Mme Monique Lubin. Nous sommes conscients que la mesure que nous proposons pourra avoir des conséquences importantes d’un point de vue budgétaire, mais il faut prendre en compte les personnes qui auront 43 annuités avant d’avoir atteint l’âge de 64 ans, c’est-à-dire à 62 ans ou 63 ans, sans pour autant relever du dispositif des carrières longues.

Ces cas sont assez complexes, mais ils existeront et ne seront pas anodins. Nous considérons qu’il faut leur permettre de prendre leur retraite dès 43 années de cotisations.

Mme la présidente. Les deux amendements suivants sont identiques.

L’amendement n° 3392 rectifié quater est présenté par MM. Capus, Chasseing, Malhuret, Menonville, Verzelen, Grand, Guerriau, Médevielle, Decool et Lagourgue, Mme Mélot, M. Wattebled, Mme Paoli-Gagin, M. A. Marc et les membres du groupe Les Indépendants - République et Territoires.

L’amendement n° 3408 est présenté par Mmes Poncet Monge et M. Vogel, MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco et MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé, Parigi et Salmon.

Ces amendements sont ainsi libellés :

I. – Après l’alinéa 11

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…) À la première phrase, après la seconde occurrence du mot : « décret », sont insérés les mots : « qui ne peut être supérieure à la durée d’assurance mentionnée au deuxième alinéa de l’article L. 351-1 du code de la sécurité sociale » ;

II. – Après l’alinéa 28

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…) À la première phrase du II, après la seconde occurrence du mot : « décret » sont insérés les mots : « qui ne peut être supérieure à la durée d’assurance mentionnée au deuxième alinéa de l’article L. 351-1 du code de la sécurité sociale » ;

III. – Après l’alinéa 38

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…) À la première phrase du II, après la seconde occurrence du mot : « décret », sont insérés les mots : « qui ne peut être supérieure à la durée d’assurance mentionnée au deuxième alinéa de l’article L. 351-1 du code de la sécurité sociale » ;

IV. – Après l’alinéa 53

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…) À la première phrase, après la seconde occurrence du mot : « décret » sont insérés les mots : « qui ne peut être supérieure à la durée d’assurance mentionnée au deuxième alinéa de l’article L. 351-1 du code de la sécurité sociale ».

V. – Après l’alinéa 61

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…) À la première phrase, après la seconde occurrence du mot : « décret », sont insérés les mots : « qui ne peut être supérieure à la durée d’assurance mentionnée au deuxième alinéa de l’article L. 351-1 du code de la sécurité sociale » ;

La parole est à Mme Vanina Paoli-Gagin, pour présenter l’amendement n° 3392 rectifié quater.

Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour présenter l’amendement n° 3408.

Mme Raymonde Poncet Monge. Je ne répéterai pas ce qui a déjà été dit. Le Gouvernement assure qu’un salarié en carrière longue ne pourra pas travailler au-delà de 43 annuités. Encore faudrait-il que cela soit garanti !

Dans son dispositif de carrières « super-longues », le Gouvernement, en présentant son projet de loi il y a un peu plus d’un mois, avait oublié ceux qui commencent à travailler à 18 ans puisqu’il les contraignait à cotiser 44 ans. Et il me semble que c’était aussi le cas pour ceux qui avaient commencé à travailler à 16 ans.

Mme la Première ministre s’était empressée de corriger le tir devant cette injustice par trop flagrante en annonçant que cet oubli serait corrigé, sous l’approbation de nombreux groupes à l’Assemblée nationale, notamment – il faut le souligner – le groupe Les Républicains.

Pour corriger le tir, donc, le Gouvernement avait déposé un amendement à l’article 8 qui n’a pas été discuté. Même sans avoir été débattu, il aurait pu être intégré dans le texte présenté au Sénat. Du fait de ce flou, on laisserait certains travailleurs à la carrière longue travailler 44 ans.

Je ne pense pas que le Gouvernement soit opposé à un amendement allant dans le sens de celui qu’il avait déposé à l’Assemblée nationale à la demande des députés Les Républicains, tout comme je n’imagine pas que leurs collègues du Sénat puissent voter contre.

Je ne doute donc pas que ces amendements identiques seront adoptés.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. René-Paul Savary, rapporteur. Nous abordons là un sujet bien particulier, celui des carrières longues. Mes chers collègues, chacun va devoir être attentif et bien s’accrocher pour comprendre le dispositif !

