M. Stéphane Piednoir. Il y a de la manipulation dans l’air…

Mme Céline Brulin. Le Sénat est la chambre des territoires. Va-t-il ce soir dire à tous ces maires que ce qu’ils demandent et ce que leurs conseils municipaux votent à l’unanimité n’est vraiment pas une bonne idée ? Va-t-il rejeter cette demande ? Ce serait une grave erreur.

Enfin, de nombreux exemples nous ont été donnés de dérogations obtenues au droit européen dans une période récente, notamment en raison de la crise sanitaire.

Madame la ministre, mes chers collègues, je vous mets en garde. Les coupures d’électricité donnent à nos concitoyens le sentiment d’un très grand déclassement de la France. Dans ce contexte, dire que nous n’y pouvons rien à cause de l’Europe pourrait avoir des conséquences politiques et sociales extrêmement graves. Ce serait vraiment une erreur ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)

M. Fabien Gay. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Fabien Gay, sur l’article.

M. Fabien Gay. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je veux répondre à trois arguments développés dans la discussion générale.

Tout d’abord, nous n’obligerons aucune collectivité à souscrire aux tarifs réglementés ou à casser des contrats, ce qui les placerait dans une situation juridique et économique très complexe. Nous voulons simplement que des collectivités qui se voient proposer de nouveaux tarifs en augmentation moyenne de 30 % ou qui sont soumises à du racket organisé, avec des hausses de 300 %, puissent souscrire de nouveau aux tarifs réglementés.

Oui, cela coûterait 3,5 milliards d’euros à EDF. Mais lorsque la ministre de l’énergie a demandé à EDF quelque 20 TWh supplémentaires au mois de février dernier, ce qui a coûté 8,4 milliards d’euros, personne ici n’est venu pleurer ! Déjà, entre le filet de sécurité, l’amortisseur et le bouclier tarifaire, nous en sommes à 43 milliards d’euros offerts au privé.

Nous préférons quant à nous donner 3,5 milliards d’euros à EDF, pour qu’elle rende l’accès au tarif réglementé à l’ensemble de nos collectivités !

En ce qui concerne l’Union européenne, vous nous avez fait un bon cours, madame la ministre. Mais l’article 26 du traité de l’Union européenne et la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne sont clairs : pour une mission d’intérêt général et de service public, il peut exister des dérogations. Nous vous en avons donné des exemples. D’ailleurs, en France, il y en a déjà, pour nos collectivités territoriales les plus petites. Comment appeler autrement les 200 millions d’euros votés récemment ?

Il est donc possible de faire bouger les lignes. Dire que nous sommes pieds et poings liés serait pire que tout. C’est une question de choix politique. La réalité est que vous ne voulez pas !

Mme Guylène Pantel. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Laurent, sur l’article.

M. Pierre Laurent. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je voudrais préciser les choses sur la question européenne.

Comme vient de le dire Fabien Gay, le droit européen n’empêche pas la mise en œuvre de cette proposition de loi. D’ailleurs, depuis le début du covid-19, les gouvernements européens passent leur temps à inventer, en raison d’une situation exceptionnelle, des règles qui n’existaient pas auparavant et qui, paraît-il, ne pouvaient pas exister. Eh bien, de nouveau, nous sommes dans une situation exceptionnelle !

Nous sommes en conflit avec la Commission européenne depuis des années sur l’hydroélectricité. Or la terre ne s’est pas arrêtée de tourner parce que nous n’acceptons pas d’ouvrir à la concurrence les barrages hydroélectriques – heureusement que nous ne le faisons pas, d’ailleurs, car la menace de délestages serait encore plus forte. Nous ne satisfaisons pas cette demande, il y a une discussion avec la Commission européenne, et le monde ne s’écroule pas. Cessons donc d’invoquer ce type d’arguments.

Hier, lors du débat préalable au Conseil européen, la secrétaire d’État nous a indiqué que la réforme du marché de gros n’entrerait en vigueur, au mieux, qu’à l’hiver 2024. Et encore faut-il que cette réforme soit adoptée immédiatement.

