M. le président. La parole est à Mme Annie Le Houerou, sur l’article.

Mme Annie Le Houerou. Cet article prévoit que les modalités de calcul du taux de cotisations AT-MP puissent être modifiées par voie réglementaire pour permettre « la mutualisation entre les entreprises des coûts liés aux maladies professionnelles dont l’effet est différé dans le temps, dans l’objectif de favoriser l’emploi des salariés âgés ».

Au travers de son amendement déposé à l’Assemblée nationale, le Gouvernement a considéré que certaines entreprises pouvaient avoir des réticences à embaucher des salariés seniors, par crainte qu’ils ne déclarent une maladie professionnelle liée à une exposition passée.

Le Gouvernement s’intéresse donc à la prévention au travail, c’est une bonne chose ! En revanche, que de temps perdu, alors qu’il a supprimé quatre critères de pénibilité en 2017, qui ne sont d’ailleurs pas réintégrés dans la réforme que nous examinons aujourd’hui.

Nous allons dans le sens de vos intentions, messieurs les ministres : lutter contre les maladies professionnelles et mieux prendre en charge les personnes qui y sont exposées, particulièrement les salariés âgés. Pour ce faire, il faut en revenir aux politiques que vous avez détricotées depuis 2017, afin de mieux prendre en compte la pénibilité de certains métiers et de permettre aux salariés de partir à la retraite tant que leur santé ne s’est pas dégradée.

La mesure la plus simple pour préserver la santé de ceux qui travaillent dur est de ne pas les faire travailler deux années supplémentaires. C’est le bon sens – celui-là même dont le Président de la République nous demande de faire preuve.

Les Français disent non au travail obligatoire jusqu’à 64 ans et vous le diront encore demain dans la rue ! (Applaudissements sur les travées des groupes de SER et CRCE.)

M. le président. L’amendement n° 4406 rectifié, présenté par Mmes Assassi, Apourceau-Poly et Cohen, MM. Bacchi et Bocquet, Mmes Brulin et Cukierman, M. Gay, Mme Gréaume, MM. Lahellec et P. Laurent, Mme Lienemann, M. Ouzoulias, Mme Varaillas et M. Savoldelli, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Jérémy Bacchi.

M. Jérémy Bacchi. L’objectif affiché au travers de cet article est de favoriser l’emploi des salariés âgés par la mutualisation entre les entreprises des coûts liés aux maladies professionnelles dont l’effet est différé dans le temps. Il faut toutefois lire entre les lignes !

Encore une fois, il s’agit – cela a été largement souligné – de ne pas faire peur aux employeurs et d’alléger, pour le dernier employeur, le poids que représente l’usure accumulée par les salariés âgés au cours de leur carrière, laquelle serait un frein à l’emploi des seniors.

Tout en reconnaissant que le travail entraîne une usure à partir d’un certain âge, vous vous évertuez à vouloir faire travailler les salariés plus longtemps.

Tout en reconnaissant qu’un salarié d’un certain âge présente de nombreux risques de déclencher une maladie professionnelle, vous vous préoccupez uniquement d’alléger les contraintes qui pèsent sur les employeurs.

Si votre préoccupation est de ne pas effrayer les employeurs, en particulier ceux des PME et des TPE – selon vos dires –, pourquoi avoir supprimé de nombreux critères de pénibilité, pourtant essentiels en termes de prévention ?

Pourquoi ne pas revenir sur la baisse de dix-sept à cinq ans de la durée vérifiée d’exposition à des formes de pénibilité ou de maladies professionnelles ?

De même, pourquoi ne pas revenir sur la suppression de la visite médicale avant l’embauche ?

Cela aurait pu constituer de véritables pistes pour trouver le bon équilibre entre l’incitation à la prévention et la nécessaire réassurance de l’employeur, pour reprendre vos mots, monsieur le ministre.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. René-Paul Savary, rapporteur. Cet amendement vise à supprimer la mutualisation des cotisations AT-MP entre les entreprises. Cet article pourtant tout à fait important si l’on veut favoriser l’embauche des seniors.

