M. le président. La parole est à M. Dominique Théophile, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants. (MM. Claude Kern et Jean-Marie Mizzon applaudissent.)

M. Dominique Théophile. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous arrivons au terme de l’examen d’un projet de loi central dans la préparation des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024.

L’ambition de ce texte est simple, mais elle est de taille : faire de ces Jeux un succès populaire en relevant le défi de leur organisation et en assurant la sécurité – y compris sanitaire – des athlètes, des bénévoles et des spectateurs venus du monde entier.

Le texte issu des travaux de la commission mixte paritaire, qui s’est réunie le 4 avril dernier, est un texte d’équilibre qui a su préserver les principaux apports de nos deux assemblées.

Permettez-moi tout d’abord de saluer l’esprit qui a guidé nos travaux, malgré les inquiétudes et incompréhensions que ce projet de loi a pu susciter – parfois à raison –, voire les caricatures dont il a fait l’objet.

L’article 7 de ce projet de loi, qui prévoit l’expérimentation de la vidéosurveillance augmentée par l’intelligence artificielle, en est certainement l’exemple le plus frappant.

Le dispositif que nous nous apprêtons à voter est, me semble-t-il, de nature à rassurer celles et ceux qui, comme nous, sont profondément attachés au respect des droits fondamentaux et des libertés publiques. Il revêt un caractère expérimental qui comprend de nombreux garde-fous, et ce dès la phase de conception des traitements. Comme nous nous y étions engagés, il n’ouvre pas la voie à la reconnaissance faciale.

Nous nous réjouissons que la commission mixte paritaire ait préservé les apports du Sénat, plus particulièrement les garanties entourant la phase de développement des traitements algorithmiques.

Il faut saluer à cet égard l’initiative introduite à l’Assemblée nationale de faire intervenir l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (Anssi), autorité nationale de cybersécurité, durant la phase de développement.

Nous notons par ailleurs avec satisfaction que le texte prévoit un meilleur encadrement des données d’apprentissage, qui ne pourront être utilisées que pendant une durée maximale de douze mois à compter de l’enregistrement des images.

En ce qui concerne la sécurité des manifestations sportives, le groupe RDPI accueille favorablement la suppression de la disposition tendant à délictualiser les infractions prévues à l’article 12 lorsque les faits n’ont pas été commis en réunion ou en récidive.

Cette disposition, introduite par le Sénat, était à nos yeux disproportionnée. Il apparaît plus raisonnable de sanctionner les primo-délinquants isolés par une amende contraventionnelle de cinquième classe, soit d’un montant de 1 500 euros.

Je tiens à remercier nos collègues députés d’avoir introduit des dispositions nouvelles, qui contribueront à la bonne organisation des jeux Olympiques et Paralympiques.

Je pense notamment à la possibilité donnée aux vétérinaires d’exercer la médecine et la chirurgie dans le cadre de la préparation et du déroulement des épreuves équestres. Je pense également à la clarification du régime applicable aux contrôles antidopage de nuit.

La facilitation de l’embauche des étudiants étrangers comme agents de sécurité privée va dans le bon sens, de même que l’encadrement du régime des interdictions administratives de stade.

Permettez-moi, en outre, de me réjouir que les dispositions relatives aux outre-mer soient inscrites en dur dans le texte.

Parmi les rares points de désaccord entre nos deux chambres figuraient les dispositions relatives à l’application des règles antidopage en Polynésie française.

À cet égard, le groupe RDPI se félicite du rétablissement de la disposition prévoyant l’homologation des peines de prison prévues par les deux lois du pays du 26 novembre 2015. La suppression de cette disposition aurait en effet créé un vide juridique incompatible avec l’objectif visé, à savoir le renforcement de l’efficacité de la lutte contre le dopage en vue des épreuves olympiques de surf.

