M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Laurent Duplomb, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission des affaires sociales a délégué à la commission des affaires économiques deux articles agricoles, plus techniques que politiques, du présent projet de loi : l’article 30 corrige notamment une incohérence du code rural à propos des aides à l’installation des jeunes agriculteurs ; l’article 31 ratifie huit ordonnances adaptant le code rural au droit de l’Union européenne dans des domaines très variés. Je suis chargé, en tant que rapporteur pour avis, de vous donner la position de notre commission sur ces deux articles.

L’article 30 rend sans équivoque la décentralisation des aides à l’installation possible.

En effet, aux termes d’une ordonnance du mois de janvier 2022, les mesures non surfaciques du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) seront transférées aux régions qui le demandent pour la programmation 2023-2027 de la PAC. Je pense que le Sénat tout entier salue le principe de cette réforme.

Pour l’accompagner, la commission a adopté mon amendement visant à demander un bilan annuel par région, consolidé par l’État à l’échelle nationale, de la politique de transmission et d’installation. Cela permettra de nous prémunir contre trois dérives potentielles : un manque de lisibilité des aides pour les agriculteurs ; l’accroissement des disparités entre régions, chacune ayant des priorités politiques différentes ; un manque d’efficacité si les comparaisons n’encouragent pas une saine émulation. L’installation est de première importance pour notre agriculture ; il n’est pas envisageable que l’État ne garde pas un œil dessus.

En outre, la commission a souhaité maintenir dans la loi la condition d’une capacité professionnelle préalable pour bénéficier des aides à l’installation, préférant les installations viables aux projets mal ficelés.

En effet, comment prétendre réussir une installation sans un bagage technique minimal en agronomie, en biologie ou en gestion des entreprises ? On ne peut pas demander aux agriculteurs de respecter un nombre sans cesse croissant de règles et d’injonctions tout en laissant passer des installations sans formation. Nous ne confondrons pas vitesse et précipitation.

J’en viens à l’article 31. Je m’attarderai surtout sur la méthode, car, sur le fond, je vois cinq bonnes raisons de ratifier les huit ordonnances.

Premièrement, celles-ci relèvent du droit en vigueur, puisqu’elles produisent dès leur publication des effets assimilables à la loi. Les modifier serait source d’insécurité juridique.

Deuxièmement, elles adaptent notre droit à des règlements européens d’application directe. Notre marge de manœuvre est plus limitée que dans le cas d’une transposition de directive. De ce fait, ces ordonnances relèvent du toilettage technique.

Troisièmement, la France a été à l’initiative de plusieurs dispositions européennes justifiant les ordonnances, dont elle bénéficie, par exemple pour la reconnaissance de la mention Produits de montagne.

Quatrièmement, les seules surtranspositions, qui maintiennent des standards plus élevés en matière de catégorisation des maladies végétales et animales et de sélection génétique des animaux, semblent justifiées par un motif d’intérêt général suffisant : la performance sanitaire et économique de notre agriculture.

Cinquièmement, la ratification n’empêche pas de faire preuve de vigilance dans le contrôle de leur application. Par exemple, le président de l’ordre national des vétérinaires m’a indiqué que la libre prestation de services donnait lieu à certaines pratiques d’optimisation fiscale et réglementaire, voire sanitaire.

Cependant, sur la forme, les conditions dans lesquelles ces ratifications sont proposées au Parlement ne sont pas satisfaisantes, à plusieurs titres.

D’abord, nous avons disposé d’un temps très limité pour examiner le texte.

Ensuite, on nous propose la ratification de huit ordonnances, alors qu’un texte de ratification n’en contient en moyenne pas plus de trois. Le caractère disparate du texte nuit à l’exigence de clarté et de sincérité du débat.

Enfin, la ratification de ces textes est proposée plus de cinq ans et trois mois en moyenne après leur publication. Au cours du précédent quinquennat, le délai était en moyenne d’un an, un mois et sept jours, soit cinq fois moins. Pour cinq ordonnances datant de 2015, la ratification interviendra carrément deux mandats après leur publication : un découplage d’une telle ampleur est quasiment inédit, d’autant plus que les textes européens ayant justifié ces ordonnances remontent à encore plus loin ; à 2005 pour le plus ancien. L’examen au Sénat intervient donc à contretemps, près de dix-sept ans après. Pour certains textes, le véritable débat a eu lieu au sein du Conseil de l’Union européenne et du Parlement européen voilà plus de dix ans. Ce délai est, à mon sens, beaucoup trop important. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes UC et RDPI.)

