Mme la présidente. Il faut conclure, cher collègue.

M. Raphaël Daubet. Tout d’abord, acceptons que l’État et les collectivités territoriales puissent prendre des risques mesurés et simplifions les procédures en conséquence.

Ensuite, cessons de multiplier les acteurs chargés de déployer les crédits.

Enfin, inventons de nouveaux moyens de faire collaborer les pouvoirs publics autour de cette responsabilité.

Les élus du RDSE voteront les crédits de ces missions. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

Mme la présidente. La parole est à M. Victorin Lurel. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Victorin Lurel. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne m’attarderai pas sur l’évolution des crédits de cette mission, je vous ferai simplement part, au regard des sommes considérables en jeu, de cet amer constat : l’exécutif poursuit sa politique de dessaisissement du Parlement des affaires qu’il est en droit de connaître et d’apprécier.

S’il n’est pas question pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain de remettre en cause l’intérêt stratégique à long terme d’une telle mission, nous considérons que, malgré une gestion des crédits en amélioration, l’information apportée au Parlement sur ces dépenses reste bien lacunaire.

En additionnant les crédits du programme d’investissements d’avenir n° 4 (PIA 4) et ceux de France 2030, nous atteignons en effet la coquette somme de 54 milliards d’euros, dont pas moins de 34 milliards d’euros ont été votés à la hussarde, à la faveur d’un amendement gouvernemental au projet de loi de finances pour 2022 !

Au-delà de cet amendement à 34 milliards d’euros, la Cour des comptes note, dans son analyse de l’exécution budgétaire d’avril 2023, qu’« aucun des documents proposés (projet annuel de performance, “jaune”, rapport trimestriel) ne présente cependant une analyse consolidée et transversale des investissements effectivement réalisés et en cours ni de leurs conséquences sur l’économie ».

Au vu des retards pris dans la mise en œuvre des précédents PIA, le Gouvernement avait certes fait le choix de ne pas identifier précisément, dans les programmes 424 et 425, les secteurs appuyés en matière d’investissement et de transition.

Pour autant, l’efficacité des décaissements et des investissements ne doit pas se faire au détriment d’une dilution de la portée de l’autorisation parlementaire et d’une sous-information chronique du Parlement sur le choix des investissements et de l’affectation des crédits.

Je ne prendrai qu’un exemple de l’opacité entretenue, qui, hélas ! a des effets de bord importants dans nos territoires. En Guadeloupe, l’accord-cadre, signé en mars 2023, tendant à mettre en œuvre la mesure « renouvellement forestier » incluse dans le programme 424 « Financement des investissements stratégiques » de la mission « Investir pour la France de 2030 » du projet de loi de finances pour 2023 a tout bonnement exclu les forêts d’outre-mer. Ainsi les services outre-mer de l’Office national des forêts ont été privés des quelque 150 millions d’euros consacrés par l’État au renouvellement forestier !

Heureusement, depuis lors, les courriers d’alerte adressés aux ministres concernés ont permis d’envisager la réintégration des outre-mer ! Mais tout cela révèle combien le pilotage et les choix d’investissements opérés manquent encore de clarté.

Comme l’ont rappelé nos rapporteurs spéciaux en commission, les règles de gestion extrabudgétaire – et je dirais exceptionnelle – doivent nous amener à être particulièrement attentifs aux critères de sélection des projets utilisés par l’exécutif et aux modalités de gestion des enveloppes d’investissement.

Monsieur le ministre, vous l’aurez compris, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain restera extrêmement vigilant quant au ciblage des bénéficiaires des aides et au risque de saupoudrage de l’aide publique.

Cela étant, comme chaque année, notre groupe votera ces crédits, tout en continuant de plaider pour plus de transparence et de lisibilité sur les investissements réalisés et programmés et sur leurs conséquences. (Applaudissements sur des travées du groupe SER.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Christine Lavarde. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Christine Lavarde. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous entamons l’examen de deux missions que tout oppose a priori.

La mission « Plan de relance »·est celle du court terme et de l’urgence, tandis que la mission « Investir pour la France de 2030 » est celle du long terme, de la préparation de l’avenir et de la transformation de l’économie.

Mais ces deux missions ont un point commun : l’évaluation de leurs dispositifs est très perfectible, alors même que les montants engagés sont très élevés.

