Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Stéphane Piednoir, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de léducation et de la communication. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je partage la satisfaction générale de constater l’augmentation de près de 750 millions d’euros des moyens consacrés à l’enseignement supérieur.

La compensation de l’augmentation du point d’indice était évidemment très attendue des établissements, qui n’y ont pas eu droit en 2022 et qui, en conséquence, devront financer une demi-année de hausse sur leurs fonds propres. Ce surcoût de masse salariale vient s’ajouter au glissement vieillesse technicité (GVT), toujours non compensé à ce jour.

Les établissements d’enseignement supérieur nous disent par ailleurs leur forte inquiétude face à l’ampleur des surcoûts énergétiques. Le déblocage d’un fonds exceptionnel doté de 275 millions d’euros est accueilli avec soulagement par les intéressés, mais suscite des interrogations. Madame la ministre, 150 millions d’euros de nouveaux crédits sont ouverts dans la loi de finances rectificative pour 2022. D’où proviendront donc les 125 millions restants ? Les opérateurs de l’enseignement supérieur et de la recherche devront-ils assumer eux-mêmes ces crédits de soutien en recourant au dégel de leurs réserves de précaution ?

Depuis que je suis rapporteur pour avis, je plaide pour le lancement d’un grand plan d’investissement destiné à la rénovation du parc immobilier universitaire, connu pour être très vaste, vieillissant, en partie vétuste et énergivore.

La crise énergétique que nous subissons rend plus que jamais nécessaire une réflexion de fond sur la quantité et la qualité du bâti universitaire au regard des récentes évolutions pédagogiques et sociétales, l’avenir consistant sans doute en « moins de mètres carrés » pour « mieux de mètres carrés ».

Durant la crise sanitaire, quand l’urgence était de relancer rapidement l’économie française, le Gouvernement a fait le choix de passer par la méthode de l’appel à projets pour encourager la rénovation énergétique dans l’enseignement supérieur et la recherche. Cette initiative a certes permis de donner une véritable impulsion, mais, compte tenu du retard accumulé ces dernières décennies et de l’ampleur des besoins d’investissement – évalués à 7 milliards d’euros par votre ministère, mais à plus du double par France Universités –, un changement d’échelle est indispensable.

Je conclurai en tirant la sonnette d’alarme quant au financement de l’activité de restauration des Crous. Si, en 2022, la rentrée s’est déroulée dans un climat beaucoup plus serein que les années précédentes, les restaurants universitaires sont confrontés à une tension croissante. En deux ans, leur activité a augmenté, selon les sites, de 20 % à 40 %, sous l’effet de plusieurs facteurs : attractivité du repas à un euro, fidélisation de nouveaux étudiants, contexte inflationniste et conséquences de la loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous (Égalim). Je m’étonne qu’il n’y ait aucun lien entre le volume de repas fournis et le niveau de la subvention versée au réseau, laquelle stagne depuis plusieurs années. Il est sans doute temps d’ouvrir ce chantier d’une remise à plat du financement de la restauration universitaire.

Sous le bénéfice de ces observations et malgré ces quelques réserves, la commission de la culture a émis un avis favorable sur l’adoption des crédits de l’enseignement supérieur pour 2023. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)

Mme la présidente. Dans la suite de notre discussion, mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque unité de discussion comprend le temps de l’intervention générale et celui de l’explication de vote.

Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de quinze minutes pour intervenir.

La parole est à M. Bernard Fialaire.

M. Bernard Fialaire. Madame la ministre, vous vous fixez comme objectif de contribuer à promouvoir l’égalité des chances des différentes classes sociales dans l’accès aux formations de l’enseignement supérieur ; c’est très bien.

Parlons-en !

Au sein des grandes écoles, la diversité sociale n’a pas progressé en dix ans. Si l’on devait brosser le portrait de leurs étudiants, on pourrait dire que leurs parents sont issus des catégories socioprofessionnelles supérieures et que, le plus souvent, ils résident en Île-de-France.

Cette année, 83 000 étudiants sont inscrits en classes préparatoires aux grandes écoles. À étudier le classement des dix meilleures classes préparatoires dans chaque filière, que remarque-t-on ? Si, pour ce qui est des filières scientifique et littéraire, une large majorité de ces classes préparatoires sont publiques, en revanche, sept des dix meilleures classes préparatoires de la filière économique et commerciale générale sont privées, les frais annuels y dépassant en moyenne les 5 000 euros.