Le calcul des taux de cotisations AT-MP est complexe : il prend notamment en compte la taille des entreprises. Je m’y suis plongé, mais c’était trop compliqué pour moi. En revanche, la mutualisation me paraît une solution tout à fait intéressante.

Je ne partage pas tous vos propos, mon cher collègue. Le projet de loi prévoit une réduction des facteurs d’exposition, au travers du passage de dix-sept à cinq ans de la durée vérifiée d’exposition à des formes de pénibilité ou de maladies professionnelles.

Il faut examiner le texte en profondeur : il faut aller jusqu’à l’article 9 (Exclamations sur les travées des groupes CRCE et SER.), car il vous intéresse !

Par ailleurs, il n’y a pas d’exclusion des facteurs de risque. Certains de ces facteurs sont pris en compte, mais pas dans le compte professionnel de prévention, à l’instar des facteurs ergonomiques. C’est vrai que c’est beaucoup plus compliqué…

Nous avons pensé qu’il valait mieux rester dans le dispositif proposé et l’améliorer, plutôt que de se lancer dans des calculs d’apothicaire.

Nous entendons compléter le texte du Gouvernement en ajoutant l’exposition aux agents chimiques. Il faut mettre en place des mesures préventives, en prenant en compte les fumées et les poussières. Nous le faisons avec le fonds d’investissement dans la prévention de l’usure professionnelle, que nous ouvrons aux troubles ergonomiques et aux expositions chimiques.

Il y a une avancée ; ne soyez pas si impatients !

Supprimer la mutualisation de ces cotisations n’est rendre service ni aux seniors ni aux entreprises.

Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Olivier Dussopt, ministre. Nous avons pour objectif de favoriser l’embauche des seniors, en particulier ceux qui sont âgés de plus de 55 ans.

Aujourd’hui, un employeur qui recrute un salarié de plus de 55 ans – l’âge peut faire débat dans le cadre de la préparation du décret – peut voir ce salarié déclencher une maladie professionnelle liée à des facteurs auxquels le salarié a été exposé précédemment durant sa carrière.

Nous trouvons qu’il y a là une forme d’injustice : l’employeur qui fait le choix de recruter un senior voit sa cotisation AT-MP majorée, parce que ce salarié déclenche une maladie professionnelle qui est le fruit d’une exposition antérieure. Le fait de mutualiser le taux de cotisation AT-MP, notamment pour ce qui concerne les salariés âgés, permet d’éviter que l’entreprise qui emploie en dernier soit pénalisée. Évidemment, si ce salarié a fait toute sa carrière au sein de la même entreprise, la mutualisation n’est pas prise en compte.

C’est un véritable levier – M. Tissot l’a dit – pour lever cette appréhension des employeurs au moment d’embaucher un salarié senior.

Savons-nous le faire ? Oui, parce que certains dispositifs dans la branche AT-MP permettent déjà la mutualisation pour certains actes que l’on ne peut affecter et qui sont par conséquent mutualisés, ainsi que pour les toutes petites entreprises. Techniquement, nous pourrons donc mettre cela en œuvre dès le mois de septembre prochain, autant que nécessaire. Je réponds ainsi aux amendements identiques qui suivent et sollicite par avance leur retrait.

J’indique enfin, en écho à l’intervention de M. Tissot et avant que M. le rapporteur ne présente son amendement, que le Gouvernement est favorable à l’extension de cette mesure au régime agricole, afin que tout le monde soit couvert.

M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.

M. Fabien Gay. Monsieur le ministre, je vous remercie de cette réponse.

Voyez : nous avons échangé et nous entendons vos propos sur la mutualisation. L’exemple que vous avez fait valoir – un salarié de 55 ou 56 ans recruté par une entreprise et qui déclenche une maladie professionnelle – nous semble pertinent. L’employeur qui vient de l’embaucher doit-il être seul responsable ? Quid de son parcours professionnel ?

Ainsi, la mutualisation peut s’entendre. Il est donc intéressant que nous discutions, car nos positions respectives peuvent évoluer.