J’évoquerai d’abord la mission « Plan de relance ». Alors Premier ministre, Jean Castex a déclaré le 3 juillet 2020, en pleine crise sanitaire : « Je ne suis pas ici pour chercher la lumière, mais pour rechercher les résultats, des résultats de l’action publique énergique dans le cadre du plan de relance vigoureux que nous préparons pour reconstruire notre pays. »

Ainsi, trois ans et demi plus tard, il est temps de faire le bilan de cette « action publique énergique », autrement dit coûteuse. D’ailleurs, M. le rapporteur spécial a qualifié la mission « Plan de relance » de « “budget masqué”, qui s’affranchit des contraintes d’annualité ».

En effet, à force de reporter d’année en année les crédits non consommés, ceux qui restent disponibles sont très supérieurs aux crédits de paiement soumis au vote du Parlement.

Si on pouvait considérer, au moment de la création de la mission, qu’il était nécessaire de se doter d’un outil flexible, autorisant les transferts de crédits entre les dispositifs, voire entre les programmes de ministères distincts, afin de faire face à l’urgence, il n’est désormais plus acceptable de continuer à déroger au principe de spécialité budgétaire. L’intitulé même de la mission – il s’agit d’un plan de « relance » – suggère une durée limitée, provisoire et à effet rapide. En fait, cette mission est un véhicule budgétaire commode pour financer des mesures sans lien avec la relance de l’économie, qui, dès l’origine, auraient dû être inscrites dans le budget ordinaire des ministères concernés.

Monsieur le ministre, comment justifiez-vous l’inscription dans cette mission de crédits finançant la rénovation énergétique des bâtiments ? Il ne s’agit pas d’un enjeu temporaire, malheureusement d’ailleurs. Cela entre en totale contradiction avec l’augmentation des crédits de cette politique sur les programmes 135 et 174 du budget général pour l’année 2024.

Sans transition, j’en viens à présent à la mission « Investir pour la France de 2030 ». Annoncé par le Président de la République en octobre 2021, ce plan d’investissement devait traduire une double ambition : transformer durablement des secteurs clés de notre économie, d’une part ; positionner la France non seulement en tant qu’acteur, mais également en leader de l’économie de demain, d’autre part. Beaucoup d’argent a été mis sur la table, en peu de temps, la promesse ayant été faite d’une forte croissance à moyen terme et d’un fort effet levier sur l’emploi.

Mes chers collègues, cela ne vous étonnera guère, je concentrerai mon propos sur les initiatives visant à construire une France décarbonée et résiliente.

Le plan France 2030 vise notamment à faire émerger des réacteurs nucléaires de petite taille, innovants et assurant une meilleure gestion des déchets, que l’on appelle communément SMR, pour petits réacteurs modulaires.

Je souscris pleinement à cette orientation. Les SMR sont un outil puissant de décarbonation de la production d’énergie, que l’usage soit industriel ou résidentiel.

Plusieurs porteurs de projets de SMR français, soutenus par l’État dans le cadre de l’appel à projets « Réacteurs nucléaires innovants », annoncent vouloir exploiter directement cette chaleur pour décarboner l’industrie, les réseaux de chaleur ou encore la production d’électricité.

Monsieur le ministre, j’avoue ne pas avoir bien compris pourquoi votre collègue chargé des comptes publics a estimé, au cours du débat sur la première partie du projet de loi de finances dans notre hémicycle, qu’il était trop tôt pour définir une fiscalité adaptée à ce secteur.

On sait pourtant qu’un investisseur responsable et raisonnable définit son plan d’affaires avant d’investir. Or, aujourd’hui, sans modification de la loi, la fiscalité applicable aux SMR peut représenter jusqu’à l’intégralité du chiffre d’affaires ; le Sénat, dans sa sagesse, a donc modifié la loi, et j’espère que vous persuaderez M. le ministre de l’économie d’aller dans ce sens !

L’enjeu est de taille puisque quelque 3 300 tranches à charbon devront être remplacées d’ici à 2050 par des solutions décarbonées ! Cela représente un marché important dans les pays ouverts au nucléaire civil.

Ainsi, au-delà du soutien à la recherche, garanti par les crédits de la mission « Investir pour la France de 2030 », il est important de définir dès à présent le cadre fiscal applicable à cette technologie, pour qu’elle puisse être déployée dès lors qu’elle sera considérée comme mature.