M. Cyril Pellevat, rapporteur pour avis de la commission de laménagement du territoire et du développement durable. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable a émis un avis favorable à l’adoption du projet de loi sous réserve du maintien dans le texte des amendements adoptés sur son initiative sur les quatre articles relatifs aux transports, qui relevaient de ses compétences.

La commission a, elle aussi, unanimement regretté les délais d’examen imposés pour l’examen du texte. Celui-ci, malgré son caractère extrêmement technique, a des conséquences très concrètes pour nos concitoyens comme pour les professionnels du secteur du transport.

Sur le fond, la commission a veillé à enrichir et à compléter la transposition de la directive relative à la taxation des poids lourds pour l’utilisation de certaines infrastructures, dite directive Eurovignette. Elle a adopté plusieurs amendements visant à relever l’ambition du texte en faveur de la transition écologique et à accompagner les transporteurs dans le verdissement de leur flotte. Étant donné que 99 % de la flotte de poids lourds fonctionne au diesel, le défi de la décarbonation du secteur est considérable.

Par ailleurs, la commission a regretté le caractère incomplet du projet de loi initial, qui se cantonnait à transposer la directive Eurovignette aux seuls péages des futures concessions autoroutières et ne prévoyait pas de mise en conformité de l’ordonnance du 26 mai 2021 relative aux modalités d’instauration d’une taxe sur le transport routier de marchandises recourant à certaines voies du domaine public routier de la Collectivité européenne d’Alsace avec le droit européen révisé.

Dans la continuité de ses travaux précédents, notamment de l’examen du projet de loi de ratification de cette ordonnance, la commission a donc adopté l’article 26 bis, qui vise à remédier à cet oubli fâcheux. Monsieur le ministre, nous ne saurions accepter qu’une telle modification passe par la voie de l’ordonnance, alors que la transposition de la nouvelle version de la directive est l’objet même du projet de loi et que la navette parlementaire sera l’occasion d’ajuster, si nécessaire, le dispositif.

J’en viens à l’article 28, relatif aux droits et obligations des voyageurs ferroviaires. D’une part, la commission a souhaité mieux garantir les droits des personnes handicapées ou à mobilité réduite. D’autre part, elle a cherché, en conformité avec le règlement européen en la matière, à reporter la date d’application de certaines de ses obligations, afin de ne pas entraver le bon déroulement de l’ouverture à la concurrence et de ne pas créer d’inégalités entre les voyageurs, selon qu’ils choisissent ou non l’opérateur historique.

Enfin, notre commission a souhaité ratifier une ordonnance de transposition de la directive relative aux installations de réception portuaires pour le dépôt des déchets des navires, dans le prolongement des recommandations du groupe de travail sur la modernisation des méthodes de travail du Sénat.

Tels sont, mes chers collègues, les principaux éléments que je souhaitais porter à votre attention au nom de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées des groupes UC et RDPI, ainsi quau banc des commissions.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe RDPI, ainsi quau banc des commissions.)

M. Hervé Maurey, rapporteur pour avis de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le Gouvernement nous présente aujourd’hui un nouveau projet de loi d’adaptation au droit de l’Union européenne, un an après le précédent. Il nous a saisis dans des délais particulièrement contraints, puisqu’il a déposé son projet de loi le 23 novembre, alors que nous examinions le projet de loi de finances.

La commission des finances dispose d’une délégation au fond sur neuf articles, les articles 1er à 8 et l’article 13, qui concernent des sujets très différents. Cinq d’entre eux sont des demandes d’habilitation.

Le Sénat appréciant peu les ordonnances, je me suis attaché à vérifier que celles-ci étaient suffisamment circonscrites, qu’il n’était pas possible de les transposer « en dur » et que les délais proposés nous permettaient de respecter nos obligations européennes.

Dans plusieurs cas, c’est le retard pris par le Gouvernement pour transposer des directives ou pour adapter notre droit à celui de l’Union européenne qui le conduit à demander des habilitations et à exiger du Sénat une première lecture dans des délais extrêmement contraints.