Le groupe RDPI votera donc avec enthousiasme en faveur de ce texte, qui contribuera à faire des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 un succès sportif et une grande réussite française. Nous vous proposons en conséquence d’emboîter le pas à l’Assemblée nationale qui a adopté, hier, ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Jérôme Durain, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Jérôme Durain. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous sommes à 471 jours du début des jeux Olympiques et c’est la fin de la préparation législative de cette échéance. Le projet de loi de mars 2018 avait été adopté à l’unanimité, témoignant ainsi de la bonne volonté de l’ensemble de ceux qui siègent sur ces travées dans l’optique de la réussite de Paris 2024.

Ce projet de loi aura été moins consensuel, tant dans cet hémicycle qu’à l’Assemblée nationale. Avec mes collègues du groupe socialiste – je pense notamment à Jean-Jacques Lozach, Corinne Féret ou Sylvie Robert –, nous avons fait de notre mieux pour apporter notre pierre à l’édifice.

En effet, nous souhaitons tous ardemment la réussite de ces Jeux, parce qu’ils seront la vitrine de notre pays et celles de collectivités fières d’être des puissances accueillantes, comme Paris et Saint-Denis, et parce qu’ils représentent pour la jeunesse française une chance rare d’accueillir le monde.

Bon nombre de mesures très utiles sont présentes dans les vingt-quatre articles de ce projet de loi. Ainsi, les adaptations nécessaires en matière d’offre de soins et de formation aux premiers secours sont compréhensibles. On perçoit bien la nécessité d’avoir un centre de santé au sein du village olympique, tout comme la possibilité de former davantage de monde aux premiers secours.

En première lecture, nous nous étions félicités du contenu de ce texte concernant la lutte contre le dopage. Nous avions accepté plusieurs mesures relatives à la mise en conformité du régime de la vidéoprotection avec le droit européen sur la protection des données. Mais le fameux article 7, relatif à la vidéosurveillance algorithmique, et la tonalité générale du texte, très sécuritaire, nous avaient refroidis.

Les débats en commission mixte paritaire ont été francs et je tiens à saluer le travail de notre collègue rapporteur Mme Canayer.

La commission mixte paritaire a permis plusieurs avancées notables : suppression de l’article 8 bis, qui tendait à ouvrir un peu trop grandes les portes du centre de commandement opérationnel de la préfecture de police ; suppression de l’article 12 bis, qui prévoyait l’aggravation des sanctions pénales applicables aux auteurs de violences commises dans une enceinte lors du déroulement ou de la retransmission en public d’une manifestation sportive ; enfin, limitation au 31 mars 2025 de l’expérimentation des caméras augmentées – c’est moins bien que la proposition de l’Assemblée nationale, mais mieux que celle du Sénat, de sorte que cela reste un progrès.

Nous regrettons cependant la suppression de l’article 1er bis relatif à la campagne des violences sexistes et sexuelles sur les sites du village des athlètes et du village des médias. Nous ne voyons pas en quoi cet article posait problème. Il aurait été avantageux de le maintenir.

Nous regrettons aussi l’augmentation à douze mois de la durée de conservation des images comme données d’entraînement des algorithmes. Il ne nous semblait pas illogique de s’aligner sur le droit commun sur ce point. Si le Conseil constitutionnel valide ce dispositif, ce qui reste à vérifier, j’espère que les organisateurs de la Coupe du monde de rugby préviendront les spectateurs que leurs images serviront à entraîner les algorithmes pour les jeux Olympiques.

La suppression de la référence au 19.6 de SecNumCloud a été justifiée par le fait qu’aucune entreprise française ne détenait ce label. Toutefois, la partie de l’article 7 issue de cet amendement ne concernait que la protection vis-à-vis du droit extraterritorial.

J’aimerais revenir sur les sujets qui n’ont pas pu être abordés par voie d’amendement, mais qui occupent et occuperont le débat public : la privatisation du réseau de bus, la taxe de séjour dans les hôtels de luxe des villes hôtes, le travail le dimanche dans les communes concernées par les Jeux ou l’affectation de renforts humains pour assurer la sécurité des jeux Olympiques, qui a déjà été évoquée par plusieurs de nos collègues – Jean-Pierre Sueur, auteur d’une proposition de résolution sur l’article 45 de la Constitution, ne me contredira pas.

