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Article 2 B (interruption de la discussion)
Dossier législatif : proposition de loi visant à encadrer l'influence commerciale et à lutter contre les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux
Article 2 B

Influenceurs sur les réseaux sociaux

Suite de la discussion en procédure accélérée et adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Mme la présidente. Nous reprenons la discussion de la proposition de loi visant à encadrer l’influence commerciale et à lutter contre les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux.

Dans la discussion des articles, nous sommes parvenus à l’amendement n° 43, au sein de l’article 2 B.

Discussion générale
Dossier législatif : proposition de loi visant à encadrer l'influence commerciale et à lutter contre les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux
Article additionnel après l'article 2B - Amendement n° 19

Article 2 B (suite)

Mme la présidente. Je suis saisie de cinq amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 43, présenté par M. Gay, Mme Lienemann et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 1

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

…. – Est interdite aux personnes mentionnées à l’article 1er, la promotion de denrées et boissons trop riches en sucres, sel, matières grasses, ou sans alcool dont la dénomination fait référence à une marque d’alcool. Les modalités d’application sont précisées par un décret détaillant notamment les critères de référence utilisés pour définir les produits ciblés et les exceptions à cette interdiction pour tout ou partie des denrées mentionnées aux sections 1 et 2 du chapitre Ier du titre IV du livre VI du code rural et de la pêche maritime.

La parole est à M. Fabien Gay.

M. Fabien Gay. Cet amendement vise à lutter contre la promotion de la malbouffe. Nous considérons qu’il s’agit d’une priorité, alors que 17 % des enfants âgés de 6 à 17 ans souffrent d’obésité.

Même l’Organisation mondiale de la santé (OMS) nous le rappelle : l’obésité infantile et le marketing des produits peu sains font partie des sujets de préoccupation majeure. Le marketing digital constitue un nouveau défi de santé publique contre lequel il nous faut lutter d’urgence.

C’est la raison pour laquelle nous voulons interdire la promotion des produits trop sucrés, trop salés ou trop gras.

Plus largement, il me semble que nous devrions réfléchir à la publicité en direction des jeunes enfants dans son ensemble.

Mme la présidente. L’amendement n° 10, présenté par MM. Salmon, Labbé, Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard et Parigi et Mmes Poncet Monge et M. Vogel, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 2

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

…. - Est interdite aux personnes exerçant l’activité d’influence commerciale par voie électronique toute promotion, directe ou indirecte, des boissons avec ajout de sucres, de sel ou d’édulcorants de synthèse ainsi que des produits alimentaires manufacturés ou non dont la teneur en sel, en sucres, en édulcorants de synthèse ou en matières grasses est supérieure à un seuil fixé par arrêté conjoint des ministres chargés de l’économie et de la santé. Ne sont pas soumises à cette interdiction les denrées alimentaires mentionnées aux sections 1 et 2 du chapitre Ier du titre IV du livre VI du code rural et de la pêche maritime.

La parole est à M. Daniel Salmon.

M. Daniel Salmon. Par cet amendement, nous souhaitons interdire aux influenceurs la promotion des produits alimentaires et boissons trop riches en sucres, en sel ou en matières grasses. Seraient exemptés de cette interdiction les produits de qualité labellisés, afin – bien évidemment – de ne pas pénaliser les produits de nos terroirs.

Les mentions obligatoires prévues à l’article 2 C pour intégrer une information à caractère sanitaire dans la promotion de ces produits de mauvaise qualité nutritionnelle semblaient déjà insuffisantes – elles ont d’ailleurs été supprimées en commission. Une interdiction stricte apparaît d’autant plus nécessaire.

Face à l’arsenal de communication des industries agroalimentaires, les pouvoirs publics ne se battent pas à armes égales. Les messages sanitaires inscrits au bas des publicités indiquant qu’il faut manger cinq fruits et légumes par jour ou bien qu’il faut manger et bouger manquent de visibilité. Force est de constater qu’ils échouent à provoquer un changement de comportement.

Il y a pourtant urgence à agir plus fortement, alors que notre pays compte 4 millions de personnes diabétiques et que 47 % de la population française est en surpoids, dont 17 % d’obèses.

Des travaux scientifiques montrent ainsi que la consommation d’aliments de mauvaise qualité nutritionnelle augmente de 61 % les risques de maladies cardiovasculaires, de 40 % le syndrome métabolique et de plus de 60 % le risque d’obésité chez l’homme.

