M. le président. La parole est à Mme Françoise Gatel. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP. Mme Maryse Carrère et M. Fabien Genet applaudissent également.)

Mme Françoise Gatel. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je souhaite indiquer en préambule que l’intitulé de la mission, « Relations avec les collectivités territoriales », gagnerait à être modifié.

Albert Camus le disait, « mal nommer un objet, c’est ajouter au malheur de ce monde ». Force est de rappeler que nous ne traitons pas d’une sorte de dotation à une amicale de collectivités (M. François Bonhomme sourit.), mais que nous parlons bien du financement de services publics essentiels pour nos concitoyens, que l’État a délicatement ou discrètement confiés aux collectivités, lesquelles doivent en assurer le financement.

Évoquons tout d’abord le contexte. Dans la chambre des collectivités, au Sénat, nous partageons à l’unanimité le même diagnostic. Premièrement, l’inflation comprise entre 4 % et 5 % justifierait, en guise de juste récompense pour services rendus, une progression de la DGF de 1,3 milliard d’euros. Mais l’État consent à un effort d’augmentation de 0,8 % par rapport à l’année dernière, soit 220 millions d’euros en plus - nous les acceptons. (Sourires.)

Deuxièmement, l’augmentation imposée et obligatoire des dépenses de fonctionnement, liée à une hausse considérable des nouvelles normes entre 2017 et 2021, représente pour les collectivités 2,5 milliards d’euros de dépenses supplémentaires.

Troisièmement, la diminution des ressources des collectivités s’est accompagnée d’une érosion de leur autonomie fiscale. Après feu la taxe d’habitation et la disparition progressive de la CVAE, voici maintenant l’imputation du soutien à la rénovation énergétique de certains logements - dont je ne conteste pas par ailleurs le bien-fondé - sur une nouvelle exonération de longue durée de la taxe foncière.

Alors qu’au Sénat nous sommes très attachés au principe de responsabilité selon lequel celui qui décide paie, vous comprendrez, madame la ministre, que je ne peux qu’en déduire que nous assistons à une recentralisation, menée au moyen des finances. Il me semblait pourtant qu’un nouvel acte de décentralisation était censé s’ouvrir, pour agir et servir nos concitoyens…

Madame la ministre, ces remarques de fonds, auxquelles je n’enlève rien, ne doivent pas non plus ternir les réelles avancées : on ne peut châtier sans encourager. (Mme la ministre déléguée sourit.)

L’augmentation de l’aide à l’investissement est ainsi la bienvenue. Faut-il le rappeler, les collectivités locales réalisent 70 % de l’investissement national, et jouent un rôle absolument essentiel de soutien à l’emploi et à l’économie.

Saluons également l’effort de simplification, trop rare pour ne pas être souligné, représenté par la fusion des dossiers de demande de DETR et de DSIL. Nous progressons, mais, madame la ministre, il demeure toujours impossible pour les associations d’élus de discuter de l’affectation de la DSIL.

M. Loïc Hervé. Surtout avec les préfets !

Mme Françoise Gatel. Il faudra penser à remédier à cela.

Enfin, reste l’isolement et la solitude du fonds vert. Je crois profondément à la pertinence d’une territorialisation de ce fonds vert…

M. Loïc Hervé. Très bien !

Mme Françoise Gatel. … parce que les collectivités font des efforts extrêmement importants en matière de transition écologique.

Nous avons voté, dans cet hémicycle, la territorialisation de ce fonds. Toutefois, comme nombre de mes collègues qui se sont exprimés précédemment, j’aime la nuance. La territorialisation du fonds vert ne doit pas conduire à l’uniformisation des versements entre chaque territoire, sous peine de créer de violents déséquilibres quant à leur capacité d’agir.

Au-delà du plan France Ruralités, des zones de revitalisation rurale (ZRR), des enveloppes d’investissement, je voudrais très sincèrement saluer l’écoute dont vous-même, madame la ministre, ainsi que le Gouvernement avez fait preuve au sujet des communes nouvelles.

