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Lutte contre le risque incendie

Adoption en procédure accélérée d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable et de la commission des affaires économiques, de la proposition de loi visant à renforcer la prévention et la lutte contre l’intensification et l’extension du risque incendie, présentée par M. Jean Bacci, Mme Anne-Catherine Loisier, MM. Pascal Martin et Olivier Rietmann (proposition n° 206, texte de la commission n° 456, rapport n° 455).

La procédure accélérée a été engagée sur ce texte.

Dans la discussion générale, la parole est à M. Jean Bacci, auteur de la proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP.)

M. Jean Bacci, auteur de la proposition de loi. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je veux d’abord exprimer ma sincère émotion de présenter cette proposition de loi devant notre Haute Assemblée en tant que premier coauteur et président de la commission spéciale chargée de son examen.

Début 2022, j’ai proposé au président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable la création d’une mission de contrôle sur les feux de forêt à la suite du feu hors norme de Gonfaron, dans le Var, qui a coûté la vie à deux personnes et détruit huit mille hectares dans la plaine des Maures en août 2021.

Je dois admettre que j’étais alors loin d’imaginer le chemin que nous allions parcourir de manière que ce travail aboutisse, plus d’un an après, à l’examen par une commission spéciale d’une proposition de loi visant à renforcer la prévention et la lutte contre l’intensification et l’extension du risque incendie, qui compte depuis la semaine dernière quarante-quatre articles.

Comme vous le savez, cette proposition de loi constitue la traduction législative du rapport d’information de la mission conjointe de contrôle présenté en août dernier par Anne-Catherine Loisier, Pascal Martin, Olivier Rietmann et moi-même.

Au-delà du pourtour méditerranéen et de l’Aquitaine, où nous assistons à une intensification de l’aléa incendie, nous constatons une extension de ce risque à de nouveaux territoires jusqu’alors épargnés. Cette évolution du risque a évidemment jeté une lumière particulière sur nos travaux et les a empreints d’une gravité et d’une urgence toutes particulières.

L’examen de cette proposition de loi est l’occasion de démontrer les capacités d’anticipation et d’analyse du Sénat. Dans la suite de notre rapport d’information présenté en août 2022, nous nous étions fixé comme objectif initial de changer le droit avant la prochaine saison des feux. Il ne sera peut-être pas possible de respecter un tel délai, d’autant que – c’est un constat essentiel de notre rapport – la saison des feux commence de plus en plus tôt dans l’année. Pour preuve, depuis ce week-end, les Alpes-Maritimes sont déjà en train de brûler.

Toutefois, l’aspect constructif de nos échanges avec les administrations centrales et déconcentrées et avec les établissements publics chargés de la forêt, l’engagement tout récent de la procédure accélérée et l’élan collectif que nous sentons de la part des acteurs de terrain me laissent espérer que la proposition de loi sera adoptée au plus vite.

Pour ce qui concerne cette première lecture du texte au Sénat, je me félicite que le cadre institutionnel ait permis aux deux commissions auxquelles nous appartenons – celle de l’aménagement du territoire et du développement durable et celle des affaires économiques – de collaborer et de croiser leurs approches, qui sont complémentaires, par la constitution d’une commission spéciale.

Dans un esprit d’entente cordiale, les compétences de la commission des lois et de celle des finances ont également été mobilisées, respectivement pour les questions de sécurité civile et de fiscalité. Ce format ad hoc a sans doute contribué à la remarquable assiduité des membres de la commission spéciale, dont les interventions, constructives, ont toujours été formulées à bon escient.

Nous avons pu constater, lors des dernières auditions que nous avons menées, que les acteurs concernés – fédérations d’élus locaux, administrations des trois ministères impliqués, forces de sécurité civile, propriétaires et gestionnaires forestiers, agriculteurs et monde associatif – accueillaient le texte de manière très positive.

Du reste, la proposition de loi est largement issue des contributions de ces mêmes acteurs à l’occasion de la conduite d’un premier cycle d’auditions au printemps 2022.

Notre objectif étant d’aboutir au texte le plus robuste et le plus consensuel possible en vue de son inscription rapide à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale, les rapporteurs ont eu pour ligne directrice d’intégrer au texte, autant que faire se peut, les suggestions provenant de part et d’autre de notre hémicycle.

