Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Mme Laurence Cohen. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans un entretien aux lectrices et aux lecteurs du journal Le Parisien, dimanche 23 avril, le Président de la République s’est inquiété de « ne plus avoir assez de soignants dans le pays » avant d’invoquer une « réponse multifactorielle ». Il était temps de s’inquiéter, alors que toutes les propositions soumises ici même, notamment par notre groupe, ont toujours été balayées d’un revers de la main et que nous attendons toujours une grande loi sur la santé.

L’une des pistes envisagées par le Gouvernement consiste à faire en sorte que les personnels des caisses primaires d’assurance maladie trouvent un généraliste en priorité aux quelque 800 000 patients en affection longue durée.

Or j’ai été récemment alertée par le syndicat Snadeos-CFTC sur les risques de réduction des effectifs des caisses de la sécurité sociale dans le cadre de la négociation des futures conventions d’objectifs et de gestion 2023-2027. Entre 2004 et 2019, près de 25 000 postes ont été supprimés dans les organismes de sécurité sociale, dont 80 % proviennent de la caisse d’assurance maladie. Ainsi, un emploi sur cinq a disparu en quinze ans.

Je relaie donc, avec l’ensemble des membres de mon groupe, l’inquiétude des agentes et agents, qui souhaitent pouvoir accomplir leurs missions correctement, et des usagers, qui veulent pouvoir accéder au service public de la sécurité sociale.

Il y a une contradiction entre la logique de réduction des effectifs et la volonté de confier au personnel de l’assurance maladie le soin de contacter chaque patient, afin de lui trouver un généraliste.

Le Gouvernement souhaite également améliorer l’accès aux soins en libérant du temps médical par le recrutement de 6 000 assistantes et assistants médicaux, et en favorisant la délégation de tâches. Ce sont les deux principales avancées de cette proposition de loi.

Le 6 avril dernier, la commission mixte paritaire est parvenue à un accord ouvrant un accès direct, sous conditions, aux IPA, aux kinésithérapeutes et aux orthophonistes. Nous regrettons que cet accès direct soit conditionné à l’adhésion à une structure d’exercice coordonnée, car cela limitera considérablement la portée de cette mesure.

Mais nous saluons la suppression de la « taxe lapin », de nouveau évoquée par le Président de la République et le ministre délégué chargé des comptes publics pour sanctionner les absences aux rendez-vous de santé. Vous l’avez dit vous-même, monsieur le ministre : « Attention à ce que le remède ne soit pas pire que le mal et qu’on n’entraîne pas le renoncement aux soins, qui serait dramatique. » Je suis bien d’accord ! En effet, l’idée de pénaliser financièrement les patients est une hérésie économique, sociale et sanitaire. Il faudrait au contraire améliorer l’information et la prise de conscience des usagers et revoir le fonctionnement des plateformes de prise de rendez-vous en ligne.

Enfin, nous regrettons que ce texte ne s’attaque pas au cœur du problème de l’accès aux soins, qui demeure le manque de moyens financiers et humains. Il y a urgence à financer notre système de santé à partir des besoins des usagers, à instaurer une réelle démocratie sanitaire, à élargir la permanence des soins à l’ensemble des professionnels de santé et, notamment, à rétablir l’obligation de garde.

Le remplacement du numerus clausus par le numerus apertus a augmenté le nombre d’internes en médecine de 12 % seulement, alors que les besoins sont largement supérieurs.

Le nœud gordien de l’accès aux soins demeure l’augmentation des moyens financiers et humains pour les universités et pour le système de santé. Nous le répétons. On dit que la pédagogie, c’est la répétition, mais il nous semble que le message a dû mal à atteindre le Gouvernement !

Augmenter ces moyens est possible si l’on refuse les injonctions, formulées à Bruxelles, à réduire toujours davantage les dépenses publiques, et si l’on accepte de relever l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam) pour 2024 de 2,8 % à 5 %, au minimum.

