Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à Mme Colette Mélot. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

Mme Colette Mélot. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, trois mois après l’examen de ce texte en première lecture, le voici de nouveau soumis au vote de notre chambre.

Cette proposition de loi constitue une réponse aux nombreux scandales qui ont surgi depuis 2016, ainsi qu’aux dérives survenues dans certains centres dentaires dits low cost. En effet, pensant pouvoir bénéficier de soins à des tarifs compétitifs, plusieurs milliers de victimes ont été surfacturées, escroquées, voire mutilées.

Les centres de santé ont connu une forte expansion depuis 2009, grâce à la loi portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, dite loi HPST, qui a supprimé l’obligation d’agrément pour leur ouverture, la remplaçant par une simple déclaration de conformité.

Ce changement de procédure est intervenu pour pallier les difficultés que rencontraient certains Français pour payer leurs soins dentaires, ceux-ci devant aller se faire soigner à l’étranger, voire renoncer à être soignés.

Compte tenu des dérives constatées depuis lors, le texte que nous examinons réinstaure l’obligation d’agrément nécessaire à leur ouverture, et, plus largement, renforce le contrôle des centres de santé exerçant une activité dentaire ou ophtalmologique.

De plus, le périmètre d’application des dispositions aux centres ayant une activité orthoptique a été étendu en deuxième lecture à l’Assemblée nationale. Il est ainsi proposé de ne délivrer qu’un agrément provisoire, qui ne deviendra définitif que lors de la transmission à l’ARS d’un dossier comprenant, notamment, les contrats de travail et les diplômes des professionnels du centre. À cette disposition, s’ajoute la possibilité d’une visite de conformité du centre.

Par ailleurs, l’instauration d’un comité médical au sein de chaque centre constitue l’une des mesures les plus intéressantes du texte. Chargé de l’amélioration continue de la qualité et de la sécurité des soins, ce comité devra se réunir au moins une fois par trimestre. Il permettra aux professionnels d’échanger et de s’interroger régulièrement sur le respect des bonnes pratiques. Les comptes rendus de ces échanges devront être transmis à l’ARS.

Les obligations de transmission des comptes annuels et d’information en cas de suspension ou de fermeture de l’activité, de même que la publicité des éventuelles sanctions financières qu’instaure le texte, améliorent la transparence du fonctionnement des centres. Ainsi, l’ARS, le conseil départemental de l’ordre, l’assurance maladie, mais aussi les patients seront mieux informés.

L’ensemble des mesures proposées renforcera assurément les conditions d’ouverture et le contrôle de l’activité de ces centres. Surtout, le texte sécurisera la prise en charge, afin que nous ne découvrions plus que des patients sont victimes de mutilations au sein d’établissements censés être des lieux de soins.

Nous saluons l’adoption conforme par l’Assemblée nationale de plusieurs articles, comme celui qui vise à prévenir les conflits d’intérêts ou celui qui aggrave le montant des sanctions financières prévues en cas de manquement à la qualité ou à la sécurité des soins, même si nous regrettons que des modifications parfois mineures aient été apportées au texte et aient retardé son adoption définitive.

Nous espérons aujourd’hui une adoption enfin conforme, pour résoudre dès que possible ces situations inacceptables. Notre groupe votera en faveur de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP. – Mme Patricia Schillinger applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Raymonde Poncet Monge. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, ces dernières années, des scandales sanitaires impliquant des centres de santé ont mis au jour des pratiques de maltraitance et de fraude à la sécurité sociale.

Au cœur de ces affaires se niche, encore et toujours, la recherche de profit, qui lèse les plus modestes et se pratique à la faveur d’un système de santé fonctionnant dorénavant à plusieurs vitesses. En effet, dans la majorité des cas de fraude, les fraudeurs ne sont pas les assurés. Ceux-ci sont plutôt les victimes.

En 2022, l’assurance maladie a détecté et relevé un montant de fraudes inédit, à hauteur de plusieurs centaines de millions d’euros, dont les trois quarts portaient sur des frais de santé, pour l’essentiel facturés à tort par des professionnels de santé.

De fait, l’instrumentalisation du modèle des centres de santé à des fins lucratives a été rendue possible par la raréfaction de l’offre de soins et par l’augmentation des inégalités d’accès aux soins dans les territoires.