Nous étions entrés dans la discussion parlementaire de manière constructive, en souhaitant, j’y insiste, la réussite des Jeux. Le texte déposé par le Gouvernement n’était pas parfait, la discussion en commission et dans l’hémicycle n’a pas levé tous nos doutes. Des inquiétudes légitimes autour de l’article 7 ont beaucoup crispé. Il est d’ailleurs curieux de constater que l’intelligence artificielle, dont nous avons débattu voilà quelques instants dans cet hémicycle, après avoir été accusée de nombreux maux et alors qu’elle est porteuse de tant d’inquiétudes, devienne anodine quand elle est appliquée à la vidéosurveillance.

Notre vote d’abstention s’explique par cet article 7. Même si les Jeux doivent être une réussite et que ce texte y contribue, le pas franchi à la faveur de la mise en œuvre de cette vidéosurveillance intelligente est inopportun, voire dangereux. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole ?…

Conformément à l’article 42, alinéa 12, du règlement, je vais mettre aux voix, dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, l’ensemble du projet de loi relatif aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 et portant diverses autres dispositions.

J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 273 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 279
Pour l’adoption 252
Contre 27

Le Sénat a adopté définitivement.

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt heures, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Vincent Delahaye.)

PRÉSIDENCE DE M. Vincent Delahaye

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : projet de loi relatif aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 et portant diverses autres dispositions
 

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Mise au point au sujet d’un vote

M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre Richer, pour une mise au point au sujet d’un vote.

Mme Marie-Pierre Richer. Monsieur le président, lors du scrutin public n° 270, ma collègue Elsa Schalck souhaitait s’abstenir.

M. le président. Acte est donné de votre mise au point. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.

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Pollution lumineuse

Débat organisé à la demande de l’office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques

M. le président. L’ordre du jour appelle le débat, organisé à la demande de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst), sur la pollution lumineuse.

Dans le débat, la parole est tout d’abord à Mme Annick Jacquemet, au nom de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques.

Mme Annick Jacquemet, au nom de loffice parlementaire dévaluation des choix scientifiques et technologiques. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mesdames, messieurs les sénateurs, le 26 janvier dernier, l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques a adopté la note scientifique sur la pollution lumineuse dont il m’avait chargée et a souhaité que ce sujet fasse l’objet d’un débat public.

En effet, la pollution lumineuse est un phénomène massif, en pleine extension à l’échelle mondiale et qui contribue, au même titre que d’autres pressions anthropiques, au déclin de la biodiversité. En outre, la pollution lumineuse soulève de réelles préoccupations en matière de santé publique. Je vous renvoie à la note qui en détaille les caractéristiques ainsi que les effets.

Face à ce constat, seule une mobilisation collective, à la fois des pouvoirs publics – État et collectivités territoriales – et des acteurs privés, permettra de lutter contre le phénomène.

La France a développé une réglementation particulièrement ambitieuse pour limiter les nuisances lumineuses.

La temporalité de très nombreux éclairages est encadrée et restreinte, qu’il s’agisse des éclairages intérieurs de locaux à usage professionnel, des parcs et des jardins, des chantiers extérieurs, des parkings desservant une activité économique, des lumières éclairant le patrimoine, des éclairages de vitrines de magasin ou encore des publicités et enseignes lumineuses.

Par ailleurs, la réglementation fixe des prescriptions techniques qui visent à ne pas éclairer le ciel, à limiter l’éblouissement latéral et à réduire les températures de couleur.

Toutefois, plusieurs obstacles affaiblissent l’efficacité de ces mesures. D’abord, l’application de la législation reste limitée tant que tous les arrêtés ne sont pas pris. Ainsi, celui qui fixe les seuils maximaux de luminance des enseignes et des publicités lumineuses n’a toujours pas été publié, dans l’attente d’un arbitrage ministériel.

Je souhaiterais donc savoir, madame la secrétaire d’État, quand celui-ci sera publié et quelle version sera retenue puisque, selon mes informations, deux versions aux ambitions différentes vous ont été proposées.

J’ai également constaté que la réglementation actuelle restait incomplète. Ainsi, les événements extérieurs et les équipements sportifs font partie du champ d’application de l’arrêté du 27 décembre 2018, mais ils ne font l’objet d’aucune prescription de temporalité ou prescription technique.