Pour autant, une question se pose encore concernant le lien entre les donneurs d’ordre et les sous-traitants. La responsabilité des premiers envers les seconds fait l’objet d’un débat depuis plusieurs années. Envisagez-vous que les donneurs d’ordre, qui sont souvent de grandes entreprises, abondent ce fonds de mutualisation pour leurs sous-traitants, conformément à leur responsabilité sociale, environnementale et relative aux maladies professionnelles ? Nous serions ravis que vous répondiez à cette question.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Olivier Dussopt, ministre. Vous avez qualifié mon exemple de pertinent, votre question l’est tout autant. Elle pose toutefois une difficulté de droit : nous connaissons tous des noms de sociétés qui ne sont que donneuses d’ordre, mais cette qualité n’est pas caractérisée en droit, quel que soit le statut de la société concernée.

En outre, de manière générale, à l’exception de très grands groupes de donneurs d’ordre – que nous pouvons identifier, mais qui ne le sont pas en droit –, une société peut être successivement sous-traitante et donneuse d’ordre ou, dans le cas de la sous-traitance en cascade, à la fois l’un et l’autre.

Cela renvoie à d’autres aspects sur lesquels je travaille beaucoup dans le cadre de la préparation du projet de loi que j’ai déjà évoqué, relatif aux responsabilités en matière d’accidents graves, notamment d’accidents mortels, et qui concernent également donneurs d’ordre et sous-traitants et leurs responsabilités respectives.

Je ne peux donc pas vous dire que nous pourrons répondre par la mutualisation à la préoccupation dont vous me faites part. En revanche, la chaîne de responsabilités que vous évoquez est pertinente s’agissant des maladies professionnelles comme de l’ensemble des conditions de travail.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 4406 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.

L’amendement n° 142 rectifié ter est présenté par M. Mouiller, Mme L. Darcos, MM. C. Vial, Favreau et Mandelli, Mmes Lopez, Lassarade, Canayer, Drexler et Belrhiti, M. Panunzi, Mmes Puissat et Petrus, MM. Brisson, de Legge, Somon, Sol et Cambon, Mmes V. Boyer et Di Folco, MM. Piednoir et Cadec, Mme Bourrat, MM. Bouchet et Savin, Mmes Jacques, Schalck, Richer, Chauvin et Malet, MM. Paccaud et J.B. Blanc, Mme Micouleau, MM. Karoutchi et Charon, Mme M. Mercier, MM. Burgoa, Klinger, Daubresse, Perrin, Rietmann, Chatillon et Sido, Mme Dumont, MM. Bonhomme et Lefèvre, Mmes Imbert, Gruny et Estrosi Sassone, M. Genet, Mmes Demas et Borchio Fontimp, M. Belin, Mmes Thomas, Ventalon et Dumas, MM. Frassa, Rapin, Bouloux et Cuypers, Mmes Boulay-Espéronnier et Bonfanti-Dossat et M. Gremillet.

L’amendement n° 181 est présenté par M. Milon.

L’amendement n° 4407 rectifié est présenté par Mmes Assassi, Apourceau-Poly et Cohen, MM. Bacchi et Bocquet, Mmes Brulin et Cukierman, M. Gay, Mme Gréaume, MM. Lahellec et P. Laurent, Mme Lienemann, M. Ouzoulias, Mme Varaillas et M. Savoldelli.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

I. – Alinéa 1

Remplacer le mot :

Ce

par les mots :

À titre expérimental, et pour une durée de deux ans sur des territoires déterminés, ce

II. – Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

…. – Le Gouvernement transmet chaque année au Parlement un point d’étape sur la mise en œuvre du présent article et sur ses répercussions concrètes sur l’emploi des seniors ainsi que sur la sinistralité des maladies professionnelles.

La parole est à M. Philippe Mouiller, pour présenter l’amendement n° 142 rectifié ter.

M. Philippe Mouiller. Il s’agit d’un amendement de repli tendant à prévoir une expérimentation. Je remercie M. le ministre de ses explications, qui me conduiront à le retirer.

Puisque l’enjeu de la responsabilité a été soulevé, je précise que l’une des pistes de travail que l’on pourrait explorer à ce sujet concerne la définition et le cahier des charges des contrats de sous-traitance. Dans ce domaine, une évolution doit sans doute être apportée, afin de déterminer une responsabilité partagée contractuellement, au moment de la signature. Cela pourrait permettre de contourner la difficulté qui vient d’être évoquée.