Lors de la deuxième lecture de ce texte à l’Assemblée nationale, vous avez déclaré, monsieur le ministre de la santé et de la prévention : « Le premier principe qui doit guider toutes nos décisions de politique de santé est la lutte contre toutes les inégalités d’accès aux soins. »

Dans cette perspective, il convient d’améliorer la proximité de l’offre non lucrative pour que le « 100 % santé » ne se traduise pas par une offre de services à bas coût et, de fait, à basse qualité, créant un effet d’aubaine pour des acteurs attirés par une perspective de solvabilité et de gains rapides.

En vertu des améliorations déjà engrangées lors de la navette, le groupe écologiste se prononcera pour un vote conforme du texte que nous examinons. En effet, nous nous réjouissons que, par l’adoption en première lecture au Sénat de notre amendement, qui a été conservé, soit obligatoire la publication de la sanction financière prononcée à l’encontre d’un centre frauduleux par le directeur général de l’agence régionale de santé sur le site de cette dernière.

L’adoption en deuxième lecture d’un amendement déposé par nos collègues du groupe écologiste à l’Assemblée nationale complète cette mesure, en rendant obligatoire la publication, par le directeur général de l’agence régionale de santé, des décisions de sanction financière sur le site des autorités sanitaires appropriées, qui se couple à une mise en demeure de l’organisme gestionnaire sanctionné de publier cette décision sur son site internet.

Ces mesures renforcent la transparence à l’égard des usagers, donc la protection de ces derniers.

L’agrément par l’ARS ayant été supprimé faute de moyens humains suffisants, nous saluons le rétablissement, à l’Assemblée nationale, de la mesure exigeant la production d’un rapport sur les moyens à allouer aux ARS, de sorte que celles-ci soient en mesure de s’acquitter des nouvelles missions fixées par la proposition de loi. En effet, les moyens humains d’inspection-contrôle de l’État et des organismes d’assurance maladie s’étant raréfiés au fil des ans, il convient de les rétablir, puis de les augmenter.

Enfin, nous saluons le travail effectué par la majorité des centres de santé, loin des affaires qui expliquent cette proposition de loi. La lucrativité est antinomique avec le modèle social et économique des centres de santé, qui s’inscrit dans un projet collectif.

L’une de nos priorités est de favoriser l’accessibilité financière et géographique aux soins. Si les centres de santé demeurent des piliers de l’accès aux soins et de la lutte contre les déserts médicaux, il est intolérable que leur forme associative soit détournée.

Afin de contrer ces pratiques frauduleuses, et malgré quelques réserves, que nous avons déjà exprimées lors de la première lecture, le groupe écologiste votera cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Patricia Schillinger. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

Mme Patricia Schillinger. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, à l’occasion de la rédaction du rapport d’information Les Collectivités à lépreuve des déserts médicaux : linnovation territoriale en action, j’ai pu, avec mon collègue et coauteur, Philippe Mouiller, prendre toute la mesure du rôle des centres de santé dans l’amélioration de l’accès aux soins.

Leur organisation libérant du temps médical au profit des professionnels et de leurs patients, ces centres constituent un moyen déterminant de lutte contre la désertification médicale qui gagne de nombreux territoires. C’est bien là leur vocation originelle et la force de leur projet, en dépit des scandales qui ont mis en lumière l’usurpation, à des fins purement lucratives, de leur cadre juridique et institutionnel.

Dans ce contexte, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui, en deuxième lecture, revêt une importance particulière. Elle répond à l’impérieuse nécessité de mieux encadrer l’activité de ces centres, de manière à prévenir les dérives auxquelles se sont livrés des gestionnaires peu scrupuleux, profitant de l’assouplissement du régime d’ouverture voulu par la loi HPST de 2009.

Surfacturations, surtraitements, problèmes majeurs d’hygiène et de sécurité des soins, mutilations, non-pertinence des actes réalisés constituent autant d’abus ayant conduit le Gouvernement, sous le précédent quinquennat, à adopter en 2018 plusieurs ordonnances visant à s’assurer de la qualité des soins dispensés dans les centres de santé et à mettre un terme à des pratiques contraires à l’éthique.

À la suite d’un nouveau scandale – Proxidentaire, en 2021 –, nous devons constater que notre cadre juridique reste trop permissif et commande au législateur de se saisir du sujet.

À cet égard, je tiens à saluer une nouvelle fois, au nom du groupe RDPI, l’initiative de la présidente de la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale, Mme Khattabi, qui s’est emparée de ce sujet ; je la remercie de son engagement.

Je n’oublie pas, bien sûr, le travail de notre rapporteur, Jean Sol, qui a su, dans le courant de la navette parlementaire, enrichir le texte de plusieurs dispositions qui durciront un peu plus les conditions d’ouverture des centres de santé.