Par ailleurs, la décarbonation de l’aviation, soutenue à hauteur de 435 millions d’euros, rend nécessaire la coordination des différents leviers de l’action publique. Les biocarburants de première génération sont produits à partir de la valorisation de cultures végétales spécifiques, mais cette catégorie pose un certain nombre de problèmes, car sa production implique un changement d’utilisation des sols. En outre, la production des biocarburants de première génération entre en concurrence avec les cultures alimentaires.

Aussi, seuls les biocarburants de deuxième et de troisième génération, ainsi que les électrocarburants, peuvent être considérés comme des carburants durables d’aviation. Malgré la volonté du secteur aéronautique d’alimenter les moteurs des avions au moyen de carburants d’aviation durables, il n’existe pas actuellement en France de filière de production structurée, allant de la collecte de la biomasse jusqu’à la production finale de biocarburants.

Or vous souhaitez également, monsieur le ministre, que les crédits du plan France 2030 soutiennent l’agriculture durable.

Ce sont là deux orientations contradictoires ! Il sera donc nécessaire de les coordonner, et c’est d’ailleurs ce qui aurait dû être fait dans la mission « Investir pour la France de 2030 ».

Au-delà de l’intérêt des projets soutenus par les crédits de cette mission, au regard des montants engagés, soit 54 milliards d’euros, il est indispensable que le Parlement puisse effectuer son travail de contrôle et vérifier l’efficacité de la dépense.

À cet égard, je ne puis que souligner la pertinence de la fusion du PIA 4 et du fonds pour l’innovation et l’industrie. Alors rapporteur spécial des crédits de la mission « Investissements d’avenir », je m’étais interrogée sur l’articulation entre ces deux dispositifs, lors de la présentation des crédits pour 2020.

Le plan France 2030 doit poursuivre la simplification et les améliorations déjà engagées dans le PIA 4 quant aux modalités de gouvernance et aux procédures de sélection.

Alors que des budgets considérables ont été mis sur la table, il serait de bonne politique de procéder à un retour d’expérience, de présenter une évaluation cohérente et de s’assurer de l’efficacité de la recherche tout au long du processus. Il est indispensable de savoir arrêter des programmes inopérants et de donner plus de moyens à des projets prometteurs. En une phrase, il s’agit de s’ancrer dans une culture de la performance !

Malheureusement, et c’est là que le bât blesse, monsieur le ministre, le plan France 2030 rencontre au bout de trois ans et demi de grandes difficultés, auxquelles il faut ajouter une absence criante d’évaluation, compte tenu de la multiplicité des programmes, ou tout simplement de l’absence de grilles et de méthodes d’évaluation.

S’il appartient au politique de fixer un cap, de fédérer la créativité, d’encourager à la réalisation des projets et de participer à leur coordination, il lui appartient tout autant de procéder au contrôle du bon usage des fonds publics et d’imposer une évaluation systématique, allant jusqu’à la correction efficace des points considérés comme défaillants.

En l’espèce, la lecture des documents publiés par le comité de surveillance des investissements d’avenir s’est révélée fort instructive, puisqu’ils montrent combien la multiplication des plans rend leur évaluation particulièrement difficile.

Ainsi, le comité dénonce, notamment, un nombre trop important de lauréats. De plus, à cause de la multiplicité de petits projets, il est difficile, pour ne pas dire impossible, pour les administrations publiques et pour leurs partenaires d’apporter un accompagnement sur mesure, qu’il soit financier ou extrafinancier, afin de maximiser les bénéfices attendus des investissements.

On peut s’interroger, monsieur le ministre, sur la capacité des porteurs de projets de petite taille à affronter la compétition internationale. L’appel à projets « La grande fabrique de l’image » a conduit à identifier onze studios de tournage, douze studios d’animation et six studios de jeux vidéo. À force de ne pas sélectionner, on risque de ne voir émerger aucun leader mondial.

Je rejoins aussi les constats du comité de surveillance suggérant un changement de méthode dans l’intervention du plan France 2030. La mobilisation interministérielle doit davantage répondre à une logique de transformation profonde des écosystèmes et conduire à une intervention plus complète sur la chaîne de valeur, de l’aval des filières jusqu’à leur amont.