Il existe aussi des officines privées, auxquelles les étudiants ont recours en parallèle de leurs enseignements, qui peuvent être très coûteuses et qui les aident à préparer les travaux dirigés et les examens. Pourquoi ne pas encourager des systèmes de tutorat interpromotion gratuit ? Cela existe déjà, mais gagnerait à être développé. Ainsi les chances de réussite des étudiants augmenteraient-elles en même temps que les liens sociaux seraient renforcés.

L’enseignement public doit être la voie d’excellence.

Tel est le cas pour les filières scientifique et littéraire ; il faut qu’il en aille de même dans toutes les disciplines. Le secteur du jeu vidéo, par exemple, dispose d’une seule formation supérieure publique, alors qu’il est en plein développement, propose des recrutements et constitue un domaine d’excellence pour la France.

Les déterminants non académiques de la réussite ne doivent pas représenter un obstacle et le mérite doit demeurer un ascenseur social.

La loi du 8 mars 2018 relative à l’orientation et à la réussite des étudiants avait prévu que soit retenu, dans le cadre de la procédure Parcoursup, un taux minimal de bacheliers bénéficiaires d’une bourse nationale de lycée, cette mesure étant notamment censée s’appliquer dans les filières sélectives. Si l’on remarque, dans le sillon de cette loi, une augmentation – de 20 % à 25 % – de la proportion de néo-bacheliers boursiers admis dans le supérieur, ceux-ci restent relativement peu nombreux au sein des classes préparatoires aux grandes écoles, puisqu’ils y représentent 28 % des étudiants, contre 39 % à l’université et 54 % dans les sections de technicien supérieur (STS).

En outre, madame la ministre, votre objectif concernant le pourcentage d’étudiants boursiers en classes préparatoires aux grandes écoles stagne à 30 % jusqu’en 2025.

Nous devons être plus ambitieux !

Je salue les mesures prises par le Gouvernement en faveur du pouvoir d’achat des étudiants, comme le gel de l’indexation des loyers en résidence universitaire, la revalorisation de 4 % du montant des bourses sur critères sociaux et le maintien du repas en restaurant universitaire à un euro pour les étudiants boursiers.

Concernant la contribution de vie étudiante et de campus (CVEC), qui fut particulièrement mobilisée pour faire face en urgence à la crise sanitaire, le montant de sa collecte devrait atteindre 175 millions d’euros en 2023, soit 25 millions d’euros de plus que l’année dernière. Il est important que la CVEC ne devienne pas un simple levier d’intervention face aux crises sanitaires et énergétiques, mais qu’elle favorise chez les étudiants, conformément à l’intention du législateur, la pratique sportive et l’accès à l’art et à la culture, c’est-à-dire au bien-être et à l’épanouissement.

L’activité physique étant un important facteur d’épanouissement physique et psychique, je me réjouis de l’extension du Pass’Sport à 800 000 étudiants boursiers depuis la rentrée 2022. À ce propos, madame la ministre, je souhaite vous interpeller sur la place du sport universitaire, encore trop négligé.

Ce projet de budget prévoit une hausse des crédits alloués aux universités et aux organismes de recherche, des revalorisations salariales et la création de 650 chaires de professeur junior et postes de doctorants. J’ajoute que, désormais, aucun chercheur ne sera payé moins de 2 Smic en début de carrière. Notre vivier de chercheurs s’amenuisant depuis des années, ces mesures sont une étape indispensable en vue de restaurer la dignité et l’attractivité de la recherche ; il y va de l’avenir de notre pays.

Par conséquent, le groupe RDSE votera les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – M. Julien Bargeton applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Max Brisson. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Max Brisson. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, les années passées ont été marquées par les effets de la crise sanitaire. Celle-ci a durement et durablement affecté l’enseignement supérieur dans notre pays. Le profond mal-être des étudiants, l’isolement des enseignants au moment de donner leurs cours et le désarroi de l’ensemble des personnels d’université ont laissé des traces au cœur d’une institution déjà affaiblie par un manque de financement chronique.

La recherche, elle, n’a pas non plus été hermétique à ces épreuves. La question de la performance de la recherche étant posée au grand jour, l’occasion a été donnée de rappeler combien, dans certains secteurs, notre pays s’était endormi.

