M. Gabriel Attal, ministre délégué. C’est votre faute, tout cela.

M. Pascal Savoldelli. La hausse des prix, à commencer par ceux de l’énergie, est une violence faite à la dignité. D’autres sujets, tels que l’éducation, la sécurité, le logement, l’emploi, les transports, sont également les premiers tributaires de ce que vous n’osez nommer une « cure d’austérité ».

Vous avez la politique économique hasardeuse et catastrophique, car vous n’en menez pas, si ce n’est au prix de déficits injustifiés et d’une dette publique qui se creuse. Est-ce aux contribuables modestes de payer les 32 milliards d’euros du bouclier tarifaire ? N’y avait-il pas d’autres recettes que les seules rentes inframarginales ? Vous ne protégez pas les Français, comme vous ne protégez pas les finances publiques ! Vous leur demandez de payer plus tard une inflation que vous refusez de combattre !

Votre gouvernement affirme qu’« un ralentissement de l’inflation alimentaire et des produits manufacturés s’observerait ensuite au second semestre sous l’effet des baisses passées des prix des matières premières agricoles comme industrielles ». Monsieur le ministre, je suis au regret de vous rappeler une constante de l’économie qui n’a pu vous échapper : les prix ne baissent jamais, ils augmentent simplement moins vite, chaque pourcentage d’augmentation étant irrémédiable. Une fois ce mensonge mis au jour, comment pourrions-nous alors vous faire confiance ?

Nous n’avons eu de cesse de vous alerter, en vain, de la baisse des recettes de la Nation. Et voilà qu’un porte-parole de vos amis les marchés financiers s’inquiète à son tour de votre politique du « moins d’impôts ». Excusez-moi, monsieur le ministre, mais vous ne pourrez pas dire que nous ne vous aurons pas prévenu.

Je confirme que votre réforme des retraites n’a pas même rassuré les marchés financiers. Contrairement à Emmanuel Macron qui invoquait, dans la panique, « les risques financiers et économiques trop grands » pour justifier le recours à cette arme lourde antiparlementaire qu’est l’article 44, alinéa 3, de la Constitution au Sénat, les marchés sont inquiets : inquiets d’abord, parce qu’ils ont bien compris qu’il n’y aurait pas 17,7 milliards d’euros d’économies d’ici à 2030, mais qu’il y aurait bien moins que ces 0,6 % de PIB, peut-être 8 milliards d’euros ; inquiets surtout au regard de « l’agitation sociale », qui, je vous l’affirme, ne s’arrêtera que lorsque vous cesserez de mettre en sourdine les millions de Françaises et Français qui se mobilisent depuis maintenant plus de treize semaines dans notre pays.

L’agence de notation Fitch estime notamment que « les pressions sociales et politiques illustrées par les manifestations contre la réforme des retraites compliqueront l’assainissement budgétaire ». Monsieur le ministre, plus personne ne vous fait crédit quand vous affirmez pouvoir « faire passer des réformes structurantes pour le pays ». Plus personne ne vous fait crédit quand vous donnez des chiffres sur les effets macroéconomiques de la réforme des retraites. Il est vrai que les marchés financiers sont ingrats avec vous : ils vous sanctionnent alors que vous les servez !

Je vous le dis très sincèrement : il va falloir trouver un cap, qui n’est pas celui de l’austérité, et une boussole. Cela passe par la reconnaissance de la légitimité sociale et parlementaire. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Delcros. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. le rapporteur général de la commission des finances applaudit également.)

M. Bernard Delcros. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans son programme de stabilité, le Gouvernement affiche un objectif de réduction du déficit public ramené à 2,7 % du PIB d’ici quatre ans et un ratio d’endettement public à 108,3 %.

Monsieur le ministre, sans ambiguïté, le groupe Union Centriste partage votre objectif de réduction du déficit et de diminution de notre dette.