L’allocation de crédits budgétaires doit aussi s’accompagner de mesures protégeant notre industrie naissante, ou renaissante, pour assurer la viabilité de la filière.

Monsieur le ministre, on ne peut pas soutenir les véhicules du futur via le plan France 2030 tout en finançant l’industrie automobile chinoise, à hauteur de 1,9 milliard d’euros, au travers du bonus et de la prime à la conversion ! (M. le ministre délégué le conteste.)

M. Jean-François Husson, rapporteur spécial. Eh oui, un peu de cohérence !

Mme Christine Lavarde. Je l’ai déjà dit à cette tribune, mais je préfère le répéter…

Enfin, il est véritablement inquiétant de constater que depuis trois ans et demi des milliards d’euros sont déversés sans qu’une doctrine précise détermine les critères à prendre en compte pour opter pour tel ou tel instrument financier.

Malgré toutes ces critiques – et j’aurais pu en faire d’autres, notamment sur l’évaluation de l’efficacité écologique de France 2030 –, le groupe Les Républicains votera les crédits de ces deux missions, notamment les crédits du plan de relance, « sincérisés » par le rapporteur spécial. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Claude Nougein. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Louault.

M. Vincent Louault. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, avant de vous parler de France 2030, je vous parlerai de Verneuil 2030. (Sourires.)

La Laiterie de Verneuil, située dans le sud de la Touraine, a investi dans un projet ambitieux de plus de 7 millions d’euros en réhabilitant une friche industrielle située au cœur de l’usine. Ce plan d’investissement vise à optimiser les processus, à baisser les coûts et à augmenter les capacités de production, pour proposer un lait de qualité à un prix compétitif, tout en préservant la rémunération des agriculteurs coopérateurs.

Le projet Verneuil 2030 est assez éloigné de la start-up nation, mais il nous rappelle que l’innovation n’est pas l’apanage de geeks en sweat, massés dans des open spaces parisiens, les yeux rivés toute la journée sur les écrans de leurs ordinateurs. (Sourires.) Ce projet nous rappelle que l’innovation, c’est bien plus que cela !

Modernisation de notre appareil industriel, investissements dans les territoires, création d’emplois non délocalisables, renforcement de notre agriculture, réhabilitation de friches, sobriété foncière, impact positif sur l’environnement, partage de la valeur : telles sont les innovations dont la France a le plus besoin !

Tel doit être l’objet de la mission « Investir pour la France de 2030 ». Bien sûr, contraindre l’innovation, en cherchant à la faire entrer dans des cases trop précises, serait un contresens, car elle recèle toujours une part de hasard.

Si notre pays veut se doter d’une stratégie ambitieuse en matière d’innovation, il n’est pas inutile d’avoir plusieurs modèles de référence.

Le plan repose essentiellement sur le financement d’entreprises, suivant une stratégie d’intégration verticale. Nous nous réjouissons que le renforcement de notre production agricole et la relance du nucléaire y figurent en bonne position.

La France a trop longtemps eu le nucléaire honteux, les agriculteurs souffrent trop de l’agribashing. Il est temps de relever la tête et de savoir raison garder. C’est l’évidence, mais certains ont tendance à l’oublier : faute de souveraineté agricole et énergétique, la souveraineté nationale serait un mirage.

Pour l’examen des crédits de la mission « Investir pour la France de 2030 », il est moins question de l’architecture globale que de la granularité. Notre rôle est en effet de vérifier que les grandes annonces se concrétisent sur le terrain.

Au reste, avec un budget total de 54 milliards d’euros en autorisations d’engagement et de plus de 7 milliards d’euros en crédits de paiement pour la seule année 2024, la qualité de l’exécution fait figure d’impératif catégorique.

Notre responsabilité, c’est de légiférer pour que ce plan soit à la fois le plus efficace et le plus efficient possible.

Nous aurons notamment à trancher la délicate question de la conditionnalité des financements. Si le groupe Les Indépendants – République et Territoires partage bien évidemment la nécessité de les mettre au service de la transition écologique, nous croyons toutefois que cet objectif est déjà rempli par la détermination de la stratégie d’intégration verticale, qui compte dix axes.

Alors que dans tous les territoires, les acteurs nous alertent sur la lenteur et la complexité des procédures, la fixation de critères trop stricts pourrait se révéler contre-productive. À vouloir toujours tout faire parfaitement, on risque souvent de ne rien faire du tout.