Dans tous les cas, nous devrons passer les deux prochains hivers avant que cette rédaction ne s’applique. Si nous ne prenons aucune mesure d’ici là, nous allons mettre à genoux les collectivités locales, ce qui aura des conséquences catastrophiques sur l’investissement public en général et sur l’investissement pour la transition énergétique en particulier. Nous allons donc perdre sur tous les tableaux.

Enfin, le bouclier tarifaire coûte déjà 45 milliards d’euros, madame la ministre. S’il faut tenir deux ans encore, quel sera le coût total ? Ou bien nous lâcherons tout le monde en rase campagne, ou bien il faudra assumer sur deux ans un coût de 150 milliards d’euros, voire de 200 milliards d’euros. C’est bien plus que ce que nous proposons. Prenons donc nos responsabilités et adoptons cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)

Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Piednoir, sur l’article.

M. Stéphane Piednoir. Je n’avais pas prévu de m’exprimer, mais j’entends nos collègues du groupe CRCE multiplier les explications de vote sur leur texte… (Protestations sur les travées du groupe CRCE.)

Mme Laurence Cohen. Avec des arguments variés !

M. Stéphane Piednoir. Nous n’allons pas refaire ici le débat sur la situation énergétique de notre pays. Nous l’avons eu en d’autres circonstances, et dernièrement lors des questions au Gouvernement.

D’ailleurs, nous n’avons pas été satisfaits des réponses du ministre Roland Lescure, qui relevaient de l’esbroufe : les difficultés de notre parc nucléaire sont dues non pas uniquement à des questions d’entretien, mais bien à des choix stratégiques malvenus des gouvernements successifs, depuis ceux qui ont été faits par Mme Voynet au sein du gouvernement Jospin en 1997.

Nous avons des points de convergence avec le groupe CRCE, notamment sur la nécessité de faire entrer du nucléaire dans notre mix électrique. Mais je ne puis laisser sans réponses les insinuations de Céline Brulin sur les raisons de notre opposition à ce texte, alors que celles-ci ont été clairement exposées au cours de la discussion générale. En effet, elles ne sont pas éloignées d’une forme de manipulation de nos grands électeurs.

Nous avons proposé d’ajouter dans le PLF des dispositifs qui conviennent tout à fait aux communes et aux élus locaux.

M. Fabien Gay. Le 49.3 va balayer tout ça !

M. Stéphane Piednoir. En tant qu’élus du groupe CRCE, vous auriez pu voter ces amendements. Vous ne l’avez pas fait. Vous n’êtes donc pas cohérents. (Protestations sur les travées du groupe CRCE.) Je tenais à le faire remarquer.

Mme la présidente. La parole est à Mme Cécile Cukierman, sur l’article.

Mme Cécile Cukierman. Chers collègues, il faut savoir raison garder, même si nous avons des désaccords.

L’avantage des débats que nous avons ici, c’est qu’ils sont publics et qu’ils font l’objet d’un compte rendu. Je vous invite à le lire et à vous reporter au moment où, lors de l’examen de la première partie du projet de loi de finances, vers une heure et quart du matin, M. le rapporteur général de la commission des finances, membre de votre groupe, a proposé la mise en place du filet de sécurité.

Vous y lirez également ce qu’a déclaré en réponse mon collègue Pascal Savoldelli, vers une heure et demie du matin. Tout en prenant acte de cette proposition et en soulignant que nous avions proposé un dispositif plus généreux, il annonçait que nous voterions cet amendement, car nous pensions qu’il y avait besoin de convergence.

M. Stéphane Piednoir. C’est un dispositif parmi beaucoup d’autres…

Mme Cécile Cukierman. Relisez également le compte rendu de mon intervention du mercredi suivant, lors de la discussion générale sur les crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales ». Je saluais ce qui avait déjà été acté dans la première partie, donc l’adoption de votre proposition.

Sur le fond, cher collègue, nous n’avons peut-être pas la même volonté de remettre en cause des politiques européennes, ni le même avis sur le retour aux tarifs réglementés pour les collectivités territoriales que nous proposons ce soir.

Pour notre part, nous avons toujours travaillé en bonne intelligence avec l’ensemble des groupes politiques et nous avons toujours voté, sans aucun sectarisme, les dispositifs, qui servaient l’intérêt général ou correspondaient aux attentes des élus locaux.