Il me semble que, dans la philosophie qui le sous-tendait initialement, ce dispositif avait pour objectif de prendre en compte ceux qui avaient commencé à travailler très tôt et avaient eu une carrière difficile, en étant non formés : je pense notamment à l’artisanat. Voilà ceux qui méritent, compte tenu de l’usure professionnelle découlant d’un métier pénible, de ne pas travailler trop longtemps : de manière générale – je ne parle pas de cas particuliers –, ils doivent partir à la retraite avant les autres.

On estime, et nous sommes d’accord sur ce point, que leur espérance de vie sera moins longue : il est donc tout à fait légitime que la société leur propose de partir plus tôt. L’idée est de permettre à ces personnes de bénéficier, en théorie, d’à peu près la même durée de retraite qu’une personne ayant eu une carrière plus facile.

Alors, pour prendre en compte ces carrières longues, l’article L. 351-1-1 du code de la sécurité sociale prévoit que l’ensemble de ce dispositif – bornes d’âge et durées – est défini par un décret. À partir de là, on peut certes parler des 43 ans d’annuité, de deux, trois ou quatre bornes d’âge, mais, j’y insiste, c’est au décret de prévoir les bornes d’âge et les durées de cotisation.

Si l’on intègre des bornes et des durées dans le dispositif, les conséquences ne sont pas forcément les mêmes. On ne peut pas prévoir telle durée pour tel type de personne, car selon l’âge et le mois de naissance, on entre, ou non, dans le dispositif.

Les 43 années, puisque c’est de cela qu’il s’agit aujourd’hui, correspondent à une durée de cotisation plancher. Ce n’est pas une durée de cotisation plafond ! Tout comme l’âge légal de 64 ans est un âge minimal de départ à la retraite, et non pas un plafond. Il faut faire la même gymnastique d’esprit pour comprendre le dispositif des carrières longues.

Mais si on s’en tenait là, ce serait trop simple, mes chers collègues… Je ne suis pas toujours d’accord avec la position de M. le ministre, mais il partage les principes à la base de mes propositions (Marques dironie sur les travées des groupes SER et CRCE.), et je prendrai quelques minutes pour vous les exposer.

Nous avons fait un travail de très longue haleine sur le sujet. Je n’ai pas réussi à élaborer une contre-proposition, raison pour laquelle la commission est plutôt favorable au dispositif du Gouvernement.

S’agissant des carrières longues, la loi prévoit quatre à cinq trimestres cotisés avant la fin de l’année anniversaire. Celui qui a trois trimestres n’entre pas dans le dispositif : c’est la borne suivante.

Dans le droit commun, on part quand on a atteint telle durée, quelle que soit sa date de naissance. Par exemple, si vous avez 43 ans de cotisation, vous partez à la retraite : il n’est pas question des quatre à cinq trimestres avant le début de votre année anniversaire.

Pour compliquer encore les choses, il faut prendre en compte la durée. Quand on la calcule – les 43 ans de cotisation, auxquels on ajoute deux ans en vertu de la réforme Touraine s’agissant de la borne de 16 ans, soit 45 ans –, on ne tient pas compte des mêmes trimestres que dans le régime général.

D’un côté, pour le dispositif des carrières longues, n’entrent en compte que les trimestres cotisés – les gens ont vraiment travaillé – ou réputés cotisés, parce qu’il existe une petite marge de solidarité.

De l’autre, dans le régime général, le système est très solidaire, car il prend en compte non seulement les années cotisées, mais également les indemnités journalières en cas de maladie, le chômage, les trimestres réputés cotisés, mais aussi des trimestres assimilés et des majorations que l’on a déjà évoqués. Aussi, les 43 années ne veulent pas forcément dire 43 ans de travail : elles intègrent des périodes compensées au titre de la solidarité. Le régime général est, j’y insiste, très solidaire.

Cette solidarité ne s’applique pas au régime des carrières longues. Si une personne a quatre à cinq trimestres avant la fin de sa vingtième année – une nouvelle borne –, par exemple en ayant fait une grande école pour laquelle elle est rémunérée, elle entre dans le dispositif et partira à 63 ans.

M. Bruno Retailleau. Polytechnique !

M. René-Paul Savary, rapporteur. C’est un exemple, l’école des impôts en est un autre.

Ces personnes bien portantes, qui ont un métier peu usant même si leur carrière n’est pas forcément facile, partiront à 63 ans.

