M. le président. La parole est à Mme la Première ministre.

Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Madame Éliane Assassi, il y a quelque chose de grave à opposer systématiquement la légitimité de la rue à celle du Parlement. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, INDEP, UC et Les Républicains.)

Il y a quelque chose de dangereux à tenter par tout moyen d’empêcher le débat, de le bloquer. (Applaudissements sur les mêmes travées. – Protestations sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST.)

MM. Thomas Dossus et Jean-Marc Todeschini. C’est vous qui l’avez bloqué !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre. La gauche sénatoriale a revendiqué un seul objectif : empêcher un vote sur le texte. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP.) Vous n’avez pas réussi. De longs débats ont eu lieu, tous les articles ont été examinés et le projet de loi a été adopté à une large majorité.

M. Pierre Laurent. Par un vote bloqué !

M. Jean-Marc Todeschini. Vous aviez tout verrouillé !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Évidemment, j’aurais préféré plus de débat de fond et moins de procédure, plus de débat d’idées et moins de postures. Vous en avez décidé autrement. Je le regrette, mais c’est ainsi et c’est le fait unique de ce qui devient la Nupes sénatoriale. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, INDEP, UC et Les Républicains. – Protestations vives et prolongées et applaudissements ironiques sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST.)

M. Jean-Marc Todeschini. Ce n’est pas la question !

M. David Assouline. Ils ne sont pas là !

M. Vincent Éblé. C’est vraiment tout petit !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Je veux à cet égard saluer l’attitude responsable de la majorité sénatoriale pour la bonne tenue des discussions dans l’hémicycle. (Exclamations ironiques sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST.)

Vous avez pu vous pencher sur tous les articles et enrichir le texte de nombreuses propositions, notamment pour améliorer les pensions des femmes ou l’emploi des seniors. Vous avez également pu faire vôtres de nombreux amendements déposés lors de l’examen du texte à l’Assemblée nationale.

M. Hussein Bourgi. Une Première ministre ne devrait pas lire une fiche !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Madame Assassi, certains parlementaires de la Nupes qualifient le processus démocratique en cours de « prise d’otages » des Français. J’y vois une entreprise de disqualification de nos institutions particulièrement insupportable de la part d’élus de la Nation. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, UC et Les Républicains.)

M. Pascal Savoldelli. Vous entendez nous interdire ? Vous êtes plus dure avec nous qu’avec le Rassemblement national. C’est grave et vous devriez y réfléchir !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Pour ma part j’ai le plus grand respect pour le travail parlementaire qui se poursuit, en ce moment même, en commission mixte paritaire. (Exclamations sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST.)

M. Hussein Bourgi. Avez-vous vraiment besoin de lire une fiche pour dire cela ?

Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Je suis convaincue que le Sénat et l’Assemblée nationale peuvent s’accorder sur un projet qui garantira l’avenir de nos retraites par répartition, qui réduira l’écart de pension entre les femmes et les hommes, qui augmentera les petites retraites, qui fermera les principaux régimes spéciaux, qui améliorera l’emploi des seniors, qui protégera ceux qui sont usés par le travail, qui permettra à ceux qui ont commencé à travailler tôt de partir plus tôt.

Cette réforme est nécessaire. Elle a été enrichie, notamment grâce aux travaux de votre assemblée.

Avec mon gouvernement, nous sommes pleinement mobilisés pour que, dans les prochains jours, une majorité vote la réforme des retraites. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP, ainsi que sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)

comité national d’éthique dans le sport

M. le président. La parole est à Mme Samantha Cazebonne, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

Mme Samantha Cazebonne. Madame la ministre des sports et des jeux Olympiques et Paralympiques, l’Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire a rendu public, le jeudi 3 mars dernier, un baromètre national des pratiques sportives pour l’année 2022. Les résultats en sont très encourageants, puisque 60 % des Français de 15 ans et plus ont pratiqué une activité physique et sportive en moyenne une fois par semaine au cours des douze derniers mois, soit 6 points de plus qu’en 2018.

Ces résultats ont, hélas ! pu être occultés par les profondes crises de gouvernance qu’ont traversées certaines institutions du sport français depuis quelques années, notamment les fédérations françaises de rugby et de football.

Le sport est vecteur d’unité et d’émancipation. Il permet à une société de se rassembler autour de valeurs essentielles telles que l’équité, l’esprit d’équipe, l’inclusion, le respect et la persévérance. Rien ne doit entacher le projet politique et sociétal dont le sport est porteur.

