Mme Raymonde Poncet Monge. Dans l’éventualité où l’amendement n° 3364 aurait suscité une émotion trop forte, le présent amendement de repli vise à augmenter le taux de CSG à 10,2 % pour les revenus du capital, notamment les produits de placement et de patrimoine.

Je rappelle que les inégalités de capital – je vous renvoie encore une fois aux travaux de Thomas Piketty, mes chers collègues – ont explosé depuis le premier quinquennat d’Emmanuel Macron.

Une telle disposition permettrait de dégager 1 milliard d’euros de recettes supplémentaires. Nous parviendrons ainsi, grâce à d’autres mesures que nous allons présenter, aux 12 milliards d’euros nécessaires pour combler le déficit sans reculer l’âge d’ouverture des droits à la retraite.

M. le président. L’amendement n° 37 rectifié sexies, présenté par MM. Longeot, Decool, Guerriau, Menonville et Belin, Mme Billon, MM. Chasseing, Canévet, Moga, Duffourg et J.M. Arnaud, Mmes Jacquemet, Saint-Pé et Perrot, MM. Détraigne, Vanlerenberghe et Parigi et Mmes Morin-Desailly et Havet, est ainsi libellé :

Après l’article 2 ter

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le I de l’article L. 136-8 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

1° Le 2° est ainsi modifié :

a) Le taux : « 9,2 % » est remplacé par le taux : « 9,7 % » ;

b) Les références : « aux articles L. 136-6 et L. 136-7 » sont remplacées par la référence : « à l’article L. 136-6 » ;

2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

«…° À 9,2 % pour les contributions sociales mentionnées à l’article L. 136-7. »

Cet amendement a déjà été défendu.

L’amendement n° 2872 rectifié bis, présenté par Mme Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier, Poumirol et Rossignol, MM. Lurel, Chantrel et Féraud, Mme Monier, MM. Marie, Bourgi et Cardon, Mme de La Gontrie, MM. Tissot, Leconte, Raynal, Stanzione et Durain, Mme Carlotti, M. Redon-Sarrazy, Mme Artigalas, MM. Jacquin et Temal, Mme Blatrix Contat, MM. Assouline et Mérillou, Mmes Harribey et G. Jourda, M. Devinaz, Mmes S. Robert et Briquet, MM. Houllegatte et Lozach, Mmes Van Heghe et Conway-Mouret, M. Magner, Mme Bonnefoy, MM. Roger, Montaugé, Cozic et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Après l’article 2 ter

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

1° L’article L. 135-3 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les recettes du fonds de solidarité vieillesse sont par ailleurs constituées d’une fraction du produit de la contribution sociale mentionnée au I de l’article L. 136-7-1 à concurrence d’un montant correspondant à l’application d’un taux de 3 % à l’assiette de cette contribution. » ;

2° Au 3° du I de l’article L. 136-8, le taux : « 6,2 % » est remplacé par le taux : « 9,2 % ».

La parole est à M. Jérôme Durain.

M. Jérôme Durain. Nous opposant au financement de notre système de retraite par des politiques de rabot et d’allongement de la durée du travail qui nous sont imposées de manière indifférenciée, notamment par l’article 7 de ce projet de loi, nous cherchons de nouvelles sources de recettes.

Cet amendement du groupe SER vise à remettre à niveau la contribution sociale généralisée sur les paris sportifs et les jeux de hasard en augmentant les taux et en assurant l’affectation des sommes supplémentaires dégagées au risque vieillesse et à ses institutions.

Les 3 points de contribution sociale généralisée supplémentaires permettront ainsi de financer la consolidation des pensions versées à nos aînés.

M. le président. L’amendement n° 3363, présenté par Mmes Poncet Monge et M. Vogel, MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco et MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé, Parigi et Salmon, est ainsi libellé :

Après l’article 2 ter

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au 3° du I de l’article L. 136-8 du code de la sécurité sociale, le taux : « 6,2 % » est remplacé par le taux : « 8,2 % ».

La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.

Mme Raymonde Poncet Monge. Le présent amendement vise à relever de 2 points la CSG assise sur les jeux, ce qui permettrait de dégager 160 millions d’euros par an de ressources nouvelles.

Il s’agit d’une piste parmi d’autres que nous vous proposons afin de ne pas faire reposer l’effort exclusivement sur les travailleurs, notamment par le recul de l’âge d’ouverture de leur droit à la retraite.