Toutes ces maladies chroniques coûtent plus de 55 milliards d’euros par an, alors que le chiffre d’affaires annuel de l’agroalimentaire est de 166 milliards d’euros.

On voit bien que se pose ici une question de santé publique, dont on ne peut s’affranchir au nom du profit de quelques filières, notamment dans l’agroalimentaire. Il faut tenir compte de toutes ces externalités négatives qui sont à la charge de la société.

Mme la présidente. L’amendement n° 34, présenté par M. Cardon, Mme Préville, M. Kanner, Mmes Artigalas et Blatrix Contat, MM. Bouad, Mérillou, Michau, Montaugé, Pla, Redon-Sarrazy, Tissot et Jomier, Mmes Meunier et Monier, M. Sueur et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

… – Est interdite aux personnes exerçant l’activité d’influence commerciale par voie électronique toute promotion, directe ou indirecte, ciblant les enfants de moins de seize ans, de boissons et de produits manufacturés avec ajout de sucres, de sel ou d’édulcorants de synthèse.

Ne sont pas soumises à cette interdiction les denrées alimentaires mentionnées aux sections 1 et 2 du chapitre Ier du titre IV du livre VI du code rural et de la pêche maritime.

La parole est à Mme Angèle Préville.

Mme Angèle Préville. L’article 2 B prévoit un cadre d’interdiction en matière de publicité dans certains secteurs.

La question du marketing et de la publicité ciblant les enfants sur les réseaux sociaux mérite qu’on en mesure bien les effets en matière de santé publique, d’autant que les mécanismes d’autorégulation fonctionnent mal sur ces médias.

Or, à l’âge de 11 ans, plus de la moitié des enfants sont déjà présents sur les plateformes des réseaux sociaux ; ce taux passe à plus de 70 % pour les adolescents à partir de 12 ans. Les jeunes sont exposés à une grande quantité de contenus publicitaires promus par les influenceurs pour des produits trop gras, trop sucrés ou trop salés. Ces boissons et aliments contribuent fortement au développement de l’obésité et favorisent des maladies chroniques comme le diabète de type 2 ou encore certains cancers.

En France, un enfant sur six est en surpoids ou obèse et risque de le rester à l’âge adulte.

À la question de savoir si l’on peut avoir des règles de publicité spécifiques pour l’influence commerciale, la réponse est bien évidemment positive. La loi du 20 décembre 2016 relative à la suppression de la publicité commerciale dans les programmes jeunesse de la télévision publique, dite loi Gattolin, avait encadré la publicité dans les programmes jeunesse de la télévision publique.

Mme Angèle Préville. Désormais, le temps que les enfants passent devant un ordinateur et sur internet dépasse largement celui qu’ils passent à regarder la télévision. Nous devons donc adapter les règles de publicité ciblant les enfants sur les réseaux sociaux.

Notre amendement vise ainsi à interdire explicitement la promotion par les influenceurs de boissons et produits alimentaires trop sucrés, trop gras ou trop salés à destination des enfants de moins de 16 ans.

J’ajoute, à la suite de mon collègue, que cette interdiction ne concernerait bien évidemment pas les produits de qualité et de terroir, qu’il s’agisse du label rouge, des produits bio ou des produits de la ferme.

J’y insiste : nous sommes face à un fléau, à un phénomène en progression : l’obésité chez les enfants se développe, ainsi que le diabète de type 2.

Mme la présidente. Veuillez conclure, chère collègue.

Mme Angèle Préville. Nous devons faire preuve d’une vigilance absolue sur le sujet.

Mme la présidente. L’amendement n° 26 rectifié bis, présenté par Mme Meunier, MM. Cardon, Tissot et Jomier, Mmes de La Gontrie et Le Houerou, MM. Magner, P. Joly et Féraud, Mme Poumirol, MM. Redon-Sarrazy et J. Bigot, Mme Bonnefoy, MM. Lozach, Stanzione et Temal et Mme Lubin, est ainsi libellé :

Compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :

…. – Les communications commerciales par voie électronique réalisées par les personnes mentionnées à l’article 1er de la présente loi relative aux boissons définies aux 3° à 5° de l’article L. 3321-1 du code de la santé publique et aux boissons commercialisées sous un nom de marque faisant référence à une boisson alcoolique sont autorisées uniquement sur les plateformes en ligne offrant la possibilité technique d’exclure de l’audience dudit contenu tous les utilisateurs âgés de moins de dix-huit ans. Cette mention doit être claire, lisible et identifiable, sur l’image ou la vidéo, sous tous les formats, durant l’intégralité de la promotion.