En revanche, une personne qui remplit exactement les mêmes conditions – école, trimestres – mais qui a été malade et a repris le travail après une année d’indemnités journalières, partira à 64 ans, car les trimestres ne sont pas pris en compte de la même façon.

Pour profiter d’un départ anticipé, il faut être bien portant et avoir un métier pas trop difficile. Celui qui a un métier usant et qui a été malade ne bénéficie pas du dispositif.

M. Bruno Retailleau. Interrogation écrite après ! (Sourires.)

M. René-Paul Savary, rapporteur. Le dispositif est donc inégalitaire et illisible, avec ce critère des quatre à cinq trimestres notamment.

On peut toujours prévoir par amendement des bornes ou des durées de cotisation… Mais, je le répète, les dispositions sont fixées par décret. Je donnerai donc, au nom de la commission, un avis de sagesse sur certains amendements, pour essayer de rendre le système le moins inégalitaire possible.

D’autres amendements prévoient d’instituer la durée de 43 ans pour chaque borne. Cela peut être voté – je n’y vois aucun inconvénient –, mais ce n’est pas dire la vérité aux gens, car selon l’âge, le mois de naissance dans l’année, certains devront de toute façon cotiser 44 ans. On n’y peut rien, c’est la loi des mathématiques qui s’impose.

Voilà pourquoi j’aurais souhaité un dispositif plus juste que ce système illisible et inégalitaire, monsieur le ministre, et qui ne soit pas trop coûteux pour les finances publiques. Car s’il est facile de prévoir 43 annuités, on doit faire attention à l’addition à payer résultant de chaque disposition proposée.

Puisque nous faisons une réforme budgétaire pour combler des déficits et non pour les creuser, je préfère des mesures de solidarité en faveur des mères de famille plutôt que des bornes d’âge relativement inégalitaires. Il n’empêche que certaines propositions ont été avancées par Mme la Première ministre : il incombe au Gouvernement de les confirmer.

En attendant, il me semble que nous pouvons voter certaines dispositions, mais que ce serait plus difficile pour d’autres.

Finalement, vous l’aurez compris, je donnerai plutôt un avis défavorable sur les amendements visant à prévoir l’application systématique de la durée de 43 ans. Je pense qu’il ne faut pas aller dans cette voie, parce qu’on ne dit pas la vérité aux Français. Le ministre nous dira comment il compte procéder.

En revanche, en ce qui concerne le nombre de bornes d’âge – trois ou quatre –, on voit bien que ce critère peut être modifié. On n’est pas obligé de prévoir 16 ans, 18 ans, 20 ans et 21 ans ; il aurait été plus simple de mettre 17 ans, 19 ans et 21 ans. Peu importe, je n’ai pas trouvé de solution satisfaisante, tout comme vous, monsieur le ministre.

Sachons nous retrouver sur la nécessité de dire la vérité et de répondre aux problèmes. Ne ratons pas la cible : ceux qui ont commencé tôt et qui ont eu une carrière pénible.

J’émettrai un avis favorable sur l’amendement de M. le ministre, qui élargit la solidarité au travers des trimestres pris en compte par l’AVPF ou l’AVA. Nous attendions cette mesure, car il faut tout de même davantage de solidarité dans ce dispositif de carrières longues.

L’amendement n° 2128 de la commission que je vous ai présenté a été rectifié pour le rendre compatible avec les amendements n° 45, 1918 et 3407.

Mme la présidente. Je suis donc saisie d’un amendement n° 2128 rectifié, présenté par M. Savary et Mme Doineau, au nom de la commission des affaires sociales, et ainsi libellé :

I. – Alinéa 27

Rédiger ainsi cet alinéa :

…) La seconde phrase du même II est complétée par les mots : « , ainsi que les périodes validées en application des articles L. 381-1 et L. 381-2 » ;

II. – Alinéa 37

Rédiger ainsi cet alinéa :

…) La seconde phrase du même II est complétée par les mots : « , ainsi que les périodes validées en application des articles L. 381-1 et L. 381-2 » ;

Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur.

M. René-Paul Savary, rapporteur. Pardonnez-moi d’avoir été trop long, mes chers collègues, mais je devais vous expliquer le dispositif. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

Mme Sophie Primas. On a le temps !