Nous allons, au fond, vous proposer un cocktail de mesures, dans l’objectif de lever le point aveugle, l’interdit ou le tabou par lequel vous vous interdisez, mes chers collègues, de faire appel à une contribution des revenus du capital. Vous ne demandez des efforts qu’aux travailleurs, avec l’une des mesures paramétriques les plus injustes qu’est le recul de l’âge d’ouverture des droits à la retraite.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Mes chers collègues, qu’il s’agisse d’un cocktail, de brut ou de doux (Sourires.), vos propositions – avec René-Paul Savary, j’en ai également cherché –, présentent un certain nombre d’inconvénients. Je m’efforcerai donc de vous en convaincre, et M. le ministre apportera sans doute d’autres éléments.

Si les dispositifs divergent, toutes ces propositions visent à dégager des recettes d’un montant d’environ 1 milliard d’euros, voire plus.

Cela ne correspond pas à la position défendue par notre commission et notre assemblée depuis des années dans le cadre des projets de loi de finances, qui consiste à équilibrer le système de retraite sans alourdir les prélèvements obligatoires, mais en privilégiant le travail.

M. Thomas Dossus. C’est un dogme !

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. En ce qui concerne plus précisément la CSG, la commission observe que, quelles que soient ses composantes, cet impôt est d’une grande efficacité, car il a une assiette large et surtout, un taux faible – le contraste avec l’impôt sur le revenu est à ce titre saisissant.

Pour préserver cette efficacité, il importe de conserver une modération dans les taux. Ceux-ci ne sont déjà plus si modérés, si bien que des amendements visant à exonérer tel ou tel public sont régulièrement déposés dans le cadre des PLFSS. Certains d’entre vous, mes chers collègues, ont par exemple demandé que les revenus patrimoniaux des retraités agricoles soient exonérés de CSG.

Nul doute que ces demandes se feraient encore plus nombreuses et pressantes – tel est le principal inconvénient des dispositifs proposés – si les taux augmentaient.

C’est pourquoi – j’y insiste – la commission ne souhaite pas que la CSG devienne un impôt à taux élevé ni qu’il soit mité par les niches, ce qui arriverait nécessairement.

Ni les contribuables, ni la justice fiscale, ni le financement de la sécurité sociale n’en sortiraient gagnants en définitive.

Je note enfin, à titre plus accessoire, que la CSG assise sur les revenus patrimoniaux ne finance pas la branche vieillesse. Vos propositions sont donc sans lien avec le but que nous voulons atteindre.

Pour toutes ces raisons, l’avis de la commission est défavorable sur l’ensemble de ces amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gabriel Attal, ministre délégué. À écouter certaines interventions, on a parfois l’impression que la France est un paradis fiscal. Je rappelle que, au sein de l’OCDE, nous sommes le deuxième pays ayant le plus fort taux de prélèvements obligatoires. (Exclamations sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST. – Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, sur des travées des groupes UC et INDEP, ainsi quau banc des commissions.)

M. Thomas Dossus. Cela dépend pour qui !

M. Gabriel Attal, ministre délégué. Notre taux de prélèvements obligatoires est supérieur de 10 points à celui de certains pays dirigés par la gauche, que ce soit par des socialistes ou des écologistes, notamment l’Espagne ou le Portugal. Ces pays accueillent certains investissements industriels en arguant précisément qu’ils offrent un taux de prélèvements obligatoires inférieur au nôtre de 10 points. (M. Fabien Gay proteste.)

Il est exact que, en 2018, nous avons décidé d’effectuer un certain nombre de réformes, non pas pour supprimer les prélèvements obligatoires dans notre pays – ces derniers financent notre modèle, et nous en sommes fiers –, mais pour essayer de revenir peu ou prou dans la moyenne des pays européens.

Du reste, rassurez-vous, mesdames, messieurs les sénateurs, après le prélèvement forfaitaire unique, dont je rappelle qu’il s’autofinance, nous sommes toujours nettement au-dessus de nos voisins européens en termes d’imposition du capital – notre taux est supérieur de 3 à 4 points à la moyenne européenne, et il est au-dessus de celui des pays qui nous entourent.

Si cette politique n’avait eu aucun effet, j’entendrais parfaitement qu’on puisse la remettre en question. Bien que notre pays traverse des difficultés économiques, nous constatons au contraire les bons résultats de cette politique : pour la quatrième année consécutive, les baromètres internationaux indépendants nous classent comme le pays le plus attractif d’Europe pour les investissements étrangers.

