Mme Laurence Cohen. Il faut plus de moyens ! (Mme Émilienne Poumirol et M. Bernard Jomier acquiescent.)

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée. Mesdames, messieurs les sénateurs, en tant qu’élus de terrain, vous avez pleine conscience de ces réalités locales. Vous êtes nombreux à nous alerter, à nous écrire, à nous interpeller sur la situation de certains services de proximité dans vos territoires.

Si la plupart des services ont tenu face aux tensions de notre système de santé cet été comme cet hiver, c’est parce que les soignants se sont mobilisés avec le soutien des ARS pour y faire face et adapter leur fonctionnement.

Ils ont su trouver des solutions managériales pour reconfigurer leurs organisations, travailler avec la médecine de ville pour désengorger les hôpitaux et mobiliser le territoire en appui au fonctionnement des établissements.

Si des ratios rigides avaient été en place, de nombreux hôpitaux locaux et services de proximité seraient aujourd’hui fermés, avec des conséquences très dures en termes de prise en charge.

Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales. Il y a déjà des fermetures !

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée. À l’instar des Assises de la pédiatrie et de la santé de l’enfant, les chantiers que nous avons ouverts, et que j’ai mentionnés, doivent venir soulager ces tensions, mais c’est dans un cadre managérial ouvert et flexible, basé sur l’évaluation de la charge en soins réelle, que doivent se décliner ces changements et se déployer les nouveaux soignants que nous formons en ce moment même.

Ensuite, les ratios posent des questions éthiques et juridiques majeures.

Que faire quand un patient se présente et que sa prise en charge n’entre pas dans la fraction soigné/soignant préétablie ? Que se passe-t-il si un hôpital décide de prendre en charge un patient alors qu’il ne respecte pas les ratios inscrits dans la loi ?

Notre mission est bien d’assurer la continuité des prises en charge, sept jours sur sept et vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Pour cela, il faut pouvoir s’adapter aux situations afin de proposer la solution la plus efficace et la plus sûre aux malades qui doivent être pris en charge.

Imposer mécaniquement des ratios fragiliserait la sécurité juridique des établissements.

Il faut se rendre compte que c’est la responsabilité de l’hôpital et de sa direction qui serait directement mise en cause pour tout fonctionnement en deçà des mesures fixées par la loi, y compris en cas d’absentéisme imprévu.

Enfin, je constate que le dispositif juridique envisagé aujourd’hui ne s’applique qu’aux établissements de santé assurant des missions de service public. Alors que nous nous appliquons par ailleurs à décloisonner notre système de santé, en imposant la rigidité de ratios à notre hôpital, le texte aggraverait les iniquités et disparités entre public et privé, que nous combattons justement.

Mesdames, messieurs les sénateurs, vous l’aurez compris, le Gouvernement est défavorable à l’article unique de la proposition de loi que nous examinons.

Cette position ne correspond en rien à un renoncement ou à une hésitation à prendre une position de fermeté. Jamais nous ne reculerons devant des mesures nécessaires pour améliorer l’accès aux soins et conforter les effectifs nécessaires aux lits des patients.

Cette position est un choix assumé, car nous ne croyons pas à la coercition, à la centralisation et au modèle unique. (Exclamations sur les travées du groupe SER.)

Cette position n’est pas un refus. Nous nous inscrivons plutôt dans une politique globale, qui est de tout faire pour redonner confiance à nos professionnels et leur redonner envie de s’engager à l’hôpital. Il s’agit aussi de sécuriser les collectifs de travail en luttant contre l’intérim cannibale. Nous souhaitons enfin donner les moyens aux acteurs de proximité, à celles et ceux qui soignent au quotidien, de travailler en fonction de leurs besoins et de leurs contraintes, en leur laissant la marge de manœuvre nécessaire pour cela. (M. Laurent Burgoa ironise.)

Cette position, c’est celle de la confiance envers les professionnels de santé, une confiance, je le répète, qui sera accompagnée par le Gouvernement, dans le cadre de la réforme hospitalière et de l’effort inédit de formation que nous menons.

Cette position, c’est aussi de vous dire : le travail est pleinement engagé !

Cette proposition de loi est légitime dans ses objectifs. Il nous faut œuvrer ensemble à une meilleure évaluation des charges de travail de nos soignants, à redonner du temps aux professionnels de santé, pour que nos précieuses ressources humaines soient en adéquation avec les besoins des patients et au service de la santé de la population.

