M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt heures, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de Mme Valérie Létard.)

PRÉSIDENCE DE Mme Valérie Létard

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

Nous poursuivons la discussion de la proposition de loi portant fusion des filières à responsabilité élargie des producteurs d’emballages ménagers et des producteurs de papier et amplification des encarts publicitaires destinés à informer le public sur la transition écologique.

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Bernard Fialaire.

M. Bernard Fialaire. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la loi du 15 juillet 1975 relative à l’élimination des déchets et à la récupération des matériaux a construit les fondements de la responsabilité élargie des producteurs. En vertu du principe pollueur-payeur, ces derniers doivent contribuer à la prévention et à la gestion des déchets découlant de leurs produits.

La France, précurseur de la REP, est le pays qui dispose du plus grand nombre de filières, et c’est tout à son honneur. Encore faut-il qu’elle soit aussi le pays le plus performant dans la gestion des déchets. Or nous nous situons en dessous de la moyenne européenne en ce qui concerne les emballages ménagers et le taux de recyclage des papiers graphiques n’est que de 62 %.

Ce faible taux de performance peut-il être amélioré en faisant contribuer financièrement le secteur de la presse à la gestion des déchets ? Je ne le pense pas.

L’intégration de la presse au sein de la REP des papiers graphiques n’a eu lieu qu’en 2017. Dès le départ, la solution consistant en une contribution financière n’a pas manqué d’interroger, raison pour laquelle le secteur de la presse bénéficie de la possibilité de contribuer en nature par la mise à disposition gratuite d’encarts publicitaires.

La révision de la directive européenne sur les déchets, intervenue en 2018, qui a imposé le caractère financier des écocontributions, a conduit les pouvoirs publics à questionner ce modèle. Lors de l’examen de la loi Agec, il a été convenu de le préserver de manière transitoire.

La présente proposition de loi, ainsi qu’elle a été adoptée par l’Assemblée nationale, prévoyait d’extraire les publications de presse de la REP papier, en contrepartie de la conclusion d’une convention de partenariat avec l’État afin de déterminer les conditions de la mise à disposition des encarts publicitaires ainsi que des critères de performance environnementale.

La commission l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat a souhaité pour sa part maintenir les publications de presse dans la REP et introduire une modulation des contributions sous la forme d’une prime accordée notamment par la mise à disposition gratuite d’encarts d’information et le respect de critères de performance environnementale.

Cela inquiète à double titre : la presse ne dispose plus de la garantie de pouvoir contribuer en nature et les autres producteurs de la filière devraient contribuer à sa place. Il s’agit de la mutualisation des coûts introduite en commission.

Nous viendrions ainsi fragiliser le secteur de la presse alors qu’il vient déjà de subir le doublement du prix de la tonne de papier en l’espace d’une année dans un contexte de hausse du coût de l’énergie.

Nous proposerons donc de rétablir la rédaction de l’article 1er retenue par l’Assemblée nationale, qui nous semble constituer le meilleur compromis. En aucun cas, cela ne doit être perçu comme un blanc-seing puisque les critères de performance environnementale continueront de s’appliquer.

D’aucuns évoquent un « dangereux précédent » pour les autres filières. Mais c’est à nous, en tant que législateur, de ne pas céder le moment venu à des dérogations qui ne seraient pas justifiées.

Pour ce qui est de la presse, nous sommes convaincus de l’inadaptation de l’écocontribution financière. Peut-on considérer les éditeurs de presse comme des pollueurs et les journaux comme de simples déchets ? Je ne le pense pas et cela vaut aussi pour les livres.

Si l’on veut améliorer nos performances de collecte du papier, commençons par assurer la collecte séparée de ce flux, comme cela se fait dans d’autres pays européens. Appliquons les amendes prévues par le droit en vigueur lorsque le tri n’est pas réalisé.

Mes chers collègues, les « taxes », entendues au sens large, ne peuvent à elles seules résoudre tous les problèmes.

J’en viens au deuxième sujet soulevé par la proposition de loi : la fusion des filières emballages ménagers et papier pour des raisons administratives et pour favoriser les synergies.