Les données Insee-Trendeo, publiées il y a quelques jours – je vous invite à consulter l’article des Échos sur le sujet –, indiquent que notre pays a enregistré 80 ouvertures nettes de sites industriels l’an dernier,…

M. M. Fabien Gay. Ah bon ? Mais où ?

M. Gabriel Attal, ministre délégué. … ce qui a entraîné la création de 10 000 emplois directs, tandis que 30 000 emplois ont été créés dans des sites industriels existants.

L’an dernier, notre pays a également enregistré le nombre de délocalisations le plus faible depuis au moins quinze ans.

Je ne doute pas que, par-delà les difficultés, vous connaissiez des exemples, dans vos départements, de sites industriels qui s’implantent et qui se développent. Je ne dis pas que tout cela arrive uniquement grâce au Gouvernement, mais j’estime que nous avons instauré un cadre fiscal et social qui permet à notre pays d’être plus attractif pour les investissements étrangers.

Par ces amendements visant à revenir sur le prélèvement forfaitaire unique, vous risquez d’envoyer le signal inverse et de nous faire revenir dans la liste des pays, aujourd’hui peu nombreux en Europe, qui augmentent la pression fiscale et sociale sur le travail et les investissements.

J’ajoute qu’un certain nombre d’amendements ne visent pas seulement le grand capital, mais aussi des Français fragiles.

Les amendements nos 2855 rectifié bis et 2856 rectifié bis du groupe socialiste tendent à augmenter la CSG sur tous les revenus, y compris, par exemple, sur les revenus liés à une pension de retraite en créant de nouveaux taux de CSG. Concrètement, tous les ménages dont le revenu fiscal de référence est supérieur à 19 000 euros seraient redevables de la CSG.

Un retraité percevant une pension de retrait de 1 600 euros verrait ainsi son taux de CSG passer de 6,6 à 7,5 %.

Monsieur Chantrel, vous affirmiez tout à l’heure que je défends les nantis, les plus riches. Si vous estimez qu’un retraité qui dispose d’une pension de 1 600 euros est un nanti, il est clair que nous n’avons pas la même définition de ce terme ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

Quand on dépose des amendements, il faut étudier de près les publics concernés par le dispositif que l’on propose.

J’en viens aux autres amendements, qui ne visent que la CSG assise sur le capital. Certains retraités, parfois modestes et fragiles, ont travaillé toute leur vie pour devenir propriétaires du local commercial qu’ils ont exploité en tant que commerçant et dont ils tirent un revenu locatif.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Vous avez déjà raconté cela !

M. Gabriel Attal, ministre délégué. Si vos amendements étaient adoptés, un petit retraité qui dispose d’un revenu locatif de 1 000 euros se verrait taxé à hauteur de 300 euros.

Je suis donc défavorable à ces amendements, d’une part, parce que leur adoption contribuerait à miner l’attractivité de notre pays en augmentant les prélèvements obligatoires – je rappelle que nous sommes toujours le deuxième pays de l’OCDE en termes de prélèvements obligatoires – et, d’autre part, parce que ces dispositions visent également des Français qui peuvent être en difficulté, qu’ils disposent d’une pension de 1 600 euros ou de modestes revenus locatifs. (M. Xavier Iacovelli applaudit.)

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Briquet, pour explication de vote.

Mme Isabelle Briquet. Est-il possible de dégager des recettes permettant de ne pas reculer l’âge de départ à la retraite ? À l’évidence, oui. Ne pas le reconnaître relève de l’aveuglement dogmatique et le refus de prendre en considération ces possibilités, du choix délibéré de ce gouvernement de préférer les privilèges à la redistribution.

Alors que l’ensemble des économistes dénoncent le virage pris depuis 2017, qui se traduit par une hausse très importante des inégalités de patrimoine, appeler à davantage de solidarité et à une participation plus juste des détenteurs de patrimoine, sans pour autant pénaliser les épargnants modestes – nous y avons veillé –, permettrait de dégager des recettes complémentaires.

Tel est le sens des propositions formulées par les groupes de gauche – mais pas seulement –, visant, par exemple, à augmenter le taux de CSG sur les revenus du patrimoine et des produits de placement.