Ainsi, le texte renforce le rôle des ARS en consacrant le retour à une procédure d’agrément préalable, dont la délivrance et le maintien sont notamment conditionnés à la transmission des diplômes et des contrats de travail.

De plus, les pouvoirs de sanction des directeurs des ARS sont renforcés. Ces derniers ont désormais la capacité de mettre hors d’état de nuire les gestionnaires dont les comportements frauduleux ont été constatés.

Je me réjouis globalement du consensus transpartisan qui a entouré l’examen de ce texte et note, à l’instar de notre rapporteur en commission, que la version issue des travaux de l’Assemblée nationale en deuxième lecture ne présente pas de désaccord majeur avec le texte issu de la première lecture au Sénat.

Dès lors, il est regrettable que l’Assemblée nationale n’ait pas adopté conforme la version du Sénat : le texte aurait été appliqué plus rapidement, dans le plus grand intérêt des patients. Aussi, dans l’espoir d’une entrée en vigueur rapide de cette proposition de loi, le groupe RDPI n’a pas souhaité en modifier la rédaction et soutiendra avec force son adoption conforme.

Les logiques de rentabilité et de profit ne sauraient prospérer au détriment de l’accès de chacun à des soins de qualité, et encore moins aux dépens de la santé de nos concitoyens. Cela n’est pas négociable. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Luc Fichet. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Jean-Luc Fichet. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes aujourd’hui réunis pour examiner en deuxième lecture la proposition de loi visant à améliorer l’encadrement des centres de santé.

Cette proposition de loi a été élaborée en réaction à plusieurs scandales sanitaires impliquant des centres dentaires dont Dentexia, en 2015, qui a affecté 2 400 patients, et le scandale Proxidentaire, en 2021, qui a lui aussi donné lieu à des soins superflus et dangereux dans des structures uniquement mues par la recherche de superprofits. Ces scandales illustrent malheureusement certaines des dérives qui affectent notre système de santé.

En 2022, quelque 2 544 centres de santé ont été recensés dans notre pays, et leur répartition n’est malheureusement pas homogène sur l’ensemble du territoire. Les centres de santé sont majoritairement implantés dans les zones urbaines à forte concentration démographique : régions Provence-Alpes-Côte d’Azur, Auvergne-Rhône-Alpes et, bien sûr, Île-de-France.

Ainsi, en Île-de-France, le nombre de centres de santé a augmenté de 160 % entre 2016 et 2022 ! Il y a clairement là, de la part de ces structures, la recherche d’une maximisation des profits.

Les centres de santé auraient pu contribuer à l’amélioration de l’accès aux soins pour nos populations ; or force est de constater que ces structures ne contribuent pas au rééquilibrage de l’offre de soins. En cela, elles ne répondent pas à mes attentes, moi qui suis l’élu d’un département, le Finistère, où une partie de la population n’a pas correctement accès aux soins.

Depuis le mois de juin 2017, les différents gouvernements qui se sont succédé ont malheureusement accru la financiarisation de notre système de santé. Cette proposition de loi ne contribuera malheureusement pas à atténuer le phénomène.

Ce texte contient cependant des dispositions qui vont dans le bon sens, comme la réintroduction de l’agrément des centres dentaires, ophtalmiques et orthoptistes. L’agrément des centres de santé a été supprimé en 2009, dans le cadre de la loi HPST, dans l’espoir de faciliter l’installation des centres de santé comme outil de lutte contre la désertification médicale – un espoir déçu, on l’a vu. Cette suppression a malheureusement permis l’installation de certaines structures ayant des pratiques frauduleuses.

Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain approuve donc la réintroduction de cet agrément, mais il s’interroge sur le choix fait de le limiter aux centres de santé dentaires, ophtalmiques et orthoptistes.

Pour nous, en effet, tous les centres de santé devraient être soumis à la procédure d’agrément. La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui ne prend pas en compte la multiplication des centres de santé spécialisés en psychiatrie ou en gynécologie, où le lien avec le médecin spécialiste se fait uniquement par téléconsultation.

La réintroduction de l’agrément abandonné en 2009 nécessite une augmentation importante des moyens des ARS, afin que les nouvelles missions que nous allons leur confier, par le vote de cette proposition de loi, ne restent pas lettre morte, à l’image des contrôles des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), qui ne sont pas faits ou le sont mal, comme le démontre le scandale Orpea.

L’augmentation des moyens des agences régionales de santé relève de votre responsabilité, monsieur le ministre. Il y va de la santé et de la sécurité de nos concitoyens !