Une étude d’impact aurait été appréciable. Pour cela, le dépôt d’un projet de loi, de préférence avant la fin du dispositif dérogatoire qui avait été adopté dans la loi Agec, n’aurait pas été superflu. Cela nous aurait évité d’adopter une loi rétroactive alors que le Gouvernement disposait de trois ans pour se pencher sur la question. Nous avons été alertés sur les risques de la fusion financière de ces deux filières. En effet, cela pose des problèmes d’équité : chaque filière doit couvrir les coûts dont elle est responsable.

Pour conclure, dans un contexte de déclin continu des ventes de journaux traditionnels au profit des réseaux sociaux et des fake news, ne sacrifions pas la presse pour une plus-value plus qu’incertaine !

Attaché au rôle démocratique de la presse, qui informe nos concitoyens et les accompagne dans l’exercice de leur souveraineté, le groupe du RDSE déterminera sa position en fonction de l’issue des débats.

Mme la présidente. La parole est à M. Didier Mandelli. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Didier Mandelli. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous débattons aujourd’hui de la proposition de loi portant fusion des filières à responsabilité élargie des producteurs d’emballages ménagers et des producteurs de papier.

Je tiens tout d’abord à saluer l’excellent travail de notre rapporteure, Marta de Cidrac, qui a su avec force et détermination mener ce travail législatif, comme elle l’avait fait lors de l’examen de la loi Agec, en 2020.

C’est donc dans cette continuité que ce travail sérieux, qui honore notre Haute Assemblée, a permis à la commission d’aboutir à un texte équilibré, qui conserve les grands principes de cette proposition de loi et de notre droit, ainsi que nos ambitions pour l’économie circulaire.

Tout d’abord, ce texte conserve le dispositif de la REP, qui est une application du principe du « metteur sur le marché » consistant à transférer la responsabilité de la prévention et de la gestion des déchets aux producteurs. Ce principe est fondamental dans le droit de l’environnement. Il est devenu l’un des quatre grands principes généraux du droit environnemental avec la loi Barnier de 1995 et est consacré dans l’article 4 de la Charte de l’environnement qui dispose ceci : « Toute personne doit contribuer à la réparation des dommages qu’elle cause à l’environnement dans les conditions définies par la loi. »

Ce texte permet également la fusion des filières REP, qui doit être source de simplification et de synergie des acteurs, afin d’améliorer la chaîne du recyclage et de permettre l’efficacité environnementale.

Ensuite, ce texte prévoit d’aider le secteur de la presse, tout en le maintenant dans la REP, via la modulation des contributions financières de la filière REP pour les produits contribuant à une information d’intérêt général sur la prévention et la gestion des déchets. Cela passe notamment par la mise à disposition gratuite d’encarts, sous réserve de respecter des critères de performance environnementale fixés par décret. Ce dispositif protège alors le secteur de la presse, qui fait aujourd’hui face à des difficultés conjoncturelles et structurelles, comme de nombreux autres secteurs d’activité, tout en le conservant dans le dispositif REP : nul ne peut s’en exonérer ou s’en extraire.

Enfin, cette proposition de loi garantit le financement et le service public de gestion des déchets (SPGD) géré par les collectivités territoriales. En effet, dans un contexte d’augmentation des charges causée par la hausse des prix de l’énergie ou encore l’augmentation de la TGAP, il convient d’assurer le fonctionnement et le financement de ce service.

Si le travail sénatorial a permis d’aboutir à un texte pertinent, qui apporte des solutions à tous les acteurs des filières, je ne peux m’empêcher de penser que l’État aurait dû assumer son choix plus tôt, en maintenant la presse dans la REP, tout en la soutenant financièrement, comme il le fait dans le cadre d’autres aides au secteur, pour l’aider à acquitter son écocontribution. On aurait ainsi évité de reporter la charge sur d’autres acteurs.

En effet, la directive européenne qui nous conduit à étudier ce texte était connue depuis longtemps et nous attendions de la part de l’État plus d’anticipation pour répondre à cette problématique.