Autre trou dans la raquette, les exigences en matière de lumière émise vers le ciel ne concernent que l’éclairage de la voirie et des parcs de stationnement, alors même que l’éclairage privé représente souvent une part importante des lumières émises.

À cet égard, un réel travail d’information des consommateurs est à mener. Les fabricants d’ampoules et de luminaires, mais également les enseignes de bricolage devraient s’assurer de l’innocuité des sources lumineuses qu’ils vendent et conseiller les consommateurs en encourageant une plus grande sobriété lumineuse, qui ne se limite pas à la sobriété énergétique.

En effet, si les light-emitting diodes (LED) ont un rendement lumineux très important et permettent de réaliser des économies d’énergie, leur faible consommation peut devenir un argument pour multiplier les points lumineux, alors que leur efficacité énergétique est inversement proportionnelle à leur impact sur la biodiversité en raison de leur forte proportion de bleu.

Par ailleurs, si des sanctions sont prévues en cas de non-respect de la réglementation visant à lutter contre la pollution lumineuse, dans les faits, elles ne sont jamais appliquées. Une étude récente de la direction interministérielle de la transformation publique a cherché à comprendre pourquoi la réglementation sur l’extinction nocturne des commerces était peu appliquée alors même qu’elle date de 2013. Cette étude fait les constats suivants : d’abord, les maires connaissent mal la réglementation ; ensuite, le contrôle de l’extinction nocturne est fastidieux, puisqu’il exige la mobilisation des services municipaux entre une heure et sept heures du matin.

Il s’agirait donc de sensibiliser les mairies sur la réglementation et sur leur rôle au travers d’un support d’information simple et facilement accessible, de fournir aux collectivités des outils pour communiquer avec les commerçants, tels que des guides pratiques et des courriers types, et de mettre en avant les bénéfices réputationnels qu’il y a à agir, dans la mesure où les Français sont très majoritairement favorables à l’extinction nocturne des commerces. En un mot, il faut simplifier la tâche des maires qui croulent déjà sous les obligations.

En ce qui concerne l’action à mener auprès des commerçants, il convient de leur rappeler la réglementation et les sanctions en cas de non-respect de celle-ci et de les sensibiliser à l’occasion de moments clés comme la création de nouveaux magasins ou encore lors de demandes d’aides.

Par ailleurs, il me paraît indispensable d’associer les fédérations de commerçants pour diffuser l’information sur la réglementation.

Le syndicat de l’éclairage doit également se mobiliser pour rappeler les règles d’extinction aux professionnels de l’éclairage et pour les inciter à mettre en place des solutions faciles permettant de gérer l’extinction non seulement des vitrines, mais également de tous les points lumineux dans les magasins, qu’il s’agisse des présentoirs ou encore des enseignes lumineuses à l’intérieur des vitrines, dont le développement est malheureusement en pleine explosion.

À l’échelon local, de nombreuses collectivités ne disposent pas toujours des outils juridiques nécessaires pour garantir la pérennité de leur action dans la lutte contre la pollution lumineuse. Je voudrais citer deux exemples.

Premièrement, un nombre croissant de communes éteignent l’éclairage des voiries au cours de la nuit. Pourtant, la responsabilité du maire peut être engagée en cas d’accident. Madame la secrétaire d’État, que proposez-vous pour protéger les maires ?

Deuxièmement, de nombreuses communes mettent en place des trames noires qui, à l’image des trames vertes et bleues, visent à recréer une continuité nocturne pour préserver la faune et la flore qui ont besoin de la nuit. Pourtant, les responsables municipaux ont pour la plupart estimé que le cadre réglementaire de ces trames noires restait précaire faute de leur mention dans le code de l’environnement. Madame la secrétaire d’État, partagez-vous cette analyse ? Comment rendre opposables les trames noires dans les documents d’urbanisme ?