Avec moins de 40 milliards d’euros en 2021, plus de 50 milliards d’euros en 2022 et 70 milliards d’euros à horizon de 2027, la facture annuelle de remboursement de notre dette s’envole et nous en connaissons les raisons. Dans ce contexte, la poursuite de la dégradation de nos comptes publics ne peut pas être une option.

Pour nous, la trajectoire, le calendrier et les solutions pour redresser nos comptes publics doivent prendre en compte plusieurs impératifs.

Premier impératif, aujourd’hui, 20 % des dépenses de l’État sont gagées par une loi de programmation qui prévoit la montée en puissance des crédits budgétaires de plusieurs ministères.

Deuxième impératif, le redressement des comptes publics ne peut en aucun cas se faire au détriment des services publics essentiels, dont l’État doit garantir tant la qualité que l’égal accès pour tous nos concitoyens. Je pense notamment à la santé, à l’éducation ou encore à la justice qui appellent d’importants moyens.

Troisième impératif, le redressement des comptes publics ne peut se faire au détriment des investissements qui sont absolument nécessaires pour réussir le pari de la transition écologique et technologique comme celui de la souveraineté de la France et de l’Europe dans les secteurs stratégiques.

Quatrième impératif, la trajectoire budgétaire doit aussi intégrer les besoins des collectivités territoriales dont l’action est fondamentale pour garantir les équilibres socioéconomiques du pays.

Permettez-moi d’ajouter qu’il ne peut pas se faire, non plus, au détriment de l’avenir du monde rural, qui nécessite la mise en œuvre d’une politique d’aménagement du territoire volontariste.

Il s’agit donc bien de réussir à concilier l’objectif de redressement des comptes avec ces impératifs de dépenses.

Le groupe Union Centriste considère que cette équation ne peut pas reposer uniquement sur la réduction de la dépense publique. Le levier des recettes doit aussi être actionné. (Applaudissements sur des travées des groupes SER et GEST.)

M. Claude Raynal, président de la commission des finances. Très bien !

M. Bernard Delcros. C’est d’ailleurs pour cela que nous avions proposé une contribution exceptionnelle des très grandes entreprises ayant réalisé des profits exceptionnels, pour financer les mesures liées à la crise.

C’est aussi pour cela que nous approuvons sans réserve votre « plan de lutte contre toutes les fraudes », qui, bien mené, pourrait dégager plusieurs milliards d’euros de recettes supplémentaires !

De même, un travail de fond en direction des niches fiscales doit être engagé rapidement. Celles-ci représentent aujourd’hui près de 90 milliards d’euros, plus du quart des recettes de l’État. Le groupe Union Centriste formulera des propositions en ce sens.

D’autres pistes de recettes supplémentaires pourraient également être envisagées.

Monsieur le ministre, vous l’aurez compris, nous considérons qu’une coupe systématique de 5 % dans les budgets de tous les ministères de manière uniforme ne peut pas être la solution. Cela ne permettrait pas de répondre aux besoins du pays.

Aussi devons-nous trouver un équilibre entre maîtrise des dépenses publiques – c’est nécessaire –, optimisation des rentrées fiscales – il le faut – et politique de l’État au rendez-vous des enjeux et des besoins du pays.

Tel est pour le groupe Union Centriste le défi que doivent relever les textes financiers à venir. Il y apportera sa contribution. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à M. Christian Bilhac. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. Christian Bilhac. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à mon tour de participer à cette causerie. (Sourires.)

Depuis la semaine dernière, le Gouvernement a déjà rendu public le nouveau programme de stabilité pour la période 2023-2027. Le Haut Conseil des finances publiques a émis sur son contenu des remarques que je partage. Ce soir, le Sénat va, dans la sérénité et le respect qui le caractérisent, causer. (Nouveaux sourires.)

Que ce soit en matière d’inflation ou de taux de croissance, le scénario macroéconomique retenu par le Gouvernement est empreint d’un optimisme qui n’est partagé ni par les prévisions de l’OCDE, ni par celles de Rexecode (Centre de recherches pour l’expansion de l’économie et le développement des entreprises), ni par celles de la Commission européenne. Quant à l’agence de notation Fitch, elle n’est pas convaincue, puisqu’elle a déjà réagi en abaissant la note de la France.