Mme la présidente. Monsieur le rapporteur, si j’ai bien suivi et sans être excessivement formaliste, vous avez donné un avis de sagesse sur les trois amendements identiques nos 45 rectifié, 1918 et 3407, un avis favorable sur l’amendement du Gouvernement et un avis défavorable sur tous les autres. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Olivier Dussopt, ministre. M. le rapporteur a été très clair (MM. Claude Raynal et Daniel Breuiller ironisent.) sur le dispositif des carrières longues, qui est – tout le monde, tout le monde a pu le constater – extrêmement complexe.

Je voudrais simplement commencer par deux précisions de méthode à l’attention de Mme Poncet Monge.

Vous avez dit, madame la sénatrice, que le Gouvernement avait déposé deux amendements sur les carrières longues. Pour être tout à fait exact, il a déposé, le mardi soir de la deuxième semaine de débats à l’Assemblée nationale, un amendement identique aux amendements nos 45 rectifié, 1918 et 3407, visant à autoriser la création d’une quatrième borne d’âge. À l’occasion du débat du vendredi, ont été évoquées des pistes de travail sur la question de la durée de cotisation, mais aucun amendement n’a été déposé.

La deuxième précision que je vais apporter concerne un propos que vous avez tenu, toujours sur la méthode. Vous avez dit que, puisqu’il a été fait usage de l’article 47-1 de la Constitution, le Gouvernement aurait pu faire figurer son amendement dans le texte transmis au Sénat. Ce n’est pas le cas, puisque cet article et la loi organique qui le décline prévoient que le Gouvernement, en cas d’impossibilité d’une des assemblées à aller au bout de l’examen du texte, transmet à l’autre assemblée son projet de loi initial, auquel il peut ajouter les amendements de son choix, mais à condition qu’ils aient été adoptés par l’assemblée saisie du texte.

Dans la mesure où l’amendement déposé le mardi – je parle de l’amendement identique aux amendements nos 45, 1918 et 3407 – a été déposé sur l’article 8 que l’Assemblée nationale n’a jamais examiné, il n’a pas pu être adopté. L’article 47-1 interdit donc au Gouvernement de l’inscrire dans le texte qu’il vous a transmis.

Sur les différents amendements, je tiendrai un propos général avant de donner un avis sur chacun, en essayant d’être aussi méthodique que la présidente de séance le souhaite.

Je veux évoquer les questions de coûts, puisque le dispositif des carrières longues, au-delà de sa complexité de mise en œuvre, est un dispositif coûteux.

Si nous retenons le principe selon lequel tout assuré qui a travaillé au moins un trimestre avant l’année de ses 21 ans est éligible aux carrières longues, le coût est supérieur à 2 milliards d’euros.

M. Savoldelli vient de proposer que la durée de 43 ans de cotisation non seulement supplante le critère d’âge d’ouverture des droits à la retraite, mais aussi intègre trimestres cotisés et validés. Le coût serait de 7 milliards d’euros, raison pour laquelle nous ne retenons pas cette piste.

Retenir la proposition selon laquelle tout assuré pourrait partir à la retraite sans aucune autre condition que d’atteindre 43 annuités représenterait des dépenses très supérieures par rapport à ce qu’elles sont actuellement, à hauteur de 1,5 milliard d’euros.

Les amendements nos 3103 rectifié et 3726 rectifié bis suppriment le troisième critère cumulatif qui permet actuellement de prétendre à la retraite, à savoir celui de la durée de cotisation – les deux autres critères sont le fait d’avoir cotisé cinq trimestres avant une borne d’âge et d’avoir atteint un âge spécifique d’ouverture des droits – pour un coût supérieur à 300 millions d’euros. Une mesure dans le même esprit avait été examinée à l’Assemblée nationale.

Pour ces raisons, j’appelle le Sénat à faire preuve de beaucoup d’attention. En effet, nous avons souvent évoqué la nécessité que le système de retraite retrouve un équilibre budgétaire et financier. L’addition des mesures adoptées fait s’éloigner cette perspective d’équilibre en 2030, notamment celle à 300 millions d’euros relative à la surcote pour laquelle j’ai émis un avis favorable, car elle est extrêmement utile. Il serait extrêmement négatif que la réforme apporte des améliorations à certaines situations sans nous permettre d’atteindre l’équilibre en 2030.

J’en viens aux avis sur ces amendements.

L’amendement n° 4334 rectifié supprime les trois bornes d’âge. L’avis est défavorable pour les raisons budgétaires que je viens d’évoquer : cette disposition serait extrêmement coûteuse.

L’avis est défavorable sur l’amendement n° 3688 pour les mêmes raisons budgétaires.

