M. le président. La parole est à M. Stéphane Ravier.

M. Stéphane Ravier. Moins d’une trentaine de parlementaires sont présents ce matin pour contrôler la politique migratoire du Gouvernement… Voilà qui est révélateur et extrêmement inquiétant !

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour bien saisir la réalité de l’action gouvernementale, il faut se pencher sur son financement, les chiffres étant bien plus parlants que les mots. La mission « Immigration, asile et intégration » en est la parfaite illustration.

Derrière les discours, voici quelle est la réalité immigrationniste du ministère de l’intérieur pour 2023, mes chers collègues : 2,7 milliards d’euros sont alloués à l’immigration, soit une hausse de 34 % – 34 % ! – par rapport à l’an dernier ; 1,3 milliard d’euros à la politique de l’asile, soit 63 % du budget ; 543 millions d’euros, soit un quart du budget, au volet intégration ; 8,5 % seulement des crédits sont consacrés à la maîtrise des flux migratoires.

Le dévoiement de l’asile – on est passé en seulement vingt ans de 38 000 demandes par an à 135 000 – a conduit à en faire une filière d’immigration clandestine de premier plan, que vous refusez de combattre.

C’eût été pourtant salvateur et ô combien justifié ! En effet, l’agence européenne Frontex annonce que le nombre d’entrées illégales de migrants en Europe en 2022 a connu une hausse de plus de 70 % par rapport à l’année 2021, 275 000 entrées illégales ayant été dénombrées en dix mois seulement. Du jamais vu depuis la crise migratoire de 2016 !

M. Darmanin lui-même a confessé lors de son audition par le Sénat que 600 000 à 900 000 clandestins étaient présents sur notre territoire, soit l’équivalent de la population de la ville de Marseille !

Plutôt que d’alimenter toutes les pompes aspirantes de l’immigration, il est urgent de les couper. Selon une étude réalisée par African Youth Survey, 52 % des jeunes Africains souhaitent émigrer en Europe. C’est de la survie de la France française qu’il est désormais question, mes chers collègues !

Mme Éliane Assassi. Mieux vaut entendre ça qu’être sourd !

M. Stéphane Ravier. Vous confirmez votre xénophilie et votre volonté d’accueillir toujours plus en créant des emplois à temps plein à l’Ofpra et à l’Ofii et en augmentant les budgets de ces offices respectivement de 11 % et de 16 % !

Alors que des dizaines de milliers de Français dormiront dans la rue cet hiver, que certains y mourront peut-être, alors que des millions de nos compatriotes ne pourront pas se chauffer, vous augmentez les crédits en faveur de l’hébergement des demandeurs d’asile de 840 millions d’euros.

Alors que vous réduisez la durée d’indemnisation de nos chômeurs, vous augmentez les allocations des demandeurs d’asile, pour un montant total de 315 millions.

Alors que nos administrations sont à l’os, vous accordez 103 millions d’euros à l’Ofpra.

Pendant que vous réduisez le pouvoir d’achat des Français, chaque clandestin placé dans un centre de rétention administrative (CRA) nous coûte la bagatelle de 700 euros par jour ! Le coût total de ces centres, dont vous voulez augmenter le nombre, s’élève 830 000 euros par jour, soit 350 millions d’euros par an ! La sobriété, manifestement, ce n’est pas pour tous !

De l’argent, il y en a, mais pour les autres – toujours pour les autres ! –, pas pour nos agriculteurs, pas pour nos étudiants, pas pour l’hôpital, pas pour nos pauvres. Ces derniers sont pourtant 10 millions – 10 millions ! – dans notre pays ! Vous vous obstinez à financer la disparition des Français avec leur propre argent. Il est grand temps de s’occuper de nos compatriotes d’abord, en présentant un budget de non-immigration et une loi de remigration.

Je ne voterai pas les crédits d’une mission qui contribue de toute évidence au grand remplacement du peuple de France !

M. le président. La parole est à Mme Maryse Carrère. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

Mme Maryse Carrère. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il est toujours difficile d’examiner les crédits de cette mission. Comment en effet savoir s’il faut se réjouir de l’augmentation des moyens alloués ? Alors que ceux qui migrent quittent rarement leurs racines de gaîté de cœur, notre Nation rencontre de réelles difficultés pour accompagner ces flux migratoires.