Le Gouvernement table sur un taux d’inflation de 2 % en 2025 et un taux de croissance annuel de l’activité de 1,7 % en 2025 et 2026, et de 1,8 % en 2027. Le Haut Conseil des finances publiques opte, comme le Fonds monétaire international (FMI), plutôt pour un taux annuel de 1,4 % entre 2023 et 2027 ; Consensus forecast mise quant à lui sur 1,2 %.

La hausse de la consommation de 1,9 % envisagée me semble compromise par la forte inflation qui risque de s’inscrire dans la durée.

Le programme de stabilité prévoit pour la période 2023-2027 une baisse de la part de la dépense publique dans le PIB, comptant sur l’extinction du « quoi qu’il en coûte » et du plan de relance et sur les 8 milliards d’euros d’économies escomptés de la réforme des retraites. Je crois que, là aussi, il y a un peu d’optimisme…

En outre, les annonces du Gouvernement font état du retour au plein emploi en 2027, mais le programme de stabilité indique un taux de chômage de 4,5 % à la même date. Je me demande quel chiffre il faut retenir.

À l’occasion de ce débat, je regrette que le programme de stabilité ne soit, ni plus ni moins, que la poursuite de la politique du rabot, sans réelle volonté de réforme des administrations centrales. Ces dernières continuent à doublonner dans tous les domaines avec les collectivités territoriales. Malgré la décentralisation, il y a toujours autant de ministères. Dans nos territoires, les services déconcentrés de l’État sont cruellement privés de moyens, tandis que les effectifs des administrations centrales sont soigneusement préservés.

C’est ma conviction profonde : une nouvelle phase de la décentralisation devrait être engagée au plus vite pour que l’État se consacre pleinement à ses missions régaliennes. En effet, à force de vouloir tout faire, il risque de tout faire mal.

Je crains que les économies ne portent essentiellement, comme cela était annoncé par feu la loi de programmation, pour un montant de 52 milliards d’euros, sur les collectivités territoriales et la sécurité sociale, mais pas ou peu sur les administrations de l’État.

Un chiffre nourrit mes craintes, relevé au détour d’un tableau : l’excédent prévisionnel de 0,5 % pour les collectivités locales, chiffre jamais atteint et, selon moi, inatteignable, sauf sous la contrainte d’un nouveau pacte de Cahors.

La prévision de l’évolution de la charge de la dette est frappante. Actuellement autour de 40 milliards d’euros, celle-ci passerait à 49 milliards d’euros en 2024 et atteindrait 71 milliards d’euros en 2027, devenant ainsi le premier poste de dépense de l’État !

La réduction de notre dette est plus que jamais une impérieuse nécessité.

En parallèle du programme de stabilité, deux autres points m’inquiètent. Alors que nous avons connu ces derniers mois les prémices d’une crise financière mondiale, pas un mot n’évoque ce scénario dans le programme de stabilité. J’entends aussi les déclarations de l’exécutif exprimant sa volonté de baisser les prélèvements – suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), baisse des impôts pour les classes moyennes… –, de faire adopter une loi de programmation militaire de 413 milliards d’euros, de revaloriser les salaires des enseignants, d’engager un plan d’urgence pour la justice et pour l’industrie verte. Où se situent donc les économies ?

En conclusion, ce programme de stabilité pourrait être fort inquiétant, mais chacun sait ici qu’il finira comme les autres documents de ce type, c’est-à-dire au fond d’un tiroir bien fermé, et qu’il sera vite oublié. Soyons donc rassurés ! (Exclamations amusées. – Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Jérôme Bascher. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jérôme Bascher. Monsieur le président, monsieur le ministre chargé des comptes publics, ou plutôt des comptes publics chargés (Sourires.), mes chers collègues, en introduction, je reprendrai avec évidemment beaucoup moins de brio, mais tout aussi sérieusement, la remarque liminaire du président de la commission des finances. Qu’est-ce que c’est que ce gouvernement qui commence par ne pas respecter la loi organique relative aux lois de finances nouvellement votée ?