Dans un contexte où les inégalités de capital sont le premier facteur d’accroissement des inégalités en France, il nous semble que mobiliser le capital afin de préserver la possibilité pour les Françaises et les Français de prendre la retraite à laquelle ils aspirent légitimement à 62 ans relève du bon sens.

Je trouve du reste sympathique l’idée qu’une part de capital financier puisse participer au maintien du capital « qualité de vie » de ceux qui arrivent à l’âge de la retraite. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à M. Éric Kerrouche, pour explication de vote.

M. Éric Kerrouche. Vos prises de parole sont toujours assez déconcertantes, monsieur le ministre. À vous écouter, je me suis demandé si nous étions dans Ubu roi, dans le surréalisme ou un peu dans les deux…

Il est notamment assez cocasse de vous entendre nous reprocher de vouloir taxer les Français les plus fragiles, quand vous envisagez pour votre part de taxer ces Français sur la vie, sur le temps. Cela ne semble vous poser aucune difficulté. (Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains.)

Mes chers collègues, j’ai bien compris que certains considèrent que la pénibilité n’existe pas et pensent que nous sommes tous heureux, épanouis au travail. Compte tenu des positions que vous défendez, il est clair que nous ne fréquentons pas les mêmes personnes.

Vous illustrez parfaitement ce qu’est l’idéologie, monsieur le ministre : un système de croyances totalement à l’abri de la réalité. Vous souciez-vous de l’effet des baisses d’impôts massives que vous avez consenties au cours des deux quinquennats Macron ? Jamais !

Quels sont les effets du ruissellement ? Il n’y en a pas ! Cela est prouvé.

Maintenant que nous avons asséché nos ressources, vous tentez de trouver 13 milliards d’euros pour parvenir à un équilibre du système de retraite.

C’est incroyable ! Chaque fois qu’on vous propose des recettes nouvelles, vous les refusez.

Des études montrent que, au-delà de 2,3 % du Smic, les exonérations de cotisations ne servent à rien. Qu’importe ! Vous continuez de faire comme s’il n’y avait qu’une seule réponse, c’est-à-dire la plus injuste.

Les Français l’ont bien compris, et ils vous le montreront demain ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE. – Mme Monique de Marco applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe, pour explication de vote.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. J’entends vos arguments, notamment votre ode à l’attractivité de la France, monsieur le ministre. Les dispositions proposées ne visent nullement à porter atteinte à la politique que vous menez en ce sens et à laquelle nous souscrivons pleinement.

J’ai également entendu votre ode aux petits retraités disposant d’un modeste revenu locatif. Permettez-moi toutefois de souligner que sur un revenu de 10 000 euros, 1 point de CSG ne représente que 100 euros, ce qui n’est pas énorme eu égard aux mesures de solidarité et d’équité pour les femmes, pour les seniors et pour les métiers pénibles que cela permettrait de financer.

J’estime qu’il ne serait pas illogique de « mixer » les dispositifs permettant de financer le retour à l’équilibre.

Je suis toutefois solidaire de la commission des affaires sociales. Pour en avoir été le rapporteur général, je sais que cette fonction est ô combien difficile. Je salue d’ailleurs le travail de la rapporteure générale Élisabeth Doineau et du rapporteur René-Paul Savary pour tenir l’équilibre.

Je retire donc mes amendements, ainsi que ceux de Jean-François Longeot, qui me l’a demandé.

M. le président. Les amendements nos 34 rectifié sexies, 35 rectifié sexies, 2100 rectifié bis, 36 rectifié sexies, 2101 rectifié bis et 2099 rectifié bis sont retirés.

La parole est à M. Daniel Salmon, pour explication de vote.

M. Daniel Salmon. Je souhaite tout d’abord reprendre l’amendement n° 34 rectifié sexies afin de soumettre cette proposition intéressante à la délibération de notre assemblée, monsieur le président.

M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 34 rectifié septies, présenté par M. Daniel Salmon, et dont le libellé est strictement identique à celui de l’amendement n° 34 rectifié sexies.

Veuillez poursuivre, cher collègue.

M. Daniel Salmon. Monsieur le ministre, vous nous avez fait le coup, classique pour faire pleurer dans les chaumières, du pauvre petit commerçant qui n’a qu’un logement pour améliorer sa retraite.