Les articles 1er, 2, 4, 5, 6 et 13 interviennent dans les domaines assurantiels, bancaires ou des marchés financiers, et relèvent avant tout de dispositions techniques. Après un examen approfondi, ils n’ont pas soulevé de difficultés particulières et ont fait l’objet de deux amendements rédactionnels en commission.

L’article 3 corrige une erreur de suradaptation du droit interne qui a conduit à appliquer à l’ensemble des entreprises d’assurance mutuelle et des institutions de prévoyance l’obligation de publier des informations en matière de durabilité.

Vous m’autoriserez, monsieur le ministre, à rappeler à cette occasion que, dans le cadre de l’examen de la loi du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat, le Sénat avait supprimé l’article transposant le règlement européen, en ayant déjà relevé qu’il excédait les exigences européennes. Le Gouvernement, qui avait ensuite réintroduit cette disposition dans le texte, se rend aujourd’hui compte que, comme souvent, le Sénat avait raison.

Les articles 7 et 8, qui concernent les entreprises, soulèvent les enjeux les plus importants.

L’article 7 est une demande d’habilitation du Gouvernement à légiférer par ordonnance pour transposer la directive du 24 novembre 2021 relative à la communication, par certaines entreprises et succursales, d’informations relatives à l’impôt sur le revenu des sociétés.

Sur ce sujet, je regrette que le Gouvernement n’ait pas choisi, comme il aurait pu le faire, la transposition « en dur ». Il disposait en effet d’un an pour s’y préparer. De surcroît, nous n’avons pas pu obtenir les informations que nous demandions sur deux questions importantes : les obligations déclaratives des entreprises et la définition de la clause de sauvegarde. En conséquence, nous ne pouvons pas accepter l’habilitation. Je proposerai donc un amendement de suppression.

L’article 8 est, lui aussi, une demande d’habilitation du Gouvernement, cette fois-ci pour transposer la directive dite CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive), relative à la publication d’informations en matière de durabilité des entreprises.

J’attire d’abord votre attention sur le fait que la directive n’a été définitivement adoptée par le Conseil que la semaine dernière et qu’elle n’a pas encore été publiée au Journal officiel de lUnion européenne, ce qui est assez inhabituel.

Par ailleurs, la demande d’habilitation était particulièrement large. Dans le texte déposé, avant la modification de l’article 8 par notre commission, le Gouvernement nous demandait de lui permettre de prendre toutes les mesures qu’il jugerait utiles sur les obligations sociales et environnementales des entreprises. Ce périmètre tout à fait démesuré excède très largement celui de la directive.

Nous avons donc restreint l’habilitation aux seuls domaines dans lesquels la législation française ferait doublon avec les nouvelles obligations de la directive CSRD.

Pour terminer, j’évoquerai rapidement l’encadrement des prestataires de services sur actifs numériques (PSAN). La faillite de la société FTX et ses conséquences tant sur les investisseurs particuliers que sur les acteurs financiers doivent nous inviter à la plus grande vigilance. Nous proposerons un amendement pour prévoir l’obtention d’un agrément, et non plus simplement d’un enregistrement, beaucoup moins exigeant. Nous en reparlerons lors de l’examen de l’amendement que j’ai déposé. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Didier Marie, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et dadministration générale. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en préambule, je souhaiterais à mon tour souligner que les délais accordés au Sénat pour l’examen de ce projet de loi ont été particulièrement contraints. Une telle manière de procéder n’est pas acceptable dans une démocratie respectueuse des droits du Parlement, a fortiori pour un texte technique exigeant un temps d’expertise nécessaire à l’appréciation des directives à transposer.

La commission des lois a été saisie de six articles du présent projet de loi. Elle y a apporté des modifications de nature à mieux ajuster les objectifs fixés par les directives à transposer aux spécificités de notre droit interne.

L’article 9 du projet de loi vise à habiliter le Gouvernement à transposer par ordonnance la directive du 27 novembre 2019 sur les transformations, fusions et scissions transfrontalières. Cet article appelle trois observations.

D’abord, il soulève une question de méthode. Les habilitations à légiférer par ordonnance doivent demeurer une exception. Compte tenu de l’existence d’un avant-projet d’ordonnance en cours de finalisation et de l’échéance proche pour transposer la directive, en l’occurrence le 31 janvier 2023, la commission a décidé de réduire le délai de l’habilitation du Gouvernement à trois mois, au lieu de six mois.

