Mme la présidente. La parole est à M. Yan Chantrel. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Yan Chantrel. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de budget que nous examinons ce soir est le premier de la législature et le premier élaboré sous votre tutelle, madame la ministre. Vous le savez, après cinq ans de frustration démocratique et de dialogue de sourds entre les parlementaires et le Gouvernement sur les questions relatives à l’enseignement supérieur et à la recherche, c’est avec bienveillance que nous accueillons vos premiers pas.

Mais cette bienveillance a ses limites, compte tenu des urgences auxquelles font face nos universités, l’ensemble des personnels de l’enseignement supérieur, les chercheurs et nos étudiants.

La première de ces urgences, c’est la flambée des prix de l’énergie. Quelle ne fut pas notre stupeur, à la rentrée dernière, lorsque plusieurs présidents d’université ont annoncé envisager une fermeture temporaire de leurs établissements au cœur de l’hiver, par crainte de ne pouvoir faire face aux surcoûts liés à la hausse des prix de l’énergie ! Le souvenir douloureux des cours en distanciel, des enseignements tronqués, des difficultés d’accès aux ressources et de l’isolement grandissant de chacun a ressurgi.

Face à l’urgence de la situation, vous avez su réagir, madame la ministre, en créant, dans le dernier PLFR pour 2022, un fonds de compensation du surcoût de l’énergie doté de 275 millions d’euros. Mais cela risque d’être bien insuffisant ! Selon les estimations de France Universités, la hausse des prix de l’énergie entraînerait en 2023, par rapport à 2021, une dépense de 500 millions d’euros supplémentaires pour les établissements d’enseignement supérieur et de 200 millions d’euros supplémentaires pour les organismes nationaux de recherche.

En réalité, c’est l’ensemble du parc immobilier universitaire qui a besoin d’un grand plan de réhabilitation ; à défaut, il sera impossible d’atteindre l’objectif fixé par le Gouvernement d’une diminution de 40 % de la consommation d’énergie d’ici à 2030. Le parc universitaire représente 20 % du patrimoine immobilier de l’État, mais près d’un tiers de ces bâtiments sont des passoires énergétiques ! Nous proposerons, au cours de la discussion, des amendements tendant à remédier à cette situation.

Deuxième urgence : le manque de moyens réels de l’enseignement supérieur et de la recherche. Certes, le budget du ministère est en hausse et la trajectoire prévue dans la loi de programmation de la recherche est en apparence respectée. Vous pouvez vous prévaloir, madame la ministre, d’une hausse globale de 5 % des crédits alloués à la mission « Recherche et enseignement supérieur », qui passent de 29,07 milliards à 30,61 milliards d’euros.

Mais que reste-t-il réellement de cette hausse une fois prise en compte l’inflation galopante – elle frôle les 6 % ? Dans les faits, les moyens baissent.

Aux effets de l’inflation et aux surcoûts liés à l’énergie, il faut ajouter les non-compensations du glissement vieillesse technicité et de la hausse du point d’indice. Si la hausse du point d’indice de 3,5 %, soit un taux inférieur à celui de l’inflation, est bien compensée pour 2023, elle ne l’a été qu’à moitié pour 2022.

Pour ce qui est du long terme, l’objectif de consacrer 3 % du PIB aux dépenses de recherche et développement, dont 1 % pour le secteur public, ne pourra pas être atteint en 2030 si, budget après budget, les effets de l’inflation ne sont pas davantage compensés.

Nous vous appelons donc, madame la ministre, à utiliser en 2023 la clause de revoyure prévue dans la LPR afin d’ajuster le tir et de permettre à la France d’atteindre cet objectif, sur lequel nous nous sommes engagés lors du sommet européen de Barcelone voilà tout juste vingt ans cette année.

J’en viens au problème majeur que posent les crédits de cette mission : leur hausse ne suit pas celle des effectifs ! Cette année encore, la dépense moyenne par étudiant baisse, comme c’est le cas chaque année depuis 2014, à tel point que, sur ce critère, nous sommes classés à la quinzième place des pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).