C’est pourquoi le groupe SER est favorable à l’article 9 de cette proposition de loi, qui prévoit la remise d’un rapport gouvernemental au Parlement six mois après la promulgation de la loi sur les moyens alloués aux ARS pour remplir ses nouvelles missions. La Haute Assemblée n’est pas favorable à la multiplication des rapports, mais, en la circonstance, cela nous semble plus qu’utile.

Comme je l’ai dit, les sénateurs du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain approuvent plusieurs dispositions de cette proposition de loi, comme celles qui figurent à l’article 4 et qui visent à interdire le nomadisme des fraudeurs et des structures commerciales déviantes.

Toutes les dispositions visant à améliorer la qualité des soins – comité médical, comité dentaire dans les centres de santé concernés… – sont, bien sûr, à soutenir.

Tout ce qui va dans le sens de l’amélioration de la transparence, de l’information des patients, de la lutte contre les conflits d’intérêts reçoit le soutien du groupe SER, même si cette proposition de loi ne lutte absolument pas contre le fléau de la financiarisation de notre système de santé.

Les sénateurs du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain s’abstiendront donc sur cette proposition de loi trop parcellaire, bien que certaines dispositions soient utiles aux patients.

Comme je le martèle depuis 2017, il est urgent de récrire une nouvelle loi santé, qui structure l’offre de soins sur l’ensemble du territoire au service des Français et dans le respect des professionnels de santé. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen.

Mme Laurence Cohen. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, les discours du Président de la République et de la Première ministre comportent une omission difficilement compréhensible en matière d’amélioration de l’accès aux soins : la mention de l’utilité des centres de santé.

Face aux difficultés d’accès aux soins, la proximité et les modalités de fonctionnement des centres de santé apportent une solution utile et intéressante, que le Gouvernement devrait au contraire revaloriser et développer.

Le groupe CRCE promeut le projet d’une implantation d’un centre de santé adossé à chaque hôpital, dans chaque bassin de vie, afin de garantir l’accès aux soins de toutes et tous.

Lorsque, le 20 avril dernier, les représentants du comité social et économique (CSE) du Cosem (Coordination des œuvres sociales et médicales) ont adressé un signalement au parquet national financier (PNF) pour « malversations financières présumées » pouvant relever d’un « détournement de fonds publics », de « prise illégale d’intérêts » et d’« abus de confiance », j’ai immédiatement exprimé ma solidarité avec le personnel profondément attaché aux valeurs des centres de santé, qui reposent sur l’absence de lucrativité.

Malheureusement, ce type d’affaire de détournement jette l’opprobre sur l’ensemble des centres de santé publics, municipaux, mutualistes ou associatifs, qui assurent une prise en charge des patients par une équipe pluridisciplinaire, en salariat, avec le tiers payant intégral et sans dépassement d’honoraires.

L’implantation de marchands d’actes, ces dernières années, depuis la suppression du régime d’agrément préalable, démontre à la fois la faiblesse des moyens humains et financiers des agences régionales de santé pour assurer leurs missions de contrôles des établissements, mais également l’inaction des ordres professionnels, y compris lorsque les agissements délictueux sont dénoncés par les personnels des centres de santé.

Je pense notamment à ce dentiste de Marseille condamné à deux ans de prison ferme après avoir mutilé 320 patientes et fraudé 1,7 million d’euros à la sécurité sociale entre 2006 et 2012, pour lequel l’ordre national des chirurgiens-dentistes a attendu plusieurs années avant de réagir.

Cette proposition de loi est donc la bienvenue. Sera-t-elle pour autant suffisante et efficace ? Nous avons quelques doutes. Rétablir un agrément pour les centres ayant une activité dentaire ou ophtalmologique, activités pour lesquelles les dérives sont les plus fréquentes, est une bonne chose.

L’ajout par l’Assemblée nationale du rétablissement de l’agrément pour les centres de santé orthoptiques est également positif, même si l’agrément ne remplacera pas les contrôles des autorités sanitaires.

Je le répète, en l’absence de moyens supplémentaires pour les agences régionales de santé, nous sommes circonspects sur l’amélioration effective des contrôles des centres de santé.

L’obligation pour le gestionnaire d’assurer la transparence du centre sur l’identité des professionnels de santé qui prennent en charge les patients est également une mesure positive, même si nous aurions souhaité que ce texte aille plus loin et supprime la possibilité d’ouvrir des centres de santé pour des gestionnaires à but lucratif. Il faut en finir avec les structures privées lucratives, qui voient la carte Vitale comme une carte bleue.