C’est dans un tel contexte que nous avions examiné, à partir des travaux de notre collègue Laure Darcos, le projet de loi de programmation de la recherche.

À cette occasion, nous avions pointé un manque de financements concernant tant le budget de l’enseignement supérieur que celui de la recherche : manque de financements pour les revalorisations salariales ; manque d’investissements pour rattraper notre décrochage dans le domaine de la recherche ; manque de financements pour rénover les bâtiments universitaires vieillissants ; manque de financements, enfin, pour parer aux effets de l’inflation.

Qu’en est-il dans le cadre de ce projet de budget pour 2023 ? Avons-nous progressé ? Allons-nous progresser ?

Indéniablement, oui, puisque les crédits augmentent substantiellement : +1 milliard d’euros par rapport à 2022.

Madame la ministre, je salue l’ambition forte que vous défendez et les résultats concrets que vous obtenez. Cette ambition s’articule autour de trois priorités, que vous avez rappelées : compensation pérenne de la revalorisation du point d’indice ; poursuite de la trajectoire de la LPR ; mesures nouvelles en faveur de la vie étudiante ou reconduction de mesures exceptionnelles mises en œuvre depuis la crise sanitaire.

Les moyens augmentent, des efforts significatifs sont réalisés afin de répondre à l’urgence que connaissent ces secteurs stratégiques pour l’avenir de notre pays. Dans le contexte d’inflation et de crise énergétique que nous connaissons, ces hausses de crédits permettent de tenir les objectifs et d’éviter d’affaiblir plus encore qu’ils ne le sont déjà l’enseignement supérieur et la recherche, parents pauvres du budget de l’État pendant de trop nombreuses années.

Toutefois, madame la ministre, dans le prolongement des recommandations de nos collègues, je vous appelle à faire rayonner votre ambition avec la même force en matière d’investissements d’avenir. En effet, à la lecture de ce projet de budget, le sentiment général est le suivant : on répond aux urgences et les engagements sont tenus, mais, là où il s’agit de relever les défis d’avenir et de bâtir l’université de demain, les moyens sont moindres.

Le choc inflationniste absorbe les efforts budgétaires prévus par la LPR. Je vous encourage donc à redoubler d’ambition, afin que les augmentations de moyens se traduisent réellement par un « choc d’investissements » et ne servent pas seulement à faire face à l’inflation.

Le cas de la réhabilitation du patrimoine universitaire est parlant. Votre ministère évalue le besoin à 7 milliards d’euros, dont 75 % devraient être consacrés à la transition énergétique. L’appel à projets de 2020 avait permis de lancer certaines opérations, mais avait également exhibé l’ampleur des besoins. Le ministère continue donc d’accumuler du retard.

Aussi, je m’associe pleinement aux recommandations formulées par le rapporteur pour avis de la commission de la culture Stéphane Piednoir, qui appelle à lancer un plan d’investissement d’envergure assorti d’une réflexion de fond sur la quantité et la qualité du bâti universitaire, en lien avec les évolutions pédagogiques et sociétales.

La revalorisation des contrats des doctorants, initialement réservée aux nouveaux entrants et que vous avez décidé d’étendre, ce qui est une bonne chose, ne doit pas occulter le besoin d’un travail de fond sur l’attractivité de la recherche. Les conclusions de notre collègue rapporteure pour avis Laure Darcos, qui relève que les postes créés par la LPR n’ont pas tous été pourvus, nous invitent également à une très grande vigilance.

Madame la ministre, comme mes collègues du groupe Les Républicains, je voterai les crédits de cette mission. Je salue votre volontarisme pour défendre l’enseignement supérieur et la recherche.

Toutefois, je vous exhorte à ne pas perdre de vue l’une des finalités des politiques menées en ce domaine : mieux former les étudiants, mieux les orienter, lutter contre des taux d’échec qui restent importants.

Voilà pourquoi je vous invite à vous rapprocher de votre collègue ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse, M. Pap Ndiaye, et à ouvrir enfin le chantier de l’orientation et de l’articulation lycée-licence, bac–3/bac+3.

Nous le disions voilà peu, à l’occasion d’un débat organisé par nos collègues du groupe communiste républicain citoyen et écologiste : cette articulation ne fonctionne pas. L’enseignement supérieur n’a pas pris réellement la mesure du nouveau baccalauréat et cette non-prise en compte génère et nourrit l’échec de la réforme du lycée.