Cette proposition de loi va dans le bon sens, mais elle ne résoudra pas les difficultés profondes d’accès aux soins, comme plusieurs collègues l’ont déjà souligné.

Pour ces raisons, le groupe communiste républicain citoyen et écologiste maintiendra son abstention, comme en première lecture. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)

Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Henno, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Olivier Henno. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, difficile, en étant le septième orateur, d’éviter les redites ! Mais je profiterai de mon temps de parole pour dresser quelques constats et exprimer quelques convictions.

Permettez-moi tout d’abord de remercier Corinne Imbert et de lui renouveler mes félicitations pour son remarquable travail de rapporteure sur ce texte, comme sur tous les textes relatifs à la santé en général.

Une fois encore, mes chers collègues, nous abordons le grand sujet de la santé par l’intermédiaire d’une proposition de loi. Certes, la commission mixte paritaire a été conclusive, mais nous abordons le sujet par la marge. Or, je le répète inlassablement, il nous faut une grande loi santé de remise à plat, afin d’aborder de front la pénurie de médecins, la crise hospitalière ou encore les difficultés de la médecine de ville.

Notre conviction est que la crise hospitalière s’amplifie. Les événements dramatiques de Grenoble en sont la démonstration. Comment se fait-il qu’en France, pays renommé pour son système de santé universel, nous puissions manquer à ce point de lits disponibles ? Le constat est donc alarmant.

Ce contexte ne freine pas l’ardeur de la majorité sénatoriale pour être à la hauteur des enjeux de santé. Grâce à ses apports, le texte final adopté par la commission mixte paritaire conserve plus de plusieurs dispositions majeures du texte du Sénat, comme la suppression des dispositions relatives à l’engagement territorial des médecins ou encore la reconnaissance de la compétence des préparateurs en pharmacie, par exemple, pour administrer des vaccins listés par arrêté. Nous sommes bien là dans l’équilibre fragile, pour reprendre cette notion évoquée à juste titre par Mme la présidente.

Par ailleurs, le Sénat a choisi d’obliger le pouvoir réglementaire à publier annuellement les listes des Trod innovants qui peuvent être utilisés par les professionnels de santé. C’est une avancée majeure en matière de transparence et de modernisation de notre système de santé. Le Sénat a également souhaité encadrer strictement l’accès direct aux IPA et aux masseurs-kinésithérapeutes.

Enfin, cette proposition de loi permettra également aux patients de bénéficier d’une offre de soins élargie.

Ceux-ci pourront accéder directement à certains professionnels de santé, comme les IPA exerçant à l’hôpital, les masseurs-kinésithérapeutes et les orthophonistes. Cette proposition de loi prévoit d’attribuer de nouvelles compétences à certains professionnels de santé. Les IPA, par exemple, pourront prescrire certains produits ou prestations non soumis à ordonnance. Les pharmaciens pourront également renouveler les ordonnances et administrer certains dépistages et vaccins contre la grippe, la covid-19 ou encore la variole.

Pour le groupe UC, ce sera donc « oui » au texte adopté en CMP, avec toutefois quelques réserves.

Oui, car cette proposition de loi participe d’une mission double : tenter de garantir des soins de qualité à tous les Français, mais surtout conserver le rôle central du médecin dans la coordination et le suivi des patients. C’est l’essentiel pour notre groupe UC, car cet équilibre est fragile. Et les médecins ont de plus en plus le sentiment d’être les boucs émissaires de la crise de la démographie médicale.

Nous avons des réserves, parce que le renforcement des compétences du personnel paramédical doit être affiné et expérimenté. Il le sera, mais nous devons encore multiplier les expérimentations, et je pense qu’il va falloir approfondir et travailler la question de la formation, pour les médecins comme pour les professions paramédicales.

Ces réserves exprimées, nous voterons ce texte, car la désertification médicale, qui le justifie, restera encore longtemps – je le crains – une préoccupation majeure pour de nombreux territoires et de nombreuses communes. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi quau banc des commissions.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.