Monsieur le ministre, je vous l’ai déjà dit hier lors de votre audition par la commission des finances sur les reports de crédits, je vous le redis ici, aujourd’hui : vous n’avez pas respecté la dernière loi voulue par votre majorité, sur laquelle nous nous sommes accordés, pour que ce pacte de stabilité nous soit bien adressé quinze jours avant qu’il ne soit transmis à Bruxelles, et ce afin que nous puissions en discuter. Là, vous transmettez à Bruxelles et vous venez ensuite, comme l’a très justement fait remarquer, lui aussi avec beaucoup de brio, mon collègue Christian Bilhac, à une « causerie ».

Ce n’est pourtant pas le sujet ! Le sujet, c’est bien la trajectoire des finances publiques, donc les impôts des Français et leur utilisation. C’est d’ailleurs le rôle même – et majeur – du Parlement que d’en discuter.

Monsieur le ministre, vous avez même le toupet d’insérer dans ce programme de stabilité un chapitre relatif à la gouvernance, précisant que tous les organismes de gouvernance sont bien là, oubliant par là même l’absence de vote sur le programme pluriannuel des finances publiques – cette loi n’a en effet pas été votée –, oubliant par là même aussi de respecter la loi organique relative aux lois de finances qui constitue le socle de cette bonne gouvernance. Ce n’est pas très bien.

Pour ce qui relève de la macroéconomie, monsieur le ministre, le rapporteur général de la commission des finances a été disert et a souligné à quel point vous ne reteniez que les hypothèses optimistes. Loin de fixer une trajectoire moyenne normale, vous êtes « au top » sur tout : optimiste sur la croissance, très optimiste sur l’inflation – le Haut Conseil des finances publiques le dit et le répète –, très optimiste aussi sur les taux d’intérêt.

En fin de compte, tout va bien. Comme tout va bien, à la fin, par miracle, par magie, nous réussissons à passer en dessous des 3 %, parce que c’est la volonté qui préside actuellement à la discussion qui a lieu à Bruxelles sur la révision du parc de stabilité et de ses règles. En d’autres termes, on y arrive, parce que nous savons bien que la précédente loi de programmation des finances publiques ne permettait pas d’être dans les clous. C’était d’ailleurs déjà un peu de la magie.

Et comme la magie ne vient jamais seule, voilà le miracle : nous sommes en dessous des 3 %, parce que les collectivités territoriales dégageront un excédent de 0,5 %, ce qui est une première historique.

À la fin, toute l’amélioration de notre trajectoire de croissance repose sur nos finances locales, qui s’améliorent de 0,5 % du PIB, après 0,3 % l’an dernier. Si nous étions, comme d’habitude, à plus ou moins 0,1 % du PIB, nous n’atteindrions pas les 3 %. C’est là qu’il y a peut-être mystification… Vous dites que le Gouvernement fera un effort supplémentaire ; mais, monsieur le ministre, on part de plus haut ! Il y a 40 milliards d’euros de plus depuis la dernière loi de programmation des finances publiques – que nous n’avons pas votée, je le rappelle. Évidemment, c’est plus facile…

Puis, comment comptez-vous les recettes ponctuelles, les one-off ? Ce sont elles qui nous ont permis de passer au travers des mailles du filet à Bruxelles. Nous les avons beaucoup utilisées, mais ce sont des fusils à un coup. On ne voit plus bien comment nous allons faire des économies structurelles – d’ailleurs, le solde structurel ne s’améliore pas.

Il y a une bonne technique budgétaire, qui consiste à expliquer dans son programme que, s’il faut encore s’attendre à une dégradation dans l’année à venir, il y aura ensuite un rétablissement vigoureux. Mais nous ne sommes pas dupes : quand la situation se dégrade, elle se dégrade.