Les attendus de l’enseignement supérieur ne peuvent plus ignorer le souci de donner plus de liberté et de choix aux lycéens et, par leur spécialisation progressive, de les aider à se muer peu à peu en étudiants. Les formations supérieures qui privilégient le tronc commun, celles qui, par leurs attendus, cherchent à reconstituer l’ancienne voie S, rendent un bien mauvais service à la réforme du lycée, et même au pays.

Faire de l’orientation des lycéens et des étudiants une grande cause nationale, voilà ce qui manque à votre projet de budget comme à celui de votre collègue Pap Ndiaye.

Il me semble pourtant indispensable de mettre en chantier ce lien lycée-licence, si souvent évoqué. Le nouveau baccalauréat aurait dû être l’occasion d’une réflexion de fond sur la mue progressive d’un lycéen en étudiant. Parce que l’instauration de Parcoursup dans l’urgence et la réforme du lycée ont été conçues en silo et selon un calendrier inversé, nous nous retrouvons dans la même situation qu’en 2017.

L’articulation lycée-licence reste à construire. Votre projet de budget, par ailleurs volontariste, ne dessine pour autant aucune priorité en la matière. C’est dommage !

Résultat, les angoisses des futurs étudiants s’amplifient, relayées par les parents, au point que certains s’en prennent à l’outil, exprimant leur souhait d’un retour à une situation antérieure qui n’était pourtant plus tenable. Ce n’est pourtant pas l’outil qui est en cause, même s’il doit être amélioré, ni la philosophie du nouveau baccalauréat, même si bien des calages restent à faire – on l’a vu pour l’enseignement des mathématiques.

C’est la prise en compte de l’esprit et de l’organisation du nouveau baccalauréat qui est à construire pour assurer la fluidité du parcours bac–3/bac+3.

Madame la ministre, nos rapporteurs spéciaux de la commission des finances et nos rapporteurs pour avis de la commission de la culture, tout en nuançant leurs analyses, ont indiqué qu’ils avaient apprécié les efforts fournis et les ambitions posées pour l’avenir. J’espère que vous entendrez mon appel à ouvrir le grand chantier de l’articulation lycée-licence et que vous travaillerez à construire la fluidité pour laquelle je plaide entre les lycées et l’enseignement supérieur.

Il y va de la réussite de nos étudiants et de l’efficience de l’« amont » de l’enseignement supérieur, où tout se joue. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et RDSE. – M. Pierre Ouzoulias applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Médevielle. (M. Julien Bargeton applaudit.)

M. Pierre Médevielle. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, les crédits de l’enseignement supérieur atteignent 18 milliards d’euros dans le budget pour 2023. La progression des crédits, qui est de 4,68 % par rapport à l’année dernière, est une excellente nouvelle. Cependant, près de la moitié des nouveaux crédits sont consacrés à la compensation de la hausse du point d’indice : on parle de 364 millions d’euros budgétés pour 2023.

Comme l’a très bien expliqué Vanina Paoli-Gagin, rapporteur spécial de la commission des finances, l’ensemble des engagements inscrits dans la loi de programmation de la recherche sont respectés.

Je m’inquiète en revanche de l’insuffisante prise en compte de la rénovation du parc immobilier universitaire dans les crédits alloués.

D’après le ministère, le surcoût énergétique devrait s’élever à 400 millions d’euros. Ni la fermeture des universités quelques semaines supplémentaires ni la généralisation des cours en distanciel pour contrebalancer la hausse des coûts de l’énergie ne seront des solutions satisfaisantes.

Le groupe Les Indépendants appelle donc à un investissement de grande ampleur en faveur de la rénovation énergétique de l’immobilier universitaire.

Les crédits consacrés à la vie étudiante augmentent de 1,5 %, à hauteur de 3,13 milliards d’euros en crédits de paiement. Le montant des bourses sur critères sociaux a été revalorisé de 4 % à la rentrée de 2022 pour tenir compte de l’inflation ; il est extrêmement important de ne pas laisser les étudiants dans la précarité.

Les repas à un euro, qui ont été distribués à plus de 430 000 étudiants boursiers lors de l’année scolaire dernière, sont maintenus. Le coût de cette mesure est de 51 millions d’euros, mais il y a là une excellente nouvelle, car cette politique a du sens.