Alors que la France se prépare à accueillir des événements sportifs mondiaux majeurs – la Coupe du monde de rugby à la fin de l’année et les jeux Olympiques et Paralympiques à l’été 2024 –, nous devons promouvoir des valeurs sportives irréprochables.

Madame la ministre, ma question porte sur la réforme de la gouvernance des fédérations sportives.

Un Comité national pour renforcer l’éthique et la vie démocratique dans le sport vient d’être créé, dont les membres ont été désignés. Pourriez-vous préciser quel sera le fonctionnement de ce comité et nous détailler ses missions précises et ses objectifs ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées du groupe INDEP.)

M. Philippe Tabarot. Question difficile ! Allô ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre des sports et des jeux Olympiques et Paralympiques.

Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre des sports et des jeux Olympiques et Paralympiques. Madame la sénatrice Samantha Cazebonne, les derniers mois ont en effet été marqués par une série de crises dans le sport français qui ont mis en exergue la nécessité d’améliorer notamment la gouvernance des fédérations sportives.

Il est clair que les errements constatés ne peuvent pas se reproduire au sein d’organisations délégataires d’une mission de service public qui ont, de plus, la responsabilité d’une partie de notre jeunesse.

Pour autant, cela ne doit pas nous conduire à éluder ni les progrès accomplis en matière de pratique sportive – je vous remercie de les avoir rappelés, madame la sénatrice – ni l’engagement remarquable des bénévoles et des éducateurs sportifs.

Par ailleurs, de nombreuses fédérations vont bien. La démocratie sportive progresse, sous l’impulsion notamment de la loi du 2 mars 2022 visant à démocratiser le sport en France, qui a instauré la parité au sein des instances dirigeantes du sport français et permis le vote des clubs au sein des assemblées générales électives.

Nous devons aujourd’hui prolonger et amplifier ces évolutions. Tel est le sens du Comité national pour renforcer l’éthique et la vie démocratique dans le sport que j’ai constitué. Coprésidé par Marie-George Buffet et Stéphane Diagana, il sera composé de dix autres personnalités qualifiées issues d’horizons divers – je pense à Jean-François Lamour, à Arsène Wenger, à notre arbitre pionnière Stéphanie Frappart ou encore à la grande dame qu’est Isabelle Autissier.

Ce comité réalisera un grand nombre d’auditions avant de me remettre, à l’automne prochain, des conclusions articulées autour de trois axes : la promotion d’une gouvernance du sport à la fois plus éthique, mais aussi plus démocratique, fondée sur davantage de débats et de pluralisme, et enfin plus protectrice des pratiquantes et des pratiquants, notamment au regard des violences à caractère sexiste et sexuel. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées du groupe INDEP. – Mme Véronique Guillotin applaudit également.)

réforme des retraites (iii)

M. le président. La parole est à M. Rémi Cardon, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Rémi Cardon. Madame la Première ministre, M. Olivier Dussopt affirmait hier devant les députés que, « pour atteindre le port, il faut un cap ».

Ce cap de progrès, de justice et d’équilibre pour nos retraites, nous le cherchons toujours, et ce n’est pas le simulacre de démocratie que vous avez offert au Parlement qui nous a permis de nous en rapprocher.

Premièrement, les retraités ne verront jamais les 1 200 euros de pension de retraite minimum longtemps promis. Telle est votre vision du progrès !

Deuxièmement, les femmes continueront de percevoir des pensions de retraite inférieures de 39 % en moyenne à celles des hommes. Telle est votre vision de la justice !

Troisièmement, vous faites reposer tous les efforts sur une seule génération, sans jamais solliciter le patronat. Telle est votre vision de l’équilibre !

Une chose est sûre, madame la Première ministre : nous ne partageons pas le même cap et nous sommes des millions à refuser d’embarquer avec la droite sénatoriale sur ce radeau de la Méduse. (Murmures sur des travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP.)

Vous faites l’unanimité et l’unité contre vous : l’unanimité des syndicats, des travailleurs, des millions de personnes qui descendent dans les rues chaque semaine, qui votent la reconduction des grèves et qui ne lâcheront rien.