Associons nos communautés soignantes ; faisons confiance au terrain, en sa capacité à trouver et à coconstruire des solutions. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – M. Michel Canévet applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Olivier Henno. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Olivier Henno. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, j’ai écouté avec attention les interventions des orateurs qui m’ont précédé et j’avoue être partagé, à l’image des membres de notre groupe.

Je ne doute pas de la bonne intention de l’auteur de cette proposition de loi, et je comprends aussi parfaitement pourquoi elle est discutée dans cet hémicycle. Notre présidente, Catherine Deroche, l’a rappelé en commission : ce texte résulte en partie des conclusions de la commission d’enquête sur l’hôpital, qui a constaté – ce que nous savions – la dégradation de notre système hospitalier et l’extrême lassitude de nos soignants.

Pour ce qui me concerne, ce sera un « oui, mais ».

Oui, car la crise de la covid-19 a été éreintante pour nos soignants, et nombre d’entre eux ont été surmenés. Si cette proposition de loi va dans le bon sens, elle s’inscrit dans un climat toujours aussi tendu dans la communauté médicale. Aujourd’hui, en cas de survenue d’un accident médical, par exemple du fait d’un manque de personnel, avec une demande de dommages et intérêts du patient, le juge pourra retenir la responsabilité de l’établissement de santé s’il estime que le nombre d’infirmiers présents n’était pas adapté aux contraintes de service et que ce défaut d’organisation a été à l’origine d’un préjudice pour le patient.

Il est donc nécessaire de réformer et d’anticiper. Cette proposition de loi se base notamment sur des expériences étrangères menées en Australie, en Californie, avec des résultats parfois significatifs sur la qualité des soins et le bien-être au travail du personnel soignant.

Par parenthèse, mes chers collègues, il y a quelque chose de terrible à évoquer des exemples étrangers pour chercher à améliorer notre système de santé. Je ne pense pas que cela aurait été le cas voilà quelques années.

Comme l’analyse la rapporteure, le texte doit être vu comme une loi de programmation. Il n’est donc pas réaliste de prévoir une mise en œuvre du dispositif proposé en seulement quelques mois, ne serait-ce qu’en raison du temps nécessaire au recrutement, à la formation et au financement des postes.

Si cette proposition de loi laisse jusqu’au 31 décembre 2024 à la Haute Autorité de santé pour définir ces ratios en vue d’une application réglementaire à compter du 1er janvier 2027, il ne faut pas se tromper sur la nécessité d’une réforme dans le système hospitalier.

L’attractivité, la rémunération, le bien-être sont des sujets à travailler en profondeur, car ils sont aujourd’hui le cœur d’un système de santé qui s’essouffle. Aujourd’hui, selon plusieurs organisations, près de 10 % des emplois infirmiers ne sont pas pourvus.

L’instauration d’un nombre minimum de soignants par patient hospitalisé suffira-t-elle à résoudre à court terme la pénurie de personnel ? Je n’en suis pas sûr du tout.

J’en viens donc au « mais » du « oui, mais ».

Pour pallier le manque de professionnels soignants disponibles sur le marché du travail, il faut avoir à l’esprit que les soignants ont surtout besoin, au-delà d’une bonne rémunération, de conditions de travail qui leur permettent de se sentir utiles et de s’épanouir en toute confiance.

Parce que les ratios s’apprécient souvent beaucoup plus sur le plan quantitatif que sur le plan qualitatif, ils apparaissent comme une réponse approximative.

D’ailleurs, les Français ne s’y trompent pas, et la défiance à l’égard de notre système de santé s’est installée.

Plus largement, mes chers collègues, je veux vous faire partager quelques interrogations.

Je ne pense pas que le remède aux maux de notre système de santé réside dans la multiplicité des initiatives législatives ou parlementaires. Je vous ai déjà fait part de cette réflexion lors du débat sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023, au mois de novembre dernier. J’ai même parfois l’impression que toutes ces initiatives, toujours bien intentionnées, certes, finissent par stresser le système et désespérer les soignants.

Nos doutes sur cette proposition de loi concernent aussi le principe même des ratios. Le mot ratio fait penser à « rationnement », ce qui fait écho à la notion de pénurie, mais c’est rarement le remède à la pénurie.