M. Jean-Claude Requier. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, les médecins que compte notre groupe n’étant pas disponibles ce jour, c’est moi qui prendrai la parole, en pratique avancée ! (Sourires.)

La médecine française, née dans le tablier de Bichat, comme aimait à le dire Gustave Flaubert, s’est développée grâce à Trousseau, Claude Bernard et bien d’autres… Autant de grands noms qui ont donné à la France l’un des meilleurs systèmes de santé au monde.

Pourtant, le modèle français connaît aujourd’hui la crise la plus grave de son histoire et les réformes menées ces dernières années n’ont pas permis d’enrayer la dégradation à l’œuvre depuis plusieurs décennies.

Bien au contraire ! Conditions de travail dégradées, épuisement du personnel médical, perte d’attractivité, manque de reconnaissance : les symptômes sont nombreux.

Aujourd’hui, plus de 7 millions de Français sont dépourvus de médecin traitant et 600 000 d’entre eux sont atteints d’affection longue durée. La désertification médicale touche de plus en plus de territoires, privant ainsi des populations de plus en plus importantes d’un suivi médical de qualité.

Le 6 janvier dernier, à l’occasion des vœux aux acteurs de la santé, le Président de la République a rappelé la nécessité de réformer notre système de santé. Vous-même, monsieur le ministre, avez reconnu qu’il y avait urgence. Car notre système de santé est fragilisé, à bout de souffle. Il tient grâce à la résilience extrême des hommes et des femmes de terrain. Il est plus que nécessaire de le repenser avant qu’il ne s’effondre.

Comme vous l’avez rappelé la semaine dernière, lors de la présentation du bilan du Conseil national de la refondation en santé : « Refonder, ce n’est pas colmater les brèches. » Le groupe du RDSE ne peut que souscrire à ces propos.

Pourtant, avec ce texte, un de plus, nous sommes bien loin de la grande loi santé que nous appelons tous de nos vœux.

Et cette refondation doit se faire avec la coopération des acteurs de terrain, notamment des professionnels de santé, qui, pendant la crise sanitaire, ont su relever des défis extraordinaires et nous montrer qu’il fallait leur faire confiance.

C’est pourquoi notre groupe regrette que l’examen de cette proposition de loi soit intervenu alors que les négociations conventionnelles avec l’assurance maladie étaient en cours et que les conclusions du Conseil national de la refondation n’étaient pas encore rendues. Notre collègue Véronique Guillotin l’avait déjà dénoncé le 14 février dernier.

Alors que la proposition de loi vise à améliorer l’accès aux soins par la confiance aux professionnels de santé, les médecins y ont vu de la défiance ! Bon nombre d’entre eux craignent en effet que ce texte ne dégrade la qualité de prise en charge des patients. C’est surtout la question de l’accès direct qui a cristallisé l’essentiel des oppositions. D’autant que l’accès direct aux IPA, masseurs-kinésithérapeutes et orthophonistes dans le cadre de structures d’exercice coordonné, aurait dû faire l’objet d’expérimentations. C’est du moins ce que les deux dernières lois de financement de la sécurité sociale prévoyaient.

Sur le fond, je tiens toutefois à saluer le travail de notre rapporteure, qui, en première lecture, avait amélioré la proposition de loi. Nous nous réjouissons que le texte adopté en commission mixte paritaire reprenne très largement les modifications apportées par notre assemblée.

La commission mixte paritaire a ainsi réservé l’accès direct aux IPA et aux masseurs-kinésithérapeutes aux structures d’exercice coordonné les mieux intégrées partageant une patientèle commune, à l’exclusion des CPTS, qui feront toutefois l’objet d’une expérimentation. Cette rédaction permet de préserver le rôle pivot du médecin dans la coordination des soins et le suivi des patients.

Plusieurs autres dispositions vont dans le bon sens. Je n’en citerai que quelques-unes.