Comme cela a déjà été indiqué, les moyens de la mission augmentent tant en crédits de paiement qu’en autorisations d’engagement. Cette hausse est-elle le signe annonciateur d’une meilleure gestion ou est-elle synonyme d’une dépense incontrôlable ? Peut-être qu’il n’y a pas là de contradiction ?

Toujours est-il que nous nous réjouissons évidemment de la création de nouvelles places d’hébergement d’urgence pour les demandeurs d’asile dans les centres d’accueil et d’examen des situations (CAES) et dans les centres d’accueil de demandeurs d’asile (Cada).

De même, je me réjouis, par exemple, de l’augmentation des crédits de l’action n° 16, Accompagnement du plan de traitement des foyers de travailleurs migrants, qui devrait permettre, je l’espère, le financement du plan visant à mettre fin aux habitats hors-norme et indignes. Il est important que les travailleurs migrants puissent accéder à un logement individuel, autonome et conforme aux standards actuels en matière de logement.

Ces arguments vont dans le sens d’une meilleure gestion, mais un autre sujet pose des difficultés et devrait bientôt nous occuper : je pense aux décisions d’éloignement, ou obligations de quitter le territoire français, les OQTF. Cet acronyme administratif particulièrement froid semble désormais faire partie du langage courant dans les débats politiques, alors qu’il était encore récemment peu connu du grand public.

On ne parle jamais des trains qui arrivent à l’heure. En revanche, la question de l’exécution des OQTF s’invite – hélas ! – trop souvent dans le débat public. Je dis « hélas ! », car on en parle souvent lorsqu’un drame survient, mais pas seulement ; on nous rapporte aussi parfois l’histoire de jeunes artisans menacés d’expulsion. Je dis aussi « hélas ! », car ce sujet suscite trop souvent polémiques, idées reçues, raccourcis et populisme. Il n’est que trop rarement traité avec le sérieux, la rigueur, l’humanité, mais aussi le réalisme qu’il mérite.

Nous devrions bientôt traiter de ces sujets, les concertations en vue de l’élaboration d’un projet de loi relatif à l’immigration étant engagées. Nous connaissons d’ores et déjà quelques-uns de ses contours possibles : renforcement de l’effectivité des fameuses OQTF ou création d’un titre de séjour pour les métiers en tension.

Ce n’est pas encore le moment de parler du fond ; mais, sur la forme, le Parlement devra se saisir de l’occasion de traiter ces questions, dans un état d’esprit de travail, de modération et de compromis.

Bref, il faudra nourrir le débat de manière constructive et laisser de côté invectives et petites formules, qui n’apportent rien. Sauf rares exceptions, cette dynamique est celle du Sénat. Tant mieux ! Espérons que cela sera également le cas au-delà de notre hémicycle.

Mes chers collègues, dans l’attente de ces débats, notre groupe s’abstiendra sur les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Pemezec.

M. Philippe Pemezec. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, tous les ans, nous nous retrouvons sur ces travées pour débattre des moyens alloués à l’État pour traiter de ce qui est aujourd’hui, aux yeux des Français, la question numéro un : l’immigration et l’intégration des populations étrangères. Tous les ans, on nous demande plus de moyens pour conduire cette politique, sans réfléchir à la question fondamentale : quelle politique ? Pour nous conduire où ?

Permettez-moi de rappeler les termes du ministère en 2021, lors de la préparation du projet de loi de finances pour 2022 : « Une approche adaptée et équilibrée de l’immigration. Les flux migratoires restent importants et leur maîtrise demeure un enjeu essentiel. Pour lutter contre l’immigration irrégulière, avec l’appui de ses partenaires européens, la France se dote d’outils et de processus efficaces. »

Pour tenir ces jolies promesses, le contribuable français a mis de l’argent, beaucoup d’argent : près de 2 milliards d’euros. Mais pour quel résultat ?

Je n’ai pas envie de tirer sur l’ambulance, mais je me dois de revenir, chers collègues, sur deux affaires qui ont été très médiatisées sur le moment, mais dont les suites ont été beaucoup moins entendues dans les médias.

Je m’attarderai d’abord sur les OQTF.