Les étudiants inscrits à l’université continuent de souffrir du sous-investissement de l’État dans leur scolarité en regard des efforts consentis pour les étudiants des classes préparatoires. Ainsi, selon une note de la direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance publiée en novembre 2022, la dépense moyenne par étudiant variait en 2021 de 10 270 euros par an pour un étudiant d’université à 16 370 euros pour un élève de classe préparatoire aux grandes écoles. On consacre donc à un étudiant en université 60 % seulement des sommes dépensées pour un étudiant en classe prépa ! Cette injustice contribue à la reproduction sociale dans notre pays.

Pis, ces inégalités vont en se renforçant, y compris entre les sexes. Selon une récente note de l’Institut des politiques publiques, les étudiantes sont sous-représentées dans les filières et disciplines les plus coûteuses. Conséquence, les dépenses d’enseignement supérieur allouées aux femmes sont inférieures de 18 % à celles qui sont dévolues aux hommes. Ces inégalités se perpétuent ensuite sur le marché du travail.

Troisième urgence : la précarité étudiante.

C’est avec déchirement que nous avons vu réapparaître ces derniers jours d’interminables files d’étudiants faisant la queue chaque soir pour récupérer un panier de provisions auprès d’associations d’aide alimentaire. La précarité étudiante n’a pas disparu avec le covid, bien au contraire ; elle augmente en raison de l’inflation et de la hausse des prix de l’énergie.

Le témoignage de Maëlle, largement diffusé sur les réseaux sociaux, nous a tous bouleversés. Avec une bourse de 100 euros par mois, et malgré ses petits boulots d’étudiante, elle n’arrive plus à joindre les deux bouts et craque sous la pression.

Comment peut-on étudier sereinement quand on vit dans un logement exigu, souvent loué à un prix exorbitant, quand la fac se trouve à plus d’une heure de transport, quand on doit faire appel aux banques alimentaires pour manger à sa faim ? Dans ces conditions, comment faire face à la charge de travail quotidienne à la fac, au stress des examens et à la pression de devoir trouver un emploi au sortir de l’université ? Comment réussir ses études quand on a l’esprit troublé par des préoccupations matérielles et le corps brisé par la fatigue du labeur ?

Nombre d’étudiants, abandonnés à leur sort par les pouvoirs publics, sont forcés d’interrompre leurs études.

Face à cette situation, la réponse du Gouvernement n’est pas à la hauteur. Dès le mois de septembre, lorsque les associations étudiantes ont annoncé que le coût moyen de la rentrée par étudiant était en hausse de 7,3 % par rapport à l’année dernière, il est apparu très clairement que la hausse de 4 % des bourses sur critères sociaux, votée à l’été, serait totalement insuffisante.

Certes, madame la ministre, la concertation que vous avez lancée sur une réforme des bourses est bienvenue, mais notre jeunesse ne peut attendre : l’urgence est là ! Nous proposerons par conséquent plusieurs amendements visant à pallier le manque de moyens alloués à la vie étudiante.

Nous demandons tout d’abord le retour du ticket-restaurant universitaire à un euro pour l’ensemble des étudiants. Il est indispensable de rétablir cette aide quotidienne pour tous les étudiants précaires qui ne bénéficient ni d’une bourse, ni de petits jobs, ni d’aide de leur famille.

Ensuite, sachant pertinemment que l’extension du ticket de resto U à un euro mettra les Crous sous pression, alors qu’ils subissent eux-mêmes la hausse des coûts de l’énergie, mais aussi des prix des denrées alimentaires, nous défendrons une rallonge de 10 millions d’euros pour ces centres.

Par ailleurs, nous voulons faire de la santé étudiante une priorité, car il est établi, hélas ! que le premier poste de dépenses que sacrifient les étudiants lorsque le coût de la vie augmente, c’est la santé.

Les services de santé universitaire sont souvent trop méconnus ou délaissés par les étudiants, les délais d’attente étant trop longs en raison du manque de médecins. Pis, dans certaines antennes délocalisées de grandes universités, les médecins sont totalement absents. Il faut donc renforcer ces services.

Alors que les deux années de covid-19 ont laissé des traces pérennes chez les jeunes et que la pression toujours plus grande à laquelle ils sont soumis met à mal leur santé mentale, le manque de psychologues sur les campus se fait aussi cruellement sentir.

Nous sommes toutefois bien conscients que ces quelques amendements visant à lutter contre la précarité étudiante, à supposer qu’ils soient adoptés, n’offriraient qu’une rustine temporaire face aux problèmes systémiques qui entravent la réussite des étudiants les plus modestes et creusent les inégalités dans notre pays.