Ensuite, la directive permet de faire un choix de transposition pour la participation des salariés au sein des organes de direction de la société. Lorsque les représentants de salariés constituent plus de 30 % des membres de l’organe de direction, l’État membre peut choisir de limiter la proportion à 30 % maximum. La commission des lois a estimé qu’une telle option était défavorable aux salariés. Elle a donc supprimé la possibilité offerte au Gouvernement de lever cette option.

Enfin, la directive, qui instaure un contrôle de légalité renforcé, anti-abus et antifraude, permet aux États membres de choisir l’autorité qui en est chargée.

La commission a confié la mission de contrôle préalable d’une opération transfrontalière au greffier du tribunal de commerce en raison, notamment, de leur expérience en matière de fusions transfrontalières, de la volonté exprimée par ces professionnels d’exercer ce contrôle et, enfin, de leur statut d’officier ministériel.

L’article 10 du projet de loi vise à modifier les dispositions du code de commerce qui prévoient une possibilité de dissolution judiciaire d’une société par actions dans le cas où ses capitaux propres deviennent inférieurs à la moitié de son capital social. Cette sanction correspond à une surtransposition de la directive du 14 juin 2017 relative à certains aspects du droit des sociétés.

Le projet de loi propose de remplacer la dissolution par l’obligation d’apurer les pertes au moyen d’une réduction du capital social, jusqu’à un minimum qui serait fixé par décret en Conseil d’État.

Cette modification maintient ainsi une double sanction, mais dans un délai plus long. Aux yeux de la commission des lois, elle a semblé justifiée au regard des conséquences économiques des crises récentes, ainsi que des nouvelles modalités de financement des sociétés, qui s’appuient, de nos jours, principalement sur l’endettement.

J’en viens à l’article 11, relatif au droit de la commande publique. Cet article étend aux infractions pénales les plus graves la possibilité, pour les opérateurs économiques sanctionnés en ce sens, de « démontrer » leur « fiabilité » en prenant des « mesures concrètes », afin de pouvoir soumissionner malgré une peine d’exclusion de plein droit des procédures de passation des marchés publics et des contrats de concession. Ce mécanisme de régularisation affaiblit considérablement l’effet dissuasif des peines, qui peuvent pourtant être prononcées pour des infractions allant jusqu’à la traite des êtres humains.

Si les directives européennes de 2014 nous imposent la transposition de ce mécanisme de régularisation en droit interne, la commission a néanmoins complété le dispositif initial en inscrivant dans notre législation le principe selon lequel les mesures concrètes prises par l’opérateur économique font l’objet d’une évaluation tenant compte de la gravité de l’infraction commise. Cette précision reprend les termes des directives ; elle contribuerait non seulement à préserver le caractère dissuasif des peines d’exclusion des procédures de passation des marchés publics, mais aussi à améliorer la lisibilité du droit de la commande publique. Cette évaluation a été présentée par les services du Gouvernement comme « implicite ». Cela ne peut pas satisfaire les législateurs que nous sommes.

La commission des lois s’est penchée sur la transposition de la directive du 20 juin 2019 relative à des conditions de travail transparentes et prévisibles dans l’Union européenne pour ce qui concerne les agents publics des trois versants de la fonction publique.

L’article 17 du projet de loi vise à transposer dans le droit de la fonction publique l’obligation pour les employeurs d’informer les travailleurs des éléments essentiels de la relation de travail. Pour cela, un droit pour tout agent public à « recevoir de son employeur communication des informations et règles essentielles relatives à l’exercice de ses fonctions » serait consacré dans le code général de la fonction publique.

La liste des éléments précis qui seraient communiqués aux agents publics, ainsi que les modalités de cette communication seraient déterminées par un décret en Conseil d’État, renvoyant lui-même à un arrêté établissant les modèles des documents que les employeurs remettraient aux agents publics.

Les États membres avaient jusqu’au 1er août 2022 pour transposer la directive, si bien que la France est déjà en retard de plus de quatre mois.

Il est cependant permis de s’interroger sur la valeur ajoutée du nouveau droit à l’information ainsi créé, au-delà de la simplification opérée pour les agents publics. Une fois que les mesures d’application auront été prises, il conviendra également d’évaluer la charge de travail supplémentaire induite pour les employeurs publics.

Je vous propose d’adopter ces six articles tels que modifiés par la commission des lois. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur des travées du groupe GEST.)