En revanche, nous ne sommes pas hostiles à l’attribution prioritaire des aides aux start-up, aux petites et moyennes entreprises (PME) et aux entreprises de taille intermédiaire (ETI). Il faut être lucide : les financements risquent d’être captés par les grands groupes, qui disposent de l’ingénierie juridique et financière leur permettant de remplir de gros dossiers et de cocher toutes les petites cases.

Comme je l’ai dit en préambule, telle n’est pas ma conception de l’innovation.

En tout cas, notre groupe votera les crédits de cette mission stratégique. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Capo-Canellas.

M. Vincent Capo-Canellas. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le plan France 2030, vise à construire une France plus compétitive à l’échelle internationale, plus décarbonée et plus souveraine d’ici à la fin de la décennie.

Pendant trop longtemps, la France a sans doute négligé l’effort d’investissement à long terme au profit d’une stratégie court-termiste.

Cette absence de vision à long terme a montré ses limites durant la crise sanitaire, ou encore, plus récemment, à la suite de l’invasion de l’Ukraine, lorsqu’il a fallu faire face à des difficultés d’approvisionnement, comme c’est le cas à chaque bouleversement géopolitique.

Les crédits de la mission « Plan de relance » ont certes été utiles au cours de la crise du covid-19, puisqu’ils ont sans doute permis de défendre l’emploi, les entreprises et la consommation, le tout en apportant une aide aux territoires. L’objectif était de permettre à la France de retrouver avant le second semestre de 2022 le niveau d’activité économique qu’elle avait avant la crise, en relançant l’ensemble des secteurs de l’économie.

Avec le recul, le constat est certes concluant, mais le rapporteur spécial a expliqué les motifs qui ont décidé la commission des finances à rejeter ces crédits pour 2024 : non-respect du principe d’annualité, report de nombreux crédits d’année en année, contournement du principe de spécialité budgétaire. Trois programmes sont particulièrement concernés : le programme 362 « Écologie », le programme 363 « Compétitivité » et le programme 364 « Cohésion ».

Par ailleurs, les évaluations, notamment du dispositif MaPrimeRénov’, sont difficiles. Enfin, des incertitudes pèsent sur la mise en place des financements européens.

Toutefois, ces mesures devaient être prolongées par un plan de relance, avec une vision stratégique, ce que portent les crédits de la mission « Plan de relance », soit 54 milliards d’euros, que nous approuvons.

Compte tenu du contexte budgétaire, on mesure l’enjeu que représentent ces crédits. Il s’agit d’un effort important, mais nécessaire. Ils permettent de donner la priorité à l’amélioration de la compétitivité des entreprises, à la transition écologique, à la préservation de notre souveraineté industrielle, énergétique et sanitaire, ainsi qu’au renforcement de la cohésion des territoires.

Nous approuvons le fait que les crédits pour 2024 soient majoritairement consacrés, à hauteur de 255 millions d’euros de crédits de paiement, aux dispositifs de soutien à l’évolution du système d’enseignement supérieur et de la recherche.

De même, nous accueillons favorablement le montant des crédits consacrés à la transition de l’économie et de la société, soit 5,7 milliards d’euros, ainsi qu’aux actions de développement local.

Ces défis doivent être conjugués à la maîtrise de nos finances publiques, trajectoire que nous avons plus ou moins de mal à respecter ces dernières années.

Mais de tels investissements sont essentiels. Il suffit pour s’en convaincre de considérer l’effort financier réalisé par les États-Unis. Or je constate avec une certaine gravité le décrochage en matière de compétitivité et d’innovation que nous connaissons. C’est un problème à un moment où nos finances publiques sont dans une situation difficile. Cela étant, on voit bien que les États-Unis investissent beaucoup dans l’innovation, ce qui renforce leur compétitivité. Et derrière l’innovation et la compétitivité, c’est la productivité qui est en jeu ; or en France la tendance est, là encore, au décrochage !

Arrêtons-nous sur ce point : avec 7,7 milliards d’euros de crédits de paiement budgétés dans le PLF, nous semblons un petit peu en décalage avec certains de nos partenaires européens ; outre-Atlantique, le constat est similaire, je viens de le rappeler.