Pour autant, je soutiens pleinement l’article 2 ter et je retire cet amendement.

M. le président. L’amendement n° 142 rectifié ter est retiré.

La parole est à M. Alain Milon, pour présenter l’amendement n° 181.

M. Alain Milon. Il est retiré, monsieur le président !

M. le président. L’amendement n° 181 est retiré.

La parole est à Mme Marie-Claude Varaillas, pour présenter l’amendement n° 4407 rectifié.

Mme Marie-Claude Varaillas. Cet amendement tend à répercuter une préoccupation de la Fédération nationale des accidentés du travail et des handicapés (Fnath), laquelle s’inquiète d’un risque désincitatif en matière de prévention des maladies professionnelles.

Cette question est de la plus haute importance, car les personnes économiquement actives passent une partie très importante de leur temps de vie sur leur lieu de travail. La santé des travailleurs est une condition essentielle, qui concerne les revenus des ménages, la productivité et le développement économique ; le rétablissement et le maintien des capacités de travail correspondent donc à une fonction importante des services de santé.

Les risques pour la santé sur le lieu de travail, liés à la chaleur, au bruit, à la poussière, aux produits chimiques dangereux, au maniement de machines présentant des risques et au stress psychologique, entraînent la survenue de maladies professionnelles ou peuvent aggraver des problèmes de santé déjà existants.

C’est pourquoi nous vous demandons d’adopter cet amendement, qui tend à prévoir que le dispositif prévu dans ce projet de loi fasse a minima l’objet d’une expérimentation préalable.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. René-Paul Savary, rapporteur. Avis défavorable. Il me semble que M. le ministre a précisé la disposition.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Olivier Dussopt, ministre. Avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 4407 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 2114, présenté par M. Savary et Mme Doineau, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :

I. – Remplacer les mots :

peut prévoir

par le mot :

prévoit

II. – Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

…. – L’article L. 751-15 du code rural et de la pêche maritime est complété par une phrase ainsi rédigée : « Cet arrêté prévoit que les modalités de calcul du taux de cotisation permettent la mutualisation entre les entreprises des coûts liés aux maladies professionnelles dont l’effet est différé dans le temps, dans l’objectif de favoriser l’emploi des salariés âgés. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. René-Paul Savary, rapporteur. La précision rédactionnelle apportée par cet amendement indique bien que nous souhaitons inscrire cette mutualisation dans la loi. En outre, nous l’étendons au régime agricole, au sein duquel notamment l’usure ou l’exposition aux facteurs chimiques méritent d’être prises en compte.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Olivier Dussopt, ministre. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 2114.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 2 ter, modifié.

(Larticle 2 ter est adopté.)

Article 2 ter (nouveau)
Dossier législatif : projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023
Article 3

Après l’article 2 ter

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

Les deux premiers sont identiques.

L’amendement n° 2885 rectifié bis est présenté par Mme Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier, Poumirol et Rossignol, MM. Lurel, Chantrel et Féraud, Mme Monier, MM. Marie, Bourgi et Cardon, Mme de La Gontrie, MM. Tissot, Leconte, Raynal, Stanzione et Durain, Mme Carlotti, M. Redon-Sarrazy, Mme Artigalas, MM. Jacquin et Temal, Mme Blatrix Contat, MM. Assouline et Mérillou, Mmes Harribey et G. Jourda, M. Devinaz, Mmes S. Robert et Briquet, MM. Houllegatte et Lozach, Mmes Van Heghe et Conway-Mouret, M. Magner, Mme Bonnefoy, MM. Roger, Montaugé, Cozic et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

L’amendement n° 3179 rectifié est présenté par Mmes Poncet Monge et M. Vogel, MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco et MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé, Parigi et Salmon.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l’article 2 ter

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Le I de l’article L. 135-6 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

1° À la deuxième phrase du troisième alinéa, l’année : « 2024 » est remplacée par l’année : « 2022 » ;

2° Le dernier alinéa est supprimé.

