M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Serge Babary, rapporteur. Vos préoccupations sont légitimes, ma chère collègue : il n’est évidemment pas souhaitable que la marque France soit associée à des armes ou à de la contrefaçon. Cela ne contribuerait en aucun cas au rayonnement international de la France, critère d’attribution du label.

J’en appelle au bon sens des membres du comité à ce sujet, ainsi qu’à celui du ministère de l’Europe et des affaires étrangères.

Pour autant, je pense qu’il n’est pas judicieux d’ouvrir une brèche et de prévoir de nombreuses interdictions ou dérogations sectorielles dans ce texte. Comme l’auteur du texte l’a indiqué, ces éléments seront utilement précisés par décret.

L’avis est par conséquent défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Olivier Becht, ministre délégué. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.

M. Fabien Gay. Je voterai cet amendement, comme j’ai voté l’amendement précédent.

Sur ces questions, qu’elles soient de nature sociale, environnementale ou autre, il faut un débat plus large : on ne peut pas les régler en quelques minutes.

Prenons le cas d’un agriculteur français basé au Canada ou en Nouvelle-Zélande. Il produira selon les normes environnementales locales et non selon les normes européennes. Pourtant, ce qui est autorisé là-bas nous pose ici problème, mais que peut-on faire ?

Sur le fond, cet amendement et l’amendement précédent sont justes, car, dans la compétition internationale, on ne peut être dans le moins-disant social et environnemental.

Je soulèverai un autre problème. Un entrepreneur français basé au Brésil paiera-t-il ses salariés au Smic brésilien ou au Smic français ? S’y est-il installé pour exploiter les gens ? Si les critères premiers sont la question sociale ou celle du moins-disant, peut-il ou non bénéficier du label ?

C’est pour cela qu’il faut un recensement et demander aux entrepreneurs les raisons de leur expatriation. En effet, si les entrepreneurs partent ailleurs faire ce qui est interdit ici, nous serons tous d’accord pour ne pas leur octroyer le label.

Je partage la philosophie de cet amendement, mais, je le répète, on ne résoudra pas ce débat extrêmement complexe en quelques minutes. Il implique des législations qui diffèrent et qui s’entrelacent.

Ce débat, dont nous ne pourrons faire l’économie, devra également porter sur le travail forcé et sur le travail des enfants, comme sur les multinationales qui ont des filiales partout et qui respectent les règles ici, alors qu’ailleurs elles ne le font pas. Il en est de même pour les grandes firmes françaises, qui, ici, respectent le droit européen, mais qui, par exemple en Afrique, ne le font pas ou le font mal.

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Fabien Gay. Comme les autres, monsieur Cadic – je veille à rester « pro-français » –, elles ne respectent pas le droit social et environnemental.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 9.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 4 rectifié, présenté par Mme Blatrix Contat, M. Chantrel, Mme Conway-Mouret, MM. Leconte et Montaugé, Mme Artigalas, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Pla, Redon-Sarrazy, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Après le mot :

octroi

insérer les mots :

, qui sont notamment conditionnées au contrôle des phénomènes d’optimisation ou d’évasion fiscale,

La parole est à Mme Florence Blatrix Contat.

Mme Florence Blatrix Contat. Cet amendement s’inscrit dans la même problématique que les amendements précédents. Il vise à poser des conditionnalités à l’obtention du label visant à valoriser les entrepreneurs français à l’étranger.

En effet, le développement des entreprises à l’étranger ne doit pas se traduire par un contournement des règles de notre droit. En ce sens, l’obtention du label doit répondre à certaines exigences, qu’elles soient sociales, environnementales, comme cela vient d’être dit, ou éthiques.

Si certains entrepreneurs s’implantent à l’étranger pour valoriser leur savoir-faire et, par exemple, à travers lui, une région en particulier, nous savons que d’autres peuvent s’y installer uniquement pour éviter de payer des impôts.

Il n’y a pas de défiance dans mon propos. Comme l’a souligné notre collègue, nous sommes bien conscients qu’il existe une très grande majorité d’entrepreneurs passionnés. Reste qu’il faut éviter que quelques mauvais exemples ne ternissent ce label.