En vérité, notre système de santé, autrefois une fierté française, est aujourd’hui en grande souffrance et dans une extrême fragilité. Je crois beaucoup plus à une grande loi Santé qui remettrait tout à plat et viendrait redonner du sens au travail de nos soignants.

Le sens du travail est d’ailleurs une question clé pour la société française d’aujourd’hui, y compris sur la question des retraites. (Exclamations sur les travées du groupe CRCE.)

Enfin, il y a un grand risque à mettre le doigt dans l’engrenage de la société de ratios. Des ratios pour les soignants ; demain, des ratios pour les enseignants,…

Mme Laurence Rossignol, rapporteure. Cela existe déjà !

M. Olivier Henno. … pour la police, et pourquoi pas pour les services publics, y compris municipaux ? Et là, bon courage !

Pour ma part, je le répète, j’y vois un grand risque.

Pour conclure, je dirai que la question abordée par cette proposition de loi est une bonne question, car le Ségur de la santé n’a pas résolu le malaise de l’hôpital. En revanche, notre groupe a un vrai doute sur la pertinence de la réponse. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Marc Laménie applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Véronique Guillotin. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE, ainsi que sur des travées du groupe RDPI.)

Mme Véronique Guillotin. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi vise à établir des ratios de patients par soignant dans les hôpitaux publics et les établissements privés à but non lucratif. Elle entend ainsi apporter une réponse aux difficultés de l’hôpital en instaurant, d’une part, une base légale claire aux ratios de sécurité déjà existants dans certains services – réanimation, soins continus –, et en créant, d’autre part, des ratios dits « qualitatifs », décrits par notre rapporteure, Laurence Rossignol, comme des fourchettes cibles à atteindre en fonction des contextes locaux.

Mes chers collègues, l’hôpital va mal ! Les soignants le quittent et des lits ferment. On ne compte plus les exemples de patients restés vingt-quatre, quarante-huit heures sur des brancards dans les couloirs des urgences ; on ne compte plus les témoignages de patients qui ont parfois le sentiment d’avoir été maltraités.

Oui, le système actuel est maltraitant, pour les patients comme pour les soignants, alors que l’humain est au cœur de leur vocation. Et il doit revenir au cœur de leur pratique !

Pour cela, c’est certain, il faut plus d’effectifs dans les services. C’est l’un des vœux exprimés par le Président de la République au début de janvier. Personne ne le contredira sur ce point, car la situation pénalise tout le monde.

Tout d’abord, les patients font face à des risques accrus : infections nosocomiales et réadmissions plus fréquentes, voire mortalité plus élevée.

Ensuite, les soignants doivent, eux, gérer de plus en plus de patients en étant de moins en moins nombreux, ce qui aboutit à une perte de sens, des arrêts maladie et des démissions en pagaille.

Les soignants réclament avant tout une amélioration de leurs conditions de travail, et notamment plus de temps consacré au patient. Aussi, l’intention de nos collègues à l’origine de la proposition de loi est louable, et nous souscrivons évidemment aux objectifs visés, à savoir améliorer l’accueil des patients et les conditions de travail des soignants.

Pour autant, de nombreuses questions se posent quant à son efficacité et des doutes apparaissent.

D’abord, il y a la crainte de voir davantage de services fermer faute de parvenir à atteindre ces nouveaux ratios. La rapporteure a évoqué un délai de trois jours pour alerter l’agence régionale de santé en cas d’incapacité à satisfaire les ratios qualitatifs. Trois jours, et ensuite ? L’ARS devra-t-elle aider l’établissement à trouver une solution ou devra-t-elle lui imposer de fermer des lits ? Comment l’ARS pourrait-elle trouver des soignants quand les responsables de l’établissement n’y parviennent pas ? Les hôpitaux ne seront-ils pas tentés de recourir davantage à l’intérim, alors que nous tentons, vainement pour l’heure, de mettre un coup d’arrêt à ces pratiques ?

Malheureusement, les soignants n’apparaîtront pas d’un coup de baguette magique. Aujourd’hui, les établissements veulent recruter, mais il n’y a pas de candidats. C’est pourquoi nous devons former davantage de personnes et, en même temps, améliorer l’attractivité des métiers. C’est un chantier urgent, à mener notamment avec les régions, pour augmenter le nombre de places de formation dans les Ifsi, redonner du sens au métier, réfléchir sur la validation des acquis de l’expérience, développer la voie de l’alternance, qui est encore insuffisamment utilisée, et revoir le financement des formations dans le cadre d’un parcours professionnel.