M. le président. La parole est à M. Jean-François Rapin, au nom de la commission des affaires européennes. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jean-François Rapin, au nom de la commission des affaires européennes. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis quatre ans, la commission des affaires européennes assure une mission de veille pour prévenir les surtranspositions de textes européens dans le cadre de l’examen des projets et propositions de loi comportant des mesures de transposition en droit interne de directives ou des mesures d’application de règlements européens.

Elle formule des observations en tant que de besoin, c’est-à-dire lorsqu’elle constate qu’il est proposé d’aller au-delà de ce qu’impose le droit européen, sans justification documentée ou recevable. L’enjeu est ici de préserver la compétitivité de nos entreprises.

Cette mission, d’abord mise en œuvre à titre expérimental, a été inscrite en 2019 à l’article 73 sexies du règlement du Sénat. C’est dans ce cadre que j’ai saisi la conférence des présidents, qui a décidé de consulter la commission des affaires européennes sur le présent projet de loi.

Tout d’abord, relevons que le Gouvernement propose une démarche de transposition sectorielle par un véhicule dédié, ce qui permet, en principe, de mieux identifier les risques de surtransposition.

Pour autant, la brièveté des délais d’examen et la très grande diversité des sujets abordés n’ont pas facilité le travail d’analyse et la coordination entre les commissions, y compris celle que je préside.

Ensuite, les modifications qu’il est proposé d’apporter en droit interne sont d’inégale importance. La commission des affaires européennes a noté parmi les plus significatives la suppression d’une surtransposition résultant du choix d’une option plus exigeante, ouverte par une directive de 2017, en cas de perte grave du capital social souscrit. La commission des lois, sur le rapport de notre collègue Didier Marie, s’est prononcée favorablement sur l’opportunité de la démarche.

Par ailleurs, plusieurs transpositions sont tardives, et le seront plus encore dans les cas où le Gouvernement demande à procéder par voie d’ordonnance, avec des délais d’habilitation allant au-delà du calendrier prévu par le texte européen.

Il est ainsi proposé de recourir à des ordonnances dans sept cas, le Gouvernement motivant ce choix dès lors qu’il s’agit de transposer des textes techniques n’ouvrant pas de marge de manœuvre et dont la transposition en droit national nécessite des mesures d’adaptation et de coordination, ainsi que la définition de modalités d’application outre-mer.

Tel n’est pourtant pas le cas de l’habilitation sollicitée à l’article 8 pour la transposition de la directive sur la publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises, dite CSRD, qui a tout particulièrement retenu l’attention de la commission des affaires européennes.

Je le rappelle, en 2017, l’ordonnance de transposition de la directive NFRD (Non Financial Reporting Directive), qui a précédé la nouvelle directive, avait introduit des dispositions plus exigeantes que celles que prévoyait alors le texte européen, en raison de l’expérience de la France en matière d’obligation de publication d’informations extrafinancières, qui résultait de la loi de 2001 relative aux nouvelles régulations économiques, et de la loi de 2010 portant engagement national pour l’environnement, dite loi Grenelle 2.

Or l’habilitation sollicitée aujourd’hui pour la transposition de la directive CSRD est particulièrement large. Elle permet en effet, au-delà des dispositions de la directive, de procéder à des modifications des obligations des entreprises en matière d’enjeux sociaux, environnementaux et de gouvernance. Il pourrait en découler des obligations de transparence renforcée pour les opérateurs français, susceptibles d’emporter des effets concurrentiels négatifs au regard des autres opérateurs européens.

Si la commission des affaires européennes n’est pas compétente pour se prononcer sur l’opportunité d’obligations additionnelles ou d’une extension du champ d’application de la directive, il lui revient en revanche d’attirer l’attention sur le risque de surtransposition que recèle en l’état l’habilitation sollicitée par le Gouvernement. Ce dernier se donne neuf mois à compter de la promulgation de la loi pour publier une ordonnance, dont les conséquences pour les entreprises seront loin d’être négligeables.

La commission des finances et plusieurs de nos collègues ont identifié cette problématique, qui sera discutée lors de l’examen de l’article 8. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC, ainsi quau banc des commissions. – Mme Colette Mélot applaudit également. )

M. le président. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly.

Mme Cathy Apourceau-Poly. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’examen de ce projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne (Ddadue) nous rappelle que la souveraineté de notre pays a été confisquée par les traités européens au profit d’une Europe ultralibérale appliquant la concurrence libre et non faussée au sein du marché intérieur, avec une Banque centrale européenne (BCE) indépendante de tout contrôle démocratique.