Si la rénovation des éclairages publics a pour effet de supprimer des installations particulièrement énergivores, elle ne permettra de lutter efficacement contre la pollution lumineuse que si elle s’accompagne d’une réflexion préalable, menée avec les usagers, sur la finalité des éclairages et sur leur réelle utilité au regard des besoins avérés des habitants. Il s’agit donc de changer de paradigme en passant d’un éclairage systématique à une adaptation fine selon le contexte.

La pollution lumineuse a également des effets délétères sur la santé humaine qu’il convient de combattre. En effet, certaines sources lumineuses sont phototoxiques dans la mesure où elles échappent à la réglementation, qui impose que seules les lampes classées dans les groupes de risque photobiologique égal à 0 ou à 1, c’est-à-dire sans risque ou à risque faible, sont autorisées. Il s’agit notamment des lampes torches et des phares de voiture.

Par ailleurs, les valeurs limites d’exposition définies à l’échelle internationale datent de 2013 et ne prennent pas en compte la sensibilité particulière des enfants et des jeunes adultes. Le quatrième plan national santé environnement (PNSE) prévoit l’interdiction par la France des LED classées dans le groupe de risque supérieur à un, dans les articles à destination des enfants et dans les lampes frontales. Il précise également que la France portera au niveau européen une demande d’interdiction des phares automobiles à LED classées dans ce même groupe. Madame la secrétaire d’État, où en sont ces initiatives ?

Enfin, je voudrais insister sur les dangers de dérégulation du cycle circadien liés à l’exposition à la lumière artificielle bleue dégagée par les éclairages et les écrans en soirée et la nuit et sur la nécessité de mener régulièrement des campagnes de sensibilisation auprès de toute la population, en particulier des enfants et des adolescents. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains, INDEP, SER et GEST.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Bérangère Couillard, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée de lécologie. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, 50 % ! C’est le taux d’augmentation des points lumineux en France depuis trente ans !

Or, comme les études le prouvent, nous savons que la pollution lumineuse à un effet négatif sur la biodiversité. Elle est aussi devenue un enjeu de santé publique, de sobriété énergétique et même de paysage nocturne, de plus en plus de nos concitoyens étant privés de la vue d’un ciel étoilé.

Je vous remercie donc, madame la rapporteure, ainsi que les membres de l’Opecst, à la fois pour votre travail étayé sur ce sujet stratégique et pour nous permettre de tenir ce débat.

Ce rapport s’inscrit dans la suite directe du travail réalisé en 2021 sur le déclin des insectes, problématique centrale de la protection de la biodiversité. Mais les enjeux dépassent de loin la simple question des insectes : environ un tiers des vertébrés et deux tiers des invertébrés sont nocturnes et dépendent directement de la nuit.

Pour les espèces diurnes, comme l’être humain, celle-ci est synonyme de repos et est essentielle à une bonne santé. Quant aux espèces nocturnes, les nuisances lumineuses font peser une menace directe sur leur activité.

Le développement urbain de ces dernières décennies a entraîné un recours quasi systématique à l’éclairage artificiel, à l’origine d’une pollution lumineuse inédite.

La lumière artificielle nuit à la physiologie et au métabolisme des espèces, ce qui perturbe leur bon développement. Cette pollution a aussi des effets encore plus directs et observables sur certaines espèces, à savoir la fragmentation de leur habitat.

Par exemple, une route éclairée peut constituer une barrière infranchissable pour des amphibiens en migration. À l’inverse, les papillons de nuit seront attirés par l’éclairage et tourneront indéfiniment autour de sa source jusqu’à épuisement. Sans parler des nombreuses espèces, notamment d’oiseaux et d’insectes, qui se servent du ciel étoilé pour se repérer et se déplacer.

On comprend donc aisément l’ampleur de cette pollution : elle emporte trop de conséquences négatives sur la biodiversité et elle est source de trop de gaspillage et d’énergie et d’argent.

Certes, l’éclairage de l’espace public est nécessaire pour se déplacer et pour certaines activités économiques. Cependant, compte tenu des développements technologiques et des attentes citoyennes en la matière, nous devons pouvoir concilier préservation de la biodiversité et aménagement de notre cadre de vie.

Il convient de faire de ce sujet une priorité et de l’intégrer dans la manière dont nous pensons la ville. L’objectif n’est pas de décroître, mais d’éviter tout surplus inutile.