Aussi, les stratégies d’optimisation et d’évasion fiscales ne pourraient être récompensées par un label. Ce serait en contradiction avec l’esprit de la proposition de loi, qui vise au contraire à valoriser l’image de la France à l’étranger, au travers de l’exemplarité des entrepreneurs et du savoir-faire français.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Serge Babary, rapporteur. Le contrôle des pratiques d’optimisation ou d’évasion fiscales de la part d’entrepreneurs à l’étranger ne relève ni des ambassades, ni des chambres de commerce et d’industrie françaises à l’étranger, ni des conseillers du commerce extérieur. Il faut laisser les administrations compétentes, notamment le ministre chargé des comptes publics, travailler sur ce sujet (M. le ministre délégué acquiesce.) qui, vous avez raison, ma chère collègue, est important.

Il va de soi que, s’ils ne contribuent pas à valoriser la France à l’étranger, ces entrepreneurs n’entreront pas dans le champ de cette proposition de loi. Ce sera le rôle du comité d’identification dont il a été question à plusieurs reprises de le dire.

Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Olivier Becht, ministre délégué. Le Gouvernement est très engagé dans la lutte contre la fraude fiscale,…

M. Fabien Gay. Très engagé ? C’est relatif !

M. Olivier Becht, ministre délégué. … mais je partage l’avis du rapporteur : ce n’est pas l’objet du label.

C’est pourquoi le Gouvernement demande le retrait de cet amendement ; à défaut, il émettra un avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 4 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 17 rectifié, présenté par MM. Cadic et J.M. Arnaud, Mme Billon, M. Canévet, Mmes Devésa et Dindar, MM. Duffourg et Folliot, Mmes Guidez et Jacquemet, MM. Le Nay, Levi, P. Martin, Maurey et Moga et Mmes Morin-Desailly, Perrot et Sollogoub, est ainsi libellé :

Alinéa 4

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Olivier Cadic.

M. Olivier Cadic. Cet amendement vise à supprimer l’alinéa prévoyant la publicité du répertoire des entrepreneurs bénéficiaires du label. En effet, la situation d’un entrepreneur français à l’étranger peut évoluer. Ainsi, celui qui s’adresse à vous est sorti de l’Union européenne sans même déménager. (Sourires.) Cela a changé beaucoup de choses et a eu des conséquences.

En ce sens, ce qui est positif un jour peut devenir très négatif le lendemain. C’est pourquoi la publicité du répertoire prévue à l’alinéa 4 me pose problème.

Puisqu’Évelyne Renaud-Garabedian nous a dit avoir la capacité d’influencer la rédaction d’un décret, je pense qu’il faudrait y faire figurer cette problématique. En revanche, on ne peut pas rendre ce répertoire public sans l’accord des entrepreneurs.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Serge Babary, rapporteur. Mon cher collègue, vous avez raison de soumettre à notre réflexion cette préoccupation de protection des entrepreneurs. Toutefois, celle-ci n’est pas fondée.

En effet, le label n’est pas automatique. Par conséquent, seuls les entrepreneurs qui le souhaitent seront répertoriés. Par ailleurs, le répertoire n’inclura pas d’information personnelle : il n’est pas question de publier, en particulier, leur adresse…

Pour ces raisons, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Olivier Becht, ministre délégué. Avis de sagesse.

M. le président. La parole est à M. Olivier Cadic, pour explication de vote.

M. Olivier Cadic. Je remercie le ministre de son avis de sagesse, comme je remercie le rapporteur d’avoir souligné que des précautions seraient prises. Reste que, là encore, rien n’est véritablement formalisé.

Cependant, fort de cet avis de sagesse, je m’en remettrai à la sagesse des députés et les laisserai considérer ce point. Je retire donc cet amendement.

M. le président. L’amendement n° 17 rectifié est retiré.

Je mets aux voix l’article 3, modifié.

(Larticle 3 est adopté.)