Ce point aussi figurera au compte rendu, et je souhaite qu’il soit gravé dans notre mémoire collective. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, sur l’article. (Marques dimpatience sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Laurence Cohen. Mais c’est la démocratie !

M. Fabien Gay. En plus, c’est notre niche !

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Mes chers collègues, je vous invite à méditer sur l’évolution de la richesse de la France et de l’Europe depuis vingt ans.

Vous observerez que non seulement l’Europe est déclassée à l’échelle internationale, mais que la France ne fait que reculer. Son PIB, son industrie et, plus globalement, son économie reculent.

M. Laurent Somon, rapporteur. Absolument !

Mme Marie-Noëlle Lienemann. À chaque fois, nous avons avalisé des accords que l’on nous présentait comme peu satisfaisants, mais dont on nous disait qu’ils avaient permis d’éviter le pire.

Or, à chaque fois, au bout de quelques années, le Gouvernement finit par concéder que le compte n’y est pas – ce fut le cas avec les directives de dérégulation de l’énergie –, et que cela doit changer. Puis, il promet qu’il se battra à Bruxelles pour faire évoluer les choses.

Or rien ne change, ou si peu que nous poursuivons notre déclin par rapport aux autres puissances européennes. Nous ne sommes d’ailleurs pas les seuls : voyez l’Europe du Sud dans son ensemble.

La promesse selon laquelle les règles européennes seront révisées en vue d’instaurer des tarifs réglementés est agréable à entendre. Mais rappelez-vous la taxe Gafam ! Heureusement que les Américains ont bougé. Nous ne parvenions pas à l’adopter. Nous devions toujours l’avoir l’année suivante… En réalité, nous ne l’avons pour ainsi dire jamais eue !

Voyez le cas des superprofits.

Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. C’est en cours !

Mme Marie-Noëlle Lienemann. On ne peut rien faire en dehors du cadre européen, nous dit-on. Or, au bout d’un an, deux ans, trois ans, quatre ans, il ne se passe toujours rien !

Je me souviens également de la taxe carbone aux frontières, qui devait réguler les importations. Là encore, nous n’avons rien vu venir.

En réalité, la France fuit le rapport de force. Il y va pourtant de son légitime intérêt national, mais aussi d’une certaine idée de ce que pourrait être l’intérêt européen : réguler le trafic et les tarifs de l’électricité, qui font le yoyo, et rentabiliser les investissements d’avenir dans une perspective de décarbonation.

Sans les tarifs réglementés, l’Europe sera globalement fragilisée, et la France plus que tout autre pays.

Mme la présidente. Il faut conclure, ma chère collègue.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. L’adoption de cette proposition de loi serait un acte politique, qui appellerait les institutions européennes et le Gouvernement à réviser leur stratégie politique.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Laurent Somon, rapporteur. Je ne mets pas en doute, madame Lienemann, le souci du groupe communiste républicain citoyen et écologiste de protéger l’entreprise EDF, pas plus, je l’espère, que vous ne mettez en doute notre volonté commune de protéger les collectivités territoriales.

Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. Tout à fait !

M. Laurent Somon, rapporteur. Quel que soit notre choix par rapport à cette proposition de loi, respectons, si vous le voulez bien, cette équivalence d’intérêt pour EDF et pour les collectivités territoriales.

Les tarifs réglementés de vente d’électricité, qui sont fondés sur l’Arenh (M. Fabien Gay acquiesce.), coûtent tout de même à EDF, en tenant compte uniquement de l’augmentation de 100 à 120 térawattheures, pas moins de 10 milliards d’euros. Cela poserait problème à l’entreprise, à l’heure où les besoins d’investissement sont immenses pour remettre le parc nucléaire à niveau et pour réaliser les nouveaux projets qui ont été annoncés.

Selon une estimation interne, le coût de l’extension des TRV à l’ensemble des collectivités serait compris entre 2,5 milliards d’euros et 3 milliards d’euros. Nous attendons, car c’est un élément important, l’évaluation de la Commission de régulation de l’énergie (CRE), qui n’a pas pu nous la fournir.

Je le répète, nous ne contestons pas – je partage totalement les propos de Fabien Genet sur la ville de Digoin – la nécessité de réviser les modalités de fixation du prix de l’énergie.