Ainsi, en commission spéciale, sur cent quatre-vingt-trois amendements déposés, soixante-treize ont été adoptés, dont près du tiers n’avaient pas été déposés par les rapporteurs. Les travaux de notre commission spéciale ont permis d’améliorer et d’enrichir le texte, selon une ligne directrice qui peut être définie en quatre axes.

Premièrement, il s’agit de tirer les leçons des retours d’expérience des feux, notamment après les épisodes dévastateurs qui ont embrasé la Provence en 2021 et la Gironde en juillet dernier.

Deuxièmement, nous souhaitons consacrer le rôle essentiel des sylviculteurs et des agriculteurs dans la prévention.

Troisièmement, la stratégie nationale et interministérielle de lutte contre les incendies doit être intégrée à nos politiques de gestion de l’eau et de protection de la biodiversité.

Quatrièmement, le texte vise à renforcer le caractère dissuasif des sanctions en cas d’absence de déploiement de mesures de prévention et de lutte contre l’intensification du risque incendie ou de non-respect de celles-ci.

Avant de laisser les rapporteurs présenter leurs orientations sur leurs volets respectifs, je tiens, à titre personnel, à attirer votre attention sur le fait que notre stratégie de protection de la forêt et des espaces végétalisés repose sur deux piliers indissociablement liés : la préparation de la forêt à éviter le feu et, le cas échéant, à s’en défendre plus facilement, d’une part ; l’organisation, l’adaptation et le renforcement des moyens de lutte, d’autre part.

Si ces deux vecteurs d’intervention tiennent évidemment une place singulière et suivent un ordre chronologique dans notre doctrine d’attaque des feux naissants, ils sont de même importance, bien qu’ils se distinguent par leur dimension économique respective.

En effet, il apparaît que 1 euro investi au titre de la prévention et de la protection de la forêt préserve l’équivalent de 20 euros engagés lorsqu’elle est en feu. Cette approche en termes de « valeur du sauvé » souligne l’importance cruciale de la notion de défendabilité.

Par ailleurs, j’insisterai sur trois progrès majeurs que l’adoption de cette proposition de loi permettrait pour les territoires.

Tout d’abord, ce texte vise à mieux articuler la politique de prévention des feux de forêt avec l’ensemble des autres politiques publiques. À cet égard, nous avons réaffirmé la nécessité de faire figurer la protection des forêts contre l’incendie dans les documents de gestion durable des forêts, dans la stratégie nationale des aires protégées, dans les schémas d’aménagement et de gestion des eaux et dans les documents d’urbanisme.

Les travaux de la commission spéciale ont mis en évidence le besoin de gérer cette question à l’échelle interministérielle afin de procéder à des arbitrages relevant de l’intérêt général dès lors que l’on oppose – parce que l’on ne saurait pas les conjuguer – l’intérêt de la forêt à celui de la biodiversité. Il n’est pas acceptable que les acteurs de terrain soient entravés par des injonctions contradictoires, par exemple entre le code forestier et le code de l’environnement. L’objectif du législateur doit être de leur donner un cadre et des orientations clairs.

Ensuite, nous devons poursuivre nos efforts pour assurer une application plus effective et plus complète des obligations légales de débroussaillement (OLD). Cela passe à la fois par une clarification de cette législation touffue et par la mise à disposition de leviers incitatifs et dissuasifs.

Enfin, l’obligation de réaliser des plans de protection des forêts contre les incendies doit s’appliquer dans tous les territoires classés à risque et non plus seulement dans les zones particulièrement exposées au risque incendie.

Nous devons définir une politique publique globale et cohérente qui puisse se décliner dans les territoires, en s’adaptant à leurs particularismes. Rien ne nous tient plus à cœur, en tant que sénateurs, que de voter des textes adaptés aux réalités du terrain, dont nous nous faisons sans cesse l’écho.

Ainsi modifiée, cette proposition de loi visant à renforcer la prévention et la lutte contre l’intensification et l’extension du risque incendie a été adoptée par la commission spéciale à l’unanimité et poursuit désormais son cheminement démocratique.