Exception culturelle et législative française, cette pépite de liberté d’organisation laissée à la main des élus, à l’heure du désenchantement de l’engagement citoyen, doit être sécurisée. Depuis un an, avec vous, madame la ministre, ainsi qu’avec plusieurs de mes collègues que je salue, nous avons conduit un travail considérable et positif pour sécuriser cette initiative.

M. le président. Veuillez conclure, ma chère collègue.

Mme Françoise Gatel. J’ai dépassé mon temps de parole, donc je vous remercie des quelques bienfaits que vous avez accordés. Mais, madame la ministre, il est temps de travailler autrement, d’arrêter d’anesthésier les complaintes des élus, et, comme l’a dit mon collègue Darnaud, d’enfin penser le changement. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche.

M. Guy Benarroche. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je ne pense pas vous surprendre en annonçant d’emblée que, pour la deuxième année consécutive, notre groupe ne votera pas les crédits de cette mission.

M. François Bonhomme. Oh ! (Sourires.)

M. Guy Benarroche. Alors que l’inflation demeure, et qu’elle pourrait même atteindre 6 % selon le Gouvernement, les budgets, eux, ne suivent pas.

Entre la loi de finances initiale pour 2023 et ce PLF pour 2024, les crédits du programme 119 sont quasi stables en autorisations d’engagement (AE), mais enregistrent une baisse de 3,15 %, soit de 132,1 millions d’euros, en CP.

Pour le Comité des finances locales, ce budget acte en réalité une perte de ressources de 2,2 milliards d’euros pour les collectivités territoriales, si l’on prend en compte la non-compensation des effets de l’inflation. Oui, 2,2 milliards d’euros !

La hausse de la dotation globale de fonctionnement est limitée de manière presque coupable à 0,79 %, et ne suit pas l’inflation. Le manque de visibilité et de sécurité dans l’attribution de ces dotations empêche les collectivités de conduire des politiques nécessitant une vision pluriannuelle.

Laissez-moi m’attarder un moment sur cette notion et sur ce besoin de pluriannualité. La création d’une loi de financement des collectivités territoriales faisait partie des mesures portées par le candidat écologiste lors de la dernière élection présidentielle. Elle avait pour objectif d’approfondir la décentralisation dans une triple direction, vers plus de démocratie, plus de justice territoriale et plus d’écologie.

La Cour des comptes suggère fortement un tel approfondissement. Je cite son rapport public annuel : « Par ailleurs, les dotations de l’État sont trop complexes et leur effet péréquateur est insuffisant. […] La restauration d’un dialogue ouvert entre les acteurs suppose la conclusion d’un pacte de confiance fondé sur des engagements réciproques garantissant sa durabilité, l’équité du traitement des différentes collectivités et catégories de collectivités, et le partage confiant des outils et des données dont chacun peut disposer. »

Par ailleurs, ce budget ne répond pas aux enjeux majeurs de la transition environnementale ou à l’imminence de ses besoins. L’Institut de l’économie pour le climat annonce par exemple qu’« au moins 12 milliards d’euros d’investissements climat devraient être réalisés par les collectivités chaque année, soit presque 20 % de leur budget d’investissement ».

Nous saluons, avec toutefois une certaine prudence, le rehaussement de la dotation de soutien aux communes pour la protection de la biodiversité et pour la valorisation des aménités rurales, dont le montant atteint 100 millions d’euros en 2024 contre 41,6 millions d’euros en 2023. Cette trajectoire permet de renforcer le soutien aux petites communes, tout en actant le verdissement des concours financiers de l’État.

Les autres dotations d’investissement destinées au bloc communal, c’est-à-dire la DETR, la DSIL et la DPV, restent stables ou diminuent par rapport à la loi de finances initiale pour 2023. Les crédits de la DPV continuent ainsi de diminuer : ils sont de 127 millions d’euros en 2024, contre 130 millions en 2023 et 133 millions en 2022.