Suite à l’effroyable meurtre de la petite Lola au mois d’octobre dernier, la question de l’exécution des obligations de quitter le territoire français a été remise sur le tapis. Le constat est sans appel : l’exécution des OQTF est en baisse constante depuis l’arrivée de la gauche au pouvoir en 2012. Alors que le taux d’exécution s’établissait à 22,34 % à l’arrivée de François Hollande, il était de 5,67 % à la fin du premier mandat d’Emmanuel Macron, soit une baisse de 12 % en rythme annuel.

Pourtant, les crédits sont là. Ils sont en hausse de 6 % en 2023. Cela prouve que la mise en œuvre des OQTF n’est donc pas uniquement une question de moyens. J’y reviendrai.

J’évoquerai à présent l’affaire de l’Ocean Viking, dont je vous rappelle l’histoire : ce navire de 234 migrants a erré en Méditerranée avant d’arriver à Toulon, grâce à « l’humanité » du Gouvernement. Bilan : 66 personnes se sont vu accorder le droit d’asile, 123 autres ont été interdites de territoire avant d’être remises en liberté par la cour d’appel d’Aix-en-Provence, la justice n’ayant pas eu la possibilité de se saisir de tous les dossiers dans les temps. La moitié des 44 mineurs isolés accueillis ont fui pour rejoindre leur famille dans le nord de l’Europe. Enfin, seules 2 personnes ont été renvoyées au Mali.

C’est un camouflet pour le Gouvernement. Il aura beau jeu de s’abriter derrière le manque de moyens de la justice et notre incapacité à faire face à la vague migratoire, qui enfle année après année.

Le problème est que notre système, fondé sur la confiance, est en train de craquer de partout, sous les yeux consternés des Français, qui le constatent tous les jours et nous reprochent, à nous, l’ensemble de la classe politique, notre incapacité à juguler cette vague qui envahit tout.

On peut toujours discuter du nombre de cartes vitales en circulation en France – les chiffres varient –, mais il y a entre 3 millions et 7 millions de cartes de plus que d’habitants dans notre pays.

On peut toujours essayer de cacher le lien entre immigration et délinquance, mais le taux officiel d’étrangers dans les prisons est de 24,5 %, alors qu’il n’y a officiellement que 10 % d’étrangers en France.

On peut toujours dépenser des milliards dans la politique d’intégration, mais il faut savoir – c’est le politologue Jérôme Fourquet qui l’écrit – que 40 % des enfants naissant en Seine-Saint-Denis portent un prénom d’origine arabo-musulmane.

À ce stade, ce n’est plus une question de moyens ; c’est une question de volonté politique.

Vous avez comme moi suivi l’actualité et vu le résultat des dernières élections en Suède. Quand la classe politique se voile les yeux sur ce qui se passe dans son pays, ce sont les populistes qui prennent le pouvoir. En Suède, berceau de la social-démocratie, société que l’on dit « avancée », ils se sont baptisés Démocrates de Suède.

À l’inverse, au Danemark, les sociaux-démocrates ont senti le vent venir et ont totalement fait machine arrière : fermeture des frontières, lutte contre l’immigration clandestine, contrôle de l’aide sociale. La confiance dans les dirigeants de ces formations classiques a été rétablie et le vote populiste réduit à 2,5 % des voix, soit à peu près le score de Jean-Marie Le Pen en 1981.

Ces deux exemples sont à méditer. La question est bien de faire preuve de volonté politique et de rétablir la confiance.

Je n’ai pas le temps d’énumérer les mesures nécessaires, ce n’est pas le lieu pour le faire ici, mais elles sont relativement simples et claires : fermeture des frontières et remplacement de l’immigration subie par une immigration choisie ; renforcement des critères d’acquisition de la nationalité française ; mise en œuvre d’une véritable lutte contre la fraude sociale et le travail au noir ; fermeté totale à l’égard des pays maghrébins qui nous demandent des visas, mais ne reprennent pas leurs délinquants ; fin du gouvernement des juges en contrepartie de l’octroi de véritables moyens à la justice, afin qu’elle puisse travailler et retrouver la confiance perdue des Français.

Que l’on me comprenne bien : mon propos n’est évidemment pas d’ostraciser toutes les personnes étrangères ou d’origine étrangère qui sont en France.

M. le président. Il faut conclure !

M. Philippe Pemezec. Il y a des cas individuels qui méritent que l’on fasse preuve d’humanité. J’ai moi-même plusieurs fois interpellé…

M. le président. Concluez !

M. Philippe Pemezec. … le ministre sur des cas qui méritaient notre soutien.

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Lagourgue.