Ces raisons expliquent également l’avis défavorable exprimé sur l’amendement n° 2635 rectifié, d’autant plus que les différentes évolutions que nous proposons et que nous soutiendrons dans un instant, comme le fait de fixer une borne d’âge à 21 ans, répondent assez largement aux préoccupations de ses auteurs.

L’avis est favorable sur les amendements nos 45 rectifié, 1918 et 3407. En effet, ils visent à créer une quatrième borne d’âge que le Gouvernement s’était déjà engagé à fixer à 21 ans.

L’avis est défavorable pour l’amendement n° 208 rectifié bis, toujours pour les mêmes raisons budgétaires.

Je demande le retrait de l’amendement n° 4336 rectifié, à défaut l’avis sera défavorable. Avec cet amendement, monsieur Savoldelli, vous n’atteignez pas votre objectif. La disposition présente dans le projet de loi intègre aux trimestres retenus dans le calcul du droit à la retraite anticipée pour carrière longue une partie des congés parentaux au titre de l’assurance vieillesse des parents au foyer ou au titre de l’assurance vieillesse des aidants. Je pense que c’est un progrès.

Je propose, au travers de l’amendement n° 4651 du Gouvernement, d’élargir cette amélioration du régime général à tous les régimes. Votre amendement, monsieur Savoldelli, supprimerait la possibilité de compter les trimestres des parents au foyer ou des aidants dans l’éligibilité au dispositif de retraite anticipée pour carrière longue.

L’avis du Gouvernement est favorable sur l’amendement n° 2128 rectifié de la commission.

Il est défavorable sur l’amendement n° 3580, toujours pour des raisons budgétaires.

L’avis est favorable sur l’amendement n° 2129 de la commission.

L’amendement n° 4341 rectifié bis introduit la même mécanique que l’amendement n° 4336 rectifié, je demande donc son retrait.

L’avis est favorable sur l’amendement n° 2130 de la commission.

Les amendements identiques nos 3103 rectifié et 3726 rectifié bis ont trait à la durée de cotisation. Ils s’inscrivent dans la lignée des discussions qui ont eu lieu à l’Assemblée nationale. Ils présentent une difficulté budgétaire du fait de leur coût de 300 millions d’euros et de la nécessité d’atteindre l’équilibre financier au fil des étapes à venir du débat parlementaire, notamment lors de la réunion de la commission mixte paritaire. À ce stade, ne souhaitant pas dégrader, à la sortie de l’examen du texte par le Sénat, les équilibres financiers du système, je demande le retrait de ces amendements même si la question soulevée mérite d’être posée.

Les raisons budgétaires m’amènent à donner un avis défavorable sur l’amendement n° 3099 rectifié.

Pour des raisons identiques, je demande le retrait des amendements nos 3392 rectifié quater et 3408.

Mme la présidente. La parole est à Mme Monique Lubin, pour explication de vote.

Mme Monique Lubin. Monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, vous parlez tout le temps de contraintes budgétaires. Nous l’avons dit et je le répète : c’est bien la preuve que le véhicule législatif choisi n’est pas le bon. (M. René-Paul Savary, rapporteur, proteste.) En effet, toutes les questions relatives aux salariés arrivant en fin de carrière, à ceux qui ont du mal à la terminer ou à ceux qui travaillent depuis longtemps ne peuvent être abordées que sous le prisme budgétaire, puisque le projet de loi actuel est un projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale. Or il faudrait aller bien au-delà.

Monsieur le rapporteur, j’ai noté votre expression : « Il ne faut pas rater la cible. » Les travailleurs de longue durée sont de fait la cible de ce projet de loi.

M. René-Paul Savary, rapporteur. Non ! Ce sont les carrières longues !

Mme Monique Lubin. Le problème est bien là. Vous avez suffisamment reproché à la gauche la réforme Touraine. Puisque les personnes nées après 1973 ont vu leur nombre d’années de cotisations relevé à 43, fallait-il vraiment se tourner vers ceux qui, nécessairement, travaillent depuis plus longtemps ? Voilà la cible ! Ce projet de loi ne la rate pas, c’est le moins que l’on puisse dire !