Article 3
Dossier législatif : proposition de loi visant à reconnaître et à soutenir les entrepreneurs français à l'étranger
Intitulé de la proposition de loi

Après l’article 3

M. le président. L’amendement n° 18 rectifié, présenté par MM. Cadic et J.M. Arnaud, Mme Billon, M. Canévet, Mmes Devésa et Dindar, MM. Duffourg et Folliot, Mmes Guidez et Jacquemet, MM. Le Nay, Levi, P. Martin, Maurey et Moga et Mmes Morin-Desailly, Perrot et Sollogoub, est ainsi libellé :

Après l’article 3

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le Gouvernement communique annuellement les données globalisées des entreprises labellisées permettant d’évaluer les flux financiers réalisés avec la France.

La parole est à M. Olivier Cadic.

M. Olivier Cadic. Cet amendement a trait à la valorisation des entreprises françaises à l’étranger.

Quand je suis allé aux Philippines, j’ai été frappé par l’image positive des Philippins de l’étranger : ils sont considérés comme des héros dans leur pays. En effet, tous les Philippins savent combien d’argent ils renvoient vers leur pays chaque année et à quel point cet argent est fondamental pour la bonne santé de leur économie.

De la même façon, je me suis demandé comment valoriser l’apport des entrepreneurs français à l’étranger. Avec mon entreprise, tous les ans, je perçois des droits pour les éditeurs français et je leur envoie de l’argent. Combien d’entreprises sont dans le même cas ?

Il a été question tout à l’heure d’un réseau de boulangers. Je connais un grand nom de la boulangerie qui possède des boulangeries aux quatre coins du monde : chacune d’elles rapporte directement 100 000 euros à la France chaque année. Ces petits ruisseaux d’entrepreneurs français à l’étranger font donc les grands fleuves de l’exportation française.

Si on le mesure et le valorise, les entrepreneurs français à l’étranger montreront tout ce qu’ils apportent à notre économie.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Serge Babary, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

La commission a souhaité ne pas créer de charge administrative importante pour les différentes administrations. Disposer de données sur les flux financiers de chaque entrepreneur avec la France nécessiterait de collecter ces données, donc de demander la transmission de nombreuses informations, ce qui est à l’opposé du dispositif simple que nous souhaitons créer pour cette première loi sur le sujet. C’est d’ailleurs en contradiction avec l’amendement n° 17 rectifié, qui visait à ce que le moins d’informations possible soient disponibles.

De plus, toutes les administrations auditionnées nous ont indiqué qu’il était extrêmement difficile, voire impossible, d’évaluer la contribution directe comme indirecte des entrepreneurs au commerce extérieur de la France.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Olivier Becht, ministre délégué. Le Gouvernement demande le retrait de cet amendement ; à défaut, il émettra un avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Olivier Cadic, pour explication de vote.

M. Olivier Cadic. Si je comprends bien, ce que les Philippins parviennent à faire, notre administration en serait incapable…

Selon moi, il y a de nombreuses façons de procéder. Toutefois, je comprends votre point de vue, même si je le regrette, et je retire évidemment cet amendement.

M. le président. L’amendement n° 18 rectifié est retiré.

Article additionnel après l'article 3 - Amendement n° 18 rectifié
Dossier législatif : proposition de loi visant à reconnaître et à soutenir les entrepreneurs français à l'étranger
Explications de vote sur l'ensemble (début)

Intitulé de la proposition de loi

M. le président. L’amendement n° 10 rectifié, présenté par MM. Cadic et J.M. Arnaud, Mme Billon, MM. Canévet et Delahaye, Mmes Devésa et Dindar, MM. Duffourg et Folliot, Mmes Guidez et Jacquemet, MM. Le Nay, Levi, Maurey, P. Martin et Moga et Mmes Morin-Desailly, Perrot et Sollogoub, est ainsi libellé :

Remplacer les mots :

reconnaître et à soutenir

par les mots :

identifier et à valoriser

La parole est à M. Olivier Cadic.

M. Olivier Cadic. Cette proposition de loi vise « à reconnaître et à soutenir les entrepreneurs français à l’étranger ». Comme tous mes collègues, je remercie ses auteurs de leur démarche.

Depuis le vote, voilà deux ans, de la loi de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales, les entrepreneurs français à l’étranger sont déjà reconnus sur le plan législatif. De la même façon, ils sont soutenus par l’accès aux crédits garantis par l’AFD. Par conséquent, plus que de les reconnaître, puisqu’ils le sont déjà, il s’agit aujourd’hui non seulement de les identifier, mais aussi de valoriser leur apport à notre économie. C’est de cela qu’ils ont besoin.