En tout état de cause, grâce au travail de notre rapporteure, Marta de Cidrac, ce texte préserve l’intégrité de la REP en réintégrant la presse en son sein. Il est financièrement neutre pour le service public de gestion des déchets et offre des garanties environnementales, en conditionnant l’octroi des primes.

Pour toutes les raisons que j’ai invoquées, le groupe Les Républicains votera cette proposition de loi, amendée par notre commission, portant fusion des filières à responsabilité élargie des producteurs d’emballages ménagers et des producteurs de papier. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Michel Laugier applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Chasseing.

M. Daniel Chasseing. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, hier, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) a publié la synthèse de huit années de recherches concernant le changement climatique et, surtout, la limitation du réchauffement de notre planète à 1,5 degré Celsius. Il est prouvé que l’activité humaine a un rôle important dans ce dérèglement.

Je rappelle que le plus grand des pollueurs reste la Chine, qui représente à elle seule 33 % des émissions mondiales de CO2 soit 12 milliards de tonnes, avec une augmentation de l’activité des centrales à charbon. La France représente moins de 1 % de ces émissions, mais nous vivons tous sur la même planète et l’on y ressent déjà les conséquences du dérèglement climatique. Les crises et les aléas climatiques s’enchaînent, ce qui fragilise notre environnement et l’ensemble de la biodiversité.

Nous subissons déjà un manque inquiétant d’eau alors que commence à peine le printemps. Certains territoires sont déjà en restriction. Cela menace notre souveraineté alimentaire et plus largement notre économie.

De même, notre production d’énergie est directement touchée. Le secteur de l’hydroélectricité et celui du nucléaire devront s’adapter – des solutions techniques existent pour cela – à une ressource en eau moins abondante.

En effet, c’est bien d’adaptation qu’il est question. Nous devons faire évoluer nos modes de vie, nos industries, et cela passe par une économie circulaire.

La gestion des déchets et la lutte contre le gaspillage sont des sujets que nous avons largement évoqués dans cet hémicycle. Nous avions d’ailleurs introduit des apports essentiels lors de l’examen de la dernière loi sur le sujet.

La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui s’inscrit dans la suite logique de la loi Agec, dans la mesure où elle vient finaliser la fusion progressive de deux filières REP, celle des emballages ménagers et celle du papier, qui avaient précisément été créées au sein de cette loi.

Lors des débats en commission, personne n’a remis en cause cette fusion, bien au contraire.

J’en profite pour saluer le travail de la rapporteure et de la commission. Le texte a été totalement réécrit afin de trouver un équilibre différent tout en gardant l’objectif principal de la fusion.

En ce qui concerne l’exonération de la presse – le point du texte qui a suscité le plus de discussions –, beaucoup étaient d’accord pour dire qu’une exclusion totale n’était pas la solution, en mentionnant le risque de fragilisation du système et de création d’un précédent qui en entraînerait inévitablement d’autres.

Mais nous connaissons les difficultés du secteur de la presse écrite, et nous devons les prendre en considération. L’importance de la presse dans un pays et dans une démocratie est capitale. L’information est la clé d’un citoyen éclairé ; celle du public sur la prévention et la gestion des déchets en fait bien sûr partie, et nous aurions souhaité le rétablissement de l’article 1er.

Mes chers collègues, nous sommes tous concernés par la gestion de nos déchets, consommateurs comme industriels, État comme collectivités territoriales. Ces dernières en sont d’ailleurs un acteur majeur, il est bon de le rappeler.

Le groupe Les Indépendants votera en faveur de la proposition de loi. (Applaudissements au banc des commissions.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Fernique.

M. Jacques Fernique. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, tout l’enjeu de ce texte est de parvenir à un équilibre délicat.

En effet, il faut trouver un équilibre entre, d’une part, le principe pollueur-payeur, qui doit assurer au service public de gestion des déchets une juste contribution financière des producteurs et des metteurs sur le marché à la prise en charge des déchets résultant de leurs produits, et, d’autre part, la nécessaire sauvegarde de la presse écrite, qui est en forte difficulté.