Certains élus locaux précurseurs ont déjà évolué sur ce sujet. C’était avant tout par souci d’économie budgétaire que les communes en sont venues à réduire les éclairages. Désormais, nos concitoyens soutiennent cette stratégie pour d’autres raisons, notamment environnementales.

Votre rapport formule de nombreuses propositions, que j’ai étudiées avec beaucoup d’intérêt. Je souhaite que nous avancions ensemble sur ce sujet et j’ai moi-même des propositions à vous faire.

Concernant la publicité lumineuse, la réglementation existe. Nous avons déjà commencé à agir : ainsi, en octobre dernier, nous avons renforcé le cadre réglementaire en introduisant une obligation d’extinction nocturne sur tout le territoire, alors que seules les plus grandes agglomérations étaient jusqu’alors concernées.

Certes, la question de l’application de cette mesure, dont je vous confirme qu’elle est insuffisante, demeure.

Pourquoi ? Parce que le système de sanction nécessite de passer par un juge, ce qui le rend inopérant et ne pousse pas les maires à effectuer ces contrôles. Je vous propose donc que nous les facilitions en rendant possible la forfaitisation d’une amende.

Pour ce qui relève non pas de la publicité, mais de l’éclairage intérieur et extérieur non résidentiel, la réglementation mérite aussi d’être renforcée. Actuellement, l’éclairage des bâtiments non résidentiels doit être éteint d’une heure à sept heures du matin. Je souhaite aller plus loin et fixer l’extinction, par exemple, une heure après la fin de l’activité et jusqu’à une heure avant sa reprise.

Enfin, concernant les espaces naturels protégés, j’ai demandé à l’Office français de la biodiversité (OFB) de cibler les contrôles dans les espaces les plus sensibles. Nous pouvons aller plus loin dans la création de trames noires. Aujourd’hui, 15 % seulement de notre territoire sont indemnes de toute pollution lumineuse. Nous devons faire mieux, notamment en généralisant les trames noires dans les espaces protégés. Ce point sera intégré dans la stratégie nationale biodiversité 2030 qui sera annoncée prochainement.

Les opérateurs de transport ont également leur rôle à jouer. À cet égard, je tiens à souligner la signature d’une charte, le 27 mars dernier, qui conduit à mieux réguler la publicité lumineuse dans les gares, les stations et les aéroports, dans le cadre des plans de sobriété des secteurs concernés, portés par Agnès Pannier-Runacher et Clément Beaune. Avec cette charte, les opérateurs s’engagent à éteindre 100 % de leurs panneaux lumineux dès la fermeture des gares, des aéroports et des métros d’ici au 1er janvier 2024.

Ils s’engagent également à établir une stratégie de sobriété de la gestion de leur parc de panneaux lumineux. La RATP s’est engagée à réduire de 35 % sa consommation électrique d’ici à 2026, la SNCF de 45 % d’ici à 2031 et Aéroports de Paris de 50 % d’ici à 2030. Voilà qui est concret, réaliste et efficace !

Je suis maintenant prête à échanger avec vous, pour que nous imaginions ensemble de nouvelles mesures susceptibles de faire évoluer notre société vers plus de sobriété lumineuse, autant pour réduire notre consommation électrique que pour mieux protéger une biodiversité de plus en plus menacée.

Cela nécessitera, une nouvelle fois, un travail collectif avec vous, parlementaires, ainsi qu’avec les collectivités locales et tous les acteurs économiques concernés, car la protection du vivant est une mission qui nous concerne tous, chacun à notre niveau.

Débat interactif

M. le président. Nous allons maintenant procéder au débat interactif.

Je rappelle que chaque orateur dispose de deux minutes au maximum pour présenter sa question et son éventuelle réplique.

Le Gouvernement dispose pour répondre d’une durée équivalente. Il aura la faculté, s’il le juge nécessaire, de répondre à la réplique pendant une minute supplémentaire. L’auteur de la question disposera alors à son tour du droit de répondre pendant une minute.

Dans le débat interactif, la parole est à Mme Annick Billon.