Les travaux de la délégation aux collectivités territoriales, présidée par Françoise Gatel, que je salue, ont pourtant mis en avant l’importance des besoins dans ce domaine, en particulier la mission d’information « Engager et réussir la transition environnementale de sa collectivité », dont j’ai eu l’honneur de présenter le rapport avec mes collègues Laurent Burgoa et Pascal Martin.

Depuis plusieurs années, nous formulons également le constat d’une raréfaction et d’une complexification des ressources fiscales et financières. Les finances locales sont devenues un système imprévisible, illisible et inaccessible, notamment pour les élus des plus petites collectivités.

La libre administration des collectivités est donc mise à mal par cette perte d’autonomie fiscale. En quinze ans, trois taxes perçues par les collectivités locales ont disparu : la taxe professionnelle, la taxe d’habitation et la CVAE. Rien dans ce budget ne répond à ces problématiques.

En définitive, la seule cohérence de ces PLF successifs réside dans la baisse des moyens des collectivités, dans la réduction de leur autonomie fiscale et de son corollaire, leur libre administration, ainsi que dans l’affaiblissement des compensations qu’elles seraient en droit d’espérer.

Si nous observons une légère amélioration tendancielle des dotations, notre groupe reste toujours critique vis-à-vis de la mainmise des préfets sur les collectivités et de leur pouvoir discrétionnaire pour l’attribution des fonds de soutien. En effet, seules les communes les mieux organisées, qui disposent des moyens techniques et humains suffisants, peuvent déposer une demande et obtenir ces dotations.

Je m’arrêterai un instant autour de la problématique des maisons France Services, qui ont été mises en œuvre pour répondre aux attentes légitimes de nos concitoyens, particulièrement les plus démunis, face à la numérisation massive des services publics. Je vous rappelle qu’en France, 13 millions de nos concitoyens souffrent encore d’illectronisme.

L’action au plus proche des citoyens reste au cœur de nos réflexions. Nous pensons aux difficultés récurrentes éprouvées par nos concitoyens pour obtenir de nouveaux papiers d’identité : à la fin du mois d’avril, il fallait compter en moyenne soixante-six jours pour obtenir un rendez-vous !

En reconduisant la même dotation que l’année dernière pour les maisons France Services, vous tentez de résoudre ce problème, mais nous pensons qu’il est essentiel de maintenir un accueil physique.

Pour autant, si l’État et ses services prennent à leur charge une partie des coûts de fonctionnement de ces maisons, les collectivités en financent également une part significative, alors même que les services dus aux usagers ne relèvent pas de leur responsabilité.

M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue.

M. Guy Benarroche. Je tiens juste à dire, au sujet du plan « Marseille en grand », que les fonds mobilisés pour les écoles sont bienvenus, mais que le plan mobilité a été totalement oublié.

M. le président. C’est fini, mon cher collègue !

M. Guy Benarroche. Nos amendements visant à augmenter le versement mobilité n’ont pas été soutenus par le Gouvernement, et n’ont pas été adoptés.

M. le président. La parole est à M. Rémy Pointereau. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Françoise Gatel applaudit également.)

M. Rémy Pointereau. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous commençons l’examen de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » du projet de loi de finances pour 2024.

Avant tout, je remercie mes collègues des commissions des finances, des lois, et de l’aménagement du territoire, qui ont œuvré sur cette mission, dont l’intitulé perd de sa véracité au fil des années.

Il est vrai que lorsque l’on observe son contenu, il devient de plus en plus en difficile de parler de « relations » ; si j’étais malicieux, je parlerais plutôt de « subordination des collectivités territoriales ».

Et pourtant, à la lecture de l’exposé des motifs de la mission, tout irait bien ! On va jusqu’à s’auréoler de la stabilité globale des crédits par rapport à l’année 2023, ou encore de la hausse des soutiens aux projets des communes et des groupements de communes…

Or, si l’on procède à l’autopsie de chacun des crédits, comme on dit, « ça ne fait pas la rue Michel ». (MM. Grégory Blanc et François Bonhomme sourient.)