Honnêtement, on ne tend pas la main. Ceux qui ont décidé d’entreprendre à l’étranger et pas en France l’ont fait par choix personnel, pour des raisons qui leur sont propres. En revanche, ce qui importe – encore une fois, c’est l’entrepreneur français à l’étranger qui vous parle –, c’est que soit reconnu tout ce qu’ils apportent à notre économie.

Cette précision me semble importante et je pense que c’était aussi le souhait des auteurs de ce texte. C’est la raison pour laquelle il me semble véritablement opportun de modifier l’intitulé de cette proposition de loi.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Serge Babary, rapporteur. Mon cher collègue, je vous remercie de nourrir ce débat, mais le texte insiste sur la notion de reconnaissance.

Celle-ci, qui figure dans l’intitulé de la proposition de loi, est fondamentale. Avec ce texte, les entrepreneurs français à l’étranger disposeront d’un statut défini et pourront être recensés. Plus que les identifier, cette proposition de loi entend les reconnaître par la mise en place d’un label et les soutenir.

C’est la raison pour laquelle la commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Olivier Becht, ministre délégué. Avis de sagesse.

M. le président. La parole est à Mme Évelyne Renaud-Garabedian, pour explication de vote.

Mme Évelyne Renaud-Garabedian. L’intitulé qui a été retenu, à savoir « reconnaître et soutenir les entrepreneurs français à l’étranger », est essentiel, parce que c’est celui qui est ressorti de toutes les discussions que nous avons eues avec les intéressés.

En effet, les entrepreneurs français installés à l’étranger se plaignent d’abord de ne pas être soutenus – nous en avons parlé. Ils veulent donc absolument qu’on les reconnaisse et qu’on les soutienne dans un premier temps. La valorisation viendra après.

J’ai voulu respecter la demande qu’ils m’avaient faite et ai choisi avec eux l’intitulé de ce texte.

M. le président. La parole est à M. Olivier Cadic, pour explication de vote.

M. Olivier Cadic. Je ne voudrais pas gâcher le plaisir de ma collègue…

Il appartiendra à l’Histoire de déterminer en quoi ce label soutient véritablement les entrepreneurs français à l’étranger. Encore une fois, je le répète, en ce qui me concerne, mon passeport me suffit pour montrer que je suis un entrepreneur français à l’étranger.

Ma chère collègue, je ne demande pour ma part aucun soutien au gouvernement français ou au contribuable français – aucun. Mon rôle, c’est au contraire d’apporter une valeur ajoutée. Ainsi, tous les ans j’envoie de l’argent en France sans rien recevoir en retour. À mon sens, c’est naturel, puisque j’ai fait le choix d’entreprendre au Royaume-Uni, alors que j’aurais pu continuer à le faire d’ici.

Je retire cet amendement.

M. le président. L’amendement n° 10 rectifié est retiré.

Vote sur l’ensemble

Intitulé de la proposition de loi
Dossier législatif : proposition de loi visant à reconnaître et à soutenir les entrepreneurs français à l'étranger
Explications de vote sur l'ensemble (fin)

M. le président. Personne ne demande la parole ?…

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble de la proposition de loi visant à reconnaître et à soutenir les entrepreneurs français à l’étranger.

(La proposition de loi est adoptée.) – (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi quau banc des commissions.)

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : proposition de loi visant à reconnaître et à soutenir les entrepreneurs français à l'étranger
 

9

Ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à demain, mercredi 31 mai 2021 :

À quinze heures :

Questions d’actualité au Gouvernement.

À seize heures trente :

Débat sur le bilan de l’application des lois ;

Débat sur la gestion des déchets dans les outre-mer.

Le soir :

Proposition de résolution en application de l’article 34-1 de la Constitution, proposant au Gouvernement de renforcer l’accès aux services publics, présentée par M. Jean-Claude Requier et plusieurs de ses collègues (texte n° 451, 2022-2023).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures quarante-cinq.)

Pour le Directeur des comptes rendus du Sénat,

le Chef de publication

FRANÇOIS WICKER