Ensuite, améliorer la qualité de vie au travail, c’est aussi revoir le financement et l’organisation des hôpitaux. Si le Ségur de la santé n’a pas été le déclencheur espéré, il y a urgence à réformer la tarification à l’activité (T2A) et à sortir des indicateurs comme la réduction de la durée moyenne de séjour, par exemple.

À mon sens, sans une vision à 360 degrés, qui exige de sortir d’une accumulation de différents projets et propositions, même s’ils ont tous un intérêt certain, cette proposition de loi risque d’être incantatoire. J’entends l’importance d’envoyer un signal positif aux soignants, mais je crois encore plus à la nécessité d’être efficace. On ne peut plus vendre du rêve aux patients et aux soignants.

Vous l’aurez compris, si nous partageons l’intention louable de ce texte, une partie du groupe RDSE reste sceptique sur ses effets réels. Aussi, une bonne partie de ses membres s’abstiendra. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Catherine Belrhiti. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Catherine Belrhiti. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le dévouement des soignants, dans le contexte d’un fonctionnement dit « normal » des établissements de santé et des hôpitaux après une crise sanitaire terrible, est exemplaire. Outre la profonde reconnaissance de la Nation, ils doivent également recevoir un soutien renforcé.

Le rapport de la commission d’enquête sur l’hôpital et le système de santé, réalisé à la demande du groupe Les Républicains par notre collègue Catherine Deroche, nous y invitait déjà voilà moins d’un an, à partir d’un état des lieux précis et de recommandations concrètes.

La proportionnalité des moyens hospitaliers était déjà au centre des préoccupations, compte tenu de l’évolution des défis de la santé et du système de soins.

Parmi les préconisations formulées, l’amélioration des capacités d’accueil des services d’urgence devait retenir toute notre attention.

Aujourd’hui, la conversion d’une de ces recommandations en proposition de loi nous oblige.

Le taux d’encadrement des patients, la définition de standards capacitaires et l’utilisation d’indicateurs fiables pour soutenir nos hôpitaux doivent être renforcés.

En premier lieu, ces avancées conditionnent un meilleur pilotage de nos politiques de santé. Il s’agit d’un impératif pour préciser les besoins des hôpitaux et pouvoir leur affecter les moyens les plus utiles.

Les derniers textes financiers et budgétaires ont notamment permis de préserver les budgets hospitaliers de toute économie malvenue. Une rallonge de 1,1 milliard d’euros a également été décidée pour soutenir les hôpitaux.

Afin de permettre une bonne exécution budgétaire et une pleine efficacité de nos politiques de santé, il est nécessaire de disposer d’indicateurs fiables, que la présente proposition de loi contribue utilement à déterminer.

En deuxième lieu, il importe que la situation et les seuils concernant l’activité hospitalière se traduisent par des objectifs réalistes.

Je veux insister sur ce point, car il a fait l’objet de la plus grande attention et du meilleur engagement du groupe Les Républicains en commission.

D’une part, la fixation de ratios minimaux, notamment entre le nombre de soignants et le nombre de lits ouverts, exprime concrètement le souci d’un accueil rationalisé des patients jusque dans les services d’urgence. Un tel ratio doit inclure les personnels de santé effectivement disponibles pour les patients, des infirmiers jusqu’aux aides-soignants.

D’autre part, ces ratios doivent être encore plus réalistes. Les fixer de manière aveugle dans tous les services en période de pénurie reviendrait à rompre en pratique les promesses de soutien formulées dans les différents textes que nous avons votés.

Le groupe Les Républicains s’est donc attaché à adapter ces seuils, non seulement pour garantir qu’ils ne sont pas illusoires et qu’ils sont effectivement applicables au sein des hôpitaux, mais surtout pour lier ces objectifs à une croissance des moyens hospitaliers sur les années à venir.

C’est la raison pour laquelle les ratios feront l’objet d’une double adaptation.

Ils pourront tout d’abord être modulés pour tenir compte des circonstances locales liées à la population, aux effectifs des hôpitaux et aux moyens disponibles.