Le journal, puisqu’il est essentiel à la vie libre des idées, à la culture et à la vitalité démocratique, n’est ni un produit comme un autre – cela a été dit – ni un déchet comme les autres.

Cet équilibre nécessite, à la fois, de ne pas aggraver fortement les difficultés engendrées par la crise majeure de la presse, et particulièrement de la presse régionale, et de répondre aux besoins du service public de gestion des déchets, assuré par les collectivités territoriales : pour réduire, collecter, trier et recycler, les collectivités ont besoin de contributions financières, de ressources à la hauteur.

En France, l’organisation de la prévention et de la gestion des déchets repose intégralement sur le mécanisme des filières REP, qui est né dans les années 1990, comme cela a été rappelé, et qui, ayant fait ses preuves, a ensuite été généralisé en Europe par la directive sur les déchets.

Ces derniers jours, on a pu mesurer dans les rues de Paris la quantité astronomique de déchets accumulés en très peu de temps. Il est indispensable que les producteurs intègrent un coût de prévention et de gestion des déchets : ils doivent être incités à concevoir des produits moins générateurs de déchets, triables, recyclables, réemployables.

En excluant la presse de la REP, le texte dans la version de l’Assemblée nationale créait non seulement un recul environnemental, mais également un précédent risqué, qui risquait de déstabiliser les REP et d’entraîner un manque à gagner bien lourd pour les collectivités.

Cela serait la première fois qu’un gisement serait retiré de la REP, ouvrant la porte à des exemptions et à des exonérations d’autres secteurs, au détriment de l’environnement et des collectivités.

Même si la France est le seul pays de l’Union à intégrer la presse écrite dans une filière REP, accorder une exemption à ce secteur serait un signal dangereux. La France, on l’a dit, était pionnière ; elle doit le rester.

La proposition de l’Assemblée nationale en la matière n’était acceptable ni du point de vue des collectivités, qui resteraient privées d’une part des contributions financières, ni du point de vue de l’intérêt général, encadré par la loi Agec et la directive sur les déchets. Il s’agissait d’une astuce qui déresponsabilisait, en tout cas financièrement, des producteurs de déchets.

Pour autant, nul ne peut ignorer les difficultés de la presse. En dix ans, les cours du papier se sont envolés, les ventes et le lectorat se sont réduits : au total, le nombre d’exemplaires imprimés a diminué de 41 %.

Le tour de passe-passe proposé par Mme la rapporteure, est plus juste, et donc plus judicieux, puisqu’il ne se ferait pas sur le dos du service public de gestion des déchets. La presse écrite s’en sortirait sans dommage, car ses contributions financières pourraient être écomodulées, notamment par des encarts gratuits d’information et de sensibilisation citoyenne sur la prévention et la gestion des déchets.

Les primes ainsi consenties seraient compensées par une augmentation des contributions des autres metteurs sur le marché soumis à la même filière REP, par le renforcement des pénalités de pratiques polluantes ou par une augmentation de la contribution de base.

Aujourd’hui, ce sont les contribuables qui payent ces millions manquants : faire payer la filière serait tout de même, madame la secrétaire d’État, plus juste.

M. François Bonhomme. Ce n’est pas faux !

M. Jacques Fernique. La proposition est judicieuse, certes, mais des incertitudes et questionnements demeurent.

D’abord, sur la question de la fusion des deux filières emballages et papier. Cette fusion prend tout son sens avec le mécanisme proposé, les contributions financières au sein d’une filière étant basées sur un principe de solidarité globale entre les acteurs.

Néanmoins, il faut le dire, certains acteurs de la filière papier sont inquiets. Les deux types de déchets ont leurs spécificités de tri et de traitement. Il est peut-être important de maintenir des critères d’agrément distincts pour contrôler le respect des obligations.