En vue de son examen en séance, cent trente-cinq amendements ont été déposés. C’est le signe du grand intérêt porté par le Sénat, chambre des territoires, à cette question cruciale, dont il s’était saisi avant même la saison des feux éprouvante de 2022.

Je vous remercie de votre écoute et laisse sans plus tarder la parole à nos trois rapporteurs, qui vous présenteront l’esprit de cette proposition de loi et les thématiques qu’ils ont traitées. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, et INDEP. – Mme Marie-Claude Varaillas applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP.)

M. Pascal Martin, rapporteur de la commission spéciale. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, comme l’a dit Jean Bacci il y a quelques instants, c’est avec émotion et satisfaction que nous vous présentons cet après-midi le fruit de plus d’un an de travail. Nous avons parcouru un long chemin ensemble et nous espérons que le Gouvernement et l’Assemblée nationale permettront au texte de poursuivre sa route dans les meilleurs délais, car il y a urgence.

J’aborderai, pour ma part, les articles dont j’avais la responsabilité au sein de la commission spéciale.

Je commencerai par le titre Ier portant sur la stratégie nationale et territoriale pour renforcer la prévention et la lutte contre l’intensification et l’extension du risque incendie, qui a fait l’objet d’un accueil particulièrement favorable de la part des personnes que nous avons entendues.

La commission spéciale, lors de l’examen du texte, a apporté d’utiles améliorations à ce volet, par exemple celle, introduite à l’article 1er, d’associer l’Office national des forêts (ONF) et le Centre national de la propriété forestière (CNPF) à la concertation en vue de définir la stratégie nationale et interministérielle.

L’article 3 de la proposition de loi initiale ne faisait qu’encourager l’établissement d’un plan de protection des forêts contre les incendies (PPFCI) dans les départements dont les bois et forêts sont classés à risque d’incendie. Il nous a semblé nécessaire d’y imposer l’élaboration d’un tel plan, comme c’est le cas dans les zones classées particulièrement à risque.

Nous avons également complété le titre Ier par deux articles additionnels – les articles 7 bis et 7 ter – pour intégrer la stratégie nationale et interministérielle de lutte contre les incendies dans notre politique de gestion de l’eau et de protection de la biodiversité.

Au sein du titre II visant à mieux réguler les interfaces forêt-zones urbaines, j’évoquerai les articles 12, 13 et 14 relatifs à l’intégration du risque incendie dans les politiques d’urbanisme. L’accueil ayant également été très positif sur ce volet, la commission n’a modifié qu’à la marge les dispositions prévues dans le texte initial, auxquelles la navette parlementaire pourra peut-être apporter quelques compléments.

Au titre VI visant à sensibiliser les populations au risque incendie, deux principaux apports méritent l’attention : d’une part, afin de responsabiliser les fumeurs en milieu forestier, le jet de mégots sera inclus dans les actions considérées par le code forestier comme des causes d’incendies involontaires ; d’autre part, le rôle de vigie des gardes champêtres sera valorisé pour la surveillance des infractions forestières.

Enfin, le titre VII, particulièrement bien reçu lui aussi par l’ensemble des acteurs que nous avons auditionnés, vise à équiper les acteurs de la lutte contre les incendies à la hauteur du risque. Notre fil conducteur a été le souci d’assurer la conformité de ces dispositions à la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale (LOLFSS) et aux exigences du droit de l’Union européenne, ce qui a nécessité quelques modifications du texte initial.

À l’article 33 qui exonère les véhicules des services départementaux d’incendie et de secours (Sdis) de malus écologique, nous avons souhaité étendre cette exonération à l’ensemble des véhicules opérationnels des acteurs de la défense de la forêt contre les incendies (DFCI).

Enfin, avec nos collègues girondins, particulièrement concernés par le travail engagé – je les salue et les remercie pour leur esprit de collaboration –, nous avons voulu tenir compte du retour d’expérience des feux qui ont durement frappé la Gironde l’année dernière, en donnant une assise juridique à la pratique des coupes tactiques. Cette technique a été employée l’été dernier pour la première fois depuis les terribles incendies de 1949, ce qui dénote un changement majeur de doctrine opérationnelle. Il convenait de mettre notre droit en conformité avec ce nouvel outil qui a démontré son efficacité. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, RDSE et INDEP. – Mmes Laurence Harribey, Monique de Marco et Marie-Claude Varaillas applaudissent également.)