II. – L’article 19 de l’ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale est ainsi modifié :

1° À la première phrase, les mots : « les articles 14 à 17 » sont remplacés par les mots : « l’article 14 » ;

2° Après la même première phrase, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Le taux des contributions instituées par les articles 15 à 17 est fixé à 1,2 % pour l’année 2023 et à 0,82 % à compter de l’année 2024. »

III. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

La parole est à M. Bernard Jomier, pour présenter l’amendement n° 2885 rectifié bis.

M. Bernard Jomier. Cet amendement concerne la contribution du Fonds de réserve pour les retraites (FRR) à la Caisse d’amortissement de la dette sociale (Cades), qu’il vise à réorienter vers le financement du système de retraite.

Depuis 2010, la Cades a amorti 180 milliards d’euros de dette sociale, soit un montant plus élevé que l’endettement cumulé sur dix ans. Elle aura également repris 92 milliards d’euros de dette due au covid-19 entre 2020 et cette année – nous en avons beaucoup débattu ici. Selon le plan d’amortissement accéléré annuel, le remboursement de la dette sera terminé en 2033.

Il nous semble donc possible de réaffecter les sommes versées actuellement par le FRR à la Cades vers le système de retraite, lequel s’en trouverait renforcé à hauteur de 2,1 milliards d’euros supplémentaires par an. Je saisis cette occasion pour rappeler que cette charge de remboursement, dont la Cades a hérité à la suite d’un transfert et qui aurait pu être considérée comme une dette de l’État, minimise de plus de 10 milliards d’euros par an les moyens de la sécurité sociale.

Nous avons dénoncé année après année ce jeu comptable, qui ne change rien au total de la dette publique, mais qui capte les fonds de la sécurité sociale. Cet amendement vise donc à trouver des recettes supplémentaires, sans conséquence pour l’État.

M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour présenter l’amendement n° 3179 rectifié.

Mme Raymonde Poncet Monge. Par cette réaffectation de la contribution du FRR de la Cades vers la Cnav, nous nous contentons de restaurer l’objet initial du fonds.

En 2010, celui-ci a été dévoyé de son objet et privé de ses ressources en même temps que l’âge de départ à la retraite était décalé de deux ans – je ne peux que faire un lien entre ces deux décisions. Nous avons demandé que le remboursement de la dette sociale par la Cades, à savoir 18 milliards d’euros, soit, pour ce qui concerne la dette due au covid-19, prise en charge par l’État, lequel a les moyens de la faire rouler.

Cela ne changerait rien au ratio d’endettement du pays puisque, selon les définitions européennes, la dette sociale est déjà consolidée avec celle de l’État. Le dévoiement du FRR et l’attribution de la charge des coûts du covid-19 à la Cades n’avaient donc pas pour motivation de faire baisser ce ratio.

Nous avons aujourd’hui toutes les raisons de restaurer ce fonds, qui devait nous permettre de traverser la bosse démographique – nous sommes en plein dedans – et qui pourrait, à l’avenir, servir également à faire face aux conséquences du dérèglement climatique. Nous pourrions ainsi en disposer pour résister aux chocs économiques externes ou pour achever de traverser la bosse démographique.

M. le président. L’amendement n° 3369, présenté par Mmes Poncet Monge et M. Vogel, MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco et MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé, Parigi et Salmon, est ainsi libellé :

Après l’article 2 ter

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article 19 de l’ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale est ainsi rédigé :

« Le taux des contributions instituées par les articles 14, 16 et 17 est fixé à 0,5 %. Le taux de la contribution instituée au I de l’article 18 est fixé à 2,2 %. Le taux des contributions instituées à l’article 15 et au III de l’article 18 est fixé à 3 %. »

La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.

Mme Raymonde Poncet Monge. Cet amendement concerne les ressources.

L’article 19 de l’ordonnance de 1996 relative au remboursement de la dette sociale établit trois taux différents de contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS). Actuellement, les revenus du patrimoine mentionnés à l’article L. 136-6 du code de la sécurité sociale sont soumis à la CRDS à un taux de 0,5 %.