Les mécanismes d’exclusion prévus au présent paragraphe sont conformes à un référentiel élaboré par l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique après consultation de la Commission nationale de l’informatique et des libertés.

Les données personnelles des mineurs collectées ou générées lors de l’utilisation des mécanismes d’exclusion prévus au présent paragraphe ne doivent pas être utilisées à des fins commerciales, telles que le marketing direct, le profilage et la publicité ciblée sur le comportement.

Les contrats de promotion portant sur la promotion desdites boissons incluent impérativement une clause par laquelle les personnes définies à l’article 1er de la présente loi attestent avoir pris connaissance des lois et règlements applicables en matière de publicité pour l’alcool et s’obligent à les respecter.

…. – Au 9° de l’article L. 3323-2 du code de la santé publique, après le mot : « jeunesse, », sont insérés les mots : « de ceux mentionnés à l’article 2 B de la loi n° … du … visant à encadrer l’influence commerciale et à lutter contre les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux ».

La parole est à Mme Michelle Meunier.

Mme Michelle Meunier. Selon l’OMS et diverses études internationales, il existe un lien entre publicité en faveur de l’alcool sur les réseaux sociaux et consommation, voire augmentation de la consommation d’alcool chez les adolescents et les jeunes adultes.

Si la publicité pour l’alcool a été autorisée sur les services de communication en ligne en 2009, c’était avant l’apparition d’Instagram, de Snapchat ou encore de TikTok, plateformes utilisées le plus souvent par les mineurs. Il convient donc d’adapter la loi Évin, qui avait pour objet de renforcer la protection de la santé des jeunes.

Les mineurs sont largement confrontés à ces publicités. L’association Addictions France a d’ailleurs relevé en dix-huit mois plusieurs milliers de contenus en faveur de l’alcool, émis par des influenceurs.

Cet amendement vise à mettre en place un système en ligne permettant d’exclure l’audience mineure des publicités pour l’alcool sur le modèle de ce qui est prévu pour les jeux d’argent et de hasard à l’article 2 B de la présente proposition de loi.

Mme la présidente. L’amendement n° 59 rectifié, présenté par Mme Guillotin, M. Gold, Mme M. Carrère, MM. Fialaire, Artano et Bilhac, Mme Pantel et MM. Roux et Requier, est ainsi libellé :

Compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :

…. – Les communications commerciales par voie électronique réalisées par les personnes mentionnées à l’article 1er de la présente loi relatives aux boissons définies aux 3° , 4° et 5° du L. 3321-1 du code de la santé publique et aux boissons commercialisées sous un nom de marque faisant référence à une boisson alcoolique sont autorisées uniquement sur les plateformes en ligne offrant la possibilité technique d’exclure de l’audience dudit contenu tous les utilisateurs âgés de moins de dix-huit ans et si ce mécanisme d’exclusion est effectivement activé, conformément à l’article 28 du règlement (UE) 2022/2065 du Parlement européen et du Conseil du 19 octobre 2022 relatif à un marché unique des services numériques et modifiant la directive 2000/31/CE (règlement sur les services numériques).

…. – Au 9° de l’article L. 3323-2 du code de la santé publique, après le mot : « jeunesse, » sont insérés les mots : « de ceux mentionnés à l’article 2 B de la loi n° … du … visant à encadrer l’influence commerciale et à lutter contre les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux ».

Cet amendement n’est pas soutenu.

Quel est l’avis de la commission ?

Mme Amel Gacquerre, rapporteure de la commission des affaires économiques. Nous souscrivons à l’objet de ces amendements, qui visent à renforcer la protection de la santé publique et la lutte contre l’obésité.

Toutefois, les interdictions proposées semblent disproportionnées, dans la mesure où il n’existe pas de telles interdictions pour les autres canaux publicitaires. L’adoption de ces dispositions créerait une rupture d’égalité qui n’est pas justifiée.