Les filières ont aussi des poids bien différents. Certains estiment qu’avec le déclin du papier, la masse critique de rentabilité n’est plus assurée, laquelle serait garantie par la fusion. D’autres craignent que la filière papier se trouve totalement diluée dans la filière emballages, dont le poids est dix fois plus important.

Autre interrogation : celle du taux de couverture. La loi fixe le taux de couverture des coûts de gestion des déchets supportés par les collectivités à 50 % pour les papiers et à 80 % pour les emballages. À ce jour, ce taux n’est pas respecté par les éco-organismes : il est d’environ 20 % pour les papiers et de 50 % pour les emballages. L’État ne joue pas son rôle de régulateur. Là se joue notre service public de gestion des déchets.

Enfin, sur la question du soutien à la presse écrite. Les crédits octroyés dans le projet de loi de finances (PLF) sont demeurés stables : ils sont bien insuffisants dans le contexte d’explosion du prix du papier.

En définitive, le présent texte sur les papiers de presse et les emballages n’emballe pas le groupe écologiste. (Sourires.) Cette proposition de loi n’est sans doute pas parfaite, mais c’est la moins mauvaise, pour reprendre la formule de notre rapporteure.

Mon groupe partage cette appréciation : c’est la raison pour laquelle, en tenant compte des interrogations qui demeurent, il a fait le choix d’une bienveillante abstention. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST, ainsi quau banc des commissions.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Nadège Havet. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

Mme Nadège Havet. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, mercredi dernier, en commission, étaient soumis à notre examen le rapport ainsi que les neuf amendements déposés sur la proposition de loi portant fusion des filières à responsabilité élargie des producteurs d’emballages ménagers et des producteurs de papier et amplification des encarts publicitaires destinés à informer le public sur la transition écologique.

Le texte adopté par l’Assemblée nationale en première lecture prévoit le regroupement des deux filières, aujourd’hui distinctes, dans un triple but.

D’abord, apporter une simplification administrative aux collectivités territoriales chargées du service public de gestion des déchets : elles n’auraient plus à contractualiser qu’avec un seul éco-organisme.

Puis, faire suite à la loi Agec, qui est venue harmoniser les systèmes de collecte des déchets pour les deux éco-organismes sur l’ensemble du territoire.

Enfin, mutualiser les coûts, alors que le remplacement des emballages plastiques se fera par un recours accru aux papiers et cartons.

Notre groupe se prononce en faveur de cette unification des deux REP, soutenant l’opportunité de la synergie ainsi recherchée.

La proposition de loi entend par ailleurs exonérer le secteur de la presse du paiement de la contribution financière, ce dernier en étant redevable depuis le début de l’année, ce n’était pas le cas jusqu’à présent.

Pour ce faire, elle vient substituer à l’application du principe pollueur-payeur aux publications de presse – en vigueur depuis le 1er janvier 2023, donc – une obligation de mise à disposition gratuite par la presse d’encarts publicitaires visant à informer les lecteurs sur des problématiques environnementales.

Concrètement, la proposition de loi tend à exempter la presse de la filière REP des papiers graphiques, à la condition qu’une convention de partenariat soit signée avec l’État.

Cette convention devrait engager la presse à mettre à disposition gratuitement des encarts sur le tri des déchets, l’économie circulaire et la préservation de la ressource en eau et de la biodiversité, au bénéfice des collectivités territoriales – notamment des intercommunalités – et de la communication des filières REP et des associations agréées pour la protection de l’environnement.

Ce partenariat permettrait de définir, dans le même temps, des critères de performance environnementale que les publications s’engageraient à respecter.

Il s’agira de maintenir les obligations de transformation industrielle du secteur en matière de taux de recyclage et de limitation des perturbateurs du recyclage.

Ce serait dans les faits une continuation du système actuel de la contribution en nature, mais portée différemment, avec l’objectif de donner à la presse les outils pour prendre pleinement part aux défis de la transition écologique.

Pourquoi une telle prorogation ? En raison du contexte, constaté par tous, très dégradé de ce secteur crucial.

Structurellement, la presse connaît une baisse continue de son lectorat depuis de nombreuses années, avec la dématérialisation accrue des contenus.