C’est pourquoi nous continuons de défendre la création d’un « minimum jeunesse » : une telle aide individuelle à l’émancipation solidaire permettrait de répondre à la détresse d’une partie de notre jeunesse, laquelle s’enfonce dans la précarité et a le sentiment, pas toujours injustifié, que les adultes sont indifférents à son sort.

Telles sont les raisons pour lesquelles nous nous abstiendrons sur ce projet de budget. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur des travées des groupes CRCE et GEST.)

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Ouzoulias. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER, UC et Les Républicains. – M. Pierre Médevielle applaudit également.)

M. Pierre Ouzoulias. Attendez la fin, mes chers collègues ! (Sourires.)

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la France délaisse ses universités. Pour s’en convaincre, il suffit d’examiner quelques chiffres.

Depuis dix ans, la dépense moyenne par élève a augmenté de 1,5 % par an dans le premier degré et de 1,2 % par an dans le second degré. Cette progression continue s’explique par la conjonction de la stabilité des moyens budgétaires et de la baisse des effectifs.

Le processus est inverse dans les universités, qui ont dû accueillir durant la même période un demi-million d’étudiants supplémentaires à budget constant. Ainsi la dépense moyenne par étudiant a-t-elle baissé en moyenne de 1,4 % tous les ans depuis 2014. En revanche, elle est restée stable pour les élèves des classes préparatoires aux grandes écoles, qui ont bénéficié en 2021 de 16 370 euros per capita, contre 10 270 euros pour les étudiants à l’université, soit une différence de près de 62 %.

Le choix politique, confirmé de gouvernement en gouvernement, de ne pas financer l’augmentation des charges de service public des universités a conduit ces établissements à une situation de quasi-banqueroute, d’autant qu’à ce déficit structurel s’ajoutent désormais des surcoûts énergétiques colossaux. À moyen terme, des incertitudes pèsent de surcroît sur la compensation par l’État de la revalorisation du point d’indice du traitement des fonctionnaires et du glissement vieillesse technicité.

Il serait très préjudiciable à la qualité pédagogique des enseignements et à la réussite des étudiants que ces apories budgétaires aient finalement pour conséquences de nouvelles régressions des taux d’encadrement.

Les universités, comme les collectivités, sont en quelque sorte placées sous la curatelle budgétaire de l’État pour assurer leurs missions de service public. Cette dépendance accrue est la conséquence du conflit entre la hausse de la démographie, le principe constitutionnel d’égalité d’accès des étudiants à l’université et l’inadéquation des dotations de l’État.

Cette « striction » malthusienne induit une recentralisation de la maîtrise budgétaire au profit des administrations et, à terme, la fin de l’autonomie des universités. Quel sens peut avoir le dialogue stratégique et de gestion si l’État ne donne pas aux universités les moyens budgétaires d’exercer leurs missions d’intérêt général ?

À l’origine de cette carence organisée, il y a le calcul budgétaire de Bercy, qui considère que la baisse attendue de la démographie estudiantine redonnera des marges budgétaires aux établissements. Je ne partage pas cette projection stratégique, car elle ignore les objectifs d’une baisse du taux d’échec en licence et d’une hausse du taux de poursuite des études universitaires. Comme je l’ai déjà dit à cette tribune, notre pays doit mobiliser davantage l’université pour satisfaire l’impérieux besoin d’un accroissement des connaissances.

Par-dessus tout, cette contrainte budgétaire traduit une méconnaissance de la situation matérielle des étudiants, qui est dramatique. La banalisation de la pression épidémique n’a pas mis un terme à la précarité estudiantine ; au contraire, elle en révèle au grand jour les causes structurelles.

Le ministère des solidarités estime que 40 % des étudiants qui vivent seuls sont en situation de pauvreté. Pendant la crise sanitaire, ils avaient été privés de leur emploi ; désormais, ils subissent avec une grande violence l’inflation et l’augmentation des prix de l’énergie.