Les amendements nos 43 et 10 visent à renvoyer au pouvoir réglementaire la fixation de seuils à partir desquels des boissons et produits alimentaires seraient considérés comme trop gras, trop sucrés ou trop salés. Ils reviennent donc à créer en droit de nouvelles catégories d’aliments, ce qui n’est pas souhaitable. J’y insiste : il ne faudrait pas que l’examen de cette proposition de loi conduise à complexifier le droit existant.

Les dispositions de l’amendement n° 34 risquent d’être inapplicables en raison des difficultés d’identification de l’audience d’un influenceur. En effet, comme je l’ai souligné lors de l’examen de l’article 1er, cette audience dépasse largement le champ des seuls abonnés, d’autant que la passivité des responsables des plateformes concernées et la facilité de contournement des mécanismes de vérification d’âge rendent l’identification des internautes de moins de 16 ans encore plus complexe.

L’amendement no 26 rectifié bis vise à appliquer à la promotion de boissons alcooliques ainsi qu’à celle de boissons non alcooliques, mais commercialisées sous le nom d’une marque d’alcool, l’encadrement prévu pour la promotion des jeux d’argent et de hasard, à savoir leur autorisation sur les seules plateformes en ligne disposant d’un mécanisme d’exclusion des personnes mineures et affichant un bandeau mentionnant l’interdiction aux jeunes âgés de moins de 18 ans.

Comme vous le savez, la loi Évin autorise la publicité pour l’alcool sur les services de communication en ligne, dont les réseaux sociaux. La commission s’est exprimée en faveur du maintien du cadre légal existant, car l’objet de cette proposition de loi n’est pas de faire évoluer la loi Évin, mais de faire respecter les règles existantes et de mieux les faire connaître.

Pour faciliter le travail de régulation des contenus frauduleux, la commission a attribué aux associations luttant contre l’alcoolisme, telles qu’Addictions France, le statut de signaleurs de confiance : il s’agit là d’une première étape indispensable pour faire respecter les dispositions de la loi Évin.

Pour toutes ces raisons, la commission a émis un avis défavorable sur l’ensemble de ces amendements.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée auprès du ministre de léconomie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de lartisanat et du tourisme. Je souscris bien évidemment aux propos de la rapporteure, en stricte cohérence avec la position que j’ai défendue lors des débats que nous avons eus cet après-midi.

J’ajoute toutefois, quitte à me répéter, que l’inscription de la moindre rupture d’égalité dans le texte risque d’entraîner la censure de tout ou partie de cette proposition de loi, alors même que la représentation nationale souhaite son adoption.

L’un des amendements présentés vise notamment à exempter les produits de qualité de l’interdiction de publicité, ce qui est contraire aux règles européennes.

Par ailleurs, une telle mesure nous ferait entrer dans des débats aux arguments très sibyllins : on interdirait la publicité d’un certain nombre de produits, mais pas de ceux du terroir ; on ne pourrait promouvoir les bonbons, mais on pourrait promouvoir la raclette, alors que le risque nutritionnel de ce plat, que j’apprécie, est réel compte tenu de sa teneur en matières grasses.

Imaginez que ces dispositions s’appliquent sur un site classique – je ne parle pas d’un réseau social. On pourrait alors y trouver une vidéo en ligne débutant par une publicité pour des bonbons très sucrés et très industriels avant l’apparition d’un influenceur, qui n’aurait pas le droit de promouvoir ces bonbons ni même de montrer qu’il les consomme. Celui-ci serait ensuite interrompu par une nouvelle publicité sur ces mêmes produits, avant de revenir à l’écran, toujours sous les mêmes contraintes…

Au-delà de son côté kafkaïen, cette situation manque de cohérence et induit une rupture d’égalité. Ce qui est autorisé en matière de publicité sur un support digital doit aussi l’être pour les influenceurs commerciaux, dans les mêmes limites.

Le Gouvernement partage l’avis de la commission. Il ne s’agit pas de défendre des principes farfelus, mais d’éviter une rupture d’égalité entre différents canaux diffusant les mêmes contenus.

Encore une fois, la légitimité de vos réflexions en matière de santé publique n’est pas en cause. Il me semble simplement que vos propositions n’empruntent pas le bon véhicule législatif : avis défavorable à l’ensemble des amendements.