Finalement, madame la Première ministre, pour qui et avec qui gouvernez-vous ? Ce que vous proposez – consciemment ou non d’ailleurs – est une alternative mortifère, à savoir la préparation du terrain à la prise de pouvoir du Rassemblement national.

Il ne me reste qu’à vous demander ceci, madame la Première ministre : êtes-vous des inconscients ou des irresponsables ? (Applaudissements sur des travées du groupe SER. – Exclamations sur des travées des groupes RDPI, INDEP, UC et Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion.

M. Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de linsertion. Monsieur le sénateur Cardon, vous m’indiquez que vous n’approuvez pas notre réforme. Le Gouvernement, lui, est convaincu que cette réforme a une majorité.

Cette réforme a une majorité, parce qu’elle peut être votée par toutes celles et tous ceux qui souhaitent sauver et préserver le système par répartition.

Cette réforme a une majorité, parce qu’elle peut être votée par toutes celles et tous ceux qui sont prêts à aménager les carrières longues et qui souhaitent que les travailleurs concernés par celles-ci, mais aussi ceux que le métier expose le plus à l’usure professionnelle ainsi qu’aux facteurs de pénibilité soient mieux protégés.

M. Jérôme Durain. Vous savez que ce n’est pas vrai !

M. Olivier Dussopt, ministre. Cette réforme a une majorité, parce qu’elle peut être votée par celles et ceux qui veulent que le taux d’emploi des seniors et, partant, notre taux d’activité augmentent.

Cette réforme sera aussi votée par celles et ceux qui sont attachés à la revalorisation des petites retraites.

M. David Assouline. En êtes-vous sûr ?

M. Olivier Dussopt, ministre. Le fait que vous fassiez d’une telle réforme un cheval de bataille, monsieur le sénateur, est la démonstration que la gauche est aujourd’hui déconnectée des classes populaires. (M. Emmanuel Capus applaudit. – Exclamations sur les travées des groupes SER, GEST et CRCE.)

Avec cette réforme, 1,8 million de retraités bénéficieront d’une revalorisation de leur pension de 25 à 100 euros par mois. Pour 900 000 d’entre eux, le montant de cette revalorisation sera de 70 à 100 euros.

Si vous considérez qu’une augmentation de 70, 80 ou 90 euros n’est rien pour des retraités dont la pension s’élève à 800, 900 ou 1 000 euros par mois, c’est que vous avez perdu le sens de la réalité !

Vous affirmez que nous serions inconscients et irresponsables.

Quand vous ne faites rien, alors que le système par répartition est en train de s’écrouler,…

M. David Assouline. Personne ne dit qu’il s’écroule !

M. Olivier Dussopt, ministre. … quand vous ne faites rien, alors que notre réforme permet de le sauver, l’irresponsabilité est bien dans votre camp ! (Protestations sur les travées du groupe SER.)

Monsieur le sénateur, pendant le débat, dont vous n’avez manifestement pas retenu grand-chose, vous avez eu des mots assez outranciers, comme vous en avez eu à l’instant à l’égard de la Première ministre. C’est la démonstration que la « mélenchonisation » des esprits que j’ai évoquée vous a gagné, comme elle gagne l’ensemble de la gauche française. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées des groupes INDEP, UC et Les Républicains. – Protestations sur les travées des groupes SER, GEST et CRCE.)

M. Thomas Dossus. Cela vous obsède !

M. le président. La parole est à M. Rémi Cardon, pour la réplique.

M. Rémi Cardon. Monsieur Dussopt,…

Plusieurs sénateurs du groupe Les Républicains. Monsieur le ministre !

M. Rémi Cardon. Monsieur le ministre, si vous voulez,… (Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains.) vous n’avez d’autre majorité que le 49.3. Sachez que gouverner sans le peuple et contre lui et ses représentants est dangereux pour la démocratie.

Telle est la raison pour laquelle, avec le groupe socialiste, nous allons déposer une demande de référendum d’initiative partagée (RIP) pour sauver la démocratie et la République de vos bâillons ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST. – Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Max Brisson. N’importe quoi !

prix du logement

M. le président. La parole est à M. Marc-Philippe Daubresse, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Marc-Philippe Daubresse. Monsieur le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, la récente publication des chiffres de la construction neuve pour 2022 confirme ce que plusieurs collègues sénateurs et moi-même n’avons cessé de dire au Gouvernement depuis plusieurs mois : la situation est, non pas dramatique, mais catastrophique.