Tout d’abord, la reconnaissance de la qualité de profession de santé aux assistants de régulation médicale était très attendue. Elle permettra, j’en suis sûr, de renforcer l’attractivité d’une profession indispensable à l’organisation du système de soins.

Ensuite, nous nous satisfaisons que soit pérennisée la possibilité offerte aux préparateurs en pharmacie d’administrer certains vaccins, mais aussi que soit étendu d’un à trois mois le délai de renouvellement des prescriptions pour les patients atteints d’affections de longue durée.

Surtout, il est primordial que les pharmaciens biologistes puissent dépister le cancer du col de l’utérus. Chaque année, 3 000 nouveaux cas sont détectés et 1 000 décès sont à déplorer en France. Il est donc indispensable de multiplier les moyens de dépistage. Aussi nous réjouissons-nous que le Gouvernement ait déposé un amendement visant à pérenniser cette compétence.

Pour toutes ces raisons, le groupe du RDSE votera en faveur de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE, RDPI et INDEP, ainsi quau banc des commissions.)

Mme la présidente. Conformément à l’article 42, alinéa 2, du règlement, je mets aux voix, dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, modifié par les amendements du Gouvernement, l’ensemble de la proposition de loi portant amélioration de l’accès aux soins par la confiance aux professionnels de santé.

(La proposition de loi est adoptée.)

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : proposition de loi portant amélioration de l'accès aux soins par la confiance aux professionnels de santé
 

4

 
Dossier législatif : proposition de loi visant à améliorer l'encadrement des centres de santé
Discussion générale (suite)

Encadrement des centres de santé

Adoption définitive en deuxième lecture d’une proposition de loi dans le texte de la commission

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion en deuxième lecture de la proposition de loi, adoptée avec modifications par l’Assemblée nationale, visant à améliorer l’encadrement des centres de santé (proposition n° 460, texte de la commission n° 567, rapport n° 566).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi visant à améliorer l'encadrement des centres de santé
Article 1er

M. François Braun, ministre de la santé et de la prévention. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, assainir notre système de santé est un impératif.

Comme je l’ai répété devant les représentants des professionnels, les élus et toutes les parties prenantes, qui étaient réunis la semaine dernière au ministère pour une rencontre plénière du Conseil national de la refondation (CNR) en santé, on ne construit bien que sur des bases saines et solides et on n’avance bien qu’en suivant des principes fermement établis.

Nous sommes déterminés à mener, et à réussir, toutes les réformes permettant de replacer l’éthique au cœur de notre système. Cela passe par la régulation des dérives, la juste utilisation des deniers publics et la lutte contre la fraude et contre la financiarisation excessive de certaines pratiques.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je me réjouis de vous retrouver aujourd’hui, pour, je l’espère, adopter définitivement un texte important en ce sens, qui a déjà été, par trois fois, voté unanimement à l’Assemblée nationale et au Sénat.

Je tiens tout d’abord à avoir un mot pour la présidente de la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale, la députée Fadila Khattabi, que je remercie d’avoir été à l’initiative de cette proposition de loi, puis de l’avoir défendue.

Je salue également le travail conjoint et constructif des commissions des deux assemblées, notamment celui des sénateurs et de leur rapporteur, Jean Sol, pour façonner un texte cohérent et efficace. En effet, il est important que cette loi soit adoptée et entre en vigueur rapidement. Le développement soutenu des centres de santé, principalement des centres optiques et dentaires, qui sont visés par le texte, nous l’impose.

Les chiffres ont été rappelés à de multiples reprises au cours des débats. On compte actuellement près de mille centres dentaires sur le territoire français. Leur nombre a progressé de 60 % en l’espace de cinq ans. La tendance est similaire pour les centres de soins ophtalmologiques.

Je le rappelle, l’objectif de cette loi n’est en aucun cas de s’attaquer au modèle des centres de santé ni de jeter l’opprobre sur les professionnels qui y exercent et qui fournissent, pour la très grande majorité d’entre eux, un travail de qualité au service de leurs patients et d’un meilleur accès à la santé de tous.