Conjoncturellement, avec le contexte inflationniste, le coût du papier a doublé depuis un an et celui de l’énergie a également augmenté, ce qui a un impact sur le secteur, notamment en termes d’acheminement.

La loi Agec de 2020, en anticipant sur l’application du droit européen, a cependant mis un terme à ce régime spécifique en prévoyant qu’à compter de cette année l’écocontribution de la presse devait être numéraire. Nous y sommes, et c’est pourquoi une nouvelle réponse doit être proposée. La presse écrite, nationale et régionale, est un pilier de notre démocratie ; elle est aussi financièrement exsangue.

Au sein de notre commission, madame la rapporteure, vous avez défendu le nécessaire soutien et à la presse et aux collectivités territoriales, qui se trouveraient privées d’une nouvelle ressource.

Rappelons ici que, pour les raisons invoquées précédemment, il s’agit pour les collectivités non pas d’une perte de revenus, mais d’un manque à gagner. Celui-ci représente 0,25 % du coût total du service de gestion des déchets.

Vous avez par conséquent prévu, tout en maintenant la presse dans la REP nouvellement créée afin d’éviter un « précédent d’exonération », une modulation sous forme de prime du montant de la contribution financière des produits assujettis. Une condition a été posée : les produits en question doivent être ceux qui contribuent à une information d’intérêt général du public sur la prévention et la gestion des déchets, notamment avec la mise à disposition d’encarts d’information. Cette mesure bénéficierait à la presse.

Si le groupe RDPI entend l’argument qui veut que tous les acteurs participent par principe au dispositif pollueur-payeur, nous identifions trois problématiques qui lui sont liées.

Tout d’abord, cet équilibre pourrait contrevenir à la directive européenne sur les déchets de 2018, ce qui entraînerait un risque important de contentieux juridique. Si le code de l’environnement prévoit le possible recours à une modulation de l’écocontribution, celle-ci doit être effectuée « en fonction de critères de performance environnementale » liés au produit en question, sans que des actions de communication ou de sensibilisation aux consommateurs soient expressément prévues.

En cas de recours, la presse se retrouverait à devoir payer une écocontribution de façon rétroactive, sans solution de remplacement.

Ensuite, selon les critères établis, le bonus pourrait bénéficier à d’autres organismes que celui de la presse, ouvrant là aussi un précédent, mais cette fois-ci au sein même de la REP nouvellement constituée. Ce risque d’appel d’air aurait des conséquences sur le montant global des écocontributions, ce qui contreviendrait aux objectifs environnementaux.

Enfin, il incomberait aux autres opérateurs d’être solidaires du secteur, alors que certains d’entre eux sont soumis à des contraintes économiques importantes.

Au regard de ces observations, notre groupe votera majoritairement contre ce dispositif. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

Mme la présidente. La parole est à M. Joël Bigot. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Joël Bigot. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la loi Agec a refondé certains principes de l’économie circulaire, tout en renforçant la responsabilité des metteurs sur le marché dans la gestion des déchets, de la création du produit à sa fin de vie. En réaffirmant haut et fort le principe du pollueur-payeur, le Sénat s’est inscrit dans les enjeux de notre siècle, soucieux de l’impact environnemental de la production de biens.

Cependant, bon nombre de filières REP peinent encore à voir le jour en dépit de l’entrée en vigueur de celles-ci au 1er janvier 2023. Je pense par exemple à la REP bâtiment, à la REP jeux et jouets ou encore à la REP textile.

Autre dispositif imposé par la loi Agec qui nous intéresse ici : la fin du régime dérogatoire ouvert à la presse en 2015, qui lui permettait de contribuer sous la forme de prestations en nature et non par le versement d’une écocontribution.

Ainsi, en l’état du droit, depuis le 1er janvier 2023, le versement de l’écocontribution doit obligatoirement avoir un caractère financier pour la presse écrite.