M. Jean-Louis Lagourgue. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, une polémique couve depuis plusieurs années désormais, pour ne pas dire plusieurs décennies, sur le très faible taux d’exécution des obligations de quitter le territoire français. Voilà dix ans que ce taux ne dépasse pas 20 %. Au cours des trois dernières années, il était en dessous de 7 %.

« Faire une loi et ne pas la faire exécuter, c’est autoriser la chose qu’on veut défendre », disait Richelieu. Émettre ces obligations et ne pas les exécuter, c’est affaiblir notre droit.

Monsieur le ministre, nous savons que vous faites beaucoup pour modifier cet état de fait. Nous examinerons bientôt un projet de loi relatif à l’immigration destiné à redéfinir notre politique en la matière.

Le projet de budget de la mission « Immigration, asile et intégration » est en augmentation. Le coût de la politique française de l’immigration et de l’intégration s’élèvera en 2023 à 7,1 milliards d’euros.

Cette augmentation est une bonne chose, car il y a fort à faire en la matière. Les flux migratoires comprennent des individus qui sont dans des situations différentes : certains cherchent à améliorer leur situation économique, d’autres fuient les persécutions et les conflits.

La guerre en Ukraine a entraîné une augmentation des demandes d’asile, à juste titre. Beaucoup de nos collectivités et de nos concitoyens accueillent des citoyens ukrainiens. C’est l’honneur de la France.

Il apparaît donc nécessaire de prévoir une augmentation des moyens de l’administration, proportionnée à l’accroissement de ces demandes, pour que nous puissions les traiter efficacement et dignement.

Il est indispensable d’augmenter le budget consacré à la gestion de l’immigration. L’affaire de l’Ocean Viking démontre que l’administration ne dispose pas des moyens suffisants pour faire face à une telle situation. Cela ne doit pas se reproduire.

Je veux dire ici que ces sujets ne concernent pas uniquement la métropole. De nombreux territoires ultramarins font face à une forte pression migratoire. C’est le cas de mon île, La Réunion, mais aussi, bien sûr, de Mayotte ou encore de la Guyane.

L’accueil des migrants doit se faire selon un principe de solidarité. Il doit être réparti, bien entendu, entre partenaires européens. C’est effectivement à l’échelon européen qu’est fixée une part importante de la politique migratoire des États membres.

L’Union européenne dans son ensemble est concernée par la guerre en Ukraine. Elle l’est aussi par les flux migratoires en provenance du Moyen-Orient et d’Afrique. Alors que ces flux avaient été fortement freinés par la pandémie, ils ont repris leur rythme à présent que la situation sanitaire s’est améliorée.

L’Union a pris conscience de sa vulnérabilité à l’égard du chantage turc. Le budget de Frontex est en constante augmentation, cela ne dispense cependant pas les États membres de faire leur part.

L’immigration a en effet un impact majeur sur la politique de nombreux pays européens : le Royaume-Uni, la Suède, l’Italie et, bien sûr, la France.

Si l’asile représente la majeure partie des fonds de cette mission, nous ne devons pas oublier l’importance cruciale de l’intégration. Nous souhaiterions que davantage de moyens soient consacrés à cet objectif. C’est en effet la cohésion de notre Nation qui est en jeu.

Le groupe Les Indépendants – République et Territoires votera ce projet de budget, qui bénéficie d’une augmentation nécessaire. Il nous reste cependant fort à faire en matière d’immigration.

M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche.

M. Guy Benarroche. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en 2019, le Président de la République déclarait : « La France ne peut pas accueillir tout le monde si elle veut accueillir bien. »

Le projet de budget qui nous est présenté aujourd’hui pourrait prêter à sourire tant il est en décalage avec cette position : les crédits octroyés à l’allocation des demandeurs d’asile sont en baisse de plus d’un tiers – 36 % –, dans le contexte de guerre que l’on connaît.

« Je crois au vrai “en même temps” sur la politique migratoire aussi », a ajouté le chef de l’État dans ce même entretien.