Les centres de santé – ce sont les héritiers des premiers dispensaires municipaux dans les villes ouvrières de la banlieue parisienne, qui ont vu le jour dans les années 1920 –, qu’ils soient urbains, ruraux ou situés dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville, sont reconnus par nombre de nos concitoyens comme des lieux leur permettant d’accéder facilement et rapidement à des soins.

Près de 2 500 structures rassemblent 38 000 professionnels à travers le pays. Leur présence au cœur des territoires répond à l’objectif de responsabilité populationnelle qui nous est cher.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je sais que vous en conviendrez, réguler, c’est non pas empêcher, mais protéger. Il s’agit d’accompagner le déploiement d’un mode d’exercice collectif de la médecine qui corresponde aux aspirations des professionnels de santé et qui soit utile à nos concitoyens, mais aussi de garantir aux opérateurs fiables que l’État s’assure de la qualité et de la sécurité des soins et de protéger les Français contre des dérives inacceptables, qui mettent en danger notre santé et décrédibilisent tout un modèle.

Ces dérives, si elles sont minoritaires, n’en sont pas moins extrêmement graves. Certaines affaires emblématiques ont suscité un émoi légitime dans la société. Je pense notamment aux scandales Proxidentaire et Dentexia, qui ont mérité les chefs d’accusation de « violences volontaires » et de « mutilations », certains patients souffrant désormais d’infirmités permanentes.

Les abus peuvent donc être physiques, mais aussi financiers, à coups de surfacturations, de surtraitements et de multifacturations. Outre leur coût pour la sécurité sociale, ces pratiques tarifaires frauduleuses sont d’autant plus choquantes que ces centres de santé ont généralement abusé de la confiance de patients précaires, qui voyaient en eux une solution à leurs problèmes de santé.

Atteintes dans leur intégrité physique et escroquées, les victimes subissent une double peine. Je refuse que des investisseurs malhonnêtes capitalisent sur les difficultés d’accès aux soins de nos concitoyens les plus vulnérables.

L’ordonnance n° 2018-17 du 12 janvier 2018 relative aux conditions de création et de fonctionnement des centres de santé a permis, sans attendre, de premières avancées concrètes pour contrôler davantage les conditions d’ouverture et de fonctionnement de ces centres.

De plus, nous avons consolidé l’arsenal de notre système de santé en matière de lutte contre la fraude sociale, de manière à pouvoir déconventionner beaucoup plus rapidement les centres où sont constatées des infractions graves.

D’autres mesures ont également été étudiées dans le cadre de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2022.

L’union des différentes forces de contrôle nous permettra d’être plus efficaces. Ainsi, au mois de novembre dernier, dix centres de santé dentaires ont fait l’objet, dans dix régions, d’une mission d’inspection-contrôle conjointe des agences régionales de santé (ARS), des caisses primaires d’assurance maladie (CPAM), des services d’inspection du travail et des services fiscaux, avec l’aide de la mission interministérielle de coordination antifraude (Micaf).

L’adoption de cette proposition de loi est l’occasion d’avancer encore et d’ancrer ces mesures, afin de toujours mieux sécuriser les prises en charge et d’assurer la qualité des soins à tous nos concitoyens. Aussi, pour sécuriser le développement des centres de santé, nous proposons des mesures concertées, nécessaires et équilibrées.

Tout d’abord, la logique d’agrément renforce la démarche de projet de santé, autour de laquelle doivent être construits les centres de santé dentaires et ophtalmologiques. L’agrément, envisagé à l’échelon régional, permet également d’inscrire les structures dans un projet territorial plus large, défini localement par les agences régionales de santé, avec les acteurs locaux.