C’est le point nodal de cette proposition de loi, qui vise à exempter la presse de cette écocontribution par la réintroduction d’un régime dérogatoire en raison des difficultés économiques rencontrées par ce secteur d’activité. Il s’agit de permettre à un secteur de déroger à un principe encore jeune et imparfaitement appliqué par les industriels.

Acter cette exemption crée un précédent fâcheux, qui, mécaniquement, suscitera d’autres demandes émanant de secteurs fragiles au sein d’autres REP, voire d’acteurs issus de la REP papier, comme l’industrie papetière, qui traverse une importante crise en continuant malgré tout à payer son écocontribution.

En reculant sur le principe du pollueur-payeur, c’est donc un mauvais signal que nous risquons d’envoyer au secteur économique dans son ensemble. Il est donc nécessaire de bien circonscrire cette exemption à la seule et unique presse.

Selon les experts que nous avons auditionnés préalablement, le manque à gagner est estimé entre 15 millions et 20 millions d’euros, ce qui aurait un impact financier sur les collectivités territoriales chargées de la collecte, du tri et du recyclage des papiers par le biais du bac jaune.

Défenseurs du service public des déchets, nous souhaitons profiter de ce débat pour mettre l’État devant ses responsabilités. Exempter purement et simplement la presse écrite ou tout autre acteur n’est pas une solution pérenne, car cela fragilise à court terme nos filières REP. Si le Gouvernement estime que les spécificités du secteur de la presse écrite justifient une telle exemption au principe général du pollueur-payeur, il faut qu’il prenne ses responsabilités. Il doit prendre en charge le coût de cette décision et, en aucun cas, ne doit la faire peser sur les autres contributeurs de la future REP fusionnée.

Deuxième point dur de ce texte : la fusion des deux REP papier et emballages ménagers.

Cette mutualisation des filières n’est pas demandée par les acteurs concernés. Je demeure dubitatif quant à cette simplification effectuée sans concertation, sachant que les deux cahiers des charges sont d’ores et déjà en vigueur, qu’ils sont utiles aux acteurs et qu’ils coexisteraient dans une filière unifiée.

Ainsi, nous tenterons lors du débat de préserver la distinction entre les deux flux financiers, supprimée par la rapporteure, afin de prendre en compte les spécificités de ces deux filières, ainsi que la différence importante de leurs poids financiers, allant du simple au décuple.

Nous pouvons tout de même saluer les efforts de la rapporteure Marta de Cidrac qui, lors des travaux de notre commission, a démontré sa volonté de trouver un consensus acceptable par l’ensemble des parties, même si des zones d’ombre persistent.

En effet, le dispositif retenu des écomodulations renvoie à un décret et, in fine, à la responsabilité de l’État : c’est donc au Gouvernement de décider.

Par ailleurs, la rapporteure a choisi de confier à l’éco-organisme le soin d’accorder ou non ces primes en fonction du futur cadre fixé dans le décret.

Mais mon inquiétude vis-à-vis de cette nouvelle écriture réside dans la porte laissée ouverte à l’ensemble des metteurs sur le marché de la filière REP, et pas seulement à la presse écrite. Avec cette boîte de Pandore qui reste entrouverte, le risque est d’aboutir à une multiplication des régimes d’exception pour des motifs conjoncturels.

Je préfère la solution d’une convention tripartite entre l’éco-organisme agréé, les collectivités territoriales et les entreprises concernées, afin de permettre au secteur de la presse de payer son écocontribution pour tout ou partie en nature, sous la forme d’encarts publicitaires visant à favoriser les écogestes et le recyclage.

S’il faut protéger le secteur de la presse, qui traverse bel et bien une crise difficile, assurons-nous, mes chers collègues, de bien circonscrire cette exemption pour garantir le respect du principe du pollueur-payeur qui nous rassemble et pour rester en conformité avec la loi Agec que nous avons votée à l’unanimité ici même.

Cette précision permettra de marquer notre volonté commune de ménager, à la fois, la presse écrite et le service public de gestion des déchets, auquel nous sommes tous très attachés sur ces travées.

En raison des éléments que je viens d’indiquer, notre groupe s’abstiendra sur ce texte.