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteure de la commission spéciale. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, face à l’aggravation rapide du risque incendie et à la vulnérabilité grandissante des forêts, une part de la réponse réside dans une gestion active et concertée de la DFCI par massif.

À cet effet, nous proposons de mobiliser les acteurs du monde forestier au sens large et d’optimiser la gestion sylvicole comme levier de prévention et de défense des forêts contre les incendies.

Une forêt non gérée est une forêt soumise à plus de risques : celui que le feu se développe avant d’être détecté, celui de ne pouvoir accéder au feu faute de dessertes aménagées et entretenues ou encore celui d’une progression rapide d’un incendie alimenté par une masse combustible.

Pour répondre à ces risques croissants, nous proposons une stratégie à deux niveaux.

Tout d’abord, nous entendons renforcer la prévention, en intégrant la prise en compte du risque incendie dans les documents-cadres de la politique forestière nationale.

Ensuite, nous comptons décliner et adapter localement cette stratégie aux réalités et aux pratiques de gestion durable et multifonctionnelle des massifs. Si elle représente des contraintes supplémentaires pour les propriétaires, les forestiers sont les premiers conscients de sa nécessité pour préserver leur forêt et sa biodiversité, ainsi que la production de matériaux.

Nous encourageons, pour atténuer le risque, la gestion forestière et la rédaction de documents de gestion durable tendant vers des pratiques sylvicoles qui favorisent la résilience des massifs grâce à une meilleure connaissance et à une surveillance accrue de ceux-ci, à l’amélioration des dessertes et au renforcement de la présence humaine et de l’expertise en forêt.

De plus, nous préconisons des démarches collectives : mobilisation des acteurs locaux et singulièrement des élus, création d’associations syndicales de gestion ou de DFCI… Par leur connaissance, leur veille attentive et leur gestion régulière des espaces naturels, ces acteurs sont déterminants dans l’efficacité de la stratégie de prévention et de lutte.

Nous appréhendons la DFCI à l’échelle du massif forestier, plus pertinente pour que les acteurs s’approprient la politique de prévention en tenant compte des réalités territoriales de nos forêts, au-delà – et parfois en deçà – des limites administratives.

Nous ouvrons aux communes un droit de préemption, au titre de la DFCI, sur les forêts non gérées comportant des risques d’incendie. Le recours à cet outil attendu par les maires sera encadré et devra être motivé par un risque avéré pour la sécurité publique.

Nos propositions se concentrent en priorité sur la forêt privée, majoritaire sur le territoire national, morcelée et peu gérée à ce jour. Ainsi, nous proposons d’étendre les plans simples de gestion et le dispositif d’encouragement fiscal à l’investissement en forêt (Defi forêt). Ces mesures d’accompagnement couvriraient près de 800 000 hectares supplémentaires.

Pour répondre à cet enjeu majeur de la gestion de la forêt privée, nous nous appuyons sur le Centre national de la propriété forestière. Cet organisme, présent sur tous nos territoires forestiers, agrée les plans simples de gestion, prodigue des conseils et organise des animations.

Les missions supplémentaires que nous lui confions appellent une complète compensation par l’État que nous n’avons pu faire figurer dans cette proposition. Pour l’obtenir, nous aurons besoin de votre soutien lors de l’examen du prochain projet de loi de finances.

L’ensemble des dispositions proposées tirent les leçons des attaques sanitaires et des feux hors norme de 2022. Elles inscrivent dans le code forestier des principes généraux de diversification des essences et d’écoconditionnalité des reboisements déjà appliqués par la plupart des gestionnaires forestiers, qui seront déclinés de manière opportune dans les documents-cadres régionaux.

Voilà, mes chers collègues, les outils que nous proposons de mobiliser au profit des acteurs locaux pour une plus grande efficacité dans la prévention et la lutte contre les incendies. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, INDEP et Les Républicains. – Mme Monique de Marco applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP.)

M. Olivier Rietmann, rapporteur de la commission spéciale. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, comme Jean Bacci, Anne-Catherine Loisier et Pascal Martin, c’est avec une grande satisfaction que je prends la parole devant vous pour vous présenter ce texte qui me tient particulièrement à cœur.