Nous avons rarement enregistré des indicateurs aussi alarmants : l’activité des promoteurs privés a chuté de 25 % et le nombre de constructions individuelles, de 30 %. Le nombre de constructions neuves prévues pour 2023 s’établit à 350 000 unités – pour mémoire, après le plan de relance de Jean-Louis Borloo, ce nombre s’élevait à 486 000 –, une baisse de 40 % étant de plus annoncée pour l’année suivante. Et cela va continuer, car des faillites en cascade sont annoncées dans le secteur de la promotion immobilière.

En ce qui concerne le logement social, la funeste réforme des aides personnelles au logement (APL), introduite par la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, dite Élan, a asséché les finances des offices d’habitation à loyer modéré (HLM), si bien que, pour la troisième année consécutive, nous avons construit moins de 100 000 logements sociaux.

Et je ne m’étends pas sur un certain nombre de mesures prises par votre gouvernement, monsieur le ministre, telles que le « zéro artificialisation nette » que le Sénat est fort heureusement en train de corriger.

Mes questions sont donc simples, monsieur le ministre : avez-vous enfin prévu un plan de relance de la construction neuve dans notre pays, comme nous l’avons fait avec succès sous Nicolas Sarkozy et Jacques Chirac ? Avez-vous prévu des mesures fiscales de relance exceptionnelles, comme nous avons réussi à le faire sous le gouvernement de François Fillon ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Amel Gacquerre applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Monsieur le sénateur Daubresse, permettez-moi tout d’abord de vous communiquer quelques données très récentes, qui permettront de nous fonder sur une base objective.

En 2022, le nombre d’autorisations de travaux s’est élevé à 480 000, soit une hausse de 3 %. Un tel volume n’avait pas été atteint depuis plus de six ans. (Mme Marie-Noëlle Lienemann sexclame.)

Dans le même temps, nous observons une baisse de 3 % du nombre de mises en chantier, qui s’établit à 376 000.

Des facteurs structurels – j’y reviendrai – expliquent la concomitance de ces deux phénomènes, mais celle-ci s’explique aussi par les facteurs conjoncturels que sont la très forte augmentation du nombre de refus de prêts, le relèvement des taux d’intérêt, qui sont passés de 1,5 % à 3,2 % sur vingt ans, et l’augmentation du coût moyen de la construction du fait de l’inflation que nous avons enregistrée en 2022 et qui a particulièrement affecté le secteur du logement.

Tout cela a abouti à une baisse de la demande de 39 % au dernier trimestre 2022. Celle-ci ne relève pas du Gouvernement :…

M. Christophe Béchu, ministre. … elle est liée non pas à une absence d’offre, mais au comportement des ménages.

La mensualisation du taux d’usure, que nous avons instaurée depuis le 1er février afin de fluidifier une partie du marché, est un premier élément de réponse.

Des réponses plus structurelles seront apportées dans la continuité du Conseil national de la refondation (CNR) Logement, qui achèvera ses travaux au mois d’avril. (Mme Marie-Noëlle Lienemann sexclame.) Nous discutons en ce moment avec tous les professionnels que vous avez cités, monsieur le sénateur, mais aussi avec les élus.

L’ambition du Président de la République est d’ouvrir le chantier de la décentralisation du logement.

Pour avoir été élu local et membre d’un gouvernement, vous connaissez parfaitement ces questions, monsieur Daubresse. Elles sont généralement abordées sous l’angle du « combien ? », alors que, du fait de la disparité des situations, les questions les plus pertinentes sont plutôt « où ? » et « comment ? ».

La décentralisation du logement est au cœur d’une ambition incluant la rénovation énergétique. Elle suppose un dialogue franc avec les communes, les intercommunalités et les départements. Les changements de zonages, la décentralisation des dispositifs et le soutien aux maires bâtisseurs sont autant de sujets sur lesquels nous travaillons dans ce cadre. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – M. Emmanuel Capus applaudit également.)

M. Alain Richard. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Marc-Philippe Daubresse, pour la réplique.

M. Marc-Philippe Daubresse. En tant qu’ancien ministre chargé du logement, je vous invite à réviser vos chiffres, monsieur le ministre. Selon les notaires de France, le nombre de permis de construire a chuté de 25 % au dernier trimestre 2022 par rapport à l’année précédente – 25 % !