Ils seront, plus encore, lissés sur les années à venir, selon une politique de santé réaliste, soucieuse d’accompagner ensemble les patients, les soignants et les établissements.

Les amendements adoptés en commissions doivent être à cet égard salués.

En dernier lieu, ces ratios constituent plus que des conditions d’application de notre politique de santé et de renforcement de nos établissements hospitaliers. Ils portent également une forte charge symbolique pour nos soignants, nos chefs de service et d’établissement. Ils apportent la première pierre au soutien de nos hôpitaux.

Les professionnels de santé, nous en avons conscience, sont mus par une vocation à accomplir un service public qui ne doit pas être synonyme de sacrifice permanent pour ceux qui l’assument au quotidien. Leurs conditions de travail doivent être attentivement préservées et plus renforcées que jamais, comme tous les travaux parlementaires le montrent.

Ce sera le cas avec ce texte, qui ne s’accompagnera en pratique d’aucun affaiblissement du service hospitalier et d’aucune fermeture de lits, comme notre collègue rapporteure, Laurence Rossignol, l’a déjà démontré.

Préciser l’équilibre entre le nombre de soignants et leurs patients contribuera, dans notre service public hospitalier, à l’amélioration qualitative des soins, au bénéfice tant des premiers que des seconds, avec, en parallèle, l’augmentation des moyens dont bénéficieront hôpitaux et établissements de santé. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing.

M. Daniel Chasseing. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la pandémie que nous avons connue en 2020 a permis de mettre en lumière les difficultés majeures que rencontrent les soignants à l’hôpital. Ces difficultés étaient déjà bien présentes avant la crise : manque de personnel, rappel pendant les jours de repos, épuisement.

La crise de la covid-19 n’a fait qu’aggraver ces problèmes et beaucoup de soignants ont ainsi choisi de quitter leur profession pour changer de voie. Ces départs dégradent encore davantage les conditions de travail de ceux qui restent, faisant courir le risque de départs en cascade.

Le Ségur de la santé a permis de revaloriser leurs rémunérations – il était important de le faire –, mais cela n’a malheureusement pas suffi à endiguer les départs ni à augmenter le nombre de soignants présents auprès des patients. Parfois, les postes financés ne sont pas pourvus.

Cette proposition de loi vise à établir et à garantir un ratio minimal de soignants par nombre de lits ouverts dans les services hospitaliers ou pour les activités ambulatoires, afin d’assurer aux patients une prise en charge de qualité et de bonnes conditions de travail aux soignants.

Aujourd’hui, de tels ratios existent, mais seulement pour certains services – réanimation, néonatologie, soins intensifs, etc. Or un nombre minimum de personnels soignants est nécessaire, quel que soit le service.

Les aides-soignants doivent avoir le temps nécessaire pour effectuer des changes, des soins de peau, mais aussi pour porter de l’intérêt aux patients et dialoguer avec eux. Prendre soin, ce n’est pas seulement faire des soins, c’est aussi considérer le patient comme une personne qui doit être écoutée et informée.

Pour les infirmiers et infirmières, il s’agit de ne pas réaliser les soins au pas de course, d’avoir le temps nécessaire pour observer dans la journée l’évolution de l’état général du patient en fonction de sa pathologie.

Les soignants aiment leur métier. Ils prodiguent des soins, mais aussi de l’écoute et de la bienveillance. Or ils sont souvent découragés par l’impossibilité d’effectuer correctement leur travail à cause d’une charge trop lourde et d’un manque de temps.

Malgré les augmentations du Ségur, ces métiers ne sont pas attractifs à cause des cadences trop élevées. La fidélisation du personnel tient aussi à la qualité des conditions de travail. Nous devons donc former beaucoup plus de soignants.

Bien sûr, le terme « ratio » peut faire peur, car il fait penser à des règles uniformes, strictes, qui ne tiennent pas compte de la réalité propre à chaque établissement. Cette proposition de loi ne doit certainement pas conduire à fermer des lits ni des services. Ces ratios devront donc être appliqués avec souplesse, pour une bonne prise en charge des malades.

Le texte prévoit justement d’associer les commissions médicales d’établissement et les commissions des soins infirmiers, qui seront chargées d’approuver l’organisation des soins en fonction des ratios en tenant compte des contraintes de l’établissement.