J’en viens enfin à la dette, qui est au cœur du sujet. Nous émettons aujourd’hui 135 milliards d’euros de dette en plus sur les marchés. C’est énorme, d’autant que la BCE a arrêté sa politique de quantitative easing (QE) et n’achète plus nos titres. Et vous avez aussi soutenu le plan REPowerEU, ce qui nous charge de 550 milliards d’euros de dette supplémentaire.

Tout cela pose un problème de soutenabilité : à ce niveau d’endettement, la dette nous coûtera de plus en plus cher. Comme disait Oscar Wilde, « On ne meurt pas de ses dettes, on meurt de ne plus pouvoir en faire. » Et Pierre Mendès France de souligner : « Un pays qui s’abandonne à la dette est un pays qui s’abandonne. » Pour ma part, je ne veux pas, comme le disait un bon auteur qui nous manque, que notre dette soit « dilatée comme jamais » ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme Vanina Paoli-Gagin.

Mme Vanina Paoli-Gagin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la semaine dernière, l’agence américaine Fitch a dégradé la note de la France. Cette annonce a fait grand bruit. Pourtant, elle ne fait que sanctionner une réalité qui ne date pas d’hier et que personne n’ignore : nos comptes publics sont dégradés.

Ce qu’il y a de plus rageant avec cette décision, c’est que notre pays est sanctionné pour avoir mené à bien une réforme courageuse. En mettant en lumière « l’impasse politique et les mouvements parfois violents », Fitch se fait paradoxalement l’écho des opposants à la réforme. C’est mal payer les efforts demandés à nos compatriotes pour contribuer au rétablissement de nos comptes publics.

Le Gouvernement a rappelé sa détermination totale à rétablir les comptes publics dans les quatre années qui viennent, avec deux objectifs : repasser sous la barre des 3 % de déficit en 2027 et réduire le taux d’endettement. Notre groupe soutient ce cap.

Et c’est bien celui-ci que le programme de stabilité nous assigne, s’inscrivant dans le prolongement des choix démocratiques validés à plusieurs reprises dans les urnes. Il s’agit là d’arbitrages stratégiques, qui doivent renouer avec une action publique s’inscrivant dans le temps long.

Ce temps long, c’est celui de l’industrie, qui est l’un de nos meilleurs remèdes contre la dégradation chronique de nos comptes publics.

Réindustrialiser la France, c’est faire des territoires des tremplins de la relance économique dans une approche plus circulaire et plus verte, et accroître nos emplois.

Réindustrialiser, c’est aussi augmenter mécaniquement nos dépenses de recherche et développement pour nous rapprocher enfin de l’objectif de Lisbonne et trouver des solutions aux problèmes du siècle, au premier rang desquels figure la transition écologique.

Réindustrialiser, c’est enfin faire monter nos compatriotes en compétences pour gagner des marchés à l’export et réduire ainsi notre déficit commercial, qui bat son propre record chaque année.

C’est pourquoi il faut poursuivre la baisse de la fiscalité sur notre appareil productif. La suppression de la CVAE va dans ce sens ; elle doit être maintenue.

Il s’agit de privilégier un pilotage dynamique des dépenses et des recettes. La gestion des finances publiques est un art paradoxal et souvent contre-intuitif : baisser les impôts peut augmenter les recettes ; augmenter les dépenses peut réduire le déficit si celles-ci sont effectivement génératrices de croissance à long terme. Tout est question de mesure et de choix stratégiques.

C’est pourquoi le soutien massif et indifférencié à tous acteurs de tous secteurs n’est plus possible. Avec la remontée des taux, le « quoi qu’il en coûte » n’est plus d’actualité. Vous avez, monsieur le ministre, souhaité passer au « combien ça coûte ? » Je continue, pour ma part, de plaider pour le « mieux qu’il en coûte. »

Le « quoi qu’il en coûte » était nécessaire pour préserver notre tissu d’entreprises et soutenir les ménages pendant la pandémie. Le « combien ça coûte » impose de veiller à la bonne utilisation des deniers publics. C’est une saine exigence au regard du gonflement de notre dette, provoqué par la hausse des dépenses publiques pendant la crise sanitaire.