Le nombre de constructions neuves rapporté au nombre de ménages français est le plus bas que nous ayons connu depuis 1951. La situation avait alors justifié l’appel de l’abbé Pierre !

Monsieur le ministre, vous sous-estimez le problème, parce que vous êtes confronté à des objectifs stratégiques contradictoires ! Il est pourtant grand temps que le Gouvernement se réveille ! (Applaudissements nourris sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes UC, SER et CRCE.)

action de la france à haïti

M. le président. La parole est à Mme Catherine Conconne, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Catherine Conconne. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, Haïti pleurant tous les jours ses morts et ses blessés par dizaines, Haïti affamé, Haïti livré aux mains de gangs, Haïti assistant au viol de ses femmes, Haïti voyant ses enfants recrutés par des groupes armés, Haïti sans gouvernement, sans État, s’enfonce inexorablement dans le chaos.

Pourtant, pas un mot de l’État sur la situation de ce pays auquel nous sommes tant redevables, ce pays envers lequel nous avons une « dette morale », comme le disait si légitimement François Hollande en 2015. (Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains.)

Première colonie noire à prendre son indépendance en 1804, Haïti, à bien des égards, a ouvert des chemins, repoussé les limites du possible, et ce, alors même qu’il a été dès le départ affublé du fardeau indigne d’une dette insoutenable pour acheter sa liberté.

La résolution adoptée par l’ONU au mois d’octobre dernier constitue un pas symbolique, mais elle ne peut servir de refuge pour justifier notre inaction collective.

Certains pays, comme le Canada, ont fait le choix d’une politique plus active. Que fait la France, alors qu’Haïti n’est qu’à une heure trente de vol des pays français d’Amérique ? Que fait l’Europe ?

Il faut désormais aller plus loin que des sanctions face au massacre des Haïtiens. Pour pallier le retrait des organisations humanitaires qui baissent les bras une à une, il faut organiser la coopération dans le bassin caribéen. Face au massacre quotidien de civils haïtiens, face à la terreur et à la famine dans lesquelles vit la population, il faut oser l’envoi d’une force de maintien de la paix pour venir en aide à cet État inexistant.

Dois-je rappeler qu’à la suite de l’assassinat du président Moïse en 2017 Haïti n’a plus de gouvernement ?

Combien de temps encore allons-nous attendre ? Combien de morts, combien d’horreurs, combien de viols, combien de drames avant d’agir ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées du groupe CRCE.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé du commerce extérieur, de l’attractivité et des Français de l’étranger.

M. Olivier Becht, ministre délégué auprès de la ministre de lEurope et des affaires étrangères, chargé du commerce extérieur, de lattractivité et des Français de létranger. Madame la sénatrice Conconne, je vous prie de bien vouloir excuser l’absence de Mme la ministre de l’Europe et des affaires étrangères.

Nous sommes d’accord sur un point : la situation à Haïti est très grave du point de vue humanitaire, sécuritaire et politique.

En revanche, je ne partage pas vos propos sur l’inaction de la France.

Le France est en effet, aux côtés des États-Unis et du Canada, l’une des nations les plus actives pour tenter d’aider les Haïtiens. (Mme Catherine Conconne manifeste son scepticisme.)

Cela passe par le soutien que nous apportons à la police nationale haïtienne, que nous allons d’ailleurs renforcer.

Cela passe également par les moyens que nous déployons au titre de l’aide humanitaire, d’un montant de 8,5 millions d’euros : 5 millions d’euros d’aide alimentaire bénéficient directement aux Haïtiens.

Comme vous l’avez indiqué, madame la sénatrice, nous agissons également dans le cadre diplomatique. Cela s’est notamment traduit par la résolution 2653 de l’Organisation des Nations unies prévoyant des sanctions envers les criminels, notamment les gangs, responsables des faits que vous dénoncez.

Enfin, nous sommes à l’écoute de nos partenaires en ce qui concerne le projet de force internationale d’appui à la police nationale haïtienne, auquel nous pourrions envisager d’apporter un soutien matériel.

Comme vous le savez, madame la sénatrice, la sortie de crise implique un accord inclusif entre les acteurs politiques haïtiens. La mise en place récente du Haut Conseil de la transition doit permettre d’avancer vers des élections, conformément au document du 21 décembre dernier intitulé Consensus national pour une transition inclusive et des élections transpartisanes. C’est en tout cas ce que nous nous souhaitons, pour le bien d’Haïti. (M. Ludovic Haye applaudit.)