Il s’agit de faire passer ce taux à 3 %, c’est-à-dire – ce montant ne tombe pas du ciel ! – au même niveau que celui qui s’applique au produit brut des jeux réalisé dans les casinos, selon l’article 18 de la même ordonnance. Cet amendement tend donc à augmenter le taux de CRDS sur les revenus du capital.

Ce faisant, nous souhaitons appeler l’attention de la représentation nationale sur le fait que des moyens existent pour éviter le dérapage budgétaire du système de retraite à moyen terme. En se privant de la possibilité d’augmenter le taux des prélèvements sociaux, le Gouvernement ne permet pas de trouver d’autres issues que le report de l’âge légal de départ à la retraite. Peut-être est-ce son objectif : rendre inéluctable cette réforme ?

Il est pourtant possible de distinguer, d’une part, l’augmentation des cotisations sociales sur le travail, qui serait injuste et préjudiciable à l’économie, d’autre part, celle qui concerne le capital. Une plus ample participation de ce dernier au financement de notre système de retraite permettrait d’éviter le report de l’âge légal de départ dans le régime général.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale. Ces amendements sont intéressants dans leur principe et partent d’un constat que je partage : un régime de retraite inspire davantage confiance s’il est doté de réserves lui permettant de faire face aux mauvais jours et de supporter les chocs, quels qu’ils soient. Un récent rapport d’information, dirigé notamment par René-Paul Savary, a montré combien c’était important.

Pour autant, soyons également conscients que le meilleur moyen – sinon le seul – de constituer des réserves est d’engranger des excédents. Lorsqu’on le fait en ne payant pas ses dettes, vous conviendrez que l’on conserve le même actif net. Il faut donc procéder dans l’ordre et commencer par ramener notre système à l’équilibre ; c’est cela que nous nous efforçons de faire, avant d’envisager de réalimenter le FRR.

Je rappelle, par ailleurs, que la Cades doit encore amortir 155 milliards d’euros, dont 43 milliards d’euros pour la seule branche vieillesse. Gardons ces chiffres en mémoire.

J’appelle votre attention sur le fait que la Cades se finance sur les marchés nationaux et internationaux, en intégrant les transferts en provenance du FRR. Si le législateur introduisait ne serait-ce qu’un doute sur ces flux, la confiance, donc les conditions d’emprunt de la Cades, pourrait fortement s’en ressentir.

Enfin, en raison des règles organiques relatives à la dette sociale et à l’autonomie, je relève que ces amendements ont dû être dotés d’un vrai gage, c’est-à-dire non pas d’une hausse de l’accise sur les tabacs, mais bien d’une augmentation de la CRDS, qui serait la conséquence ultime d’un tel choix.

Pour toutes ces raisons, malgré l’intérêt de la question soulevée par les auteurs de ces amendements et bien que je partage l’ambition de rechercher de nouveaux moyens, la commission émet un avis défavorable sur ces amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gabriel Attal, ministre délégué. On fait là de la tuyauterie : il s’agit de débrancher la contribution du FRR à la Cades, pour l’affecter au déficit de notre système de retraite, puis de compenser ce changement par une augmentation de la CRDS.

Tout d’abord, comme l’a dit la rapporteure générale, une telle évolution emporterait des conséquences certaines sur la charge de notre dette, en fragilisant la confiance de ceux qui la détiennent et des investisseurs.

Ensuite, le dispositif proposé revient sur la réforme du prélèvement forfaitaire unique (PFU) – peut-être est-ce d’ailleurs l’objectif de leurs auteurs ? Or cette flat tax sur les revenus du capital est une réforme importante menée au début du précédent quinquennat, dont je rappelle que, selon France Stratégie, elle a été autofinancée : elle a entraîné un développement de l’activité économique dont les recettes ont couvert la perte théorique liée à la diminution du taux d’imposition. Je ne souhaite donc pas revenir sur l’équilibre du PFU.

Les revenus du capital englobent en réalité beaucoup de choses. Un retraité qui a été petit commerçant toute sa vie et qui, propriétaire de son commerce, le met en location, se retrouverait par exemple taxé sur ces loyers si ces amendements étaient adoptés.

Pour ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 2885 rectifié bis et 3179 rectifié.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 3369.

(Lamendement nest pas adopté.)