Comme l’avait établi la commission de la culture dans le rapport réalisé sous la conduite de son président, la résorption de la précarité étudiante requiert un plan pluriministériel dont la mise en œuvre associerait les collectivités. Une réforme des bourses ou l’instauration d’un revenu étudiant ne suffiront pas à réduire complètement les fortes disparités qui existent entre les différentes situations régionales. Ainsi est-il absurde de concentrer l’offre d’études supérieures dans les métropoles, alors que ces villes sont soumises à une pression sans cesse accrue en matière de logement. Dans de nombreuses régions, le premier poste de dépense des étudiants, c’est le logement ; il est donc urgent de relancer la construction.

Le ministre chargé de la ville et du logement a annoncé aujourd’hui le lancement du volet logement du Conseil national de la refondation. À cet égard, je regrette que, des trois thématiques retenues, aucune ne traite du logement étudiant… Les universités et les étudiants ne peuvent plus être systématiquement ignorés des politiques sociales. Ils doivent être placés au cœur des ambitions de l’État. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER, GEST et UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Hingray. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Jean Hingray. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous nous félicitons que les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur » augmentent de 6,3 % pour l’année 2023. Les deux programmes retraçant les crédits alloués à l’enseignement supérieur bénéficient cette année encore d’une hausse importante, leur dotation atteignant 18 milliards d’euros.

Près de la moitié des nouveaux crédits sont consacrés à la compensation, en 2023, de la hausse du point d’indice pour les établissements d’enseignement supérieur publics.

Après des hausses importantes en 2021 et 2022, le PLF pour 2023 prévoit une stabilisation des crédits du programme « Vie étudiante ». Le montant des bourses a été revalorisé de 4 % à la rentrée 2022 afin de permettre aux étudiants boursiers de faire face à l’inflation. Cependant, cette revalorisation ne permettra pas de compenser la hausse des prix, le taux d’inflation ayant atteint plus de 6 % au mois d’octobre dernier.

Pour commencer, j’évoquerai la précarité étudiante. Après deux années de pandémie mondiale, la rentrée 2022 a été synonyme de retour à la normale pour la majorité des étudiants. Toutefois, deux étudiants sur trois sont aujourd’hui dans une situation d’extrême précarité, que l’inflation ne risque pas d’améliorer… Les postes de dépense sont nombreux pour les étudiants : alimentation, logement, santé.

Il faut certes saluer la création, annoncée le 22 novembre dernier, d’un fonds de solidarité doté de 10 millions d’euros. Ce fonds permettra de financer environ 300 000 colis alimentaires jusqu’à la fin de l’hiver. Nous regrettons néanmoins que les propositions formulées par le Sénat, et plus particulièrement par le groupe Union Centriste, par exemple le ticket-restaurant étudiant, n’aient pas retenu l’attention du Gouvernement. La proposition de loi visant à favoriser l’accès de tous les étudiants à une offre de restauration à tarif modéré, déposée par Pierre-Antoine Levi, aurait pu être une réponse pour les étudiants dont les établissements ne proposent pas de service de restauration universitaire – il existe encore, en la matière, de nombreuses zones blanches.

La précarité, qui concerne, donc, un grand nombre d’étudiants, ne s’arrêtera pas avec l’hiver. Des dispositifs sont-ils prévus en vue du printemps ? Si ce fonds répond à une situation d’urgence, il ne constitue pas une solution pérenne.

La situation des Crous, qui ont été très sollicités durant la crise sanitaire, continue de s’améliorer et les crédits qui leur sont alloués sont en constante augmentation. Cependant, la hausse des prix des denrées alimentaires pourrait engendrer un déséquilibre.

En parallèle, on enregistre une croissance de 20 % à 30 % de la fréquentation des restaurants universitaires. Si le PLF pour 2023 prévoit une augmentation des moyens des Crous, cette hausse ne semble pas suffisante pour leur permettre de faire face aux défis qui se présenteront dans les prochains mois. Aussi souhaitons-nous que ces moyens soient encore renforcés ; tel est le sens des amendements que présentera Laurent Lafon dans quelques instants.

L’augmentation sans précédent des coûts de l’énergie a pris au dépourvu de nombreuses universités, qui ont dû envisager dans l’urgence des plans de sobriété, allant même jusqu’à proposer des fermetures sur certaines périodes.

Le fonds de compensation du surcoût de l’énergie et l’« amortisseur électricité » annoncés par le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche sont bienvenus. Mais les 275 millions d’euros du fonds ne suffiront pas, étant entendu que le surcoût énergétique s’élèvera à 5 millions d’euros pour certaines universités.