Ensuite, nous garantissons la qualité des soins, grâce à la transmission, puis à la vérification, dans le dossier de demande d’agrément comme à chaque nouvelle embauche, des diplômes et des contrats de travail des chirurgiens-dentistes, des assistants dentaires, des ophtalmologistes et des orthoptistes.

Par ailleurs, nous ne transigeons pas avec la sincérité de la gestion financière, en entérinant l’obligation de certification des comptes par un commissaire et leur transmission aux ARS. De même, nous nous donnons les moyens de procéder plus largement à des contrôles et à des vérifications, notamment au cours de la première année, puisque l’agrément délivré ne deviendra définitif qu’à l’issue d’une période de douze mois.

Nous renforçons également les sanctions, grâce à des amendes pouvant atteindre 500 000 euros, en complément d’éventuelles sanctions pénales pour les cas les plus graves.

Enfin, nous prévenons les récidives, en ce sens qu’un gérant malhonnête ne pourra plus, après la fermeture de son centre, en ouvrir un autre dans une région différente. Un répertoire national recensera toutes les décisions de suspension ou de fermeture et sera à la disposition de tous les services de l’État et des organismes de sécurité sociale.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je suis déterminé à assainir notre système de santé et à prendre toutes les dispositions nécessaires pour lutter contre les dérives éthiques et financières qui mettent en péril notre modèle social.

En osant nous attaquer à l’intérim dérégulé et en plafonnant les rémunérations des praticiens intérimaires, nous n’avons pas fait autre chose. Cette mesure n’a pas été facile à mettre en œuvre, j’en conviens, mais elle était absolument nécessaire.

De nouvelles échéances législatives nous réuniront bientôt pour débattre de l’interdiction de la pratique de l’intérim en début de carrière, pour sécuriser l’entrée dans la vie professionnelle des jeunes soignants.

Mesdames, messieurs les sénateurs, il ne me reste plus qu’à vous remercier, une fois encore, de votre investissement et du travail que vous avez fourni sur ce texte. Je vous invite à le voter unanimement, une dernière fois, afin d’assurer un développement éthique des centres de santé, au service d’un accès à des soins adaptés et de qualité pour chacun de nos concitoyens.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jean Sol, rapporteur de la commission des affaires sociales. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi visant à améliorer l’encadrement des centres de santé, déposée en octobre 2022 par la présidente de la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale, Fadila Khattabi, a été adoptée en deuxième lecture par les députés le 14 février dernier.

Je regrette que nous devions l’examiner de nouveau, car nous avions travaillé, en première lecture, dans un esprit consensuel, afin de permettre à l’Assemblée nationale de l’adopter définitivement.

Les députés ont certes adopté conformes trois articles relatifs à la prévention des conflits d’intérêts, à l’identification des professionnels de santé par un numéro personnel distinct de la structure et au régime de sanctions applicables. Ils ont également approuvé la suppression de deux articles dont les dispositions avaient, par cohérence, été transférées par le Sénat au sein d’autres articles de cette proposition de loi. Toutefois, huit articles restent en discussion, et les modifications apportées par les députés ne justifiaient guère de reporter l’adoption définitive de ce texte.

À l’article 1er, relatif aux procédures d’agrément, l’Assemblée nationale a ainsi choisi d’intégrer les activités orthoptiques au champ des activités soumises à l’agrément du directeur général de l’ARS, mais aussi de supprimer la possibilité pour les conseils départementaux de l’ordre de consulter les projets de santé.

Je me bornerai à constater que les activités orthoptiques sont a priori réalisées dans des centres ayant une activité ophtalmologique et que, loin de mettre à disposition les projets de santé de tous les centres, nous n’avions donné aux ordres qu’un droit de consultation, qui me paraissait légitime au regard de leurs missions.

Surtout, l’Assemblée nationale a introduit une disposition nouvelle concernant les modalités de réalisation de la visite de conformité, en prévoyant pour la personne mandatée la possibilité de ne pas annoncer son identité ni l’objet de sa visite.