Il faut dire la vérité : selon la date de naissance, ces 43 ans peuvent en devenir 44. Par exemple, étant née pour ma part en 1963,…

M. Vincent Éblé. Quelle belle jeunesse !

Mme Monique Lubin. … cette réforme me fera travailler jusqu’à 62 ans et 9 mois. J’aurai 62 ans en 2025, mais je suis née en juillet. Dommage ! Je n’aurai pas atteint l’âge légal de départ en 2025, je devrai donc attendre 2026, soit un an de plus.

Personnellement, ce n’est pas grave, mais, pour mes copines du secteur agroalimentaire qui éviscèrent des canards dans les Landes, je peux vous assurer que ce n’est pas du tout réjouissant. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.

Mme Raymonde Poncet Monge. Je rejoins M. le rapporteur sur la difficulté de prendre des choix éclairés. Il est compliqué d’atténuer la brutalité de cette réforme. Cette dernière conduisait, dans sa version initiale, à des aberrations pour les départs à la retraite anticipés sur critères de pénibilité ou de carrière longue, pour lesquels le temps de travail augmente, comme pour tout le monde, de deux ans : le nombre d’annuités pouvait s’élever à 44 ou à 45, bien au-delà de la limite pour prétendre au taux plein… Il a donc fallu que le Gouvernement bricole quelque chose de compliqué pour le corriger. La moitié de son temps passé à expliquer la réforme est donc consacrée à montrer comment il avait consenti à des mesures « sociales », notamment sur les carrières longues.

Le rapporteur utilisait les mots « illisible » et « inégalitaire » au sujet de la complexité du dispositif des carrières longues, des mots qui s’appliquent bien à la loi elle-même. Ce dispositif a tellement suscité de mécontentement et d’oppositions qu’il a fallu faire là aussi du bricolage… Bravo à ceux qui ont suivi l’explication de M. le rapporteur !

En ce qui concerne les raisons budgétaires qui ont été avancées, le Gouvernement vise 18 milliards d’euros de recettes et n’accepte des mesures d’atténuation de la brutalité de la réforme qu’à hauteur de 3 milliards d’euros, même s’il parle de 6 milliards d’euros, ayant cru par erreur avoir reculé à 60 ans l’âge de la retraite anticipée pour incapacité permanente.

Le tableau d’équilibre budgétaire ayant été construit pour être à somme nulle en 2030, cette erreur dégage 3 milliards d’euros pour le Gouvernement. Les marges de manœuvre budgétaires sont donc réelles. Vous avez, monsieur le ministre, 3 milliards d’euros qui vous permettent d’accepter nos amendements.

Mme la présidente. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote.

M. Bruno Retailleau. Je souhaite expliquer le vote de mon groupe sur cette série d’amendements. Je sais parfaitement quelles sont les réticences de notre rapporteur au sujet des extensions du dispositif des carrières longues, ces craintes étant, il me semble, assez partagées par la commission des affaires sociales.

Nous calibrerons nos votes en suivant deux principes : ne pas faire perdre son sens à la notion de carrière longue, faire en sorte que la quasi-généralisation de ce dispositif ne mette pas à mal les principes généraux de notre système par répartition.

Une note récente l’a montré : désormais, les bénéficiaires d’une retraite anticipée pour carrière longue ont, au moins, la même espérance de vie que ceux qui n’en bénéficient pas. Les conditions ne sont plus du tout les mêmes que celles qui, en 2003, justifiaient le système créé par François Fillon. D’abord, la moindre espérance de vie que venait compenser le dispositif de carrière longue n’existe plus. Ensuite, chez ceux qui bénéficient de ce dernier, on retrouve des personnes ayant eu un métier peu pénible et dont le niveau scolaire est élevé. En étendant les carrières longues à l’infini, des élèves de Polytechnique, rémunérés et commençant à travailler à 20 ans ou 21 ans, pourraient partir à la retraite à 63 ans.

Face à ce problème, nous accepterons la proposition de quatrième borne d’âge fixée à 21 ans et voterons en faveur des amendements tendant à la créer.

En revanche, pourquoi n’ira-t-on pas dans le sens de la généralisation à tous des 43 annuités ? Cette généralisation écraserait, si j’ose dire, la mesure d’âge par rapport au nombre d’annuités et ferait ainsi perdre son sens à notre système actuel. Ce système repose sur un équilibre : la durée de cotisation est prioritaire, puis la mesure d’âge représente un filet de sécurité. Pour cette raison, pour être responsables, ne pas trop dépenser et pour financer la mesure relative aux mères de famille adoptée tout à l’heure, nous ne voterons pas en faveur des amendements généralisant les 43 annuités.