Faut-il pour autant augmenter l’aspect sécuritaire de la politique migratoire et « en même temps » rendre plus difficiles les prises de rendez-vous en préfecture pour l’obtention de titres ? Organiser les défaillances de la CNDA, qui manque de moyens et de personnel, et « en même temps » justifier une réflexion sur les modifications des règles de droit afin de limiter les recours en arguant que les délais de réponse sont trop longs ?

En 2017, le candidat à l’élection présidentielle promettait pourtant l’examen des demandes d’asile « en mois de 6 mois, recours compris. » « C’est nécessaire pour accueillir dignement les réfugiés, qui ont droit à la protection de la France », déclarait-il alors. Sur ce point, le projet de loi de finances marque un recul criant. Nous le constaterons lors de l’examen des crédits des juridictions administratives, dont je suis rapporteur pour avis.

Vous l’aurez compris, ce projet de budget, reflet de la politique de ce gouvernement en matière d’immigration, est extrêmement problématique.

La question qui se pose désormais, et qui a fait l’objet de discussions dans cet hémicycle et lors de la présidence française de l’Union européenne, c’est la célérité du traitement des dossiers et de l’accueil, que ce soit en matière de permis temporaire de travailler ou de logement.

La crise ukrainienne a montré que l’Europe et notre pays pouvaient accueillir, bien accueillir, et rapidement accueillir, lorsque la volonté politique est là.

Mais alors qu’on délivre des permis de travail aux réfugiés ukrainiens, on délivre « en même temps » des arrêtés anti-repas à Calais, lesquels ont d’ailleurs été jugés illégaux voilà un mois.

Alors que les crédits de cette mission connaissent une hausse de 38 % afin d’accroître les placements en centres de rétention administrative, on enterre « en même temps » la promesse qu’avait faite le Président de la République à Orléans en 2017 de faire en sorte que plus aucun demandeur d’asile ne dorme dehors.

À Calais toujours, 97 % des expulsions des lieux de vie ne sont pas suivies de mises à l’abri. C’est inacceptable, monsieur le ministre !

Je rappelle que la multiplication des CRA pour répondre aux difficultés diplomatiques que posent les éloignements est un non-sens, tout comme l’est l’émission d’un mandat d’arrêt pour expulser une personne visée par une OQTF alors qu’elle a déjà quitté le territoire !

En 2022, le président candidat voulait « poursuivre la refonte de l’organisation de l’asile et du droit au séjour pour décider beaucoup plus rapidement qui est éligible ». Comme toujours, sous couvert de simplification, ce gouvernement éloigne le demandeur d’asile du juge, physiquement, par exemple, avec la visioconférence, et le prive de ses droits, en imposant parfois la procédure accélérée.

Tout le monde souhaite aller plus vite. Mais cela ne doit pas se faire au détriment des droits. Aller plus vite, c’est mettre en place un système de prise de rendez-vous plus efficace en préfecture.

À cet égard, je rappelle que le tribunal administratif de Paris a condamné l’Ofii et la préfecture pour la mauvaise gestion de la plateforme téléphonique de prise de rendez-vous destinée aux demandeurs d’asile. Il leur a en outre intimé l’ordre de rendre son numéro gratuit et de mettre en œuvre des mesures, afin qu’il soit répondu plus rapidement aux appels. Où sont les crédits pour cela ? Où sont les crédits permettant d’avoir en nombre suffisant les personnels pour répondre aux demandeurs d’asile ?

La lutte contre l’immigration irrégulière est la priorité du Gouvernement. Dont acte. À cet effet, les crédits de l’action n° 03 ont augmenté de 68 % entre 2017 et 2021, quand ceux de l’action Garantie du droit d’asile n’ont connu une hausse que de 12,8 %.

Notre pays s’enorgueillit d’accueillir et de sauver des migrants ; c’est son honneur. Je regrette toutefois qu’il n’ait pas toujours autant d’honneur, qu’il fasse des différences entre l’Aquarius et l’Ocean Viking par exemple.

Chers collègues, ne voyez ni naïveté ni idéalisme utopique dans mes propos. Au contraire, entendez le besoin de bien accueillir les personnes arrivant sur notre sol et de mieux respecter leurs demandes, pour faciliter leur intégration et pour l’avenir de notre pays.

L’acceptabilité des refus doit reposer sur le respect des personnels, des procédures et des personnes accueillies, sur une prise en charge digne, de l’accueil jusqu’au traitement des demandes.