Vous vous fondez sur l’exception pour occulter tout le reste, mais je rappelle que, aujourd’hui, en France, 50 % des logements sont détenus par des multipropriétaires qui possèdent plus de cinq logements.

Un certain nombre des amendements présents visent à introduire des dispositifs parfaitement progressifs. L’amendement n° 2856 rectifié bis, par exemple, tend à instaurer une CSG très progressive, dont le taux varierait de 0 % à 13,2 %. Une telle proposition devrait donc vous satisfaire, monsieur le ministre.

Nous proposons une taxation qui, loin d’être punitive, est une taxation de justice sociale. Nous avons besoin de recettes, et la taxation sur les revenus, en particulier du patrimoine, est un excellent moyen de dégager les fonds qui nous manquent.

M. le président. La parole est à M. Éric Bocquet, pour explication de vote.

M. Éric Bocquet. Monsieur le ministre, la conséquence de votre obsession de la baisse d’impôts – c’est en cela que, comme l’a indiqué l’un de nos collègues en ouverture de ce débat, vous êtes « thatchérien » – est que, cette année comme l’an an dernier, le budget de la France est financé à 50 % par les impôts et les taxes et à 50 % par de la dette.

Or c’est au nom de la dette que vous imposez l’austérité à tous. Il faut le dire honnêtement : ce que l’on ne perçoit pas sous la forme d’impôts se transforme ipso facto en dette, que nous tous supportons.

Vous avez également évoqué l’attractivité. Comme cela a déjà été indiqué dans le débat, dans un rapport publié en octobre dernier, un groupe d’universitaires lillois mandaté par un syndicat a estimé que 160 milliards d’euros d’aides publiques de toute sorte étaient versées au monde économique chaque année dans notre pays.

À vos yeux, monsieur le ministre, la baisse d’impôt est un dogme. Nous ne sommes d’ailleurs pas les seuls à le dénoncer.

Un monsieur intéressant affirmait le 13 février dernier que, au regard des déficits de notre pays, il fallait arrêter la course à la baisse d’impôts. Il a salué le rôle de l’outil fiscal dans notre économie et s’est d’ailleurs prononcé en faveur d’une taxe sur les superprofits.

Le 17 septembre 2020, il indiquait déjà que, compte tenu de la situation économique de notre pays, nous n’avions pas les moyens de financer une baisse d’impôts.

Ce monsieur s’appelle François Villeroy de Galhau, gouverneur de la Banque de France. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SER.)

Un sénateur SER. Un gouverneur gauchiste !

M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.

M. Fabien Gay. Je vous répondrai argument par argument, monsieur le ministre.

Vous affirmez que notre compétitivité pâtit de notre taux de prélèvements obligatoires élevé.

Il est exact que nous avons le deuxième taux le plus élevé de prélèvements obligatoires des pays de l’OCDE. Mais 90 % des recettes sont redistribuées à l’ensemble de la population par le système de santé, d’éducation et de sécurité sociale. Or notre modèle social est compétitif pour les entreprises, qui bénéficient grâce à cette redistribution de salariés bien formés, bien éduqués et bien soignés.

Nos salariés sont par ailleurs parmi les plus productifs. Un salarié français produit en effet l’équivalent de 25 dollars, quand un salarié d’Amérique du Nord en produit 24, un salarié japonais 18 et un salarié chinois entre 8 et 10. C’est un autre élément de compétitivité, qui justifie que la valeur produite soit partagée par le biais des salaires.

Je ne m’étendrai pas sur l’argument que vient d’évoquer mon collègue Éric Bocquet selon lequel notre taux de prélèvements obligatoires élevé est contrebalancé par les aides d’un montant de 162 milliards qui sont consenties chaque année au capital sans contrepartie, que ce soit en termes d’emploi, de salaires, de formation ou d’investissement. Je connais peu de pays qui en font tant !

Et puisque vous semblez tenir à la compétitivité de nos entreprises, monsieur le ministre, faites donc quelque chose pour l’électricité ! Si nous voulons réindustrialiser le pays, sortez du marché européen de l’énergie – je vous suggère d’en discuter avec Bruno Le Maire et Agnès Pannier-Runacher – et rétablissez des tarifs réglementés pour tous, car c’est un élément majeur de compétitivité pour les entreprises. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE, ainsi que sur des travées du groupe SER.)