Le « mieux qu’il en coûte », c’est optimiser le rendement de chaque euro public dépensé. Cette exigence de sobriété est elle aussi impérative. À moyens constants, nous pouvons faire mieux. Et puisque nous le pouvons, nous le devons. Il s’agit de redonner confiance aux Français en la puissance publique et de préserver leur consentement à l’impôt.

Cela passera d’abord par un audit précis et détaillé de toutes les dépenses, avec des pistes de réduction, comme vous l’avez rappelé, monsieur le ministre. Le Gouvernement a engagé des actions pour renforcer la confiance des Français dans la bonne utilisation de leurs impôts.

Cette confiance est indispensable pour poursuivre le travail de réforme envisagé. Beaucoup de chantiers restent à conduire pour éviter le décrochage productif de notre pays, alors que les géants américain et chinois sont plus que jamais à l’offensive.

Nous attendons beaucoup, à cet égard, du projet de loi sur l’industrie verte. L’ambition réformatrice doit rester intacte pour consolider la confiance. Nous l’avons dit cet après-midi aux ministres MM. Le Maire et Lescure.

La dégradation de la note française est postérieure à la publication du programme de stabilité. Atteindre les objectifs proposés ne garantit pas du tout une amélioration de notre note ; mais ne pas les atteindre risquerait à coup sûr d’entraîner une nouvelle dégradation.

Notre chemin est exigeant et ne laisse place à aucune solution de facilité, qui ne trompent ni les Français ni les marchés – l’exemple du Gouvernement Truss, au Royaume-Uni, nous l’a récemment rappelé.

Le rétablissement de nos finances publiques par la réduction du déficit et le désendettement est la seule voie de notre souveraineté. Pour nous, cette voie passe par l’efficacité de la dépense publique et la réindustrialisation de nos territoires.

M. le président. La parole est à M. Daniel Breuiller. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – Mme Annie Le Houerou applaudit également.)

M. Daniel Breuiller. Monsieur le ministre, vous nous transmettez, avec retard, un tableau impressionniste nommé « Programme de stabilité 2023-2027 », que j’aurais pour ma part intitulé « Baisse des déficits à l’horizon et au soleil levant », car tout y est en touches subtiles, en imprécisions choisies, en lumières orientées…

Vos prévisions de croissance sont estimées comme optimistes. Vos prévisions d’inflation sont sans doute sous-estimées. Et vous annoncez 5 % de baisse des dépenses de l’État, sans dire où et comment vous comptez faire. Je m’interroge donc : où allez-vous taper ? Sur la santé ? Vous avez dit que non. Sur le budget des armées ? Il y a une loi de programmation. Idem pour celui de la sécurité. Sur le soutien aux collectivités territoriales ? Il faut dire où vous comptez faire ces économies, monsieur le ministre !

Vous poursuivez par ailleurs une politique de désarmement fiscal de l’État par la baisse des impôts, même pour les plus aisés d’entre nous, ce qui nous prive de recettes nouvelles et indispensables.

Vous n’entendez pas l’urgence écologique à sa hauteur ni la dureté de la vie quotidienne des Français, touchés par une inflation alimentaire qui a atteint 14,5 % entre février 2022 et février 2023 selon l’Insee.

En définitive, votre proposition est un pacte d’instabilité et un risque d’austérité.

Je ne dirai pas que je suis contre la maîtrise des dépenses publiques. Je sais aussi qu’il n’y a pas d’argent magique et que nous devons être vigilants sur notre dette publique, dont le coût est de plus en plus lourd. Cependant, je vous le dis : la dette climatique coûtera plus cher que la dette publique.