Le Gouvernement laisse par exemple entendre que la DGF augmentera de 220 millions d’euros. Cette perspective est séduisante, mais cela ne suffira pas à compenser le niveau prévisionnel d’inflation. C’est pourquoi, par l’intermédiaire d’un amendement défendu par notre rapporteur général, nous avons tenu à la majorer et à renforcer, par la force des choses, la péréquation verticale.

Si l’on poursuit l’autopsie de la mission, l’on découvre l’inscription de nouvelles règles, ou plutôt de nouvelles « prescriptions-obligations ». Au fond, la mission ne déroge pas au fléau de notre pays, à savoir « pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? » – j’ajouterai « et contraignant ».

Prenons l’exemple du verdissement des dotations de soutien à l’investissement local des collectivités territoriales, dont l’absence de lisibilité a été démontrée par les rapports de nos collègues.

En 2024, les crédits ouverts au titre de la DSIL seront rehaussés de 5 % afin de financer des projets concourant à la transition écologique. Les crédits de la dotation de soutien à l’investissement des départements et de la DETR devront également participer au verdissement, respectivement à hauteur de 25 % et 20 %.

L’on ne peut qu’appuyer l’idée de financer des projets respectant davantage l’environnement. Mais pourquoi ne faites-vous pas confiance à l’intelligence des territoires ?

M. Jean-Marc Boyer. Tout à fait !

M. Rémy Pointereau. Vous choisissez plutôt le chemin inverse, en restreignant le droit d’emploi des crédits par les collectivités locales, sans considérer que ce fléchage totalement arbitraire aura d’importantes conséquences par rapport à d’autres investissements. Pour qu’un projet soit considéré comme « vert », il doit en effet respecter une nomenclature stricte.

Pardonnez-moi, madame la ministre : peut-être suis-je un membre de l’Ancien Monde, mais j’y vois une belle forme de recentralisation. Ce mot, au Sénat, agit comme une urticaire que l’on ne peut pas laisser se propager.

M. Jean-Marc Boyer et Mme Françoise Gatel. C’est vrai !

M. Rémy Pointereau. C’est pourquoi, madame la ministre, par souci de simplification, nous mettrons fin à la disposition selon laquelle une collectivité se verrait exclue du bénéfice d’une dotation d’investissement au seul motif qu’elle ne s’inscrirait pas dans une démarche contractuelle ou partenariale impulsée par l’État, en votant en faveur de l’amendement n° II-502 rectifié bis de Jean-Baptiste Blanc.

Enfin, à ce souci de simplification j’ajouterai celui de la transparence. Madame la ministre, sur ce volet, le chantier s’appelle DETR : il y a là un manque de transparence criant. On ne compte plus en effet le nombre d’élus qui ne comprennent pas pourquoi certaines demandes n’ont pas été retenues.

Les préfets devraient présenter les raisons de leurs décisions. De même, il faut rendre obligatoire la communication à la commission d’élus de l’ensemble des dossiers déposés, et non pas seulement de ceux qui demandent plus de 100 000 euros de subventions. (Applaudissements sur des travées du groupe INDEP. MM. Jean-Marc Boyer et Éric Kerrouche applaudissent également.)

Ces demandes, nous vous les soumettrons au travers de plusieurs amendements. Par le biais d’un amendement du rapporteur pour avis Louis-Jean de Nicolaÿ, nous demanderons de rediriger les 26 millions d’euros de hausse d’ingénierie vers le soutien à l’investissement. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes UC et INDEP.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Delcros. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Bernard Delcros. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je voudrais évoquer trois sujets.

Le premier est celui de la DGF. Notre groupe a approuvé le choix du Gouvernement de cibler la hausse de la DGF sur les collectivités les plus fragiles, parce qu’en matière de santé financière, les moyennes cachent de fortes disparités.