L’application de ce texte aurait également tout son sens dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), où le personnel est insuffisant pour prendre en charge décemment nos aînés devenus très dépendants, une situation qui va s’aggraver nettement d’ici à 2030.

Nous attendons donc avec impatience la mise en œuvre du plan Grand Âge, avec les 50 000 emplois supplémentaires annoncés par le Président de la République, ce qui ferait passer le taux d’encadrement des soignants de 0,3 à 0,4 par pensionnaire, soit environ cinq emplois de plus par Ehpad. Ce plan est aussi très attendu par les familles et les personnels de ces établissements.

En attendant, nous sommes favorables à cette proposition de loi, qui a pour but d’éviter l’épuisement et le découragement du personnel, d’améliorer la prise en charge globale des patients par plus d’écoute et de surveillance, et ainsi de rendre de nouveau attractif ce très beau métier de soignant. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – M. Marc Laménie applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.

Mme Raymonde Poncet Monge. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous les avons applaudis depuis nos fenêtres ! Après des années de rationnement, les soignants exigent une perspective de sortie de la crise traversée par l’hôpital public.

Le spectre de la dégradation des conditions de travail est vaste : heures supplémentaires subies, travail morcelé, pressé, compressé, vétusté des équipements, ballottement de service en service afin de pallier le manque de personnel.

À rebours d’une situation qui empire, cette proposition de loi se veut aussi un signal envoyé aux soignants. Elle ouvre une fenêtre sur un horizon attendu d’effectifs suffisants dans chaque service. Les ratios de soignants permettent d’améliorer tant la sécurité et la qualité des soins que la qualité de vie au travail. Ils sont une partie de la solution.

Ils empêchent de faire des effectifs la variable d’ajustement des contraintes budgétaires et limitent les changements incessants d’affectation des professionnels qui gaspillent leur spécialisation, défont les collectifs et produisent souffrance et perte de sens.

Dans une lettre ouverte datant de 2022, le collège de la Haute Autorité de santé a souligné « l’importance d’équipes stables partageant une culture commune de qualité et de sécurité des soins ».

Pour autant, les résultats positifs imputés aux ratios, études internationales à l’appui, sont toujours corrélés, donc subordonnés à l’augmentation des effectifs soignants.

Le présent texte prévoit un mécanisme d’alerte en cas de constatation d’une incapacité à respecter les ratios qualitatifs au-delà d’une durée de trois jours. Que se passera-t-il ensuite ? Qui aura la responsabilité de sortir de l’injonction paradoxale ?

Des ratios qualitatifs officieux existent déjà et ils ne sont pas appliqués, ni par les soignants ni par les directeurs d’établissement, pour de profondes raisons structurelles.

La distinction introduite entre « ratios de qualité » et « ratios de sécurité » démontre la difficulté de l’équation et de son application.

La sécurité des patients et la qualité des soins sont imbriquées, et, en l’état du système de santé, les garanties devraient relever d’une grande loi.

Les fédérations hospitalières craignent qu’une équation impossible de plus ne soit imposée au secteur public et au secteur privé non lucratif. En l’état, la crainte de fermetures de lits ou de services n’est pas à négliger, d’autant que l’absentéisme se stabilise à un niveau plus élevé qu’avant la crise sanitaire.

Par conséquent, si nous soutenons l’instauration de ratios dans le secteur sanitaire et appelons à son extension dans le champ médico-social, nous estimons fondamental que cette mesure soit corrélée à une traduction budgétaire forte, notamment à travers un objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam) enfin défini à partir des besoins de soins et de qualité de vie au travail des soignants. Il faut enfin qu’elle suive un calendrier réaliste afin de pouvoir recruter, former et augmenter les salaires.

Plus globalement, la fixation de quotas devra prendre place dans une grande loi Santé, une loi très attendue, car c’est le seul moyen de donner tout son sens et toute son efficience à ces propositions indéniablement positives, tout en maîtrisant les effets collatéraux préjudiciables qui expliquent certaines des réticences que cette mesure suscite.

Après les avoir applaudis, nous répondrons à leur appel ! Afin d’envoyer un signal fort de soutien aux soignants, qui réclament majoritairement l’instauration d’un nombre minimum de soignants par patient hospitalisé, le groupe écologiste votera cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST et SER.)