Je salue l’organisation, au cours de l’automne, d’une vaste concertation sur la vie étudiante à l’échelle nationale et locale. Une telle concertation nourrira la réflexion menée autour de la réforme des bourses, annoncée comme l’un des grands chantiers qui seront entrepris en faveur de la jeunesse dans les prochaines années.

Pour ce qui concerne le budget pour 2023 du volet « Recherche » de la mission, il augmente de 824 millions d’euros en crédits de paiement, atteignant 12,77 milliards d’euros. Notre groupe salue cette hausse qui est autant un choix qu’une nécessité.

La stratégie française en faveur de ses chercheurs et de son industrie spatiale est déterminante pour rester en pointe. Soutenir la recherche est un enjeu de souveraineté essentiel dans la perspective des années à venir.

Je me réjouis de la bonne articulation entre la programmation pluriannuelle de la recherche et le projet de loi de finances pour 2023.

La dotation du programme « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires » progresse de 331 millions d’euros en autorisations d’engagement par rapport à 2022. En revanche, la hausse des coûts n’a pas été prise en compte dans l’octroi des crédits, ce qui doit nous alerter au regard de l’actuelle tendance inflationniste.

La forte hausse des crédits alloués à la recherche spatiale est une très bonne nouvelle. La Chine et les États-Unis investissent massivement dans l’espace et nous devons faire de même si nous voulons rester dans la course. Le montant global de ces crédits serait de 1,7 milliard d’euros pour 2023, soit une hausse de 74 millions d’euros à périmètre constant. Il faut toutefois rappeler que plus de la moitié de cette enveloppe est transférée à l’Agence spatiale européenne.

Les rapporteurs anticipent une réévaluation du budget dans les prochains mois, de l’ordre de 200 millions d’euros, du fait du surcoût induit par le retard du projet Ariane 6. Ce retard est d’autant plus dommageable qu’il fragilise la souveraineté européenne en matière de politique spatiale ; ce n’est pas l’élu toulousain que je suis qui restera insensible à ce constat ! (Sourires.)

Il est également important de rappeler que de nombreuses infrastructures de recherche, étant très consommatrices d’électricité, sont heurtées de plein fouet par la hausse des coûts énergétiques.

Je conclurai en mentionnant deux points de satisfaction.

Premièrement, le budget pour 2023 se révèle conforme à la LPR et suit la trajectoire qui avait été définie, pour la recherche comme pour l’enseignement supérieur.

Deuxièmement, l’État se doit de doter les enseignants des moyens nécessaires ; à cet égard, la hausse globale de la rémunération de 6 % va dans le bon sens.

Pour ces raisons, le groupe Les Indépendants accueille favorablement ces crédits et les votera.

Mme la présidente. La parole est à Mme Monique de Marco. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

Mme Monique de Marco. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, alors que nous abordons l’examen des crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur » pour 2023, notre groupe ne fait guère mystère de son opposition aux arbitrages ici retenus.

Nous étions en effet déjà opposés à la philosophie sous-jacente à la loi de programmation de la recherche. Or ce budget s’inscrit dans la continuité de cette loi, 61 % des crédits de la mission étant destinés à sa mise en œuvre. Certes, conformément aux engagements qui avaient été pris, les crédits de la mission sont en hausse, mais il s’agit d’une augmentation en trompe-l’œil, eu égard à l’ambition prévue de la trajectoire. Nous demeurons opposés à une mise en compétition des chercheurs, que des dispositifs fiscaux et budgétaires mal calibrés maintiennent par ailleurs dans la précarité.

L’augmentation des moyens de l’ANR est une bonne nouvelle pour les futurs lauréats des appels à projets. Nous réitérons toutefois notre inquiétude concernant la place accordée aux financements par appels à projets : nous l’avons dit, s’ils constituent de bons compléments des financements récurrents, leur généralisation n’est ni un gage d’excellence ni un gage d’efficacité. En outre, ils accroissent les inégalités entre laboratoires.

Le refus de prendre en considération notre proposition de rendre éligibles au crédit d’impôt recherche les dépenses de recherche essentielles à la lutte contre le réchauffement climatique et à la protection de l’environnement témoigne d’un manque d’ambition politique. Au lendemain de la COP27, c’est aller à contresens de l’histoire !