En revanche, nous avons exprimé notre désaccord au sujet du montant de 220 millions d’euros initialement prévu ainsi que sur sa répartition, qui se faisait au seul détriment de la dotation de solidarité rurale, dont le montant devait baisser de 100 millions d’euros par rapport à l’année dernière.

Nous nous réjouissons bien sûr de l’annonce faite par la Première ministre de porter la hausse de la DGF à 320 millions d’euros, pour atteindre des sommes identiques à celles qui ont été versées en 2023. Nous en proposerons une répartition identique ou proche de celle de l’année passée : c’est une question de cohérence.

Le montant de la DSR étant ainsi établi se pose la question de la répartition entre ses trois fractions.

Toujours dans un objectif d’équité, nous souhaitons garantir que les communes bénéficiaires de la fraction « péréquation » ne seront pas pénalisées par une répartition potentiellement défavorable aux plus petites communes, qui ne bénéficient pas de la fraction « bourgs-centres ».

Le plancher limitant à 60 % du montant de la DSR les sommes allouées à la fraction « péréquation », inscrit dans la loi de finances l’année dernière, constituait un signal fort envoyé par l’État aux communes les plus fragiles. Nous souhaitons le conserver cette année.

J’en viens au deuxième sujet que je souhaite aborder, c’est-à-dire à la dotation de soutien aux communes pour la protection de la biodiversité et pour la valorisation des aménités rurales.

Nous nous sommes longtemps battus pour la mise en place d’une dotation bénéficiant aux communes rurales, et particulièrement aux communes de montagne, afin de rémunérer les services qu’elles rendent au pays. Cette dotation a été créée il y a seulement quatre ans.

Je tiens à saluer les avancées inscrites dans ce budget pour 2024. Le montant de cette dotation est porté de 40 millions d’euros en 2023 à 100 millions d’euros en 2024. Davantage de communes y sont éligibles, grâce à l’intégration de toutes les aires protégées. Enfin et surtout, elle prend désormais en compte la superficie réellement protégée et non plus seulement le nombre d’habitants, ce contresens ayant été corrigé.

Nous soutenons ces avancées. Pour autant, madame la ministre, de nouvelles marches resteront à gravir lors des prochains budgets, afin d’ouvrir de nouvelles perspectives de reconnaissance des nombreux services que l’espace rural rend à notre société tout entière. Le pays ne répondra pas aux enjeux environnementaux, de transition énergétique, de souveraineté alimentaire et industrielle sans les territoires ruraux à ses côtés. Nous devons donner à ces derniers les moyens d’y participer.

Enfin, je veux souligner l’importance de soutenir les investissements des collectivités, qui ont un effet levier majeur sur l’emploi local, sur le tissu économique et social ou sur l’attractivité des territoires. La DETR, la DSIL ou le fonds vert, rattaché à la mission « Écologie, développement et mobilité durables » et porté à 2,5 milliards d’euros, y contribueront.

Madame la ministre, je ne veux pas terminer mon propos sans vous remercier de votre engagement en faveur de la réforme des ZRR – nous en reparlerons à l’occasion de quelques amendements. Vous avez joué la carte de la concertation et de l’ouverture, qui a été gagnante. Elle a permis d’aboutir à un accord au Sénat, dans le seul intérêt des territoires ruraux. (Mme la ministre déléguée apprécie.)

M. Jean-Michel Arnaud, rapporteur pour avis. C’est vrai !

M. Bernard Delcros. Madame la ministre, le Sénat compte désormais sur vous et sur l’ensemble du Gouvernement pour que notre accord, soutenu unanimement dans la chambre des territoires, soit respecté et retenu dans le texte définitif qui pourrait faire l’objet d’un recours au 49.3. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Vincent Louault applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Anglars. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jean-Claude Anglars. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, en France, la relation entre l’État et les collectivités territoriales, définie par la décentralisation, repose sur plusieurs principes clés : la répartition des compétences, la libre administration des collectivités, la responsabilité des élus locaux et l’autonomie des finances locales.