La crise énergétique à laquelle nous faisons face rend de plus en plus criantes les vulnérabilités de nombreux bâtiments universitaires. Comme le covid-19 a précipité la digitalisation, la crise énergétique rend la transition environnementale encore plus urgente. Alors qu’il est impératif de lancer un plan massif de rénovation de ce patrimoine, la dotation budgétaire consacrée à l’immobilier universitaire augmente seulement de 30 millions d’euros. Cet effort ponctuel demeure insuffisant et ne permettra pas à la France d’atteindre les objectifs ambitieux qu’elle s’est fixés en matière de transition énergétique.

Cette réflexion doit aussi englober les laboratoires, dont les matériels scientifiques sont bien plus énergivores que le chauffage des amphithéâtres. Ainsi Esiee Paris, école d’ingénieurs comptant parmi les membres de l’université expérimentale Gustave-Eiffel, possède-t-elle une salle blanche qui concentre à elle seule plus ou moins la moitié des dépenses énergétiques de l’école.

Les crédits des programmes du volet « Recherche » de la mission devraient atteindre, en 2023, 12,8 milliards d’euros en autorisations d’engagement comme en crédits de paiement, soit une hausse de 7 % par rapport à l’année précédente.

Cette évolution résulte essentiellement de l’ajout d’une enveloppe de 330 millions d’euros allouée aux organismes de recherche du programme 172, ainsi que de la forte hausse des crédits consacrés à la recherche spatiale.

La trajectoire proposée pour 2023 respecte la hausse prévue par la LPR ; ce sera la troisième année que cette loi sera mise en œuvre. Nous avions salué, lors de son adoption, l’ambition qui y était inscrite en faveur de la recherche.

Au total, 400 millions d’euros supplémentaires sont prévus pour 2023 en application des engagements pris dans le cadre de cette loi ; nous pouvons nous en féliciter.

Cependant, cette trajectoire ne prend pas en compte l’inflation, ce que nous avions déjà regretté à l’époque, et ce que nous continuons de dénoncer. La LPR prévoyait une actualisation de la programmation tous les trois ans. Nous devrions donc, en 2023, rediscuter de l’ensemble de ces sujets. Nous espérons que le Parlement sera associé à l’ensemble de cette réflexion.

D’ici là, madame la ministre, vous pouvez être assurée que nous soutenons les efforts consentis par le Gouvernement : nous voterons en faveur de ces crédits. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Grosperrin. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Sonia de La Provôté applaudit également.)

M. Jacques Grosperrin. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous pouvons dire que le montant des crédits demandés dans ce PLF pour la mission « Recherche et enseignement supérieur » témoigne d’une évolution globalement satisfaisante. Max Brisson parlait du manque de financement dont le secteur avait souffert, et il avait raison.

Le présent budget se veut rassurant, en tout cas en affichage : 25,7 milliards d’euros en crédits de paiement pour 2023, soit une hausse de plus de 1 milliard d’euros par rapport à 2022.

Dans le détail, on peut noter la hausse sensible des crédits relatifs à la vie étudiante. Au total, 3,1 milliards d’euros sont engagés sur le programme 231, soit 50 millions d’euros de plus que l’année précédente. On peut également relever la hausse des crédits demandés pour le programme 150, qui permet de porter à 14,9 milliards d’euros pour 2023 le budget relatif aux formations supérieures et à la recherche universitaire.

Toutefois, si cette hausse globale des crédits nous semble aller dans le bon sens, elle ne saurait masquer les graves difficultés auxquelles sont confrontés les établissements de l’enseignement supérieur, leur personnel et leurs étudiants.

La première difficulté tient à la crise énergétique. Avec la hausse des prix de l’énergie, les établissements d’enseignement supérieur vont voir leur facture s’alourdir considérablement. Les universités sont particulièrement touchées, car elles hébergent une grande majorité des laboratoires et infrastructures très énergivores.

Déjà, la facture pour l’année 2022 a fait apparaître un surcoût estimé à plus de 100 millions d’euros par rapport à 2021. Mais le pire est à venir : le surcoût attendu en 2023 est de plus de 400 millions d’euros.

Jean-François Rapin et Laure Darcos ont fait allusion à la question des postes non pourvus.