Les crédits du programme 190, « Recherche dans les domaines de l’énergie, du développement et de la mobilité durables », progressent de 4 % seulement, quand ceux du programme 193, « Recherche spatiale », augmentent de 14 %. Il est vrai que la conquête spatiale fascine et bénéficie d’une grande médiatisation, à l’instar de la dernière mission de Thomas Pesquet.

Je rappellerai cependant l’avertissement formulé par Hannah Arendt dans Condition de lhomme moderne : elle voyait dans la conquête de l’espace le prolongement des plus glorieux exploits de la science moderne, mais aussi des plus déconcertants, car ils induisent une aliénation du rapport à la Terre.

En effet, les travaux, sur terre, de l’Institut polaire français Paul-Émile-Victor ont autant à nous apprendre sur les changements climatiques en cours que la contemplation de notre planète depuis la station spatiale. Or, faute d’exposition médiatique, cet institut peine à préserver ses financements. Pour paraphraser un ancien Président de la République, nos forêts brûlent et nous contemplons les étoiles. Veillons à ne pas en faire notre maxime d’action !

Enfin, et surtout, la France dépense moins par étudiant qu’il y a quinze ans. Nous ne pouvons pas adopter en l’état un budget dans lequel on n’a pas pris la mesure de la détresse des étudiants de notre pays.

Sur ce sujet également, nous avons proposé des mesures fortes pour renforcer la justice fiscale et réformer le système des bourses sur critères sociaux, qui manque de progressivité et ne permet pas, à l’heure actuelle, de soutenir tous les étudiants qui en ont besoin.

Cette proposition a été rejetée, comme celle que nous avons faite d’affecter la totalité du produit de la CVEC aux Crous et aux établissements d’enseignement supérieur. Comme vous, monsieur le rapporteur, nous donnons l’alerte quant au montant trop faible de l’enveloppe accordée aux Crous.

Alors que les deux années de confinement ont grandement fragilisé les esprits au sein de la population étudiante, voilà que l’inflation et les restrictions alimentaires affaiblissent à présent les corps. Pour en revenir à des considérations qui, pour le coup, sont très « terre à terre », on lit dans Sud Ouest que 43 % des étudiants sautent des repas et que 58,3 % d’entre eux renoncent à des soins. Cela n’est pas digne de notre République !

Les signaux d’alerte se multiplient. La mission d’information sénatoriale sur les conditions de vie étudiante en France, qui a remis son rapport en 2021, a établi un bilan éloquent dont le Gouvernement n’a, semble-t-il, pas tenu compte. Sur toutes les travées, nous sommes régulièrement saisis de cette question. Aussi avons-nous déposé une série d’amendements visant à améliorer le bien-être de nos étudiants.

De même, nous allons proposer, par amendement, que les moyens du fonds exceptionnel de compensation du surcoût des énergies soient complétés et qu’un fonds permanent pour la rénovation énergétique soit créé. La Cour des comptes évalue les besoins en la matière à 7 milliards d’euros.

En conclusion, malgré les efforts du Gouvernement, la hausse globale des crédits de la mission est insuffisante pour absorber les surcoûts liés à l’inflation et à l’augmentation des prix de l’énergie. Dès lors, il est peu probable que notre pays atteigne l’objectif de consacrer 3 % de son PIB à la recherche.

C’est pourquoi notre groupe ne votera pas les crédits de cette mission. Nous invitons le Gouvernement à se saisir de la clause de revoyure prévue dans la LPR pour pallier les effets de la crise et de l’inflation. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

Mme la présidente. La parole est à M. Julien Bargeton. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. Julien Bargeton. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de loi de finances pour 2023 affiche une hausse inédite des crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur », conformément à ce qui a été prévu dans la loi de programmation de la recherche, comme l’ont souligné tous les orateurs qui m’ont précédé. Je les en remercie, même s’ils ont par ailleurs porté une appréciation parfois nuancée sur ces crédits, ce qui est bien normal.

La mission est dotée de 30,8 milliards d’euros en crédits de paiement, soit une hausse d’un peu plus de 5 %. C’est la plus forte progression des crédits de cette mission depuis plus de cinq ans. Au total, les crédits ont augmenté de près de 4 milliards d’euros entre la loi de finances pour 2017 et le projet de loi de finances pour 2023, et ce à périmètre constant. L’effort consenti sur longue période est considérable et il est plus important encore cette année.