M. Alain Richard. Le Brexit de l’énergie, voilà qui va fonctionner !

M. Fabien Gay. Demandez la parole si vous souhaitez vous exprimer !

M. le président. La parole est à M. Patrice Joly, pour explication de vote.

M. Patrice Joly. J’ajouterai un mot, en préambule, à mon propos concernant l’attractivité de la France. Les investissements étrangers en France existent depuis de nombreuses années et notre pays est généralement dans les trois premières places du classement mondial en matière d’attractivité. Cela est dû, comme certains collègues l’ont déjà dit, à nos services publics – mais on les démantèle –, à nos infrastructures – mais on peine à disposer des moyens pour les maintenir et les développer –, à la formation et à la santé, et je n’irai pas plus loin. Arrêtons donc de dire que cela ne fait que deux, trois ou même six ans que la France est attractive, car ce n’est pas le cas.

Je voudrais revenir sur la question des injustices dans le financement des dépenses publiques. L’article XIII de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, que vous connaissez, a prévu que chaque citoyen doit participer aux charges publiques « en raison de ses facultés ». Les principes de cette déclaration sont repris dans le préambule de la Constitution de la Ve République et s’imposent à nous, d’une certaine manière.

Or, au cours des deux quinquennats, votre gouvernement a progressivement remis en en cause celui que j’ai cité, par la suppression de l’impôt sur la fortune – mes collègues l’ont dit –, par la mise en place de la flat tax ou encore de l’exit tax et par d’autres allégements au bénéfice des entreprises, sans contrepartie – là encore, mes collègues en ont parlé.

Si l’on ajoute à l’ensemble des dérégulations qui ont été mises en œuvre les aléas climatiques et géopolitiques dont certains ont su profiter en en tirant des avantages pour l’essentiel injustifiables, cela a conduit à une forte progression des résultats des entreprises, à des surprofits démesurés, à des dividendes comme jamais. Il en résulte une augmentation des inégalités, un accroissement de la pauvreté et, à l’inverse, une forte progression des fortunes des plus riches, de manière injustifiée.

M. le président. Il faut conclure, monsieur Joly.

M. Patrice Joly. Ces inégalités de patrimoine ont plus que jamais augmenté. C’est la raison pour laquelle nous devons avancer sur le sujet.

M. le président. Votre temps de parole est écoulé, cher collègue.

M. Patrice Joly. En ce qui me concerne, je voterai les amendements qui visent à rétablir la progressivité qui n’aurait jamais dû disparaître. (Applaudissements sur des travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à Mme Pascale Gruny, pour explication de vote.

Mme Pascale Gruny. Je déteste ce que vous nous dites, à savoir que nous ne serions, nous qui siégeons sur ces travées, entourés que de riches et de milliardaires. Pensez-vous donc que nous ne rencontrons pas les salariés, les ouvriers et les petits propriétaires ?

Le département que je représente, l’Aisne, est parmi les plus pauvres de France. On y trouve des petits propriétaires et des commerçants qui n’ont malheureusement pas pu vendre leur fonds de commerce parce que cela ne se revend plus ; pour compenser leur petite retraite, ils ont juste le loyer de leur ancien commerce. Et vous voulez les taxer ?

À un moment donné, le Gouvernement avait lui aussi voulu augmenter fortement la CSG : on a eu les « gilets jaunes ». Faut-il que vous agitiez ainsi la rue en permanence ? C’est là notre vraie différence : nous, à droite, nous n’aimons pas les impôts. (Exclamations sur les travées des groupes SER et CRCE.) Nous n’aimons pas non plus la dette, mais nous n’aimons pas les impôts, parce qu’ils sont injustes. (Mêmes mouvements.)

Vous pouvez réagir, mais laissez-moi parler, d’autant que je ne prends pas souvent la parole.

Vous avez mis en place un impôt sur les dividendes qui s’applique aux grands milliardaires. Mais les grands milliardaires soutiennent aussi les investissements et on en a besoin. (Protestations sur les travées des groupes SER et CRCE.)

Un de nos collègues a parlé des « essentiels » pour désigner les salariés. De mon point de vue, les chefs d’entreprise sont aussi des essentiels, parce que sans eux il n’y a pas de salariés.

J’entends vos arguments. Vous avez vos convictions et nous avons les nôtres, mais nous pouvons nous respecter et vous pouvez arrêter de faire croire que nous vivons dans un monde qui, sincèrement, n’est pas celui que je connais. (M. Yves Bouloux applaudit.)