M. le président. La parole est à Mme Catherine Conconne, pour la réplique.

Mme Catherine Conconne. Je ne peux que déplorer la très grande discrétion des actions que vous venez d’énumérer, monsieur le ministre.

Il est vrai qu’Haïti n’a ni pétrole ni gaz… (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST. – Mme Laurence Cohen applaudit également.)

grève des éboueurs

M. le président. La parole est à Mme Catherine Dumas, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Catherine Dumas. Monsieur le ministre de l’intérieur et des outre-mer, depuis plus d’une semaine, Paris est submergée par des montagnes de déchets. (Exclamations sur les travées des groupes SER et CRCE.) Eh oui, mes chers collègues, je ne vous apprends rien…

Alors que 7 000 tonnes de poubelles non ramassées jonchent les rues, la grève est reconduite jusqu’au 20 mars. Cette situation peut entraîner d’importants risques sanitaires, aggravés par la recrudescence de la présence de rats – nommés « surmulots » à Paris (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.) – dans les espaces publics de la capitale.

Les Parisiens sont en colère, monsieur le ministre. Pourtant, à la mairie de Paris, personne ne semble s’en émouvoir. Mme Hidalgo a même annoncé son soutien entier et total au mouvement social. (Marques de satisfaction sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST. – M. Thomas Dossus applaudit.)

C’est la vérité, mes chers collègues !

Constatant cette inertie, la chef de file de l’opposition à Paris, Mme Rachida Dati, vous a saisi hier, monsieur le ministre. (Exclamations amusées sur les travées des groupes SER et CRCE.) Vous avez donc chargé le préfet de police de demander à la maire de Paris de réquisitionner les moyens matériels et humains nécessaires au ramassage des poubelles.

Ce matin, le premier adjoint de Mme Hidalgo affirme en réponse que c’est le Gouvernement qui a créé cette situation. (Il a raison ! sur des travées du groupe SER.)

Mme Laurence Cohen. C’est vrai !

Mme Catherine Dumas. Quel déni ! Quelle mauvaise volonté !

Monsieur le ministre, quand l’État va-t-il se substituer à la mairie de Paris pour régler cette situation et, surtout, dans quels délais ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer.

M. Gérald Darmanin, ministre de lintérieur et des outre-mer. Madame la sénatrice, vous connaissez la situation.

À la suite de neuf jours de grève, que l’on soit Parisien d’occasion ou d’habitude, chacun a pu constater l’amoncellement des ordures dans la capitale. Vous avez évoqué plusieurs milliers de tonnes, madame la sénatrice.

Cette situation pose des difficultés, au regard non seulement de la sécurité de nos concitoyens, puisque des manifestations ont lieu à l’heure où je vous parle, mais aussi de la salubrité publique.

Pour avoir été, comme beaucoup d’entre vous, mesdames, messieurs les sénateurs, gestionnaire d’une collectivité locale, je mesure les difficultés que suscitent de tels amoncellements d’ordures et de poubelles sur la voie publique au bout de neuf jours.

Ayant été saisi par Mme Dati, mais aussi par d’autres maires d’arrondissement et par des élus parisiens de tous bords politiques, j’ai demandé à Mme Hidalgo, d’abord oralement, puis, ce matin, par écrit, par l’intermédiaire du préfet de police, qui est chargé du maintien de la salubrité publique sous l’autorité de mon ministère, de réquisitionner les éboueurs comme le droit lui permet de le faire, afin d’assurer à la fois le ramassage des poubelles et leur incinération.

Du reste, une telle réquisition a déjà été réalisée par la mairie de Paris lors des grèves suscitées par le projet de loi qui est devenu la loi du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels, dite loi Travail.

Le premier adjoint de Mme Hidalgo a indiqué ce matin qu’il n’était pas favorable à une telle réquisition. J’attends que Mme la maire de Paris réponde par écrit à la demande écrite du préfet de police. S’il est confirmé que Mme Hidalgo n’est pas prête à prendre ses responsabilités, le préfet de police procédera ce soir, au plus tard demain matin, aux réquisitions au nom du maintien de la salubrité publique.

Quoi qu’ils pensent de la réforme des retraites, je crois que tous les Parisiens en seront heureux. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, INDEP, UC et Les Républicains.)