L’examen de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » du projet de loi de finances pour 2024 doit être mené à partir de ces fondements : les collectivités disposent de ressources propres, de recettes directes, ainsi que de concours financiers ponctuels de l’État et de compensations issues des transferts de compétences.

Or, comme plusieurs de mes collègues l’ont rappelé, les crédits de la mission présentés par le Gouvernement ne sont pas satisfaisants : ils ne tiennent pas suffisamment compte de la conjoncture économique, ils portent un nouvel affaiblissement des marges de manœuvre fiscales des collectivités, et enfin ils accentuent la fragilisation de leur autonomie financière.

Premièrement, les évolutions négatives de la conjoncture économique en 2023 et 2024 vont affecter les budgets de fonctionnement des collectivités. Dans ce contexte, le soutien qui leur est apporté est insuffisant – mes prédécesseurs l’ont indiqué. L’augmentation annoncée de la dotation globale de fonctionnement ne suffira pas à remédier aux conséquences de l’inflation sur les ressources des collectivités.

Les collectivités devront faire face à une hausse de leurs dépenses alors que, pour la deuxième année consécutive, les crédits ouverts au titre de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » vont diminuer.

Ce constat explique la forte inquiétude des élus, exprimée il y a quelques jours lors du 105e Congrès de l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité. À ce titre, je souhaite souligner les lacunes et les carences du soutien de l’État face à la hausse des prix de l’énergie, qui entraînent de nombreuses communes, notamment rurales, vers des difficultés majeures.

Dans ce contexte contraint, les dotations d’investissement et les taux de subvention des projets financés par la DETR et la DSIL doivent être fléchés et modulés afin que la liberté de leur emploi soit préservée.

En ce sens, le verdissement des dotations ne doit pas être excessif. Au contraire, il doit être réaliste et incitatif. Au Sénat, nous avons milité pour la mise en place du fonds vert, mais à la condition qu’il reste à la main des préfets, en lien avec la mise en place de la sobriété foncière et de l’objectif ZAN.

Par ailleurs, comme vous le savez peut-être, madame la ministre, certains de nos collègues travaillent à la mise en place d’une dotation d’action parlementaire ; nous en discuterons à l’occasion de certains amendements.

M. Loïc Hervé. Il s’agit d’une bonne idée !

M. Jean-Claude Anglars. Cette dotation permettrait de redonner une certaine souplesse et de rendre une part d’arbitrage aux élus dans la défense des enjeux territoriaux, afin de mieux répondre aux besoins des communes. À titre personnel, j’y suis très favorable.

M. Loïc Hervé. Très bien !

M. Jean-Claude Anglars. Deuxièmement, ce budget de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » réduit de nouveau les marges de manœuvre fiscales des collectivités, poursuivant le recul continu observé ces dernières années.

Il faut le rappeler, l’autonomie fiscale des collectivités a été réduite au fur et à mesure des réformes menées par le Gouvernement depuis 2018. En particulier, les suppressions de la taxe d’habitation sur les résidences principales ainsi que de la CVAE ont été insuffisamment compensées, avec comme résultat une perte de plus de 1 milliard d’euros de recettes pour les collectivités.

Il existe donc une volonté d’affaiblir le pouvoir fiscal local et de réduire la part des recettes issues des impôts territorialisés dans le fonctionnement des collectivités locales.

Je souhaite à mon tour saluer le travail réalisé au sujet des ZRR : je me joins à mes collègues pour souligner que les particularités territoriales ont été prises en compte. Après avoir voté ces dispositions à l’unanimité, le Sénat espère qu’il sera entendu par le Gouvernement. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe INDEP. M. Pierre-Antoine Levi applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de lintérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Monsieur le président, madame, monsieur les rapporteurs spéciaux, monsieur le rapporteur pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis très heureuse que nous soyons aujourd’hui réunis pour ce temps fort, qui mobilise généralement beaucoup d’entre vous au sein de cette chambre des territoires : l’examen des crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales ».