Ces dispositions, qui auraient tout à fait pu relever d’un décret d’application, me semblent assez délicates à mettre en œuvre. En effet, comment la personne mandatée aura-t-elle accès à l’ensemble des éléments lui permettant de juger de la conformité du centre de santé ? Au-delà d’une simple observation sur les modalités d’accueil, la visite de conformité a bien pour objet d’apprécier les pratiques du centre et de ses praticiens et gestionnaires.

À l’article 1er bis A, relatif à la conservation des dossiers médicaux des patients et à leur transmission en cas de fermeture du centre de santé, si les députés ont préservé l’obligation de conservation dans des conditions garantissant la continuité de prise en charge des patients, ils ont privilégié, en cas de fermeture, une information des ordres à une transmission aux ARS des dossiers.

Nous avions introduit cet article en première lecture pour répondre à une préoccupation forte concernant le relais de prise en charge pour certains patients dont les dossiers médicaux manquaient à la fermeture du centre de santé, dont la reprise des soins a été largement compromise.

Pour ce qui concerne l’article 1er quater, relatif aux modalités transitoires applicables aux centres existants, l’Assemblée nationale s’est contentée de modifications rédactionnelles.

À l’article 2, les députés ont, pour l’essentiel, rétabli leur rédaction de première lecture, c’est-à-dire qu’ils ont réinscrit dans la loi les précisions relatives au fonctionnement du comité médical ou dentaire et à l’obligation pour le gestionnaire d’assurer la transparence du centre sur l’identité des professionnels de santé qui prennent en charge des patients.

Sans doute peut-on partager la crainte que le pouvoir réglementaire ne soit tenté d’amoindrir des obligations nouvelles dont nous souhaitons qu’elles améliorent la qualité des soins. Mais fallait-il pour autant rétablir la mention selon laquelle « le gestionnaire s’assure que le règlement intérieur de l’établissement prévoit le port d’un badge nominatif indiquant la fonction du professionnel de santé » ?

Les modifications touchent ici également au fond du dispositif, puisque le comité médical est rendu coresponsable de l’amélioration de la qualité des soins et de la formation continue du dispositif. Les contours d’une telle responsabilité ne sont pas plus clairs qu’en première lecture – raison pour laquelle nous l’avions retouchée – et devront de toute façon être précisés par le pouvoir réglementaire.

À l’article 4, les députés ont complété l’obligation de publicité des décisions de sanction financière en étendant ses effets au site internet des autorités sanitaires appropriées et en l’accompagnant d’une mise en demeure du gestionnaire de les publier sur le site du centre lui-même.

En outre, ils ont transformé en compétence liée ce qui n’était qu’une faculté offerte au directeur d’ARS, celle de refuser de délivrer le récépissé ou l’agrément pour l’ouverture d’un nouveau centre lorsque les membres de son instance dirigeante ont fait l’objet d’une mesure de suspension ou de fermeture.

L’article 7 a été complété par une disposition améliorant l’information des patients en cas de déconventionnement d’un centre par l’assurance maladie.

Enfin, les députés ont rétabli l’article 9, qui prévoit la remise par le Gouvernement d’un rapport sur les moyens des agences régionales de santé. Le rétablissement de cette demande de rapport constitue à mon sens l’exemple le plus frappant du caractère largement surmontable des désaccords exprimés à l’égard du texte que nous avions adopté.

Il me semble difficile de nier que la rédaction issue des travaux du Sénat en première lecture aurait pu, sans préjudice aucun pour la bonne application de la loi, être adoptée telle quelle par l’Assemblée nationale en deuxième lecture.

C’est pourquoi, mes chers collègues, la commission vous propose, dans l’intérêt des patients, de mettre fin à la navette parlementaire en préconisant l’adoption définitive de ce texte par le Sénat. C’est d’autant plus souhaitable qu’un nouveau signalement pour détournement de fonds publics d’un centre de santé a récemment fait la une. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Jean-Noël Guérini applaudit également.)