Christine Lavarde l’a évoqué : nous devons faire des efforts dans le secteur des biocarburants.

Le groupe Union Centriste votera les crédits de la mission « Plan de relance ».

Mme la présidente. La parole est à M. Grégory Blanc. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. Grégory Blanc. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires s’abstiendra de voter les crédits de cette mission.

Nous soulignons tout d’abord la pertinence des programmes d’investissements d’avenir. Il s’agit d’outils puissants et de véritables leviers pour qui veut replacer l’État stratège au centre des politiques industrielles. Mais le caractère hors norme de ce processus extrabudgétaire pose la question du contrôle démocratique. La complexité des programmes est telle qu’il est impossible d’en rendre compte correctement devant les parlementaires.

C’est d’ailleurs ce qu’a relevé, en avril 2023, la Cour des comptes, qui estime, en substance, qu’aucun des documents proposés sur les PIA ne présente une analyse consolidée et transversale des investissements effectivement réalisés ou en cours, pas plus qu’une évaluation de leurs conséquences pour l’économie nationale. En démocratie, ce n’est pas normal !

C’est pourquoi nous soutenons la proposition faite en commission des finances d’adopter une démarche annuelle de revue de portefeuille afin de décider des réallocations en fonction du résultat des évaluations. Évaluer, ce n’est pas un gros mot ! Au contraire, c’est un impératif au fondement de tout contrôle démocratique.

Je soulèverai également la question de la pertinence de l’orientation des crédits. Les investissements retenus sont-ils susceptibles de permettre à la France de relever les défis auxquels elle est confrontée ? Je pense en particulier aux enjeux de politique industrielle et de transition écologique.

On constate d’abord un phénomène de saupoudrage, plusieurs de mes collègues l’ont dit avant moi.

Ensuite, le plan France 2030 n’apparaît pas comme un réel outil de planification écologique, voire industrielle. Il élude en effet la question de la sobriété énergétique ; il ne questionne pas directement nos modes de consommation ; il n’alimente aucune réflexion stratégique sur les filières industrielles. Autrement dit, le plan France 2030 est un guichet à subventions.

Ce programme soutient l’innovation – le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires est pour l’innovation –, encore faut-il se mettre d’accord sur les innovations dont on parle !

Je dis cela parce que l’histoire démontre qu’une innovation technologique vertueuse peut aussi porter en elle des effets pervers, notamment en matière environnementale. Comment mieux intégrer les enjeux liés à l’eau, à la terre, au vivant dans les programmes ?

Ainsi, les crédits des programmes visent principalement à atteindre la décarbonation. Malheureusement, ce n’est pas si simple. Par exemple, investir dans le nucléaire permet de décarboner la production d’électricité, mais cela pollue également pour plusieurs siècles. Or l’eau, la terre, le vivant doivent également être au cœur de la réflexion sur l’avenir.

En définitive, le Gouvernement prévoit avec ces programmes de continuer à aider massivement des entreprises dont certaines ont largement les moyens de financer leurs projets. Le rôle de l’État est-il de concentrer les crédits sur les grands groupes qui versent parfois des dividendes astronomiques, alors même qu’ils sont déjà les premiers bénéficiaires du crédit d’impôt recherche (CIR) ? Je pense à Engie, à TotalEnergies ou encore à ArcelorMittal, qui perçoit 850 millions d’euros de subventions ; or ces crédits n’ont fait l’objet d’aucun contrôle ni d’aucune évaluation écologique !

En un mot, ces groupes émargent massivement et en subventions et en crédit d’impôt recherche, alors même qu’ils seront moins taxés en 2024, à l’image de TotalEnergies, à la suite de la suppression de la taxe sur les raffineries.

Selon nous, distribuer des subventions pour préparer l’avenir et diffuser le progrès est utile. Mais pour qu’il y ait progrès, encore faut-il définir un sens ! Nous ne remettons pas en cause la pertinence des outils ni même celle de certains projets soutenus, mais nous soulignons avec force que la seule politique financière de soutien à l’innovation ne fait pas une politique économique.

Nous avons besoin de lignes directrices et d’objectifs discutés et partagés démocratiquement. Dans ce texte, il n’y a pas d’objectifs clairs ; il ne peut donc pas y avoir d’évaluation solide.

Oui, à l’outil que sont les PIA, oui à l’innovation,…