Ce projet de budget reflète une vision éloignée de toutes ces préoccupations. C’est pourquoi notre groupe ne pourra pas voter les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE. – M. Jean-Pierre Corbisez applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Nicole Duranton.

Mme Nicole Duranton. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’heure n’est plus aux petites phrases politiques sur les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration », le champ de cette mission s’étendant évidemment au-delà des entrées illégales sur le territoire. Il s’agit aussi d’un budget de fonctionnement, d’un budget opérationnel permettant de traiter des phénomènes bien réels.

L’heure n’est plus non plus aux discussions sur les flux ou les reflux. Nous parlons de drames individuels, d’êtres humains, qu’il convient de traiter avec humanité comme une réalité collective.

L’heure n’est plus enfin aux grandes déclarations d’intention. Il faut à présent décider de quelle façon mieux traiter l’ensemble des réalités complexes de l’immigration.

En effet, chers collègues, les grands équilibres budgétaires de la mission ne sont pas déstabilisés dans le projet de loi de finances pour 2023 dont nous débattons aujourd’hui.

Comme on pouvait s’y attendre, la commission des finances et la commission des lois proposent de rejeter les crédits de la mission.

Mes collègues l’ont rappelé, les crédits de cette mission et ceux des deux programmes qu’elle comporte s’élèvent à 2,7 milliards d’euros en autorisations d’engagement et à 2 milliards d’euros en crédits de paiement, soit des augmentations respectives de 34 % et de 6 % par rapport aux montants de 2022. Près des deux tiers de ces crédits sont fléchés vers la politique de l’asile.

La France accueille des personnes qui vivent des drames, qui sont menacées, en détresse, qui n’ont pas d’autre choix que de quitter leur pays en conflit. Ce n’est pas une pratique nouvelle.

Permettez-moi de faire un peu d’histoire : la France s’inscrit dans une tradition dont les origines pourraient en surprendre plus d’un, puisque, après la reconnaissance du principe de l’asile par Ramsès II dans le traité de Qadesh en 1280 avant Jésus-Christ, c’est bien le concile des évêques catholiques réuni par Clovis à Orléans en 511 qui l’a entériné.

Il convient par ailleurs de se réjouir de l’augmentation des moyens attribués aux deux opérateurs rattachés à la mission : l’Office français de protection des réfugiés et apatrides, d’une part, l’Office français de l’immigration et de l’intégration, d’autre part, dont les crédits augmentent respectivement de 11 % et de 6 %.

En matière d’asile, je tiens à saluer la volonté du Gouvernement de redonner sa pleine portée au droit d’asile en réduisant les délais d’examen des demandes.

En ce qui concerne l’immigration, nous nous réjouissons d’abord collectivement de la volonté du Gouvernement de rééquilibrer la part de l’immigration professionnelle par rapport à l’immigration familiale. Ensuite, les premiers résultats positifs du dialogue avec les principaux pays d’origine concernés par l’immigration irrégulière ouvrent aussi la voie à une nouvelle intelligence collective en la matière. Enfin, la poursuite de la mise en œuvre du plan d’ouverture de places en centre de rétention administrative permettra de soulager les familles et les personnels confrontés à des situations parfois très difficiles à gérer.

En matière d’intégration, mes collègues et moi-même sommes satisfaits du renforcement du volet professionnel du contrat d’intégration républicaine et du déploiement du programme d’accompagnement global et individualisé des réfugiés. Ce programme est déjà mis en œuvre dans mon département de l’Eure, ce dont je me réjouis. La poursuite de la rénovation des foyers de travailleurs migrants est un autre motif de satisfaction. Mon département en compte trois.

Sur ces trois volets, le groupe RDPI, en accord avec l’action volontaire menée par le Gouvernement, votera sans hésitation les crédits de la mission. Nous sommes conscients que certains parmi vous, chers collègues, ont la volonté de contribuer à l’efficacité de cette mission en affinant et retravaillant certains mécanismes financés par ces crédits.

M. le président. La parole est à M. François Bonhomme. (M. Michel Savin applaudit.)

M. François Bonhomme. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons ce matin les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration », qui me permet d’aborder la question de l’immigration sous un angle budgétaire, avant le débat relatif à la politique de l’immigration qui sera prochainement organisé dans notre assemblée, en application de l’article 50-1 de la Constitution.