M. Jean-Baptiste Lemoyne. La démonstration est convaincante !

Mme la présidente. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.

M. Fabien Gay. Le débat est quelque peu complexe : nous faisons des propositions pour encadrer une nouvelle activité économique dont on nous dit qu’elles sont légitimes et qu’elles ont le mérite de poser le débat, mais qu’elles ne viennent pas au bon moment en ce qu’elles risqueraient de provoquer une rupture d’égalité.

Toutefois, puisque nos propositions sont toutes légitimes, qu’il s’agisse du trop sucré ou du trop salé, de la chirurgie esthétique, des jeux d’argent ou de la cryptomonnaie, le mieux est sans doute que nous finissions l’examen de ce texte et que nous travaillions à encadrer la publicité de manière plus large.

Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. Tout à fait !

M. Fabien Gay. Il semble que nous soyons tous d’accord et que toutes les questions soient bonnes, des produits destinés aux enfants aux paris sportifs.

Votons ce texte qui marquerait une première étape vers davantage d’encadrement, puis travaillons ensemble pour que le débat politique de fond qui existe sur la publicité dans son ensemble prenne forme. Comme toutes nos propositions semblent légitimes, nous devrions pouvoir rapidement nous mettre d’accord pour voter un texte collectif !

Mme la présidente. La parole est à Mme Angèle Préville, pour explication de vote.

Mme Angèle Préville. Madame la ministre, j’ai bien entendu vos arguments.

Toutefois, l’audience ne sera pas la même si la promotion est faite par le biais d’une publicité ou par celui d’un influenceur.

Par ailleurs, la loi Gattolin interdit la publicité de ce type de produits dans le cadre des programmes destinés à la jeunesse. Dès lors qu’un influenceur compte des jeunes parmi ses followers, on entre bien dans ledit cadre, me semble-t-il.

Il va bien falloir parvenir à cadrer tout cela ! On recense 150 000 influenceuses et influenceurs en France qui comptent des centaines de milliers, voire des millions de followers. Ils exercent une influence colossale sur nos jeunes. Nous devons nous emparer du sujet.

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Salmon, pour explication de vote.

M. Daniel Salmon. Madame la ministre, ce qui est kafkaïen, c’est dépenser des dizaines de milliards d’euros pour traiter des maladies chroniques que contribue à déclencher la publicité pour des aliments trop gras, trop sucrés ou trop salés. Il va falloir prendre le taureau par les cornes.

M. Laurent Burgoa. Pas vous ! (Sourires.)

M. Daniel Salmon. Rassurez-vous, ce n’est pas la corrida : le taureau sera sauvé ! (Nouveaux sourires.)

Il faudra traiter l’encadrement de la publicité de manière générale.

La présente proposition de loi porte sur les influenceurs. Or nous savons que le public auquel s’adressent les réseaux sociaux est très vulnérable, souvent issu de milieux défavorisés et comptant beaucoup d’enfants.

Il suffit d’aller dans les départements d’outre-mer pour constater les dégâts de l’obésité, les dégâts que provoque la publicité pour tous ces produits, cette malbouffe qui détruit la santé de nombreuses personnes qui resteront dans cet état pendant des années et des années.

On peut toujours dire qu’il n’y a pas d’épidémie d’obésité, les statistiques sont très claires : les personnes en surpoids, notamment les enfants obèses, sont de plus en plus nombreuses. Il s’agit d’un vrai sujet de société : si l’on choisit de privilégier l’intérêt économique, la charge des coûts induits pèsera sur les contribuables.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée. Je ne veux pas laisser sans réponse l’exégèse que le sénateur Salmon vient de faire de mes propos.

Tout d’abord, si l’on mentionne la boulimie, il faudrait aussi prendre en compte tous les autres troubles alimentaires, notamment l’anorexie. Nous sommes en train de dévoyer le débat pour le faire porter sur un sujet de santé publique, mais je ne suis pas certaine que les troubles alimentaires soient nés avec les réseaux sociaux.

M. Thomas Dossus. Ils les ont amplifiés !

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée. Monsieur Gay, c’est sans doute une faille, mais j’ai l’habitude de dire ce que je pense. Dès lors, quand les positions exprimées sont légitimes, je me permets de le signaler.