Arrêtez les baisses d’impôts consenties aux entreprises du CAC 40 sans contrepartie sociale ou climatique ! En 2022, les bénéfices atteignent des sommets : 19 milliards d’euros pour TotalEnergies, 11 milliards d’euros pour LVMH, 23,5 milliards d’euros pour CMA-CGM, 10 milliards d’euros pour BNP Paribas. Les dividendes sont exponentiels, avec un total de 80 milliards d’euros distribués au printemps 2022.

Taxez les dividendes et les très hauts revenus, monsieur le ministre ! Je connais votre réponse : nous avons déjà les prélèvements parmi les plus élevés et cette stratégie est au service de l’emploi en France. Mais je vous le dis : votre stratégie est d’abord au service des plus riches. Le ruissellement n’existe pas dans la vraie vie des ménages. Trouvez-vous normal, monsieur le ministre, que certains accumulent des records de dividendes et de recettes quand d’autres peinent à se nourrir ?

La réforme des retraites devrait dégager 8 milliards d’euros d’économie d’ici à 2027. C’est à peu près la même somme que celle consacrée en 2022 à la ristourne essence. Pensez-vous que cela valait vraiment le coup ? Votre réforme des retraites, si dure socialement, n’est pas même efficace d’un point de vue économique. Et vous avez mis le pays à l’arrêt pour cela ! Était-ce vraiment nécessaire ?

Avec la réforme de l’assurance chômage, puis la réforme des retraites, les Français ont bien compris que ce sont leurs droits les plus essentiels qui seront compromis pour faire les économies que le Gouvernement poursuit. Vous allez d’ailleurs ajouter du travail obligatoire pour les personnes au RSA : tout un programme ! Ces efforts se font toujours sur les mêmes, créant une société où les écarts de richesse et de salaires explosent. Cela n’est pas soutenable pour qui veut une société apaisée.

Sacralisez aussi le budget des collectivités territoriales afin qu’elles puissent investir et devenir les moteurs de la transition écologique ! Et cessez de vouloir les contraindre : leurs budgets sont équilibrés et la baisse de 0,5 point exigée n’est ni plus ni moins qu’une mise sous tutelle déguisée qui n’a pas notre agrément.

Car les collectivités sont la clé de voûte de cette transition. Selon l’Institut de l’économie pour le climat (Insitute for Climate Economics en anglais, I4CE), pour être à la hauteur de la crise écologique, elles ont besoin de disposer chaque année de 6,5 milliards d’euros supplémentaires d’investissement, alors que le fonds vert ne les dotera que de 2 milliards d’euros sur quatre ans, avec un risque d’éparpillement d’aides mal ciblées. Elles ont besoin d’investir, mais elles ont aussi besoin d’ingénierie. Nous ne comprenons donc pas votre volonté de leur rogner les ailes en contraignant leur fonctionnement. Laissez-les vivre !

Le « quoi qu’il en coûte », assumé lors de la pandémie, n’est pas du tout à l’ordre du jour lorsqu’il s’agit de la crise climatique. Pourtant, l’urgence est là et les dérèglements s’accélèrent. Quoi qu’en pensent les agences de notation, l’eau qui manque est plus importante que l’argent qui manque. Comme le dit un proverbe indien : « Lorsqu’ils auront coupé le dernier arbre, pollué la dernière goutte d’eau, tué le dernier animal et pêché le dernier poisson, alors ils comprendront que l’argent ne se mange pas. »

Monsieur le ministre, le logiciel libéral qui contraint les dépenses publiques et épargne les champions du CAC 40 de toute taxation nous mène au chaos social et à l’impuissance climatique.

Les cinq années qui viennent seront déterminantes pour la crise climatique. Le rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) est sans appel en ce qui concerne les effets de l’accélération du dérèglement climatique sur notre alimentation, sur la biodiversité, sur notre santé et sur les migrations. C’est cela qui doit guider tous nos choix.

Les seules ambitions responsables sont d’éviter la catastrophe climatique, qui menace notre capacité à vivre, et l’explosion sociale, qui découle d’un écart devenu abyssal entre catégories et qui menace notre capacité à vivre ensemble. ((Applaudissements sur les travées des groupes GEST, SER et CRCE.)