Le calcul est simple : la hausse des prix de l’énergie va entraîner pour nos établissements un surcoût de plus de 500 millions d’euros pour les années 2022 et 2023. Pour y parer, vous avez annoncé en octobre dernier une mesure conjoncturelle consistant à débloquer en urgence 275 millions d’euros dans le cadre du collectif budgétaire. Vous avez également demandé aux établissements d’enseignement supérieur de puiser dans leurs fonds de roulement.

Mais nous attendons un véritable plan de rénovation énergétique du parc immobilier universitaire, qui, avec ses 18,7 millions de mètres carrés, représente 20 % du patrimoine immobilier de l’État.

Incroyable mais vrai, ce patrimoine est pour un tiers composé de passoires thermiques, ce qui, en plus d’alourdir la facture des universités, compromet la satisfaction des exigences environnementales et de sobriété énergétique. À cet égard, Stéphane Piednoir avait raison de dénoncer une accumulation de retards… On comprend pourquoi, au vu des inquiétudes des présidents d’université, certains chantiers de démolition sont freinés.

Il est donc urgent d’agir, à court terme et à long terme, afin de réhabiliter le parc immobilier universitaire. C’est indispensable si nous voulons que nos universités atteignent l’objectif de réduction de 40 % de leur consommation d’énergie d’ici 2030, objectif fixé par le décret dit tertiaire.

La deuxième difficulté tient à la précarité étudiante. Nous ne pouvons que nous satisfaire de la hausse des crédits consacrés à la vie étudiante. Mais les moyens mis en œuvre ne nous paraissent pas suffisants, car le nombre d’étudiants ne cesse d’augmenter, année après année.

L’évolution de la dépense moyenne par étudiant continue de baisser. Le rapport 2023 sur les politiques nationales de recherche et de formations supérieures indique même que, de 2013 à 2021, le coût moyen par étudiant à l’université a baissé de presque 15 %.

Nos étudiants sont frappés par la précarité, situation aggravée par l’inflation due notamment à la guerre d’Ukraine.

Il serait faux de dire que le Gouvernement n’agit pas : vous avez décidé d’augmenter les bourses de 4 %, vous gelez les loyers des résidences universitaires et vous étendez le Pass’Sport aux étudiants boursiers.

Une inquiétude demeure cependant concernant les restaurants universitaires, de plus en plus prisés des étudiants en raison de leur faible coût. Si vous avez décidé de maintenir le repas à un euro pour les boursiers, le regain d’attractivité de ces restaurants met en tension leur modèle économique, qui doit d’urgence être repensé.

À ce sujet, on ne peut que s’étonner que la subvention pour charges de service public du réseau (SCSP) soit stabilisée à 300 millions d’euros au lieu d’être revue à la hausse, alors que l’activité de restauration s’accroît considérablement depuis la crise sanitaire, que le réseau poursuit son développement et qu’il se voit confier des missions supplémentaires d’accompagnement social des étudiants. Madame la ministre, nous ne comprenons pas votre refus d’indexer la SCSP sur le volume de repas fournis.

Enfin, puisque je suis le dernier à intervenir, je souhaite évoquer un cas d’école, qui est loin d’être hors sujet, celui de la Comue (communauté d’universités et établissements) Université Bourgogne Franche-Comté.

L’université de Franche-Comté fut créée en 1423 par Philippe le Bon ; elle fut d’abord installée à Dole avant d’être déplacée à Besançon en 1481. Les Dijonnais, quant à eux, fondèrent leur université en 1722, et la concurrence entre les deux villes ne s’est jamais démentie.

La décision prise par l’université de Bourgogne de se retirer de la Comue a des conséquences désastreuses pour les personnels et les étudiants ; elle a entraîné le gel par l’État de plus de 60 millions d’euros de dotations prévues au titre du programme d’investissements d’avenir (PIA). Un nouveau projet semble se dessiner et une nouvelle configuration se mettre en place. Quelle serait, le cas échéant, la position de l’État ? Serait-il prêt à dégeler les 60 millions d’euros tant attendus par nos professeurs, enseignants-chercheurs et étudiants ?

Madame la ministre, vous l’aurez compris, si quelques réserves subsistent concernant le volet « Enseignement supérieur » de cette mission, le projet de budget qui nous est présenté va globalement dans le bon sens. C’est pourquoi nous le voterons. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)