De prime abord, je relève que les crédits de la mission connaissent une hausse bienvenue, que nous saluons, en crédits de paiement comme en autorisations d’engagement. Cette augmentation s’inscrit dans un contexte de forte inflation et, plus encore, de sortie désormais marquée de la parenthèse du covid-19, durant laquelle les flux migratoires demeurèrent fortement perturbés et, à certains égards, en deçà des chiffres de 2019.

Il convient d’ailleurs de le relever, les crédits de cette mission, tout comme ceux de la mission « outre-mer », ne recoupent qu’une fraction – un peu moins d’un tiers – des dépenses des politiques françaises de l’immigration et de l’intégration. La majorité des crédits de la mission – un peu moins des deux tiers – sont consacrées à l’asile, des portions limitées étant réservées à l’intégration et à la lutte contre l’immigration illégale.

Dans ce contexte, la hausse des crédits de la mission n’est pas suffisante et ne saurait occulter les insuffisances des politiques traitant des questions migratoires et de l’asile.

En effet, les indicateurs dont nous disposons, qui sont malheureusement souvent imparfaits, révèlent les difficultés croissantes que nous connaissons pour gérer certaines problématiques majeures, en particulier la maîtrise de l’immigration illégale.

C’est ainsi que le taux d’exécution des obligations de quitter le territoire est structurellement bas. Il s’est encore dégradé durant la crise sanitaire, passant sous la barre des 10 %.

En 2021, ce taux était de 6 % : sur les 124 111 décisions qui ont été prononcées, seules 7 488 ont été exécutées. Même en considérant que cet indicateur présente des faiblesses, comme le ministre Darmanin s’est longuement efforcé de l’expliquer devant la commission, le taux demeure particulièrement bas.

Ce constat sur ces graves insuffisances n’est pas nouveau : nous l’avions déjà dressé lors des précédents budgets, et, encore récemment, la commission des lois a formulé des recommandations dans le rapport présenté par son président François-Noël Buffet, intitulé Services de lÉtat et immigration : retrouver sens et efficacité.

En parallèle, le nombre des bénéficiaires de l’aide médicale de l’État (AME) et des admissions exceptionnelles au séjour achève de dresser un tableau préoccupant du dynamisme des flux de personnes en situation irrégulière.

D’importantes marges de progression existent donc.

L’annonce d’un texte sur l’immigration l’année prochaine, d’ailleurs déjà repoussée, démontre, si besoin en est, que de nombreux chantiers demeurent à lancer et que l’exécutif en a conscience.

Or les moyens de cette mission demeurent insuffisants pour faire face aux enjeux de l’immigration, de l’asile et de l’intégration. Trop souvent, nous avons l’impression qu’il s’agit ici d’un budget d’accompagnement, et non de maîtrise de l’immigration.

En parallèle, des interrogations, par ailleurs récurrentes d’un projet de loi de finances à l’autre, subsistent sur la sincérité des crédits. Ainsi, est-il réaliste, monsieur le ministre, dans le contexte de rebond post-covid que nous connaissons, d’envisager une baisse de 36 % des dépenses de l’ADA en 2023 ?

En outre, comme l’ont souligné les rapporteurs, le traitement de la question des réfugiés ukrainiens s’est révélé insatisfaisant. Ceux-ci sont actuellement bénéficiaires d’un dispositif de protection temporaire. Or, malgré ce statut temporaire et les incertitudes entourant inévitablement la situation de guerre régnant en Ukraine, l’accueil administratif et physique, l’hébergement et d’autres éléments, tels que la scolarisation des enfants, nécessitent une préparation et une visibilité en amont. Il paraît incompréhensible que les évaluations fournies au législateur dans le cadre de l’examen de ce projet de budget soient aussi limitées.

Par conséquent, même si la hausse des crédits et un certain nombre d’éléments tels que la consolidation du réseau des centres de rétention administrative ou des locaux de rétention administrative ou encore l’amélioration des délais de traitement des demandes de l’Ofpra vont effectivement dans le bon sens, il n’en demeure pas moins que les faiblesses et les lacunes de la mission demeurent considérables.

En tout cas, monsieur le ministre, ils ne sont pas de nature, nous semble-t-il, à juguler et à corriger les différents manquements que nous venons de relever. Aussi, nous suivrons les avis défavorables des rapporteurs.