Vos amendements soulèvent des débats légitimes, que nous avons eus à l’Assemblée nationale. Si vous avez la volonté de porter ces sujets ensemble, il faudrait le faire au travers d’une proposition de loi sur la publicité en général et non d’un texte portant sur l’influence commerciale.

Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Amel Gacquerre, rapporteure. Il est dommage de rendre les influenceurs coupables de maux que nous connaissons depuis très longtemps. Veillons donc à ne pas stigmatiser systématiquement les influenceurs. (Exclamations dubitatives sur des travées des groupes Les Républicains et SER.)

M. François Bonhomme. On peut tout de même s’interroger…

Mme Amel Gacquerre, rapporteure. Mes chers collègues, j’entends et je respecte ce que vous dites, mais stigmatiser tous les influenceurs n’est pas l’objet de cette proposition de loi. Il s’agit de rappeler l’existence d’un cadre légal qu’ils doivent respecter.

Mme la présidente. La parole est à M. Rémi Cardon, pour explication de vote.

M. Rémi Cardon. Je me contenterai de rappeler quelques chiffres, puisque j’ai bien compris que M. Gay souhaitait lancer une proposition de loi transpartisane sur la publicité. (Sourires.)

Le marché du marketing d’influence est en plein développement avec un taux de croissance de 20 %, soit plus de 15 milliards d’euros en 2022. En outre, chaque Français passe environ une heure cinquante par jour sur les réseaux sociaux, soit plus de temps que devant la télévision, comme différentes études le montrent.

Enfin, un tiers des Français déclare suivre des créateurs : 63 % de ces personnes ont entre 18 et 34 ans, 61 % d’entre elles éprouvent de la sympathie pour les influenceurs, 43 % nourrissent pour eux un sentiment de confiance et 41 % éprouvent de l’admiration à leur égard. (Mme la ministre déléguée sexclame.)

Tout cela doit nous inciter à agir dès à présent. Nous ne devons pas attendre que ce marché explose, alors qu’il est déjà en pleine croissance. Il me semblait que l’examen de ce texte devait nous permettre d’éviter les dérives sur l’influence commerciale. En réalité, dès l’instant où nous touchons à un sujet, nous nous heurtons à la peur de trop réguler le marché ou d’aller trop loin. Le débat de ce soir est une vraie déception.

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée. Allez au bout de votre pensée, interdisez les réseaux sociaux !

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 43.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 10.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 34.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 26 rectifié bis.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 5, présenté par MM. Salmon, Labbé, Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard et Parigi et Mmes Poncet Monge et M. Vogel, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 2

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

…. – Est interdite aux personnes exerçant l’activité d’influence commerciale par voie électronique toute promotion, directe ou indirecte, des produits paramédicaux amincissants.

La parole est à M. Daniel Salmon.

M. Daniel Salmon. Puisque la ministre nous y invite, parlons aussi d’anorexie et de maigreur, voire de minceur, mais c’est un peu différent.

Cet amendement tend à étendre l’interdiction de la promotion directe ou indirecte de produits, actes ou prestations contre rémunération aux produits paramédicaux ayant un effet amincissant supposé. Entre notamment dans le champ de cette interdiction la promotion de crèmes, de pilules ou encore de thés amincissants.

La promotion de ces produits contribue en effet à propager des stéréotypes sexistes sur le corps des femmes et des hommes et peut avoir des conséquences dramatiques sur la santé mentale et physique des adolescents.

Cette injonction à la maigreur, très présente sur les réseaux sociaux, engendre une pression qui peut être difficile à gérer pour des jeunes en pleine construction, dans une période de grande vulnérabilité quant à l’estime de soi et surtout quant à l’image qu’ils ont d’eux-mêmes.

Chez certains adolescents, cela peut aboutir à l’apparition de troubles alimentaires tels que la boulimie ou l’anorexie.

Bien que des règles sur l’interdiction de la publicité mensongère figurent déjà dans le code de la consommation, il apparaît essentiel de prévoir une interdiction stricte dans ce domaine. Mettons un point d’honneur à défendre les mineurs surexposés au culte du corps sur les réseaux sociaux.

Bien entendu, tout cela est multifactoriel. Je ne dis pas que seuls les influenceurs sont responsables de ce culte de l’image ; celui-ci est présent partout dans notre société. Mais nous avons tous conscience qu’avec eux, c’est une marche supplémentaire qui est gravie, et une marche très dangereuse.