Cette Europe libérale, qui a dépecé notre industrie et démantelé nos services publics, se rappelle à nous en moyenne une fois par an lors de l’examen de ces fameux Ddadue. Celui qui nous est soumis aujourd’hui a été présenté le 23 novembre dernier en conseil des ministres et est examiné en première lecture au Sénat.

Comme le note justement notre commission des lois, « la nécessité, voire l’urgence à légiférer pour adapter le droit interne au droit de l’Union européenne ne saurait justifier les délais particulièrement courts laissés par le Gouvernement au Parlement, et en premier lieu au Sénat, pour mener à bien l’examen du projet de loi pour lequel la procédure accélérée a été engagée. »

J’invite le Gouvernement à lire l’excellent rapport d’information sur les méthodes de transposition des directives européennes, de nos collègues députés André Chassaigne et Jean-Louis Bourlanges, député MoDem, qui proposaient que les projets de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne soient réservés aux « cas d’urgence de transposition, en lien avec un retard important voire un précontentieux ou un contentieux » ou aux « cas de transposition de directives techniques, identifiées comme ne posant pas de difficultés politiques particulières. » Les auteurs du rapport concluaient ainsi : « Il faut également veiller à conserver une cohérence thématique au sein » des textes concernés.

En effet, comment pouvez-vous défendre des institutions européennes, dont les décisions sont imposées aux parlements nationaux ou leur sont soumises en limitant tellement leurs prérogatives que notre droit constitutionnel d’amendement en est entravé ?

Ce projet de loi renvoie très largement au pouvoir réglementaire du Gouvernement, dans la mesure où, sur trente et un articles, il comporte sept habilitations à prendre des ordonnances en lieu et place du Parlement et dix ordonnances à ratifier.

À cela, ajoutez une pincée de renvoi à un arrêté et une mise en conformité du droit français aux décisions de la Cour de justice de l’Union européenne et vous obtenez un texte fourre-tout et indigeste, qui ne laisse aucun espace aux parlementaires pour en amender ou en modifier le contenu !

Pourtant, les ingrédients mobilisés sont importants !

Si nous pouvons nous réjouir des mesures en faveur de l’accessibilité des personnes en situation de handicap et de l’élargissement des congés de proche aidant et de solidarité familiale aux salariés du particulier employeur, les progrès sociaux sont bien maigres. L’Europe sociale, dont on nous vante les mérites depuis quarante ans, est bien loin.

Ce ne sont malheureusement pas l’indemnité de licenciement d’un salarié travaillant à temps partiel sur un temps plein ou celle résultant du congé parental qui permettront de contrebalancer l’ensemble des mesures de régression sociale dues à l’Union européenne.

Alors que le Gouvernement s’est engagé auprès de la Commission européenne à réduire les droits à l’assurance chômage et à casser notre système de retraite, il révèle, dans son exposé des motifs, que l’article 2 de ce projet de loi a pour objet « d’améliorer l’attractivité » du « produit paneuropéen d’épargne-retraite individuelle (Pepp) ».

D’un côté, le Gouvernement annonce le report de l’âge légal de départ à la retraite à 65 ans. De l’autre, ce texte entend favoriser le développement d’un produit de retraite complémentaire individuelle réglementé au sein de l’Union européenne.

Selon l’alinéa 7 du règlement européen, « un marché européen plus vaste des produits d’épargne retraite individuelle améliorera l’approvisionnement en fonds des investisseurs institutionnels et favorisera les investissements dans l’économie réelle ».

Depuis le départ, le Gouvernement mène nos concitoyens en bateau s’agissant du déficit des retraites au lieu d’assumer qu’il a vendu notre système solidaire à l’Europe en échange des aides du plan de relance durant la pandémie de covid.

Le texte caresse les multinationales dans le sens des profits, en supprimant l’obligation de publier leurs comptes et en autorisant les entreprises sanctionnées pénalement à candidater à nouveau à des marchés publics, pour peu qu’elles démontrent leur « fiabilité ». Autrement dit, une entreprise condamnée pour fraude fiscale ou pour actes de terrorisme pourra candidater à des marchés publics si elle s’engage à ne plus commettre de nouvelles infractions.

Nous voterons donc contre ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)