Cette proposition de loi, que nous avons soutenue en première lecture, est en tout cas un premier pas, et je tiens à remercier le rapporteur de la commission des affaires sociales du Sénat des enrichissements qu’il a apportés. En attendant des moyens financiers supplémentaires, que j’appelle de mes vœux, dans le prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale, le groupe communiste républicain citoyen et écologiste votera en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE. – Mmes Michelle Meunier et Raymonde Poncet Monge applaudissent également.)

Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Henno. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Olivier Henno. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis le débat de ce texte en première lecture, notre constat n’a pas changé : il y a urgence à mieux encadrer certains centres de santé, afin d’en finir avec certaines carences, je dirais même certains abus ou certains excès. Ce constat est d’ailleurs largement partagé par les acteurs de terrain.

Jean Sol, rapporteur de la commission des affaires sociales, à qui je rends hommage, a parfaitement identifié les nécessités de mieux encadrer et contrôler les centres de santé. Je n’ai pas de doute sur l’urgence à légiférer en la matière.

La suppression de l’agrément préalable en 2009 et l’assouplissement du cadre juridique que permettait la forme associative de ces structures ont été à l’origine du détournement du modèle des centres de santé et des dérives constatées. En effet, le résultat est accablant, qu’il s’agisse de patients mutilés ou des multiples fraudes à l’assurance maladie.

Cependant, pour faire le lien avec l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi portant amélioration de l’accès aux soins par la confiance aux professionnels de santé, qui a précédé cette discussion, je tiens de nouveau à souligner le côté ubuesque de légiférer à tour de bras, toujours à la marge, sur l’organisation du système de santé.

Lors de l’examen de cette proposition de loi en première lecture, j’ai cité Euripide : « Ce n’est pas l’abondance, mais l’excellence qui est richesse. » La pédagogie étant l’art de la répétition, je le redis : pour nous, l’urgence, c’est une grande loi santé ; cela sonne comme une évidence.

J’en viens au fond de cette proposition de loi, dont Jean Sol est le rapporteur. Ce texte répond aux souffrances d’un certain nombre de patients. Certes, l’ordonnance du 12 janvier 2018, prise après le scandale Dentexia, a précisé un peu le droit, mais elle n’a visiblement pas été suffisante.

C’est pourquoi le rétablissement de l’agrément délivré par le directeur de l’ARS, l’obligation pour le gestionnaire de transmettre les contrats de travail des praticiens à l’agence et l’obligation pour l’ARS de communiquer ces contrats de travail aux ordres nous semblent tout à fait pertinents.

Saluons également la présence dans ce texte d’un article obligeant les centres à se doter d’un comité dentaire ou ophtalmologique pour ceux qui exercent ces activités : un tel comité serait chargé de contribuer à la politique d’amélioration de la qualité des soins et à la formation continue des salariés.

Attendues par les patients qui ont vécu de véritables traumatismes, par les chirurgiens-dentistes, dans la mesure où les excès de certains cabinets dentaires ont entaché l’image d’une profession qui ne le méritait pas, et par l’assurance maladie, victime de nombreuses fraudes, ces mesures doivent s’appliquer le plus rapidement possible.

Toutefois, mes chers collègues, rappelons que, dans leur grande majorité, les centres de santé, qu’ils soient communaux, mutualistes ou associatifs à but non lucratif, accomplissent un travail de qualité. J’y insiste, les brebis galeuses n’entachent pas la probité de la totalité du troupeau.

Ce que nous devons combattre sans relâche, c’est une forme de logique low cost. Si ce modèle économique peut parfois se justifier dans certains secteurs de l’économie comme le tourisme – et encore, j’avoue être assez dubitatif sur ce principe –, en matière de santé, il est inacceptable. Nous n’avons pas peur d’affirmer que le low cost est l’ennemi de la bonne santé.

Il est une autre logique qui ne fait pas bon ménage avec un système de santé tourné vers les soins, c’est la surconcentration financière. Cela vaut pour les maisons de retraite, cela a été dit, pour les soins dentaires et ophtalmologiques, pour les laboratoires, voire pour les biotechs.

J’ajoute que le low cost ou la surconcentration ne concourent en rien à la lutte contre les déserts médicaux dans les zones rurales ou dans les zones dites périphériques, bien au contraire !

Enfin, je tiens à saluer deux mesures.