J’aborderai les articles dont j’étais chargé au sein de la commission spéciale, en commençant par les obligations légales de débroussaillement, abordées au titre II.

Si cet axe est tout à fait essentiel à la prévention des incendies, les OLD ne sont pourtant respectées qu’à hauteur de 30 %. Or elles évitent de mobiliser des moyens de lutte pour protéger les habitations et permettent donc aux pompiers de se concentrer sur la guerre contre le feu.

Surtout, les OLD sont la meilleure garantie existante pour les particuliers : les photos aériennes prises après l’incendie de Gonfaron, dans le Var, en 2021 montraient clairement que les propriétés de ceux qui avaient effectué un débroussaillement selon les normes n’avaient subi aucun dégât. (Marques dapprobation sur des travées du groupe Les Républicains.)

Sur ce volet, nous nous réjouissons des commentaires positifs qu’ont formulés les personnes que nous avons auditionnées. Le travail de la commission spéciale nous a permis d’adopter plusieurs amendements techniques et de clarification rédactionnelle.

Par ailleurs, à l’article 11, nous avons souhaité rendre le dispositif plus robuste, en punissant pénalement ceux qui fournissent des attestations aux assurances faisant état de débroussaillements qui n’ont, en réalité, pas été réalisés.

À l’article 10, nous avons, par pragmatisme et souci d’efficacité, voulu doubler le plafond des dépenses éligibles au crédit d’impôt pour dépenses de travaux de débroussaillement.

Enfin, sur proposition de nos collègues Laurence Harribey et Gisèle Jourda, nous avons introduit un nouvel article 9 bis augmentant les amendes en cas de non-respect des OLD.

Nous vous proposerons ce soir de nouvelles dispositions techniques tendant à améliorer l’application des OLD. Ces propositions sont le fruit d’un travail engagé avec les ministères depuis de nombreuses semaines : clarification des responsabilités en cas de superposition des OLD ; définition des modalités de mise en œuvre des obligations dans les campings ; intégration des OLD dans les informations fournies aux acquéreurs et locataires ; facilitation de l’application de l’amende administrative par le préfet ; obligation de nettoyage systématique des coupes de bois dans les périmètres OLD.

Le titre V consacre le rôle majeur des exploitants agricoles dans la prévention des feux de forêt. En effet, les agriculteurs ont fait preuve d’un dévouement remarqué en se mobilisant à l’été 2022, mettant à disposition leurs outils et leur force de travail dans la lutte contre les feux de forêt, en particulier en Gironde. Nous souhaitons, au travers de ce volet, les mettre à l’honneur : leur rôle, moins visible que celui d’autres acteurs, est tout aussi crucial dans la prévention.

Très peu d’amendements ont été déposés en commission sur les articles 28 et 29 visant à autoriser le préfet à prescrire des travaux agricoles nocturnes ou des coupures de combustibles. Cela traduit une prise de conscience du rôle essentiel des agriculteurs dans la prévention des feux.

À l’article 25, nous avons cherché à convaincre de la pertinence de notre dérogation à l’indemnité de défrichement dans les cas où celui-ci est réalisé dans un but de valorisation agricole ou pastorale renforçant la défense des forêts contre les incendies. En effet, cet article avait suscité des craintes et des plaintes : craintes des forestiers que des défrichements prennent prétexte de la DFCI et soient en fait abusifs ; plaintes du monde agricole, pour lequel l’indemnité de défrichement, même réduite de moitié, restait trop élevée pour être intéressante.

Aussi, nous avons encadré le dispositif par un décret et limité son champ aux seuls cas où un contrat engage l’exploitant à des coupures agricoles pérennes, ce qui permet de concilier les intérêts des mondes agricole et forestier.

Il me semble que nous sommes parvenus à rassurer, preuve que forestiers et agriculteurs peuvent travailler main dans la main pour prévenir ce risque, qui est de plus en plus intégré. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP. – Mme Monique de Marco applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de lintérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Monsieur le président, monsieur le président de la commission spéciale, madame, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, les forêts nous rendent des services précieux, qu’ils soient économiques, en fournissant du bois-matériaux et du bois-énergie, ou environnementaux, en termes de biodiversité ou de stockage de carbone.

