la médecine nous imposera, dans les années à venir, de revoir les tâches des médecins coordonnateurs. Actuellement, il est imposé aux médecins, de manière conventionnelle, de répartir les patients vers les différentes spécialités. Ce travail peut être fait par des IPA pour soulager les médecins – c’est dans le même esprit que nous avons imposé le passage chez le médecin généraliste avant de voir un spécialiste.

Par ailleurs, nous devons également mettre en œuvre un appel pour régler les urgences.

L’expérimentation prévue pour les IPA doit permettre de répondre durablement à cette réorganisation des parcours de santé, qui sera bénéfique pour les patients et intéressante pour les finances de la sécurité sociale.

Mme le président. La parole est à M. Alain Milon, pour explication de vote.

M. Alain Milon. Madame la ministre, je n’interviendrai pas directement sur ce sujet – je soutiens l’amendement de la commission ; je tiens simplement à vous alerter sur un problème qui m’a été soumis en région Provence-Alpes-Côte d’Azur, où les infirmières libérales, qui font une formation en IPA, trouvent leur première année de formation financée, mais pas la seconde. Pouvez-vous vous pencher sur ce sujet ?

J’ai alerté le président de région, j’en fais désormais de même avec le ministère.

Mme le président. La parole est à Mme Nadia Sollogoub, pour explication de vote.

Mme Nadia Sollogoub. Je suis très ennuyée sur ce sujet. Je comprends évidemment votre position, madame la rapporteure : nous devons toucher à l’organisation des soins avec une main extrêmement prudente.

Malgré tout, des territoires connaissent une telle pénurie que la délégation de tâches est vraiment cruciale. Je me mets également à la place des infirmiers et infirmières qui ont fait l’effort de suivre cette formation d’IPA et qui, à la sortie, ont l’impression de faire un pas en arrière après avoir fait un pas en avant – c’est leur ressenti.

Toutefois, bien qu’une réorganisation soit nécessaire, je rejoins, à titre personnel, la position de Mme Guillotin.

Mme le président. La parole est à M. Henri Cabanel, pour explication de vote.

M. Henri Cabanel. Je ne suis pas un spécialiste de la santé, mais, depuis le début de cette discussion, j’écoute attentivement les interventions de chacun. Monsieur le ministre nous a expliqué hier que des décisions prises par le passé nous avaient menés dans la situation actuelle.

Pour ne pas renouveler les erreurs du passé, je suis – dans tous les domaines, d’ailleurs – favorable à l’expérimentation. Je soutiendrai donc l’amendement de Véronique Guillotin. C’est par l’expérimentation que nous pourrons prendre les décisions les plus sûres pour l’avenir.

Mme le président. La parole est à Mme la présidente de la commission.

Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales. Je veux expliquer pourquoi la commission a pris une telle position.

Nous soutenons bien évidemment les IPA : nos propositions, dans le rapport d’information fait au nom de la commission d’enquête Hôpital, font d’ailleurs état de la nécessité d’aboutir à ce partage des tâches.

Lorsque la ville va mal, l’hôpital va mal. Si nous voulons que la médecine de ville soulage l’hôpital en matière d’admissions ou de consultations, nous devons améliorer l’accès au soin sur les territoires – nous avons eu ce débat hier.

La façon dont nous lisons cet article est la suivante : il s’agit certes d’une expérimentation, le rendant recevable au titre du PLFSS, mais son adoption induirait une réorganisation des soins. Les ordres se sont entendus pour formuler un ensemble de propositions, mais celles-ci ne portaient pas sur la seule question des IPA.

Si nous voulons traiter le sujet par des expérimentations dans le cadre du PLFSS, faisons-le sur l’ensemble des recommandations du Clio. Pourquoi nous focaliser sur une seule profession, alors que l’ensemble des professions médicales et paramédicales sont concernées ?

Que l’on ne nous dise pas que nous protégeons les médecins en procédant de la sorte : ce n’est pas vrai ! J’ai toujours milité pour que le parcours de soins induise un partage entre le médecin et tous les professionnels de santé autour – cela dépasse largement les seuls infirmiers, même s’ils ont une place considérable et remarquable dans le dispositif.

La rédaction de cet article se focalise sur une expérimentation sur les IPA alors que le problème est beaucoup plus large. Pourquoi vouloir le supprimer ? Parce qu’à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale figure une proposition de loi de Stéphanie Rist, portant justement sur les suites du Clio et sur la répartition entre les différents professionnels de santé pour assurer le meilleur accès aux soins et la meilleure prise en charge d’un patient sur un territoire. Nous renvoyons donc cette question à l’examen de ce texte.

Dans le cas où cette proposition de loi serait retirée de l’ordre du jour de l’Assemblée nationale, nous travaillerions à ce que quelque chose soit fait, car nous ne pouvons pas mélanger la question de l’organisation des soins à des articles disparates du PLFSS – nous avons eu le cas des kinés et des orthoptistes l’an dernier, nous avons maintenant celui des IPA…

Nous ne prenons évidemment pas cette position contre les infirmiers – j’ai d’ailleurs parlé avec le président de l’ordre à cet égard. Nous soutenons chaque profession, à sa place. Tout le monde voit bien comment, sur un territoire, les médecins travaillent avec les infirmiers, les pharmaciens, les kinés, les sages-femmes, etc.