D’une part, j’insiste sur l’introduction de l’obligation pour le représentant légal de l’organisme gestionnaire d’informer dans les sept jours le directeur général de l’ARS, le directeur de la caisse locale d’assurance maladie et le président du conseil départemental de l’ordre compétent en cas de fermeture d’un centre de santé ou de l’une de ses antennes – une telle mesure apportera une réponse au problème des cartes de professionnels de santé qui continuent parfois de circuler sans contrôle, alors que le centre de santé dans lequel leur détenteur exerçait a fermé.

D’autre part, j’attire l’attention sur l’obligation, pour les professionnels de santé salariés d’un centre de santé d’être identifiés par un numéro personnel – une telle traçabilité est une exigence morale.

Soucieux de lutter contre toute fraude et de rechercher en permanence l’amélioration de la qualité des soins, les membres du groupe Union Centriste voteront ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – Mme Pascale Gruny applaudit également.)

Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Henri Cabanel. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – Mme Colette Mélot applaudit également.)

M. Henri Cabanel. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans la lutte contre la désertification médicale, le développement des centres de santé est apparu indispensable. C’est dans cet esprit que la loi HPST de 2009 en a facilité l’implantation. Les procédures et les contrôles ont ainsi été fortement allégés : l’autorisation préalable des ARS n’est plus nécessaire, une simple déclaration accompagnée de la transmission d’un projet de santé suffit.

Dans un contexte de forte inégalité dans l’accès aux soins dentaires, ces centres présentent une solution de substitution très intéressante, en proposant des prix bien moins chers que ceux qui sont pratiqués par les chirurgiens-dentistes en exercice libéral, attirant ainsi les patients les plus démunis.

Rappelons que, en 2016, le renoncement pour raisons financières représentait un quart des non-recours aux soins dentaires où le reste à charge des patients s’élève à plus de 22 %.

Malheureusement, la loi Bachelot a permis à certaines structures d’échapper à la vigilance des autorités, et des personnes peu scrupuleuses, plus intéressées par l’aspect lucratif que par la dimension médicale, ont trouvé la faille. Pour reprendre les propos du docteur Patrick Solera, président de la Fédération des syndicats dentaires libéraux (FSDL), « on a fait rentrer le loup dans la bergerie ».

Cette course à la rentabilité a éloigné ces structures de leur vocation première, notamment dans les centres de santé dentaires associatifs, dont la plupart sont spécialités en prothèse et implantologie, beaucoup plus rémunératrices que les soins conservateurs. Toutefois, si le nombre de centres de santé dentaires a fortement augmenté ces dernières années, ces structures sont principalement implantées en Île-de-France et dans la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, bien loin des déserts médicaux !

Avec les conséquences dramatiques que l’on connaît pour les milliers de victimes mutilées et endettées, les scandales Dentexia et Proxidentaire ont permis de mettre en lumière les malversations de quelques-uns, qui jettent l’opprobre sur tout un secteur.

Lutter contre ces dérives et encadrer le développement des centres de santé est indispensable pour garantir la survie du modèle originel de ces structures dans l’intérêt de nos concitoyens et de nos territoires. Tel est l’objectif de cette proposition de loi, à laquelle le groupe du RDSE apportera tout son soutien, comme en première lecture.

Certes, quelques mesures ont été prises ces dernières années, mais il fallait aller plus loin pour empêcher de nouveaux drames. Le rétablissement de l’agrément, le renforcement des sanctions, la mise en place d’un répertoire national de toutes les décisions de suspension ou de fermeture, l’interdiction de demander le paiement intégral des soins avant leur réalisation sont autant de mesures qui permettront de garantir un développement éthique de ces centres de santé.

La navette parlementaire a permis d’enrichir le texte.

Certes, j’ai bien entendu les regrets du rapporteur quant aux modifications introduites par l’Assemblée nationale le 28 mars dernier, reportant ainsi l’adoption définitive de ce texte. Sans doute aurions-nous pu faire l’économie d’un énième rapport, dont on sait qu’il ne sera probablement pas remis. De la même façon, nous aurions pu éviter le rétablissement de mesures relevant du domaine réglementaire.

En revanche, je salue la décision des députés d’avoir imposé l’information systématique des patients en cas de fermeture ou de déconventionnement d’un centre. Il arrive en effet que la structure « oublie » d’informer ses patients que la sécurité sociale ne prendra en charge les soins que sur une base très faible.

Quand on sait que certains centres font payer d’avance à leurs patients de grosses sommes et les poussent à souscrire un crédit, cette mesure est une très bonne chose. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)