Je rappelle que ce prix est fixé en fonction du taux marginal, lui-même fondé sur le prix du gaz. Tant que ce dernier était bon marché, tout le monde s’y retrouvait ; maintenant que son prix est élevé, cela cause de grandes difficultés, qui conduisent à la crise actuelle.

Nous devons néanmoins procéder à cette révision – nous sommes tous d’accord sur ce point –, dans un cadre financièrement et juridiquement sécurisé pour l’ensemble des collectivités locales.

Enfin, nous ne pourrons échapper au contexte de libéralisation. Chacun est libre de le juger en son âme et conscience – je n’en dirai pas plus –, mais ne laissons pas croire que la panacée ou la solution ultime serait de revenir aux tarifs réglementés.

La Fédération nationale des collectivités concédantes et régies, qui représente aussi les collectivités territoriales au travers de son activité de distribution, estime que « le retour aux TRV d’énergie ou de gaz ne permet donc pas de garantir à lui seul des niveaux de prix économiquement raisonnables et socialement acceptables pour les consommateurs. »

Réfléchissons ensemble. Si nous constatons tous les dégâts causés par la situation actuelle, ne tombons pas dans une présentation rapide, aussi simple que séduisante, mais coûteuse et risquée pour les collectivités locales.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée. J’ai noté trois phrases, sur lesquelles je voudrais m’inscrire en faux au nom du Gouvernement.

Je n’ai jamais dit – pas plus que M. le rapporteur, me semble-t-il – que nous ne pouvions rien faire.

Je ne crois pas avoir dit que nous souhaitions, d’une façon ou d’une autre, mettre les collectivités locales à genoux.

Je ne crois pas, enfin, que l’on puisse dire qu’il ne se passe rien. Près de 5 milliards d’euros sont tout de même investis pour aider les collectivités à passer la crise énergétique.

De grâce, tâchons d’éviter les interprétations hâtives et les procès d’intention. Votre proposition de loi est intéressante, je le répète, de par les objectifs qu’elle affiche. Mais il ne faut pas stigmatiser les membres du Sénat – la chambre des territoires, vous l’avez dit, mesdames les sénatrices – qui voteraient contre le texte. Ils le feront tout simplement pour les raisons juridiques qui ont été évoquées et qui motivent aussi le refus du Gouvernement.

Il y a d’autres façons de faire évoluer l’Europe sur ces sujets. À cet égard, le Président de la République fait montre de beaucoup d’énergie et de talent pour tenter de changer les choses.

M. Fabien Gay. Sans résultat !

Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Ce n’est simplement pas le moment de voter ce texte, même si c’était, monsieur le sénateur, le moment de votre niche parlementaire.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 1er.

J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant de la commission des affaires économiques.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)

Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 95 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 329
Pour l’adoption 98
Contre 231

Le Sénat n’a pas adopté.

Article 1er
Dossier législatif : proposition de loi visant à protéger les collectivités territoriales de la hausse des prix de l'énergie en leur permettant de bénéficier des tarifs réglementés de vente de l'énergie
Article 2 (fin)

Article 2

Après le chapitre V du titre IV du livre IV du code de l’énergie, il est inséré un chapitre V bis ainsi rédigé :

« CHAPITRE V BIS

« Les tarifs réglementés de vente

« Art. L. 445-6-1. – Le deuxième alinéa de l’article L. 410-2 du code de commerce s’applique aux tarifs réglementés de vente du gaz naturel mentionnés à l’article L. 445-6-3 du présent code.

« Art. L. 445-6-2. – Les décisions sur les tarifs mentionnés à l’article L. 445-6-3 sont prises conjointement par les ministres chargés de l’économie et de l’énergie, sur avis de la Commission de régulation de l’énergie.

« La Commission de régulation de l’énergie formule ses propositions et ses avis, qui doivent être motivés, après avoir procédé à toute consultation qu’elle estime utile des acteurs du marché de l’énergie.