De surcroît, je rappelle que 650 millions d’euros sont consacrés à la recherche dans le cadre du programme d’investissements d’avenir et du plan France 2030. À terme, ce sont 12,25 milliards d’euros qui seront fléchés, dans le plan France 2030, vers le périmètre correspondant à la mission « Recherche et enseignement supérieur ».

Cette montée en puissance est conforme à la loi de programmation de la recherche : la hausse par rapport à 2022 est de 400 millions d’euros en crédits et de 650 équivalents temps plein (ETP) en emplois, soit une augmentation cumulée de 2 000 ETP sur la période 2021-2023, ce qui est loin d’être négligeable.

L’impact de la LPR est particulièrement visible sur le programme 150, le plus doté et le plus important de cette mission.

Les crédits alloués à ce programme en application de la loi de programmation financent des mesures indemnitaires : revalorisations statutaires des personnels de recherche, repyramidage des maîtres de conférences et des ingénieurs et techniciens de recherche et de formation, à hauteur de 75 millions d’euros.

Ces crédits financent également une hausse du budget de recherche des universités, afin de consolider la trajectoire en emplois, qui comprend la création de chaires de professeur junior. En parallèle, les moyens des laboratoires progressent de 15 % par rapport à 2020, soit une hausse de 56,9 millions d’euros.

Enfin, les crédits de ce programme financent une revalorisation du montant des contrats doctoraux à compter du 1er septembre 2021, puis du 1er septembre 2022, l’objectif étant d’atteindre une revalorisation de 30 % à l’horizon 2023, associée à une augmentation graduelle du nombre de ces contrats, pour un montant de 11 millions d’euros en 2023.

On voit que la hausse se décline en trois trains de mesures extrêmement précises.

Ce projet de budget érige par ailleurs la lutte contre la précarité étudiante au rang de priorité.

Il est vrai que la situation des étudiants est extrêmement difficile, cela a été souligné, mais il ne faudrait pas laisser accroire que rien n’est fait pour y remédier. Certes, les besoins sont extrêmement importants, mais, convenons-en, un effort est réalisé, dont il faut prendre la mesure.

Le montant des bourses sur critères sociaux a été revalorisé de 4 % à la rentrée de 2022 afin de tenir compte de l’inflation ; cette mesure représente un effort financier de plus de 85 millions d’euros en 2023. Le Gouvernement a en outre annoncé le lancement d’une grande concertation préalable à une réforme des bourses sur critères sociaux.

Une enveloppe de 51 millions d’euros est prévue pour maintenir l’offre de repas à un euro dans les restaurants universitaires pour les étudiants boursiers. En 2021-2022, plus de 430 000 étudiants boursiers ont bénéficié de cette mesure.

Le réseau des œuvres universitaires se voit doté d’une subvention pour charges de service public en hausse de 35,5 millions d’euros par rapport à 2022. Des créations de postes se traduisant par un schéma d’emploi de 40 ETP supplémentaires sont prévues en 2023 pour le recrutement de travailleurs sociaux au sein des cités universitaires.

Dans le même temps, des mesures exceptionnelles ont été prises : versement de l’indemnité inflation en complément de la mensualité de bourse de décembre 2021, chèque de rentrée de 100 euros accordé à l’automne 2022.

Toutes ces mesures ont d’ores et déjà été mises en place.

En réalité, le Gouvernement lutte contre la précarité étudiante de façon continue. Depuis 2020, il a en effet multiplié les dispositifs visant à préserver le pouvoir d’achat des étudiants en agissant sur leurs principaux postes de dépense, tels que le logement – gel des loyers dans les résidences universitaires, maintenu depuis 2019 –, la restauration – ticket-restaurant universitaire à un euro pour les étudiants les plus précaires –, l’équipement numérique, l’hygiène – mise à disposition de protections périodiques gratuites.

Si, selon certains, l’effort est insuffisant, force est de reconnaître qu’il est considérable et qu’un grand nombre de mesures ont été prises depuis le début de la crise.

La loi de programmation de la recherche étant respectée et les crédits alloués à l’investissement et à l’Agence nationale de la recherche étant en hausse, notre groupe votera les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)