La position de la commission n’est pas de balayer d’un revers de manche cette solution ni, pour autant, de faire traîner les choses pendant des années. Il faut très rapidement que l’organisation des soins entre les différents professionnels de santé soit définie.

Cela étant dit, je valide et confirme la position de la commission.

Mme le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée. Pour ma part, je valide et confirme l’avis défavorable du Gouvernement sur cet amendement.

J’en suis intimement convaincue : personne ici ne doute de l’utilité des IPA. Je remercie Mmes la présidente et la rapporteure de l’avoir réaffirmé.

Nous pourrons évoquer les enjeux du Clio à l’occasion de la discussion du prochain amendement, mais je veux insister sur le fait que cette expérimentation prévue à l’article 24 ter doit être mise en œuvre assez rapidement, car nous avons bien la volonté, monsieur Milon, d’accélérer sur la formation des IPA.

Cela suppose d’avoir confiance en ces derniers et en le binôme qu’ils forment avec les médecins. Le président de l’ordre des médecins, que j’ai rencontré hier, nous a incités à aller plus vite sur la formation des IPA.

Si j’entends les remarques sur une certaine superposition des dispositifs, il faut bien dissocier celui-ci par lequel nous envoyons un signal très fort à ces infirmiers de pratique avancée, dont nous allons avoir grandement besoin.

Les enjeux de prise en compte de la formation sont un sujet réel, mais ne concernent pas toutes les régions de la même manière. Les régions doivent prendre en compte la formation pour inciter fortement les infirmiers à se former.

Nous devons envoyer des signaux forts à certaines professions : cette expérimentation en est un. Nous avons besoin des infirmiers, nous avons besoin des infirmiers de pratique avancée, et nous devons lancer cette expérimentation, qui complétera le dispositif sur lequel nous travaillons avec le Clio – j’y reviendrai à l’amendement suivant.

Nous devons avancer ; c’est pourquoi le Gouvernement maintient son avis défavorable sur cet amendement.

Mme le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.

M. René-Paul Savary. Madame la ministre, j’étais un peu dans le doute, voyez-vous, mais vous m’avez convaincu de soutenir l’amendement de Mme la rapporteure. (Sourires.)

Vous souhaitez donner des signaux et communiquer sur les difficultés que nous rencontrons – soit. Pour notre part, nous attendons une vision. Celle-ci ne peut provenir que des professionnels concernés : les partenaires sociaux en ce qui concerne la branche vieillesse et les retraites ; les ordres et les syndicats médicaux s’agissant de l’organisation des soins.

Nous n’allons pas réorganiser l’ensemble des soins dans le cadre d’un PLFSS. Madame la ministre, attachez-vous à présenter une loi d’organisation de la santé constituant une réponse aux difficultés que nous rencontrons, réponse qui soit partagée par l’ensemble des professionnels et des usagers.

J’invite donc mes collègues à soutenir la proposition selon laquelle la réorganisation doit être décidée par les conventions. Si les conventions ne donnent pas de résultats, sachez que nous saurons alors prendre nos responsabilités.

Mme le président. La parole est à M. Martin Lévrier, pour explication de vote.

M. Martin Lévrier. Si je suis sur le principe assez d’accord avec M. Savary, je veux rappeler que nous parlons d’une expérimentation. Dans ces conditions, je m’étonne des réactions sur certaines travées, car il s’agit d’un sujet très important sur lequel nous devons effectivement montrer des signaux, même – et surtout – au travers du PLFSS.

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 60.

(Lamendement est adopté.)

Mme le président. En conséquence, l’article 24 ter est supprimé, et les amendements nos 1021 rectifié et 1061 rectifié n’ont plus d’objet.

Article 24 ter (nouveau)
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Article 25

Article 24 quater (nouveau)

I. – À titre expérimental, pour une durée de trois ans, l’État peut autoriser les conseils de l’ordre des médecins territorialement compétents à organiser obligatoirement des consultations de médecins généralistes ou spécialistes dans les zones mentionnées au 1° de l’article L. 1434-4 du code de la santé publique, dans un lieu différent du lieu d’exercice habituel de ces médecins. Outre la rémunération des actes médicaux, ces consultations font l’objet d’un financement par le fonds d’intervention régional mentionné à l’article L. 1435-8 du même code, qui tient compte notamment des sujétions et des contraintes géographiques.

II. – Un décret détermine les modalités de mise en œuvre de l’expérimentation mentionnée au I du présent article. Les ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale arrêtent la liste des territoires participant à cette expérimentation, dans la limite de trois régions.

III. – Au plus tard six mois avant le terme de l’expérimentation, le Gouvernement remet au Parlement un rapport d’évaluation, qui se prononce notamment sur la pertinence d’une généralisation.