« Art. L. 445-6-3. – Les tarifs réglementés de vente du gaz naturel sont définis en fonction des caractéristiques intrinsèques des fournitures et des coûts liés à ces fournitures. Ils couvrent l’ensemble de ces coûts à l’exclusion de toute subvention en faveur des clients qui ont exercé leur droit prévu à l’article L. 441-1. Ils sont harmonisés dans les zones de desserte respectives des différents gestionnaires de réseaux de distribution mentionnés à l’article L. 111-53. Les différences de tarifs n’excèdent pas les différences relatives aux coûts de raccordement des distributions au réseau de transport de gaz naturel à haute pression. »

Mme la présidente. Je vais mettre aux voix l’article 2.

Mes chers collègues, je rappelle que, si cet article n’était pas adopté, il n’y aurait plus lieu de voter sur l’ensemble de la proposition de loi, dans la mesure où les deux articles qui la composent auraient été rejetés. Aucune explication de vote sur l’ensemble du texte ne pourrait donc être admise.

Je vous invite donc à prendre la parole maintenant, si vous souhaitez vous exprimer sur ce texte.

La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.

M. Fabien Gay. Je vous rassure, madame la ministre, il n’y a pas, d’un côté, les bons et, de l’autre, les méchants ! La question n’est pas là. D’ailleurs, ce n’est pas ce que nous avons dit. Il y a des choix politiques qui, face à une situation donnée, ne sont pas les mêmes.

Pour notre part, nous prônons l’efficacité et défendons le secteur public. Un autre choix a été fait, dont nous jugerons de l’efficacité : celui de donner beaucoup d’argent public à des acteurs alternatifs, pour de maigres résultats. Par exemple, il a fallu dépenser des milliards pour que le bouclier tarifaire soit fixé à 4 % d’augmentation par rapport au tarif réglementé. Le résultat est que les prix de l’électricité ont augmenté de 5,4 % !

Cela signifie que des acteurs alternatifs ont pris l’argent public pour imposer un bouclier tarifaire qu’ils n’ont pas respecté. L’État demandera-t-il le remboursement de cet argent public ?

Ensuite, l’extinction prévue au 30 juin 2023 des tarifs réglementés du gaz pour tous les usagers est une catastrophe, au moment même où le prix du gaz s’envole et alors que son approvisionnement n’est pas sécurisé.

Allons-nous nous mettre d’accord pour prolonger les tarifs réglementés du gaz pour l’ensemble des usagers ? Cette question nous sera posée, et nous devrons y répondre, au-delà des collectivités.

Pour notre part, nous mènerons cette bataille dans les six prochains mois. Nous avons entendu les revendications légitimes des TPE-PME et nous serons aux côtés des commerçants et autres boulangers qui manifesteront le 23 janvier prochain.

Quel que soit le vote du Sénat – nous avons nous aussi demandé un scrutin public sur l’article –, nous continuerons le combat politique en faveur des tarifs réglementés, mais aussi pour un monopole public, pour une entreprise publique qui puisse investir, innover et répondre aux défis du XXIe siècle, y compris celui de la précarité énergétique. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE. – Mme Martine Filleul applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Fabien Genet, pour explication de vote.

M. Fabien Genet. Chaque fois que nous pouvons saisir l’occasion de faire remonter ce qui se passe sur le terrain, il est absolument indispensable le faire. C’est l’un des mérites, je le redis, de cette proposition de loi.

Au-delà d’une différence de choix politiques, il y a aussi une sorte de prudence à ne pas laisser croire aux responsables de collectivités locales qu’il suffirait que nous votions un texte, ici, pour que tous les problèmes soient résolus. Dans le moment de crise que nous vivons et qui n’ira qu’en s’amplifiant, la parole publique est à manier avec précaution.

En ce qui concerne les soutiens, je conçois tout à fait, madame la ministre, que nous avancions quelque peu dans le brouillard. D’une part, les dispositifs ne sont pas encore précisés. D’autre part, la réalité des collectivités locales fait que, même pour les aides 2022, nous n’aurons une vision claire de la situation qu’au moment du vote du compte administratif, c’est-à-dire à la mi-2023.

L’adaptation des dispositifs pour 2023 n’en est pas facilitée, et nous devrons certainement remettre l’ouvrage sur le métier et procéder à des ajustements l’été prochain.