Pour vous prouver une nouvelle fois que je vous écoute, je tiens à vous indiquer que le nom de cette mission pourra évoluer, plusieurs d’entre vous ayant émis ce vœu. Nous pourrons travailler ensemble à choisir un nom plus adapté.

Cette séquence constitue en réalité pour nous tous un moment précieux de débats. Elle nous permet d’échanger au sujet de la situation des finances locales et de débattre des priorités définies par le Gouvernement dans le cadre de ce projet de loi de finances pour 2024, voire de les « challenger ». Nous nous gardons, monsieur le sénateur Darnaud, de toute forme de triomphalisme.

Ces priorités pour 2024 sont au nombre de trois : d’abord, le fonctionnement et le financement des compétences locales ; ensuite, les investissements en ingénierie et la forte coloration relative à la transition écologique ; puis enfin l’accompagnement des territoires les plus fragiles par des dispositifs ciblés, comme France Ruralités, ou Quartiers 2030.

Première priorité, le budget 2024 soutient les élus au quotidien, mais aussi les collectivités les plus en difficulté.

Dans la continuité du soutien qu’il a apporté en 2022 et en 2023, le Gouvernement souhaite de nouveau abonder la DGF de 320 millions d’euros en 2024, conformément aux annonces de la Première ministre lors du dernier Congrès des maires, ce qui porte le montant total de cette dotation à plus de 27 milliards d’euros. En deux ans, le Gouvernement aura donc augmenté la DGF de 640 millions d’euros.

Mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez voté lors de l’examen de la première partie du budget une hausse de la DGF de 390 millions d’euros pour 2024. Nous sommes en désaccord quant à ce montant, mais vous pouvez tout de même reconnaître que, en raison de la division presque par deux de l’inflation entre 2023 et 2024, la décision du Gouvernement de maintenir une hausse de DGF identique de 320 millions d’euros constitue un geste fort en cette période de maîtrise budgétaire.

Ces 320 millions d’euros, nous proposons de les répartir en abondant les différentes dotations de péréquation communale. Nous renforçons ainsi de 150 millions d’euros la dotation de solidarité rurale, de 140 millions d’euros la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale, et de 30 millions d’euros la dotation d’intercommunalité, qui augmentera en réalité de 90 millions d’euros, 60 millions d’euros étant financés, en interne, par la diminution de la dotation de compensation des EPCI. Le sujet est un peu technique, mais mon propos est clair, du moins je l’espère.

Nous voulons soutenir les élus au quotidien, autour de trois engagements concernant des sujets que nombre d’entre vous ont cités : la DTS, la DPEL et les communes nouvelles. Ce budget nous donne collectivement les moyens d’atteindre trois engagements, dont la Première ministre m’a confié le pilotage.

Premier engagement, nous voulons réduire les délais de délivrance des titres sécurisés. La dotation pour les titres sécurisés s’établira désormais à 100 millions d’euros.

Je souhaite rappeler que le délai moyen de prise de rendez-vous est repassé, l’été dernier, sous la barre des trente jours, pour s’établir aujourd’hui à moins de quinze jours. Un article vous sera soumis cet après-midi afin de rendre plus incitatifs les critères de répartition de cette dotation.

Le second engagement a trait au financement du plan national de prévention et de lutte contre les violences aux élus. À ce sujet, le Gouvernement a prévu, dans la version initiale du PLF, un abondement pour financer, via la dotation particulière « élu local » - la DPEL -, l’extension de la protection fonctionnelle des élus aux communes de moins de 10 000 habitants, contre 3 500 actuellement.

C’était un premier pas, et les échanges que j’ai pu avoir avec vous ainsi que les travaux de la convention nationale de la démocratie locale (CNDL), que j’ai organisée le 7 novembre dernier, incitent à aller plus loin. Vous êtes nombreux à demander la suppression du potentiel financier des critères de répartition de la DPEL et je serai favorable aux amendements allant dans ce sens.