En tant que ministre chargée des collectivités territoriales et de la ruralité, je rappelle que les forêts sont un véritable atout pour l’activité de nos territoires ruraux. Elles doivent donc être gérées et exploitées de manière durable pour continuer de fournir des services économiques et environnementaux à tous les Français.

Mais elles doivent également être défendues face aux événements extérieurs. Les incendies hors norme de l’été 2022, provoqués par un concours de sécheresse et de températures particulièrement élevées, ont constitué une preuve éclatante et douloureuse des effets du changement climatique en matière de feux de forêt.

Et ce ne sont pas les derniers incendies que nous constatons : les incendies survenus récemment dans les Alpes-Maritimes et en Corse nous laissent craindre des étés très difficiles.

Les incendies ont toujours existé dans le sud de la France et reviennent malheureusement chaque été. Une politique volontariste de défense des forêts contre l’incendie a été mise en place dans les années 1980 et a produit de très bons résultats : les surfaces incendiées ont depuis été divisées par deux, voire par trois.

Je souhaite sincèrement rendre hommage à l’engagement des structures et personnes mobilisées dans la prévention et la lutte contre les incendies de forêt. Je veux notamment remercier chaleureusement, au nom du Gouvernement, les sapeurs-pompiers, les personnels de la sécurité civile, les sapeurs-sauveteurs, les forestiers sapeurs – en somme, tous les acteurs qui s’engagent pour la sauvegarde de nos forêts – pour l’excellent travail qu’ils effectuent au quotidien.

Le climat change : les incendies de l’été 2022 laissent entrevoir une intensification du risque dans les régions historiquement concernées – le Sud-Est, le Sud-Ouest, la Corse… –, mais aussi et surtout une extension du risque dans des régions jusqu’ici préservées. Je pense notamment aux régions de l’ouest, de l’est et du centre de la France, territoires dans lesquels nous n’avions pas vu d’incendies de cette ampleur auparavant.

Notre politique de défense des forêts contre l’incendie et de lutte contre ces incendies doit donc être renforcée et actualisée au regard d’un risque amplifié et étendu sur davantage de nos territoires.

Je souhaite saluer le travail du Sénat et des trois rapporteurs qui se sont saisis rapidement de cet enjeu, en lançant au début de l’année 2022 une mission d’information sur l’intensification et l’extension du risque incendie. Le rapport d’information publié en août dernier est de grande qualité et trouve aujourd’hui un écho dans cette proposition de loi.

Cela traduit aussi l’engagement de longue date du Sénat à l’égard des enjeux forestiers, qui sont liés, naturellement, à la vie des collectivités territoriales, mais aussi, plus globalement, aux questions d’aménagement et d’avenir de nos territoires.

Votre proposition de loi montre la diversité des politiques à conduire pour assurer la défense des forêts contre l’incendie. Ma présence devant vous aujourd’hui pour représenter le Gouvernement traduit le caractère multidimensionnel de ce sujet qui mobilise les compétences de trois ministères : le ministère de l’intérieur et des outre-mer, le ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires et le ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.

Le Gouvernement partage les objectifs de votre proposition de loi. Le 28 octobre dernier, le Président de la République a annoncé plusieurs mesures visant à renforcer notre politique nationale de défense des forêts contre l’incendie.

Tout d’abord, la prévention est et demeure essentielle. Notre stratégie est d’éviter les départs de feux et d’être en mesure d’attaquer les feux naissants pour éviter leur propagation. Des moyens supplémentaires ont ainsi été accordés dès 2023 à l’Office national des forêts pour lui permettre de renforcer ses missions de surveillance et de première intervention et de les étendre dans les territoires nouvellement concernés par ce risque.

De plus, des moyens supplémentaires ont été apportés par mon collègue Marc Fesneau à l’Association régionale de défense des forêts contre l’incendie (ARDFCI) des Landes de Gascogne, massif riche d’une organisation impliquant les propriétaires forestiers. Ce renfort de moyens se poursuivra en 2024.

Mais il nous faut également agir sur l’origine des feux. Sachant que 90 % des départs de feux sont liés à une activité humaine, notre priorité est d’intervenir sur les interfaces entre forêts et habitations.