Puisque le cas des boulangers vient d’être évoqué, je rappellerai ceci : si l’on comprend bien, madame la ministre, au travers du communiqué de vos collègues – le cas type 1 de la boulangerie y est décrit –, qu’un certain nombre d’aides pourront s’appliquer, en particulier l’amortisseur électricité, le boulanger devra tout de même s’acquitter de 75 % de l’augmentation de sa facture. Voilà ce qui inquiète fortement la population.

M. Fabien Genet. Certes, des dispositifs de soutien sont mis en œuvre, mais l’amortisseur, par exemple, ne porte que sur 25 % de la facture. Il reste donc des sommes considérables à payer.

Si les collectivités pourront toujours compter sur le soutien de l’État, notre crainte est qu’un certain nombre d’acteurs économiques ne disparaissent dès le début de l’année 2023.

Je rejoins les propos de Fabien Gay sur l’inquiétude de nos concitoyens, qui bénéficient aujourd’hui du tarif réglementé du gaz et qui reçoivent quantité de lettres, dans lesquelles on leur dit : « C’est fini, allez voir les entreprises ! » Dans le contexte actuel, c’est extrêmement anxiogène. (Mme Elsa Schalck approuve.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la présidente de la commission.

Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. Je remercie le groupe CRCE du débat que nous avons eu aujourd’hui et salue tout particulièrement Fabien Gay, dont chacun connaît l’engagement sur les questions énergétiques et pour la sauvegarde d’EDF.

Je ne fais de procès à personne en évoquant les effets de bord de la proposition de loi que, chacun à notre place, nous apprécions à sa juste valeur.

Je répondrai à Jean-Pierre Grand en lui disant que le débat ne commence pas aujourd’hui : il dure depuis des années à la commission des affaires économiques ! Nous avons produit rapport sur rapport, dans lesquels des experts de tous les groupes politiques ont averti, madame la ministre, sur le risque de blackout, sur les problèmes de production, ainsi que sur la difficulté que présente l’architecture des prix en Europe et la nécessité d’y remédier.

Peut-être faut-il attendre la crise, madame la ministre, pour s’y atteler de façon plus déterminée encore. En tout état de cause, monsieur Grand, le débat ne s’arrête certainement pas aujourd’hui.

Je prends note, évidemment, de la proposition de résolution européenne de notre collègue Franck Montaugé, sur laquelle nous allons travailler dès cette après-midi.

Par ailleurs, dans cet hémicycle, personne n’a le monopole de la défense des collectivités territoriales.

M. Michel Dagbert. Très bien !

Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. Contrairement à mon collègue Fabien Gay – je l’apprécie par ailleurs, chacun le sait, pour la clarté de ses convictions, même si je ne les partage pas –, je pense que le problème n’est pas politique.

Nous cherchons tous à protéger les Français, notre économie et les collectivités territoriales face à la crise énergétique. Notre différence vient peut-être de la méthode retenue. La vôtre, cher collègue, est forte et audacieuse, mais nous la considérons comme dangereuse pour les collectivités territoriales.

Nous pouvons avoir des nuances et des écarts d’analyse, mais je crois que la différence entre les groupes n’est pas d’ordre politique. Elle est une différence de méthode.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Tout à fait !

Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. Madame la ministre, je me tourne à présent vers vous. La balle est dans votre camp.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée. En effet !

Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. Nous donnerons toutes les forces nécessaires au Président de la République pour qu’il négocie à l’échelle européenne la modification de l’architecture du prix de l’énergie.

En effet, il n’y a que cette solution qui puisse nous aider et nous protéger. C’est la seule voie possible. Aussi, allons-y ! Avançons en bon ordre et avec force. Nous attendons du Gouvernement et du Président de la République des résultats qui soient plus rapides que ceux qui nous ont été annoncés hier soir.

Il y va de la survie de notre pays et du maintien de notre rang, comme le soulignait Marie-Noëlle Lienemann. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Daphné Ract-Madoux applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Michelle Gréaume, pour explication de vote.

Mme Michelle Gréaume. Nous n’en serions peut-être pas là si nous en étions restés à la nationalisation de certains services publics. On a dit aux gens : « On va prendre du privé, cela ira mieux ! Vous verrez, avec la concurrence, nous aurons de meilleurs prix. » Nous voyons le résultat aujourd’hui.