Soyons clairs, les obligations légales de débroussaillement fixées dans le code forestier doivent être mieux mises en œuvre. En effet, lorsque leur mise en œuvre est effective, les résultats parlent d’eux-mêmes.

Avec Christophe Béchu et Gérald Darmanin, nous avons engagé des actions aux niveaux national et local pour sensibiliser le public concerné et accompagner les élus locaux, mais aussi pour sanctionner les négligences volontaires : des propositions de simplification et de remobilisation des acteurs sont en cours de rédaction en vue d’une publication à l’été 2023, par voie réglementaire et à cadre législatif constant.

La proposition de loi examinée aujourd’hui permettra d’aller encore plus loin, en apportant des éléments de clarification, de simplification et de responsabilisation.

Nos moyens de lutte doivent en effet être renforcés pour limiter la propagation des feux, protéger nos concitoyens et sécuriser nos infrastructures. Nous allons largement évoquer la prévention, qui est essentielle, mais pas suffisante. Malgré tout ce que l’on peut faire, le feu arrivera ; c’est pour cela que la lutte contre les incendies doit être organisée au mieux : ainsi, le Président de la République a décidé de renforcer dès cette année les moyens terrestres et aériens.

Enfin, nous sommes loin de tout savoir sur l’évolution de ce risque. Nous avons missionné les inspections générales pour actualiser la cartographie du risque incendie et définir les organisations cibles afin d’y faire face dans les années à venir. Les conclusions de cette mission seront connues d’ici à cet été ; cela nous permettra de nous préparer pour l’année prochaine et les années suivantes.

Cette proposition de loi est un signal fort envoyé aux propriétaires forestiers, aux riverains des forêts, aux associations de protection de l’environnement, aux élus locaux et à tous ceux qui agissent avec engagement au quotidien dans la prévention et la lutte contre les incendies de forêt. Il s’agit de leur montrer que nous sommes capables, ensemble, d’avancer pour nous adapter au changement climatique.

Mesdames, messieurs les sénateurs, la proposition de loi dont vous allez débattre présente des aspects très intéressants. Plusieurs mesures traitent de la défense des forêts contre les incendies.

Vous proposez d’abord l’inscription dans la loi d’une stratégie nationale et interministérielle de défense des forêts contre l’incendie, qui permettra de mobiliser pleinement l’ensemble des acteurs, publics et privés, concernés.

Vous proposez ensuite de faire évoluer la liste des territoires réputés comme particulièrement exposés aux risques d’incendie, ce qui constitue un moyen d’être réactif face aux évolutions du changement climatique. Le texte prévoit aussi d’améliorer l’articulation des mesures de DFCI avec d’autres politiques publiques, comme l’urbanisme et la protection des sites classés. Ainsi, nous serons collectivement plus à même de répondre au devoir de lisibilité pour les administrés.

Par ailleurs, vous proposez d’agir sur l’un des instruments de la DFCI, à savoir les OLD, par des dispositions qui peuvent être simples et efficaces. À titre d’exemple, je salue la proposition d’information de l’acheteur d’un bien quant à ces obligations.

Je me félicite également de la reprise dans la proposition de loi de deux évolutions issues de réflexions tenues par le passé dans le cadre des Assises de la forêt et du bois, à savoir l’abaissement à vingt hectares de l’obligation de disposer d’un plan simple de gestion et la systématisation de la télédéclaration.

En revanche, je souhaite préciser que le Gouvernement veut s’en tenir à une proposition de loi traitant strictement de la prévention et de la lutte contre les incendies, et qu’il ne veut pas d’une une loi relative à la gestion forestière.

L’attente de nos concitoyens porte en effet sur les incendies : c’est pourquoi nous souhaitons en rester principalement aux deux propositions, que nous trouvons équilibrées et qui sont issues du travail des rapporteurs et du passage du texte en commission.

En conclusion, je souhaite saluer de nouveau la qualité du travail des auteurs de la proposition de loi et de la commission spéciale, et vous dire ma confiance sur le fait que nous pouvons enrichir ensemble ce texte afin d’assurer la cohérence et l’efficacité des mesures proposées, dont nous partageons les objectifs. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP, ainsi quau banc des commissions. – Mme Annick Jacquemet applaudit également.)